Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 28 juin 2017, n° 15-24400

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupe Lactalis

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Me Teytaud, Calla

TGI Paris, ord., du 11 sept. 2015

11 septembre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 septembre 2015, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) de Paris, a rendu en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

- Materne (groupe MOM), adresse [...], 69570 Dardilly, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses,

- Andros, zone industrielle, 46130 Biars-sur-Cere et les sociétés du même groupe sises à la même adresse,

- Charles Z

Monteux,

- VALADE, ZI du Verdier et/ou adresse [...], 19210 Lubersac,

- Novandie (groupe Andros), lieu-dit Telifau, 28700 Auneau, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse,

- Delis et Vergers de Chateaubourg " Unifruit " (groupe Lactalis), adresse [...] 65 220 Chateaubourg, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " Delis "

- Groupe Lactalis 10 à adresse [...], 53000 Laval et Les Placis, 35230 Bourgbarré, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses, ci-après " Lactalis "

- Conserves France, 556 chemin du Mas de Cheylon, 30000 Nimes, ci-après " Conserves France " et " Saint Mamet ".

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée suite à l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

Cette requête concernait le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes et était consécutive à la demande de clémence d'une entreprise présentée par son conseil, le 28 janvier 2014, au rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence.

A l'appui de cette requête, était jointe une liste de 33 pièces ou documents en annexe.

Qu'il était allégué d'informations selon lesquelles les entreprises susvisées auraient convenu, d'une part, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse par l'imposition de hausse tarifaires à l'occasion d'appels d'offres lancés par leurs clients constitués des grandes et moyennes surfaces de la distribution (ci-après GMS) et de la restauration hors foyer (ci-après RHF), d'autre part, de se répartir les marchés, et ce, en violation des articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du TFUE.

Ces informations émanaient d'une entreprise (désignée ci-après comme étant " le demandeur de clémence " laquelle a sollicité l'Autorité de la concurrence afin de bénéficier d'une mise en œuvre de la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce (ci-après " la clémence ") dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes. Il s'en est suivi qu'ayant obtenu le bénéfice d'une mesure de clémence conditionnelle, le demandeur de clémence a souhaité garder l'anonymat.

Il était précisé que le demandeur de clémence a déposé auprès de l'ADLC des pièces relatives à des pratiques d'échanges d'informations commercialement sensibles aux fins d'une coordination des fournisseurs sur les hausses tarifaires à pratiquer lors des appels d'offres lancés par leurs clients de la GMS et de la RHF et d'une répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients, étant précisé que ces agissements prohibés soupçonnés se seraient déroulés de 2010 à 2014.

Il résulterait de ces pièces que des comportements illicites présumés auraient été décidés à l'occasion de réunions impliquant tous les concurrents concernés (réunions plénières), soit plusieurs d'entre eux et que l'existence de ces réunions serait corroborée par des éléments documentaires, notamment des extraits du procès-verbal de la demande de clémence et des notes de frais, un tableau joint précisant les principaux lieux et dates de rencontres (notamment des hôtels) et le type de rencontres (plénières, bilatérales).

Il était également fait état de plusieurs appels téléphoniques passés avec ses homologues concurrents. En effet le demandeur de clémence a remis à l'ADLC aux fins d'exploitation un téléphone portable utilisé lors de ces échanges et l'analyse de ce téléphone ferait apparaître des appels correspondant aux numéros de cadres dirigeants ou de salariés des sociétés visées dans l'ordonnance du JLD, notamment les sociétés Materne et Z.

Par ailleurs, des courriels auraient été échangés entre concurrents sur leurs messageries personnelles.

Il ressortirait de ces divers contacts que les informations échangées seraient de nature anticoncurrentielle et relatives aux appels d'offres initiés par les clients de la GMS et de la RHF concernant les prix des produits et leurs variations, les volumes de vente ou encore les tonnages. Il serait peu probable que ces pratiques émanent des clients eux-mêmes mais, eu égard à la précision des informations communiquées par le demandeur de clémence, résulteraient d'échanges d'informations commercialement sensibles entre fournisseurs.

Une première pratique prohibée consisterait pour les fournisseurs du secteur à se concerter pour imposer des hausses tarifaires à leurs clients de la GMS et de la RHF lors des appels d'offres, cette présomption reposant sur des notes prises par le demandeur de clémence à l'occasion des réunions et des conversations téléphoniques avec ses concurrents.

Ces notes révéleraient qu'à l'occasion de leurs contacts, les fournisseurs rapporteraient à leurs concurrents les variations tarifaires à la hausse qu'ils envisageraient de proposer à leurs clients. A titre illustratif, pour des produits des clients Carrefour, les concurrents auraient envisagé, lors de la réunion plénière du 6 octobre 2010, des hausses tarifaires et au cours de la même réunion, les fournisseurs auraient été informés de l'augmentation des prix des coupelles proposée par la société Z pour son client Leclerc en 2011, un échange d'information aurait eu lieu pour la hausse tarifaire proposée par Conserves de France pour un produit distribué par Carrefour, enfin un échange d'information aurait existé relatif à la hausse pour 2013 du prix des gourdes Materne et des coupelles Z , envisagée par le distributeur Leader Price.

Il était également relevé que des tableaux d'appels d'offres mettraient en exergue les augmentations tarifaires qu'un fournisseur s'apprêtait à proposer en 2012 au client Sodexo pour les différents produits à base de " compote de pomme " et celles envisagées en 2013 par Delis et Z pour le distributeur Carrefour.

Dès lors, le JLD de Paris a estimé que ces éléments d'information pourraient constituer un indice suffisamment sérieux d'une concertation entre les entreprises visées pour coordonner l'application des hausses tarifaires à leurs clients.

Par ailleurs, une seconde pratique illicite présumée serait relative à la répartition par les industriels susmentionnés des marchés initiés par leurs clients de la GMS et RHF. Ainsi, ce partage de volumes entre concurrents se traduirait par une coordination portant sur les réponses aux appels d'offres et s'appuieraient sur l'élaboration d'offres dites " de couverture " ou l'absence de soumission et serait garanti par un mécanisme de compensation et sembleraient attester de l'existence d'offres dites " de couverture " conduisant à un partage des marchés de la GMS et de la RHF entre concurrents du secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.

Il en serait déduit que la réussite d'un tel système reposerait sur un mécanisme de compensation entre concurrents visant à indemniser des pertes de volumes subies et que cette affirmation reposerait sur la production de pièces par le demandeur de clémence, qui constituerait un état des lieux des tonnages des produits par fabricants ainsi que des gains et pertes de volume de chacun des fournisseurs visés, chez leurs clients de la GMS et RHF.

Dès lors, cette connaissance approfondie des tonnages alloués à chacun des fournisseurs suspectés pourrait être le signe d'une surveillance étroite des opérateurs et la condition nécessaire au succès du pacte de non-agression présumé.

Il en serait conclu que cet ensemble de faits rapportés ferait présumer que les fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes se coordonneraient pour répondre aux appels d'offres de leurs clients de la GMS et de la RHF afin que chacune entreprise conserve ses volumes de vente et ses clients et que des hausses de prix soient passés annuellement aux clients. De même, les agissements de trucages d'appels d'offres consisteraient à s'abstenir de soumissionner ou à proposer des offres dites " de couverture " et ces comportements concerneraient l'approvisionnement des clients de la RHF et de la GMS sous marques de distributeurs (ci-après MDD) et sous marques à petit prix (ci-après MPP).

Il s'en suivrait que ces pratiques prohibées seraient préjudiciables aux consommateurs car tendant à la mise en place d'un système de hausse artificielle du prix des fruits vendus en coupelles et en gourdes et constituerait, selon le JLD de Paris, les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes horizontales, à dimension nationale, entre producteurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes susceptibles de relever des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce.

Sur la base de ces éléments, le JLD de Paris a délivré une ordonnance de visite et de saisie à l'encontre des sociétés Materne, Andros, Z, Valade, Novandie, Delis et Vergers de Chateaubourg, Groupe Lactalis et Conserves France, autorisant les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence à rechercher dans les locaux des sociétés précitées, les documents utiles à l'apport de la preuve recherchée et a donné commission rogatoire aux JLD de Carpentras, Nimes, Rennes, Lyon, Brive la Gaillarde, Cahors, Chartres et Laval territorialement compétents, dans les ressorts desquels lesdites opérations devaient s'effectuer.

Les opérations se sont déroulées simultanément dans plusieurs locaux de la société Lactalis et une réunion a été fixée le 16 octobre 2015 afin de procéder à l'extraction des documents confidentiels figurant dans un scellé provisoire. Un scellé définitif a été réalisé.

L'audience s'est déroulée le 15 mars 2017 et l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 24 mai 2017 et prorogée au 28 juin 2017.

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, en application de l'article 367 du Code de procédure civile, et eu égard aux liens de connexité entre ces affaires, il convient de joindre les instances enregistrées sous les numéros RG 15/24400 (appel), 15/24401, 15/24407 (recours), lesquelles seront regroupées.

Les parties concluantes ont, le 2 octobre 2015, relevé appel de l'ordonnance du JLD de Paris en date du 11 septembre 2015 ainsi, que celles rendue les 15 et 17 septembre 2015 par les JLD de Laval et de Rennes et deux recours contre les opérations des 22 septembre 2015 et 16 octobre 2015.

Par conclusions en réplique et récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 18 janvier 2017, la société appelante fait valoir :

- A titre préliminaire, les observations, en ce qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH au regard du principe d'impartialité et du droit à un procès équitable, doivent être écartées

Il est soutenu que les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence sont chargés d'une part, de l'instruction du dossier sur le fond et d'autre part, de justifier, devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris, de la légalité des opérations de visite et saisies (à la fois de l'ordonnance requise auprès du JLD et de leur déroulement).

Il est soutenu que le droit à un procès équitable et le principe d'impartialité, tels qu'ils résultent de l'article 6 § 1 de la CESDH, imposent que la mission des services d'instruction soit menée à charge et à décharge pour la personne mise en cause. Or, les Observations de l'ADLC révèlent que ce n'est absolument pas le cas en l'espèce.

En effet, il ne peut y avoir d'instruction équitable et impartiale si l'administration cherche à relever uniquement des éléments à charge et à devancer l'instruction du dossier sur le fond.

Dans ces conditions, les Observations contreviennent aux exigences fondamentales du droit à un procès équitable et du principe d'impartialité et doivent donc être écartées de ce fait.

Par conséquent, il est demandé d'annuler l'ordonnance.

- Sur l'annulation de l'ordonnance

I) L'ordonnance doit être annulée, en ce qu'elle repose sur une requête infondée au regard des impératifs de l'article L. 450-4 du Code de commerce

A) A titre principal, l'ordonnance n'est absolument pas justifiée à l'encontre de l'appelante, faute d'un quelconque indice sérieux la concernant

Il est mis en exergue qu'il n'y a aucune référence à l'appelante dans la requête, sauf dans la liste des sociétés visées par la demande d'opérations de visite et saisies et dans l'extrait K-Bis également joint à la requête.

Il est argué que ces deux documents ne peuvent en aucun cas être qualifiés d'indices sérieux de son implication dans les pratiques suspectées.

Quant aux justifications indiquées par l'administration pour vraisemblablement valider a posteriori les opérations de visite et saisies, il est soutenu qu'aucune d'elles n'est recevable, quand elles ne se contredisent pas.

En effet, l'Autorité argue que les opérations de visite et saisies seraient justifiées par le fait que l'appelante appartiendrait au même groupe que les deux autres sociétés visées (Delis et Vergers de Chateaubourg), passant sous silence l'absence d'un quelconque autre indice de son implication dans les pratiques suspectées. Ainsi faisant, elle ignore la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris (ordonnance n° 189, 20 mai 2010, Sixt, RG 09/12406), qui rappelle que les liens capitalistiques ne peuvent suffire pour étendre les opérations de visite et saisies à une autre société.

Ensuite, l'administration indique que cela résulterait de la combinaison de trois critères cumulatifs suivants : Lactalis (et non Groupe Lactalis) serait mentionnée dans les pièces annexées à la requête ; les messageries électroniques des salariés de Lactalis figurerait sur le même serveur que ceux de Delis, sans toutefois indiquer en quoi cela constituerait un indice sérieux ; l'un de ses salariés aurait participé aux réunions suspectées, cependant la personne mentionnée ne travaille pas pour l'appelante, ainsi que la lecture de la requête pouvait aisément permettre de vérifier.

Il est argué qu'aucun de ses éléments n'est susceptible de prouver que le Groupe Lactalis appartiendrait au même groupe que les deux autres sociétés sus-mentionnées.

Enfin, il est soutenu que les jurisprudences citées par l'ADLC sont sans rapport avec les faits de l'espèce.

En effet, la jurisprudence " Canal + ", qui avait reconnu la possibilité d'opérations de visite et saisies, malgré une mauvaise dénomination, dès lors que les entreprises visées se situaient dans les mêmes locaux, est inopposable à l'appelante dans la mesure où, d'une part, il n'existe toujours aucun indice sérieux à son encontre et d'autre part et surtout, les faits sont sans rapport avec l'espèce, les locaux de l'appelante n'étant absolument pas situés à la même adresse que ceux des autres sociétés ayant fait l'objet des visites domiciliaires.

Par ailleurs, la jurisprudence selon laquelle les opérations de visite et saisies ont été étendues à des entreprises qui avaient un serveur commun, étaient situés dans les mêmes locaux et avaient les mêmes dirigeants est également inopposable à l'appelante, qui n'a notamment ni les mêmes locaux, ni les mêmes dirigeants que les autres sociétés visées par les visites domiciliaires.

En outre, la jurisprudence sur laquelle se fonde l'argumentation de l'Autorité selon laquelle la présence d'un serveur supposé commun avec les autres entreprises justifierait les opérations de visite et saisies est inopposable à l'appelante dans la mesure où les faits de l'espèce diffèrent fondamentalement de ceux des jurisprudences citées. En effet, il ne s'agit ici nullement d'apprécier le bien-fondé ou non d'une consultation à distance d'un serveur depuis les locaux des autres entreprises visitées.

Dès lors, faute d'indice sérieux quant à l'éventuelle implication de l'appelante dans les pratiques en cause, la présence d'un serveur, identifié a posteriori par l'ADLC, ne peut permettre de justifier rétroactivement les opérations de visite et saisies dans ses locaux.

A fortiori, cela ne peut pas justifier la saisie depuis les locaux de l'appelante des messageries d'un salarié (M. Olivier Klein) ne travaillant pas pour la société Groupe Lactalis, ni pour les deux autres sociétés visées par l'ordonnance, étant par ailleurs entendu que pour le salarié et le dirigeant des deux autres sociétés visées par l'ordonnance (MM. Mouchotte et Philippe), la saisie de leurs messageries pouvait parfaitement être réalisée depuis les locaux desdites sociétés et il n'était donc pas légalement justifié d'aller le faire depuis les locaux de l'appelante.

Il est également fait observer que, dans la suite de ses écritures, l'administration désigne l'appelante sous la dénomination " Lactalis/Délis ", tentant ainsi de lui opposer des éléments de la requête visant cette seconde société (pour laquelle il n'existe du reste pas plus d'indice sérieux de son implication).

Il est argué que c'est d'autant plus choquant que c'est l'appelante elle-même qui, pour apporter la preuve qu'elle n'était en pratique absolument pas visée par la requête, avait signalé dans ses conclusions que le procès-verbal de notification des OVS la concernant indiquait " nous sommes présentés dans les locaux de la société Groupe Lactalis, ci-après Délis ", démontrant ainsi que c'est cette seconde société qui était visée. L'ADLC avait tenté de justifier cette confusion dans ces observations en la qualifiant de simple " erreur de plume " pour ensuite à nouveau maintenir cette assimilation dans ses écritures, démontrant ainsi qu'il ne s'agit pas d'une erreur de plume mais d'une volonté délibérée.

Dans ces conditions, il est demandé d'annuler l'ordonnance ainsi que les opérations de visite et saisies prises sur son fondement.

B) A titre subsidiaire, si par extraordinaire l'ordonnance ne devait pas être annulée, du fait de l'absence même de toute référence à l'appelante, elle devrait néanmoins être annulée en l'absence de tout indice laissant présumer une implication de sa part dans les pratiques suspectées

1) Il n'existe tout d'abord aucun indice sérieux de nature à laisser présumer de prétendues pratiques anticoncurrentielles concernant les produits commercialisés sous marques nationales (" MDF ")

Il est mis en exergue que le demandeur à la clémence lui-même indique qu'il " n'a pas été témoin direct de telles pratiques [...] ", " n'a pas d'éléments concrets ", ni " de preuve ni de connaissance de l'existence de l'entente sur " ce segment.

Par ailleurs, de telles présomptions apparaissent totalement incohérentes avec les pratiques recherchées qui, d'après la requête, concernent des appels d'offres ' qui ne peuvent concerner que les seuls produits MDD et non les MDF (ces dernières faisant l'objet de campagnes de négociations commerciales annuelles et non d'appels d'offres).

Les opérations de visite et saisies ne sauraient donc être autorisées sur un marché pour lequel il n'existe pas de présomption de pratiques anticoncurrentielles.

En toute hypothèse, il n'existe aucune mention de l'appelante concernant de telles pratiques sur le segment des MDF, ce qui n'est guère étonnant dans la mesure où elle n'est pas du tout présente sur le secteur visé par les opérations de visite et saisies.

2) Il n'existe pas plus d'indices, de quelque nature que ce soit, pour présumer d'une implication de l'appelante dans d'éventuelles pratiques illicites sur les autres segments du secteur visé par la requête (produits MDD sur les canaux de la RHF et de la GMS)

A titre préliminaire, il est soutenu que les visites domiciliaires ne peuvent être justifiées dans la mesure où elles reposent exclusivement sur des déclarations anonymes du demandeur à la clémence et n'étaient pas corroborées, comme l'exige pourtant la jurisprudence, par d'autres éléments d'information.

Il est argué que la lecture de la requête et de ses annexes ne permet de déceler l'existence d'aucun indice laissant présumer la participation de la société Groupe Lactalis aux pratiques suspectées.

Tout d'abord, l'appelante prend bonne note, à la lecture des conclusions de l'administration, que les annexes 7 et 8 de la requête ne la visent pas et que, par ailleurs, 3 réunions ne la concernent pas puisqu'il s'agit de réunions bilatérales entre Materne et le demandeur de clémence, ce qu'elle ne pouvait pas deviner eu égard à la confidentialisation excessive des déclarations du demandeur de clémence.

Ensuite, en premier lieu, rien ne permet de présumer sa participation aux 7 prétendues réunions plénières entre concurrents mentionnées dans la requête et reprises dans l'ordonnance.

A cet égard, il est soutenu que l'appelante n'est jamais citée comme participante à ses réunions et que les déclarations du demandeur de clémence, comme les conclusions de l'administration, comportent de nombreuses incohérences, contradictions ou erreurs manifestes concernant la tenue ou le prétendu contenu anticoncurrentiel de ces réunions (ce qui ressort notamment des notes de frais produites par le demandeur à la clémence contradictoires avec les faits qu'elles sont censées démontrer, ou encore d'explications contradictoires dans les observations de l'Autorité pour tenter de justifier certaines déclarations manifestement erronées du demandeur à la clémence).

Concernant plus particulièrement la réunion du 3 novembre 2011, une contradiction majeure est soulignée : l'annexe 3 bis à la requête indique que M. Rudaux, collaborateur de la société Andros, ne voulait plus être appelé par téléphone ou participer aux réunions en raison d'une enquête de l'ADLC sur le comportement d'Andros dans le secteur des produits laitiers frais. Il est ici fait référence à l'enquête relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais qui a donné lieu à la décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 de l'ADLC.

Or, ladite décision indique que l'ADLC ne s'est saisie de ces pratiques que le 20 janvier 2012 et qu'elle n'a initié des opérations de visite et saisies que le 9 février 2012, soit plusieurs mois après cette réunion du 3 novembre 2011. Dès lors, les déclarations du demandeur de clémence apparaissent erronées.

Dans ses conclusions, l'Autorité tente de justifier la justesse des déclarations du demandeur de clémence, en indiquant que M. Rudaux avait connaissance de l'enquête en cours car il a pu être averti par le demandeur à la clémence, qui n'avait pas respecté son anonymat et a donc " pu avertir, de manière volontaire ou involontaire (...) certains membres du cartel de sa démarche auprès de l'Autorité de la concurrence, ce qui explique que le 3 novembre 2011, M. Rudaux connaissait l'existence possible d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais, secteur dans lequel il travaille pour la société Novandie ".

Il est argué que cette allégation est en totale contradiction avec ce que l'ADLC indique par ailleurs concernant la nécessité " de préserver l'anonymat de l'entreprise ". En effet, jusqu'à la date de levée de l'anonymat (lors de la notification de griefs), le demandeur de clémence a l'obligation de garder le secret sur l'enquête (cfr. Communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français, § 23), pour bénéficier de l'immunité, ce qui a bien été le cas en l'espèce.

Concernant la réunion plénière du 17 juillet 2013, il est soutenu que les notes prises au cours de ladite réunion n'apportent aucun élément de nature à présumer d'une entente.

Par ailleurs, pour une grande partie des réunions, il n'existe pas d'élément documentaire pour corroborer leur existence : en particulier, il n'existe aucune note de frais qui correspondraient aux dates des prétendues réunions du 6 octobre 2010, 6 avril 2011, 10 juin 2011 ou encore 2 mars 2012.

De surcroît, quand des notes de frais existent, comme pour la réunion du 3 septembre 2013, elles ne permettent absolument pas de laisser présumer la participation de l'appelante à des prétendues comportements illicites.

En deuxième lieu, il ressort de la requête que la société Groupe Lactalis n'a participé à aucun des échanges téléphoniques entre concurrents sur lesquels la requête et l'ordonnance se fondent, ce que l'ADLC ne conteste pas d'ailleurs dans ses écritures.

En troisième lieu, il n'existe pas plus d'indice d'une participation de l'appelante aux échanges de courriels entre concurrents sur lesquels la requête et l'ordonnance se fondent.

II) L'ordonnance doit en tout état de cause être annulée en ce que le bien-fondé de la requête n'a manifestement pas été vérifié par le JLD, en violation de l'exigence légale de l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce

A) Le JLD n'a manifestement pas examiné le bien-fondé de la requête

Il est soutenu que la jurisprudence exige que le JLD vérifie si la requête se fonde sur d'éventuels éléments qui apparaîtraient incohérents, contradictoires ou encore insuffisants à l'encontre des sociétés visées et qu'il en tire les conséquences concernant le bien-fondé des OVS demandées.

Or, en l'espèce, ce contrôle du JLD n'a manifestement pas été effectué, ainsi que le témoignent les insuffisances et inexactitudes manifestes contenues dans la requête (en particulier, il n'est jamais fait mention de l'appelante dans cette dernière et son annexe K-Bis indique clairement qu'elle n'est pas présente sur le secteur d'activité concerné en l'espèce) et ses contradictions manifestes (il est fait noter, à titre d'exemple, que l'une des adresses indiquées pour l'appelante " à Bourgbarré " était erronée, ainsi que l'annexe K-bis permettait d'identifier immédiatement).

B) Faute de transmission au JLD d'un nombre extrêmement important d'éléments du dossier de l'ADLC et du fait d'une confidentialité excessive des pièces remises par cette dernière, l'ordonnance ne permet pas de garantir à l'appelante le respect de ses droits à la défense, du principe du contradictoire, de l'égalité des armes et du droit au recours effectif

Il est fait observer que 133 fichiers numériques, qui figuraient à l'annexe 3 bis, n'ont jamais été transmis au JLD.

D'après l'appelante, cela est d'autant plus problématique que, au regard des dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 1 du Code de commerce, le JLD, pour vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée, doit disposer de " tous les éléments d'information en possession " de l'ADLC.

Par ailleurs, les justifications avancées par l'administration " protection de l'anonymat du demandeur à la clémence, du secret des affaires et des données personnelles " ne doivent pas occulter le fait que le contenu d'une très large majorité des pièces annexées à la requête a été rendu illisible ou, au mieux, incompréhensible tant pour le JLD que pour l'appelante.

Dans ces conditions, le JLD n'a pas pu apprécier la valeur réelle des présomptions d'entente alléguées par l'ADLC sur lesquelles la demande d'OVS est fondée.

Il est argué que cette disproportion a entraîné des conséquences directes et irrémédiables sur les droits de la défense de l'appelante.

Enfin la pratique des ordonnances pré-rédigées par l'administration est critiquée, car elle met en cause l'impartialité du JLD.

III) L'ordonnance doit enfin être annulée en ce qu'elle constitue manifestement une mesure disproportionnée

Il est rappelé qu'aux termes de l'article 8 CESDH ainsi que de l'article 7 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne, toute ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée, du domicile et de sa correspondance doit être strictement proportionnée et ne doit être autorisée que si elle est considérée " comme nécessaire à la poursuite de ces objectifs ".

Faute de tout indice concernant l'implication de l'appelante dans les pratiques suspectées, les opérations de visite et saisies autorisées à l'encontre de l'appelante, ne peuvent qu'être manifestement disproportionnées.

Il est argué qu'au regard de l'absence de pièces visant directement l'appelante et du fait que l'appelante n'est aucunement suspectée d'avoir participé aux pratiques alléguées, le JLD aurait dû opter pour d'autres mesures moins attentatoires à ses droits fondamentaux mais tout aussi efficaces pour les besoins de l'ADLC, notamment celles permises par l'article L. 450-3 du Code de commerce.

- Sur le déroulement des opérations de visite et saisies

I) A titre principal, les opérations de visite et saisies doivent être annulées, en ce qu'elles ont violé le secret des correspondances, le respect du droit à la vie privée et le respect des droits de la défense de l'appelante

La requérante soutient que la méthode de scellés fermés provisoires, employée par l'administration, conduit en pratique à la violation manifeste du secret des correspondances, du respect du droit à la vie privée et du respect des droits de la défense.

A l'appui de son argumentation, elle cite la jurisprudence française et européenne qui précise bien que " la violation dudit secret intervient dès que le document est saisi par les enquêteurs " et " non après que les enquêteurs en ont pris connaissance ".

Or, la méthode sus-mentionnée conduit à ce que chaque fois qu'un document couvert par le secret de la correspondance avocat-client a été signalé à l'ADLC, comme étant contenu dans les scellés provisoires, il a été systématiquement examiné par l'Autorité, ce qui a entraîné une violation répétée et continue du secret des correspondances avocat-client pendant les OVS.

Par ailleurs, cette méthode pose un certain nombre de difficultés au regard des exigences de la jurisprudence, notamment concernant la nécessité de dresser un inventaire ou de donner copie des pièces saisies, ce qui n'a pas été fait en l'espèce au stade des scellés provisoires pour s'assurer de pouvoir extraire les documents protégés avant la mise sous scellés définitifs.

Dans ces conditions, faute de disposer d'une copie des scellés fermés provisoires et d'un inventaire précis, la société Groupe Lactalis n'a pas été en mesure de vérifier pleinement l'adéquation des saisies réalisées avec le respect du secret des correspondances, en violation de l'article 8 de la CESDH et de l'article 56 du Code de procédure pénale sur renvoi de l'article L. 450-4 du Code de commerce, qui imposait pourtant à l'ADLC de mettre en place préalablement aux saisies " toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel ".

En outre, il est argué que le délai octroyé à la requérante pour procéder au recensement des documents en cause était anormalement bref et totalement disproportionné au regard de l'ampleur des documents saisis.

Ainsi, à ce jour, des documents protégés par le secret des correspondances avocat-client demeurent toujours dans les scellés définitifs, dont la majeure partie avait été identifiée par la société Groupe Lactalis immédiatement après les opérations de visite et saisies.

Enfin, d'après la requérante, il est regrettable que ces garanties ne visent pas également les correspondances privées et les documents en dehors de l'objet de l'enquête.

Concernant les correspondances privées, il est argué qu'affirmer, comme le fait l'administration, que comme les saisies ont été opérées sur des messageries professionnelles, elles ne sont réputées contenir des correspondances privées, c'est nier la position de la Cour de cassation, qui a eu l'occasion de rappeler que le salarié a droit au respect de sa vie privée, y compris concernant des messageries mises à disposition par son entreprise.

II) A titre infiniment subsidiaire, s'il n'annule pas les OVS, le Premier président de la Cour d'appel de Paris devra à tout le moins prononcer la restitution d'une partie importante des documents saisis

La requérante soutient qu'il en va ainsi de tous les documents en dehors du champ de l'enquête, tels que référencés en annexes 1, 2 et 4 à ses écritures, dans la mesure où ils concernent des documents saisis chez la société Groupe Lactalis, alors qu'aucun indice d'une quelconque implication de cette dernière dans les pratiques suspectées ne peut lui être opposé.

Il en va de même pour tous les documents qui apparaissent couverts par le secret des correspondances avocat-client ou par le droit à la protection de la vie privée, figurant en annexe 3 aux conclusions.

En conclusion, la société Groupe Lactalis demande de :

- écarter d'office les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 27 septembre 2016 ;

- annuler l'ordonnance prononcée le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et l'ensemble des actes pris sur son fondement et, à ce titre, l'ordonnance prononcée le 15 septembre 2015 par le JLD du TGI de Laval et l'ordonnance prononcée le 17 septembre 2015 par le JLD du TGI de Rennes ;

- annuler les procès-verbaux de visite et saisies des 22 septembre et 16 octobre 2015 ;

- en conséquence, condamner Madame la Rapporteure générale à restituer à la société Groupe Lactalis l'ensemble des pièces saisies (à savoir le contenu intégral du scellé n° 1 saisi à Laval) ;

En tout état de cause :

- allouer à la société Groupe Lactalis la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'Autorité de la concurrence au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 27 octobre 2016, l'Autorité de la concurrence fait valoir :

- Sur la légalité de l'ordonnance

I) Sur la prétendue absence de bien-fondé de la demande d'autorisation concernant l'appelante

A) Sur la prétendue absence de référence dans la requête concernant l'appelante

En premier lieu, il est fait valoir que le juge a retenu la société Groupe Lactalis parce qu'elle appartenait au même groupe que Delis et Vergers de Chateaubourg, ainsi qu'il le montre l'annexe 10 à la requête.

En deuxième lieu, il est précisé que le juge peut autoriser des visites et saisies en tous lieux, même privés, dès lors qu'il constate que des documents se rapportant à des pratiques anticoncurrentielles présumées sont susceptibles de s'y trouver.

Ainsi, Groupe Lactalis, société mère de Vergers de Chateaubourg et Delis, n'était concernée par les investigations qu'en tant que ses locaux, à une adresse clairement définie, étaient susceptibles d'abriter des éléments de preuve, et non en qualité de participante directe aux pratiques collusoires frauduleuses suspectées à ce stade de l'enquête.

Il est argué que le fait que l'appelante se prétende inactive dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes est sans emport.

En troisième lieu, il est soutenu que, conformément à la jurisprudence la plus récente de la Haute juridiction, il suffit que la personne morale visée ait le même dirigeant et/ou la même adresse que les autres sociétés soupçonnées de comportent anticoncurrentiel et/ou des liens capitalistiques pour que la mesure autorisée soit justifiée, ce qui est le cas en l'espèce, puisque Groupe Lactalis était unie par des liens capitalistiques avec Vergers de Chateaubourg et Delis.

En effet, il n'est pas soutenu que ces trois sociétés n'aient aucun lien économique, organisationnel et juridique car elles appartiennent au même groupe (Delis étant une filiale à 99 % de Vergers de Chateaubourg, elle-même filiale à 100 % de Groupe Lactalis).

Or, il est admis en droit de la concurrence que la notion d'entreprise doit être comprise comme désignant une unité économique pouvant être constituée de plusieurs personnes morales. Il est de la même manière admis qu'une société a de fortes chances de voir son comportement commercial déterminé par l'entreprise qui détient 100 % de son capital ou la quasi-totalité de celui-ci.

Au-delà des liens capitalistiques, le lien organisationnel entre Groupe Lactalis et Delis est évident puisque les salariés du Groupe Lactalis et des sociétés du même groupe, tout comme ceux de Delis, ont une adresse de messagerie qui prend la forme suivante " [email protected] " (v. annexe 6 à la requête).

Au cas présent, l'adresse électronique. @lactalis.fr justifiait de la même manière la demande d'autorisation concernant Groupe Lactalis et les sociétés du même groupe, dès lors que. @lactalis.fr peut signifier Groupe Lactalis ou toute autre société ayant Lactalis dans sa dénomination ou raison sociale.

D'après l'administration, l'essentiel est finalement que les enquêteurs se trouvaient bien à la bonne adresse indiquée par le juge dans son autorisation et que les supports d'information investigués étaient accessibles depuis le lieu visité. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En dernier lieu, il est soutenu que les annexes n° 1, 3bis, 6, 8.2 et 10 à la requête mentionnent expressément la société Groupe Lactalis.

A cet égard, l'ordonnance de la Cour d'appel de Paris (18 février 2010, n° 09/12549), citée par l'appelante, ne change rien à cette situation, ni l'administration ni le juge de l'autorisation n'ayant soutenu que la visite et saisie s'imposait du fait que Groupe Lactalis était un acteur majeur de la filière économique concernée.

Par ailleurs, la mention de Delis dans les PV dressés le 22 septembre 2015 (" Nous sommes présentés dans les locaux de la société Groupe Lactalis et des sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après Delis ") constitue une simple erreur de plume, qui n'a d'ailleurs pas été reprise lors du PV d'ouverture des scellés fermés provisoires le 16 octobre 2015.

En outre, s'agissant de l'argumentation selon laquelle la requête et ses annexes ne font référence qu'à Lactalis qui ne peut être confondue avec Groupe Lactalis et autoriser la visite, d'une part, l'administration n'a pas à identifier toutes les sociétés d'un même groupe sises à la même adresse, ce principe étant rappelé de manière régulière par la Cour de cassation.

D'autre part, toutes les sociétés qui contenaient dans leur intitulé Lactalis pouvaient être visitées à l'adresse indiquée et ce, y compris la société Groupe Lactalis, ainsi qu'il a été rappelé par la CEDH.

En définitive, il suffit que les ordinateurs (ou le serveur) se trouvent à l'adresse indiquée, pour que la visite et saisie soit justifiée.

Or, au cas présent, le serveur se trouvait bien dans les locaux de la société Groupe Lactalis, visés expressément par l'autorisation judiciaire.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

B) Sur le prétendu cantonnement du champ de l'ordonnance au marché des produits vendus sous marques de distributeurs (MDD) ou marques à petits prix (MPP) à destination des clients des grandes et moyennes surfaces de la distribution (GMS) et de la restauration hors foyer (RHF)

L'administration soutient que c'est à tort que l'appelante considère qu'il faudrait exclure du champ de l'enquête les produits vendus sous MDF car le marché des produits sous MDD ou MPP se distingue du marché des produits sous MDF.

En effet, le juge de l'autorisation a bien précisé le secteur économique concerné par son autorisation, celui relatif aux " fruits vendus en coupelles et en gourdes ".

Il est rappelé que l'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un " secteur " économique et non sur un ou des marchés pertinents (plus restreint que le précédent), dont la délimitation relèvera de l'ADLC et des juridictions qui seront éventuellement amenées à statuer ultérieurement sur les résultats de la mesure autorisée.

En effet, au stade des investigations, où aucune accusation n'est portée à l'encontre de l'appelante, les visites et saisies autorisées ont pour but de vérifier si dans un secteur économique donné - en l'espèce, celui " des fruits vendus en coupelles et en gourdes " -, les règles de la concurrence jouent pleinement.

De plus, il est de jurisprudence constante que le JLD ne délivre pas une autorisation indéterminée et respecte les prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce en autorisant des visites et saisies en vue de rechercher la preuve des pratiques dans un secteur de l'économie.

Au cas présent, le JLD de Paris a bien défini un secteur de l'économie. Il a également analysé des agissements, au nombre de deux en l'espèce, qui relèvent des pratiques prohibées prévues aux articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) TFUE (coordination des hausses tarifaires et répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients) et entrant dans le secteur économique concerné, qui lui sont apparus suspects, au regard des infractions aux règles de la concurrence.

Les différents agissements suspects ne sont que des illustrations de l'entente potentiellement organisée et réalisée par l'entreprise visée. Cette liste n'est donc pas exhaustive, comme le premier juge l'a mentionné à la page 8 de son autorisation judiciaire.

De surcroît, la jurisprudence de la Cour de cassation valide la saisie des documents, dès lors qu'ils entrent dans le cadre du secteur économique concerné par les investigations.

Dans ces conditions, le JLD de Paris n'a pas voulu exclure du champ des investigations les produits sous MDF, d'autant plus qu'il n'est pas rare qu'il puisse exister un jeu de compensations réciproques entre les différentes sociétés impliquées à la même époque sur différents marchés individualisés ayant un lien de connexité évident. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En définitive, il appartiendra à l'instruction en cours de délimiter le ou les différents marchés pertinents.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit rejeté.

C) Sur la prétendue non implication de l'appelante concernant les produits MDD et MPP

1) Sur les prétendues déclarations anonymes non corroborées par d'autres sources

Il est soutenu que l'appelante fait une confusion entre une dénonciation anonyme et une demande de clémence, dans le cadre de laquelle l'entreprise qui dénonce souhaite conserver l'anonymat afin d'éviter des mesures de représailles.

Ainsi, la déclaration écrite du demandeur de clémence (annexe 3 bis) ne saurait constituer une déclaration anonyme, dès lors que les éléments qu'elle consigne émanent des deux avocats du demandeur de clémence, également signataires de la contribution écrite du demandeur de clémence, accompagnée de pièces jointes.

Elle ne saurait donc constituer une déclaration anonyme puisqu'elle consigne les déclarations émanant des conseils du dénonciateur, signataires du document. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Dans ces conditions, les informations transmises par le demandeur de clémence n'ont pas à être corroborées par d'autres sources.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

2) Sur la prétendue insuffisance des indices concernant l'appelante pour autoriser sa visite domiciliaire

En premier lieu, il est rappelé que l'article L. 450-4, alinéa 6 du Code de commerce offre une voie de recours devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris concernant exclusivement la légalité de l'ordonnance d'autorisation. Par conséquent, toute discussion relative à la requête est inopérante, dès lors que celle-ci ne constitue qu'une simple demande de l'Autorité qui ne pourrait recevoir aucune suite en l'absence de l'ordonnance d'autorisation.

En deuxième lieu, il est également fait observer qu'au stade de l'autorisation de visite et saisie, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui, par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article L. 450-4 du Code de commerce, la décision d'autorisation du JLD de Paris du 11 septembre 2015 a été rendue sur le fondement de seules pièces annexées à la requête du 7 septembre 2015. Le dossier n'était pas incomplet et le juge a souverainement caractérisé l'existence de présomptions, de la pratique anticoncurrentielle d'entente, justifiant sa décision. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En ce qui concerne plus précisément la contestation des éléments d'information figurant dans la motivation de l'ordonnance d'autorisation, le fait d'analyser les indices un à un ou les pièces annexées à la requête une à une, comme le fait l'appelante, pour en tirer la conclusion que le JLD n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite dans ses locaux n'a pas de sens.

En effet, seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs simples présomptions de pratiques anticoncurrentielles.

En l'espèce, le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) et du caractère suffisant des faits exposés par l'ADLC ayant conduit, après description et analyse, à des soupçons de comportements illicites dans le secteur des fruits vendus en coupelles et gourdes (bien-fondé de la demande).

Il est argué que, sur ce dernier point, la lecture de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le JLD de Paris montre que le magistrat a estimé, au terme d'une analyse motivée, que les divers documents versés à l'appui de la requête de l'Autorité, permettaient de retenir une présomption d'entente à l'égard de l'appelante (pages 4 à 8 de l'ordonnance).

Par conséquent, c'est en vain que l'appelante prétend qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice de son implication personnelle dans les pratiques prohibées présumées.

En effet, il suffit que l'appelante paraisse impliquée dans l'une des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée.

Or, deux agissements semblaient mêler directement l'appelante aux pratiques prohibées présumées [la concertation pour imposer des hausses tarifaires et la répartition des appels d'offres lancés par les grandes et moyennes surfaces de la distribution (GMS) et la restauration hors foyer (RHF) et sa participation au mécanisme de comparaison sur lequel repose la réussite de la seconde pratique illicite soupçonnée identifiée par le JLD].

Par ailleurs, si la méthode du faisceau d'indices est utilisée au fond pour apporter la ou les preuves de pratiques anticoncurrentielles, en l'absence de pièces se suffisant à elles-mêmes, cette méthode est d'autant plus recevable pour établir l'existence d'une ou plusieurs simples présomptions au stade de l'affaire où les investigations n'ont pas encore été réalisées en totalité.

En définitive, seule l'instruction en cours permettra de connaître, avec l'examen des documents saisis lors des investigations, la véritable motivation de Lactalis/Delis et l'existence ou non de pratiques prohibées à son encontre, notamment dans le cadre de réunions et d'échanges illicites d'informations confidentielles par tout autre moyen.

Enfin, l'administration apporte des précisions concernant l'ordonnance d'autorisation et l'argumentation de l'appelante.

Tout d'abord, il est argué que c'est à tort que l'appelante critique les annexes 7 et 8.6 à la requête qui ne la concernent pas puisque, comme il a été indiqué supra, seules les annexes 1, 3 bis, 6 et 8 (8.1, 8.2, 8.5, 8.10, 8.11, 8.13, 8.14 et 8.15), 9.3, 9.4 et 10 visent Lactalis/Delis.

Ensuite, il est encore rappelé que l'appelante se fonde sur une interprétation erronée de la demande de clémence qu'elle feint de confondre avec des déclarations anonymes pour contester sa participation aux réunions relatées par le demandeur de clémence.

En outre, l'acquiescement de Lactalis/Delis aux pratiques illicites suspectées, invoqué par l'appelante, n'est pas exigible au stade de l'opération de visite et saisie.

Enfin, concernant plus particulièrement la participation contestée par Lactalis/Delis aux 10 réunions mentionnées dans l'ordonnance d'autorisation en page 5, 3 d'entre elles ne la concernent pas puisqu'il s'agit de réunions bilatérales entre le demandeur de clémence et l'entreprise Materne.

S'agissant de la réunion plénière du 6 octobre 2010, l'annexe 3 bis à la requête indique : " toutes les sociétés mentionnées dans l'annexe 1 y ont participé. L'objectif de cette réunion était d'élaborer un accord sur des ententes anticoncurrentielles. [...] Les notes manuscrites démontrent aussi une discussion avec Délis concernant son offre relative aux gourdes chez Lidl et Leaderprice ".

S'agissant de la réunion plénière du 4 novembre 2010, l'annexe 3 bis indique également " toutes les sociétés participantes étaient représentées ".

S'agissant de la réunion du 24 janvier 2011, l'annexe 3 bis mentionne la présence de MM. Colas et Petitcolas de Materne et de M. Philippe de Delis : " l'annexe 12.1 est une page de l'agenda de (...) du 24 janvier 2011. A côté de 16h, Lyon a été écrit. (...) Après la réunion, les personnes concernées ont dîné ensemble ".

S'agissant de la réunion plénière du 10 juin 2011, l'appelante ne conteste pas sa participation à cette réunion à 14h et se contente d'indiquer que le demandeur de clémence ne fournit pas de note de frais pour cette date.

S'agissant de la réunion du 3 novembre 2011, l'appelante ne critique pas sa participation à la réunion mais le contenu de celle-ci, notamment l'intervention de M. Rudaux de la société Andros. Elle soutient sur la base des seuls propos tenu lors de cette réunion, que les allégations du demandeur de clémence sont inexactes car M. Rudaux ignorait le 3 novembre 2011 qu'une enquête, à la suite de la demande de clémence de l'entreprise Yoplait, avait été ouverte dans le secteur des produits laitiers frais, l'ADLC ne s'étant saisie que le 20 janvier 2012.

Il est argué que la société appelante feint d'ignorer que dans l'affaire des produits laitiers frais, la société Yoplait n'avait pas souhaité conserver l'anonymat, à compter des opérations de visite et saisies, lors du PV de réception du demandeur de clémence du 12 août 2011 par l'Autorité, antérieur à la réunion du 3 novembre 2011 précitée, et a pu avertir, de manière volontaire ou involontaire, certains membres du cartel de sa démarche auprès de l'administration, ce qui explique que le 3 novembre 2011, M. Rudaux connaissait l'existence possible d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais, secteur dans lequel il travaillait pour la société Novandie.

Dans ces conditions, la seule connaissance par M. Rudaux de l'existence potentielle d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais le 3 novembre 2011 ne rend pas inexactes les déclarations écrites du demandeur de clémence contenues dans l'annexe 3 bis à la requête car rien ne permet de confirmer ou infirmer, au regard du calendrier de la procédure dans cette affaire des produits laitiers frais, que M. Rudaux ignorait le 3 novembre 2011 l'existence d'une enquête dans ce secteur.

S'agissant de la réunion plénière du 17 juillet 2013 à l'exception d'Andros, il est soutenu que le fait que le demandeur de clémence indique que lors de cette réunion les notes prises " sont des observations internes et ne constituent pas de preuve de l'entente " répond exactement à la jurisprudence en vigueur qui, au stade de la demande d'autorisation de visite et saisie, n'exige pas la production d'éléments probants mais de simples présomptions de pratiques prohibées.

S'agissant de la réunion plénière du 3 septembre 2013, l'annexe 3 bis indique : " par exemple, Valade veut fournir les coupelles 16x100 (4 goûts) chez Galec et Delis veut fournir le nouveau produit chez Aldi France ".

Pour finir, l'appelante prétend qu'elle ne fait pas partie des " trois plus grands acteurs dans le domaine des coupelles et des gourdes " pour tenter de minimiser son implication dans l'entente présumée.

A cet égard, il est argué que l'entreprise Lactalis/Delis ne se trouve pas dans une position distincte des autres protagonistes du cartel dénoncé par le demandeur de clémence, le fait qu'elle ne soit pas parmi les trois acteurs principaux étant sans incidence, au stade de l'enquête, sur sa participation au cartel, dès lors qu'elle active sur le secteur concerné.

En troisième lieu, il est argué que le fait que les éléments d'information mis à la disposition du JLD de Paris pour rendre son autorisation ne proviennent que du demandeur de clémence ne saurait discréditer leurs contenus.

Par ailleurs, la jurisprudence n'impose nullement que l'Autorité de la concurrence se doive de fournir des éléments d'information remis directement par l'entreprise suspectée pour justifier sa visite domiciliaire.

Dans ces conditions, il est demandé que le moyen soit rejeté.

II) Sur le prétendu défaut de vérification du bien-fondé de la requête

En premier lieu, il est soutenu que si effectivement, l'administration présente au JLD, dans un souci de commodité, une requête et un projet d'ordonnance, elle le fait toujours en version papier accompagnée d'une version numérique, ce qui permet au magistrat, qui n'a nullement l'obligation d'en faire un quelconque usage, de modifier, s'il désire s'en servir, le projet d'ordonnance d'autorisation qui lui est soumis, autant qu'il le souhaite.

Soutenir, comme le fait l'appelante, que le juge n'a pas examiné le dossier pour effectuer son contrôle est inexact.

En effet, en 4 jours, le JLD de Paris a parfaitement pu procéder aux vérifications qui s'imposaient.

En outre, les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée, lequel en endosse la responsabilité. La circonstance que l'ordonnance soit la reproduction de la requête de l'administration est sans incidence sur la régularité de la décision.

En deuxième lieu, il est soutenu que conformément à l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce, la décision d'autorisation du 11 septembre 2015 du JLD de Paris a été rendue sur le fondement des seules pièces annexées à la requête du 7 septembre 2015.

Dans ces conditions, le dossier n'était pas incomplet et le juge a souverainement caractérisé l'existence de présomptions des pratiques anticoncurrentielles d'action concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui auraient pour objet ou effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse et se répartir les marchés, justifiant sa décision.

Les entreprises suspectées, dont l'appelante, ont été informées de l'objet de la mesure autorisée, des pratiques anticoncurrentielles présumées et du secteur sur lequel elles auraient été commises.

Par conséquent, l'appelante ne saurait se faire un grief de ce que les documents n'aient pas figuré à la procédure de demande d'autorisation de visite et saisies.

De surcroît, l'occultation des documents n'est ni excessive ni disproportionnée et l'ordonnance d'autorisation indique clairement les raisons pour lesquelles une partie des annexes à la requête a été occultée.

Tout d'abord, pour qu'une procédure de clémence puisse être attractive, il est nécessaire de préserver l'anonymat de l'entreprise lorsqu'elle en fait la demande.

Il est argué que l'autorité judiciaire, et par conséquent le JLD, est intéressée par l'attractivité de la procédure de clémence en qualité de garant de l'ordre public et ce, y compris l'ordre public économique, afin de tenter de préserver le bien-être économique du pays en favorisant la révélation d'infractions économiques par des entreprises repenties, qui permet ainsi le démantèlement de cartels de plus en plus difficiles à déceler du fait de l'extrême prudence des différents protagonistes à l'entente.

Il est également précisé qu'une demande de clémence repose avant tout sur la volonté d'une entreprise de se voir exonérer totalement ou partiellement de sanction pécuniaire, lorsqu'elle dénonce sa participation à une entente et coopère avec l'ADLC.

Dès lors que l'Autorité a adopté, conformément aux dispositions de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce, un avis de clémence non public, l'administration n'a pas l'obligation de produire à l'appui de sa requête le PV de réception du demandeur de clémence ainsi que toute autre pièce, qui pourrait relever l'identité du repenti, dans leur intégralité, afin de préserver la confidentialité de la démarche du demandeur de clémence jusqu'à la notification des griefs.

En tout état de cause, l'autorité judiciaire dispose du pouvoir discrétionnaire, laissé par la loi, d'ordonner ou non la production d'éléments d'information ou de preuve détenus par une partie, sans être tenue de s'expliquer sur une telle demande.

Par conséquent, en préservant l'anonymat du demandeur à la clémence, le JLD de Paris n'a aucunement porté atteinte au principe contradictoire, inexistant au stade de la demande d'autorisation, ni excédé ses pouvoirs mais en a fait une exacte application.

Ensuite, s'agissant de l'argument selon lequel la requête et l'ordonnance d'autorisation seraient fondées sur des éléments tronqués et incompréhensibles, il est argué qu'il appartient tant à l'Autorité de la concurrence qu'à l'autorité judiciaire de tout faire pour que des secrets d'affaires ne tombent pas entre les mains de personnes morales concurrentes.

Le JLD, dans le cadre d'une procédure d'autorisation de visite et saisie, est le garant du respect des secrets d'affaires et s'il estime qu'une communication plus étendue des pièces doit être réalisée, il peut l'ordonner, ce qui ne s'est pas passé au cas d'espèce, le juge ayant au contraire pris grand soin de protéger au maximum les secrets d'affaires et estimé les éléments fournis suffisants en l'état.

Enfin, s'agissant de la protection des données personnelles des personnes physiques, notamment à l'annexe 6 de la requête, il est argué qu'on comprend mal comment une telle protection pourrait léser les intérêts de l'appelante.

En troisième lieu, en ce qui concerne la violation de l'article 6 § 1 de la CESDH, invoquée par l'appelante, il est précisé que celle-ci a eu l'accès à l'intégralité du dossier sur lequel s'appuie l'ordonnance d'autorisation et a pu contester la légalité de l'ordonnance du JLD de Paris ainsi que le déroulement des opérations de visite et saisies.

Il est également rappelé que les droits de la défense, tels que définis par l'article 6 de la CESDH, ne sont pas pleinement applicables au stade de la procédure de constatation des infractions qui inclut la mise en œuvre de la recherche de la preuve.

En droit des pratiques anticoncurrentielles, les droits de la défense, notamment la mise à disposition du dossier, ne commencent qu'à la communication des griefs par l'Autorité de la concurrence, alors que la recherche de la preuve est terminée.

A ce stade de l'enquête, c'est le principe de loyauté qui s'applique et non pas celui du contradictoire.

En l'espèce, ce principe est garanti par la notification des ordonnances d'autorisation et sur commission rogatoire qui mentionnent l'objet de l'enquête, la connaissance et le respect des règles éthiques, déontologiques et de probité par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, la présence possible d'un conseil, la présence d'officiers de police judiciaire qui contrôlent le respect de la procédure et qui constituent une garantie pour le justiciable, la saisine en cas de difficulté et le déplacement possible sur les lieux du JLD et, enfin, le recours en contestation tant de la légalité de l'ordonnance d'autorisation que du déroulement des opérations de visite et saisies ouvert à l'appelante et exercé par celle-ci, afin de tenter d'obtenir l'annulation totale ou partielle de la procédure. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Or, il n'est pas été démontré par l'appelante que les enquêteurs auraient mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir des éléments d'information lors des investigations. Au contraire, cette exigence de loyauté a été parfaitement remplie.

En effet, l'ordonnance du JLD de Paris ainsi que l'ordonnance du JLD de Laval, rendue sur commission rogatoire, prévoyaient la saisine du juge pendant les opérations de visite et saisies.

Cependant, l'occupant des lieux, M. Pascal Maugeais, responsable juridique, n'a pas jugé bon de saisir le JLD de Laval durant les investigations par le biais de l'OPJ présent, dont c'est justement le rôle d'entrer en contact téléphonique avec le juge du contrôle si une difficulté ou contestation leur est soumise, ce qui n'a pas été le cas, en l'espèce.

Au surplus, les réserves écrites sont toujours possibles. Elles sont remises directement à l'OPJ qui les communique au JLD, ce qui de nouveau n'a pas été le cas, en l'espèce.

Sur le caractère pré-rédigé de l'ordonnance de visite et de saisie, le JLD signataire de l'ordonnance est également destinataire d'une copie numérique de celle-ci, lorsque la requête est déposée au greffe du tribunal. Entre le dépôt et la signature de l'ordonnance, il peut modifier à sa guise le modèle d'ordonnance qui lui est proposé en supprimant des arguments non-pertinents, en les remplaçant par une autre motivation et enfin, peut tout simplement refuser de faire droit à la requête de l'ADLC. En ayant cette possibilité de modifier, de rectifier ou de refuser de délivrer une autorisation, il s'approprie l'autorisation qu'il signe, son rôle ne se limitant pas à une simple mission de chambre d'enregistrement. Ainsi son impartialité ne peut être mise en cause.

Dans ces conditions, il est demandé donc que les moyens et sous moyens soient écartés.

III) Sur le caractère prétendument disproportionné de la mesure d'enquête ordonnée

Tout d'abord, s'agissant du principe de proportionnalité et du droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance dont l'appelante se prévaut, il est rappelé que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH, ni d'ailleurs par celle des juridictions nationales.

En effet, la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2.

Pour être admissible, l'ingérence de l'autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 est subordonnée à une triple condition : être prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique. L'État français remplit ces trois conditions.

Dans ces conditions, l'appelante ne peut sérieusement contester que la visite et la saisie de documents de tout support d'information ont été autorisées par le JLD de Paris et réalisées sous contrôle judiciaire.

Deuxièmement, concernant l'argument selon lequel la mise en œuvre des moyens d'investigation de l'article L. 450-4 du Code de commerce était inutile pour mener l'enquête et l'instruction de ce dossier, l'article L. 450-3 dudit Code étant suffisant, d'une part, une telle critique a été rejetée à maintes reprises par la jurisprudence.

En effet, au regard de la complexité des agissements illicites présumés et de leur caractère secret, l'ADLC n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

D'autre part, la mesure autorisée par le JLD de Paris avait notamment pour objet de vérifier si le comportement suspecté de Lactalis/Delis était motivé par la volonté de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse et se répartir les marchés passés à l'occasion des appels d'offres lancés par la grande et moyenne distribution (GMS) et la restauration hors foyer (RHF), ce, en violation des dispositions des points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101-1 a) et c) TFUE.

Seule la visite inopinée des bureaux et la saisie des notes, documents et, le cas échéant des messageries électroniques des principaux responsables de Lactalis/Delis, en charge notamment de répondre aux appels d'offres de la GMS et de la RHF, pouvaient permettre de contrôler la volonté de se répartir les marchés entre concurrents et faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, sur le secteur économique considéré.

Concrètement, il est rare en pratique que la preuve d'agissements anticoncurrentiels résulte du simple droit de communication, les opérateurs étant de mieux en mieux formés aux enquêtes de concurrence.

A partir du moment où le JLD a au préalable examiné les documents soumis et pris le soin de décrire et analyser chacune des présomptions de pratiques anticoncurrentielles qu'il entendait retenir, le recours à l'article L. 450-4 du Code de commerce est parfaitement justifié.

En définitive, l'ordonnance du JLD de Paris du 11 septembre 2015 est à l'abri de toute critique et ne souffre d'aucune incomplétude ou vice susceptible d'en affecter la légalité et d'aboutir à son annulation.

Pour toutes ces raisons, il est demandé que le moyen soit rejeté.

- Sur le déroulement des opérations de visite et saisies

I) Sur l'annulation des opérations et la restitution de l'ensemble des pièces saisies

I.1) Sur la violation du secret des correspondances avocat-client

En premier lieu, l'administration tient à rappeler que les saisies intervenues dans les locaux de Lactalis n'ont porté que sur des messageries électroniques professionnelles, dont la particularité est de contenir à la fois des messages entrant parfaitement dans les prévisions de l'autorisation, ce qui n'est pas contesté par la requérante, mais également des messages étrangers à l'objet de l'enquête.

Ces messageries électroniques sont de type Microsoft Outlook. Elles sont structurées de telle manière que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l'agenda ou les contacts. Il est fait valoir que cette organisation informatique n'est en aucun cas le fait des rapporteurs et préexistait avant leur arrivée dans les locaux de la société visitée.

Par conséquent, l'administration ne pouvait que constater ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans Outlook, ne pouvant en aucun cas le modifier.

Dès lors, la saisie de documents relatifs à des échanges entre l'entreprise et ses avocats ne résulte aucunement d'une recherche délibérée des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence.

En effet et au cas présent, cette saisie est la conséquence de leur présence dans un fichier de messagerie électronique professionnelle de M. Klein uniquement (la requérante n'ayant produit aucune liste de correspondance avocat-client en ce qui concerne MM. Philippe et Mouchotte).

Dès lors que les rapporteurs ont constaté que ces messageries renfermaient des messages entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD, ce que la requérante ne conteste pas, ils ont procédé à la copie globale du fichier pour les raisons développées supra.

Il est soutenu que cette saisie accidentelle et non délibérée de documents couverts par la confidentialité des échanges entre un avocat et son client ne peut invalider la saisie des autres documents appréhendés simultanément et dans des conditions parfaitement régulières.

Ainsi, la présence de documents protégés ne peut avoir pour conséquence d'entraîner ni l'annulation de l'ensemble des opérations, ni même l'annulation de la saisie des messageries électroniques qui contiendraient ces documents. Une telle annulation conduirait en effet à priver l'Autorité de pièces régulièrement saisies, utiles à l'enquête et à l'instruction, et porterait irrémédiablement atteinte à l'efficacité de celles-ci.

En deuxième lieu, il est fait valoir que les rapporteurs ont demandé à Lactalis si des documents qui seraient protégés par les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, étaient susceptibles de se trouver dans les fichiers appréhendés, et ce, préalablement à la saisie (page 2 du procès-verbal).

Il ressort du procès-verbal (page 4) que peu avant la clôture des opérations, M. Maugeais, responsable juridique de l'entreprise et occupant des lieux, a estimé que les trois messageries électroniques de MM. Mouchotte, Philippe et Klein étaient finalement susceptibles de contenir des documents protégés.

Aucune justification ni liste exhaustive de documents n'a été exigée de l'occupant des lieux et aucune vérification n'a été diligentée par les rapporteurs le 22 septembre 2015. Une simple déclaration sur la présence potentielle de documents protégés a suffit pour déclencher la mesure de protection.

En conséquence, les enquêteurs ont donc placé sous scellés fermés provisoires les messageries électroniques professionnelles sélectionnés, le temps que l'entreprise établisse la liste des correspondances protégées.

Ainsi, Lactalis a bien bénéficié d'une mesure destinée à protéger ses droits de la défense et le secret professionnel en évitant la saisie de correspondances protégées.

En troisième lieu, s'agissant de la critique selon laquelle Lactalis n'a pas reçu copie des données informatiques placées sous scellé fermé provisoire, il est indiqué qu'au stade de la mise sous scellé provisoire, la saisie n'est pas encore définitive.

C'est la raison pour laquelle aucune copie des fichiers n'est conservée par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ni remise à l'entreprise et l'inventaire complet et définitif des fichiers ne peut pas être réalisé immédiatement.

Pour autant, afin de permettre à l'entreprise d'identifier les fichiers qui ont été appréhendés et placés temporairement sous scellés fermés provisoires, une liste complète des fichiers a été annexée au procès-verbal et remise à l'entreprise. Cette liste énumère précisément le nom de chaque fichier copié, ainsi que sa taille, son empreinte numérique, ses caractéristiques et sa localisation sur l'ordinateur ou le serveur à partir duquel il a été copié.

Il appartient dès lors à l'entreprise qui bénéficie de cette mesure de vérifier dans les fichiers originaux, dont elle dispose librement, les messages qui relèvent, selon elle, de la protection prévue par la loi du 31 décembre 1971. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Cette opération d'identification par Lactalis n'apparaît présenter aucune difficulté opérationnelle sans qu'il soit nécessaire de rappeler que les fichiers en cause appartiennent à la requérante et qu'ils sont de toute évidence parfaitement connus de celle-ci ; en outre, ils ont été dénommés très précisément dans la liste remise par les rapporteurs, de telle sorte qu'ils peuvent être aisément identifiés sur les ordinateurs sources ou le serveur.

En toute hypothèse, la requérante dispose des fichiers originaux, dont elle n'a jamais d'ailleurs été privée, et peut librement y accéder dès la fin des opérations pour identifier les documents protégés.

Surtout, au cas d'espèce, la requérante a pu bénéficier de la remise immédiate des fichiers sélectionnés dans la mesure où ceux-ci avaient été mis à la disposition des rapporteurs, sur leur demande, par l'entreprise sur deux clés USB qui lui ont été restituées, avec les fichiers concernés, dès la fin des opérations techniques.

D'ailleurs, Lactalis à adresse à l'Autorité une liste de 320 documents protégés au titre de la correspondance avocat-client, ce qui démontre en soi qu'elle a pu réaliser cette recherche sans rencontrer de difficultés insurmontables.

En quatrième lieu, l'administration fait valoir qu'il n'a jamais été demandé à Lactalis de motiver sa demande de protection et il n'est nulle part fait mention, dans le procès-verbal de visite et saisie, d'une quelconque obligation pour l'entreprise de démontrer le caractère protégé des documents qu'elle estime couverts par le secret des correspondances avocat-client.

Par ailleurs, dans un souci d'égalité de traitement, le délai de 15 jours laissé à Lactalis pour identifier les correspondances avocat-client a été fixé de manière uniforme pour toutes les entreprises visitées, en tenant compte du secteur concerné et des contraintes induites tant pour les entreprises que pour l'Autorité de la concurrence.

S'agissant enfin de l'ampleur des fichiers saisis, il ressort de la lecture du procès-verbal du 22 septembre 2015 et des listes des fichiers sélectionnés qui y sont annexés que seuls 3 fichiers ont été saisis dans les locaux de Lactalis à Laval, alors que le système d'information de cette entreprise multinationale doit en contenir probablement plusieurs centaines de milliers.

Ces saisies ne concernent que 3 salariés ayant des fonctions en lien avec les investigations autorisées par le JLD de Paris.

Il est argué que les enquêteurs ont fait montre de discernement et de proportionnalité dans le processus de saisie, par un ciblage des messageries investiguées. Ces éléments témoignent à eux seuls de la sélectivité mise en œuvre pour appréhender les données se rapportant à l'objet de l'enquête.

En cinquième lieu, il est rappelé que le secret qui s'attache aux correspondances avocat-client n'est pas absolu. A cet égard, rien n'interdit aux rapporteurs de prendre connaissance succinctement du contenu du message pour déterminer si celui-ci relève effectivement de la protection invoquée.

En effet, la seule façon de déterminer si un document relève ou non de la correspondance avocat-client est d'en observer le contenu. A défaut de procéder à cette vérification sommaire, il serait très aisé pour une entreprise de dissimuler parmi des documents prétendument couverts par le secret des échanges avocat-client, des pièces pertinentes pour l'affaire.

Par ailleurs, l'examen mené par les enquêteurs a permis la suppression spontanée de 4 courriels supplémentaires manifestement couverts par la protection issue de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et que l'entreprise Lactalis n'avait pas listés, protégeant ainsi activement les droits de l'entreprise.

En dernier lieu, il est mis en exergue qu'après une nouvelle vérification sur la base des informations fournies, aucun des documents listés par la requérante dans le tableau fourni le 6 octobre 2016 ne figure dans la copie de travail détenue par l'Autorité de la concurrence, qui est une copie conforme des données placées sous scellé définitif et de celle remise à Lactalis le 16 octobre 2015.

Quant aux autres documents couverts par le secret des correspondances avocat-client mais non listés le 6 octobre 2015, dont la requérante fait état (annexe n° 2 à ses écritures), il est soutenu que si la présence de correspondances protégées par les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ne peut entraîner l'annulation de l'opération ou de la saisie des fichiers de messagerie dans lesquels elles sont incluses, l'annulation prononcée par le juge des seules pièces bénéficiant de cette protection suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits.

Cependant, Lactalis n'ayant pas produit ces documents, il n'est pas possible de se prononcer sur leur nature confidentielle ou non.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

I.2) Sur la violation du respect au droit à la vie privée

L'administration tient à rappeler que les enquêteurs n'ont vérifié et saisi aucune messagerie personnelle des salariés, les investigations ayant exclusivement porté sur des boîtes de messageries électroniques professionnelles mises à leur disposition par leur employeur Lactalis pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariale.

Il est argué que les messageries électroniques appréhendées au cours de l'opération l'ont été parce qu'elles contenaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD de Paris. Dès lors, les rapporteurs ne pouvaient que procéder à la saisie globale de ces messageries pour les raisons exposées supra.

La présence de correspondances à caractère privé dans la saisie, si elle est avérée, ne pourra pas entraîner la nullité totale des opérations mais seulement la restitution des pièces identifiées comme privées.

Enfin, s'agissant de l'argument de la requérante s'appuyant sur les articles 7 et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il est rappelé que ses dispositions sont applicables aux États membres " uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union " (article 51 § 1).

Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, le fait de viser l'article 101-1 TFUE n'impliquant pas la mise en œuvre des pouvoirs d'enquête du règlement n° 1/2003 mais ceux de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

I.3) Sur la violation des droits de la défense de l'entreprise

Il est argué que la requérante ne fait que reprendre les moyens qu'elle a précédemment développées et auxquels il a déjà été répondu supra.

Dès lors, il est demandé que ce moyen redondant soit également écarté.

II) Sur la demande de restitution de documents, à titre infiniment subsidiaire

II.1) Sur la demande de restitution des documents se situant hors du champ de l'enquête

Il est soutenu que la requérante a mépris l'étendue des investigations autorisées par le JLD de Paris en date du 11 septembre 2015.

En effet, l'ordonnance du JLD a autorisé l'administration a diligenter des investigations dans les locaux de la société Groupe Lactalis sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce " dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée ".

Les investigations autorisées ne sont en conséquence pas limitées au seul marché des fruits en coupelles et en gourdes commercialisés sous MDD et MPP, mais bien autorisées pour toutes les coupelles et gourdes de fruits.

Ensuite, s'agissant de l'argument selon lequel les investigations ne pouvaient être menées que sur des faits se situant dans la période octobre 2010 - janvier 2014, il est fait valoir que l'ordonnance précise que " l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations des pratiques prohibées, dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ", ce qui autorise les rapporteurs à appréhender d'autres pièces que celles se rapportant à la période 2010-2014.

Par conséquent, si l'Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de 5 ans au regard de la prescription quinquennale de l'article L. 462-7 du Code de commerce, rien n'interdit en revanche de saisir des documents concernant des faits couverts par la prescription.

En effet, l'article L. 462-7 du Code de commerce organise la prescription des faits, et non des documents qui peuvent être saisis et utilisés pour éclairer les faits non prescrits susceptibles d'être sanctionnés, à la condition qu'il n'en soit pas tiré de conséquences quant à la gravité de ces derniers. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Quant aux documents postérieurs à 2014, ils ont un intérêt certain car ils peuvent montrer que les pratiques prohibées ont perduré, le cas échéant, entre certains des protagonistes suspectés entre la demande de clémence du 28 janvier 2014 et les opérations de visite et saisies réalisées le 22 septembre 2015.

Par conséquent, il est demandé de rejeter la demande de restitution portant sur des documents relatifs aux produits de marque (MDF) ou se situant en dehors de la période 2010-2014.

Enfin, s'agissant de l'argument selon lequel la totalité du contenu des fichiers des messageries électroniques de MM. Klein, Mouchotte et Philippe, saisis dans les locaux de la société Groupe Lactalis et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, dont l'activité est l'achat et la vente de produits laitiers, serait hors du champ de l'autorisation, il est à nouveau fait valoir que les locaux de Groupe Lactalis et tous les supports d'information qui s'y trouvaient ou y étaient accessibles, pouvaient faire l'objet d'une opération de visite et saisie, conformément à l'article L. 450-4 du Code de commerce et à la jurisprudence en vigueur.

Dans ces conditions, il est demandé que le moyen soit écarté.

II.2) Sur la demande de restitution des documents couverts par le secret des échanges avocat-client

L'administration rappelle à nouveau que la saisie éventuelle de correspondances protégées ne résulte aucunement d'une recherche délibérée des enquêteurs mais est la conséquence de leur présence dans les fichiers de messageries électroniques professionnelles de certains salariés de l'entreprise Lactalis.

Dès lors que les rapporteurs ont constaté que ces messageries renfermaient des messages entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD, ce qui n'est ici pas contesté, ils ont procédé à la copie globale du fichier pour les raisons déjà exposées.

En outre, grâce à la procédure mise en place par l'ADLC, Lactalis a pu établir la liste des documents qu'elle considérait comme protégés par les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971. Ces derniers ont été supprimés le 16 octobre 2015 en présence du représentant de l'entreprise, de son avocat et d'un officier de police judiciaire, à l'exception de ceux qui n'étaient manifestement pas présents dans les fichiers placés sous scellés fermés provisoires et que Lactalis avait à tort dénombrés.

Quant à la liste de documents (annexe 4.2 aux conclusions de Lactalis) qui subsisteraient dans les saisies (scellé n° 1 constitué le 16 octobre 2016) et qui relèveraient de la protection susnommée, elle se décompose en une première série de documents qui avaient été listés par la requérante le 6 octobre 2015 mais qui n'ont pas été localisés par les rapporteurs de l'ADLC lors de l'ouverture des scellés fermés provisoires. A cet égard, l'administration a déjà répondu supra.

La seconde série de documents concerne des pièces qui n'avaient pas été identifiées par Lactalis préalablement à l'ouverture des scellés fermés provisoires. Il s'agit de 4 messages électroniques.

Cependant, ces courriels ne sont identifiés par Lactalis que par les noms de leurs expéditeurs et destinataires, leurs dates et heures de réception et leurs objets. Aucune des informations fournies ne permet de présumer qu'ils émanent ou sont à destination d'un avocat.

Dans ces conditions, la demande de restitution ne pourra qu'être rejetée.

II.3) Sur la demande de restitution des documents relevant de la vie privée

Tout d'abord, l'administration tient à rappeler que les documents identifiés par la requérante proviennent des messageries électroniques appréhendées au cours des opérations parce qu'elles contenaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD de Paris. Dès lors, leur saisie ne résulte que de leur présence dans ces fichiers et de leur saisie globale pour les raisons exposées supra.

Il est également rappelé que les enquêteurs n'ont vérifié et saisi aucune messagerie personnelle des salariés, les investigations ayant exclusivement porté sur des boîtes de messageries électroniques professionnelles mises à leur disposition par leur employeur Lactalis pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariale.

La requérante se contente cependant ici de lister les documents qu'elle juge relatifs à la vie privée mais ne produit pas ces pièces et leur contenu. Ainsi faisant, elle ne satisfait pas aux conditions établies par la jurisprudence.

En ne mettant pas le Premier président en mesure de se prononcer sur la nature des documents contestés, la demande de restitution ne pourra qu'être rejetée.

Il est demandé donc d'écarter ce moyen.

En conclusion, l'administration demande de :

- confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et, par voie de conséquence, les ordonnances rendues sur commission rogatoire par les JLD des TGI de Laval et Rennes les 15 et 17 septembre 2015 ;

- rejeter la demande d'annulation, à titre principal, des procès-verbaux de visite et saisie des 22 septembre et 16 octobre 2015 et de l'ensemble des opérations diligentées dans les locaux de la requérante et de restitution des pièces saisies contenues dans le scellé définitif n° 1 constitué le 16 octobre 2015 ;

- rejeter les demandes de restitution des annexes n° 1, 2, 3 et 4 formulées à titre infiniment subsidiaire ;

- condamner l'appelante au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis en date du 2 mars 2017, le Ministère Public fait valoir :

- Sur la légalité de l'ordonnance rendue par le JLD de Paris le 11 septembre 2015

- Les JLD se sont assurés du bien-fondé de la requête à l'égard de la société Groupe Lactalis

Il est argué que la circonstance que les locaux de la société Groupe Lactalis soient situés à la même adresse que ceux de la société du même groupe, susceptibles d'abriter des éléments de preuve des pratiques prohibées soupçonnées, suffit à justifier l'autorisation de visite et saisies.

En effet, la possibilité que soient localisés dans les locaux de la société Groupe Lactalis des éléments utiles à l'enquête est établie au regard de ce que : cette société est localisée à la même adresse que les sociétés Vergers de Chateaubourg et Delis ; des liens capitalistiques très forts existent entre la société Groupe Lactalis et, d'une part, la société Vergers de Chateaubourg, qui est sa filiale à 100 % ainsi que, d'autre part, la société Delis, détenue à 99 % par Vergers de Chateaubourg et qui est donc sa sous-filiale ; des indices de possible participation à des pratiques prohibées ont été relevés à l'encontre des sociétés Vergers de Chateaubourg et Delis.

Par ailleurs, il résulte de la structure capitalistique de Lactalis que la société Groupe Lactalis est à même de prendre les décisions pour l'ensemble du groupe, ce qui suffit déjà en soi à l'impliquer possiblement dans les pratiques anticoncurrentielles pouvant avoir été menées par les sociétés qu'elle contrôle.

Il est argué que la jurisprudence Sixt de la Cour d'appel de Paris n'est pas applicable à l'espèce, car l'autorisation de visites et saisies est ici justifiée par un ensemble de circonstances et non pas par la considération des seuls liens capitalistiques.

Le Ministère Public soutient que l'imbrication de l'organisation de l'activité des trois sociétés appartenant au même groupe est établie.

En effet, il a également été constaté que : les messageries de M. Philippe, dirigeant de la société Delis et de M. Mouchotte, travaillant dans les sociétés Vergers de Chateaubourg et Delis, étaient stockées sur le serveur de la société Groupe Lactalis à Laval, d'où elles étaient accessibles ; les salariés de la société Groupe Lactalis et des sociétés du même groupe ont une adresse de messagerie qui prend la forme " [email protected] " (annexe 6 à la requête) ; M. Klein, salarié de la société Groupe Lactalis, ainsi que MM. Philippe et Coulombu, salariés de la société Delis, ont participé aux réunions mentionnées à l'annexe 6 à la requête. En outre, les annexes à la requête n° 1, 3 bis, 6, 8.2 et 10 mentionnent expressément la société Groupe Lactalis.

- Le JLD n'a pas à déterminer, dans l'ordonnance d'autorisation, le ou les marché(s) pertinent(s) dans le secteur économique qu'il définit, car ce sont précisément les résultats des investigations qu'il autorise qui permettront d'identifier ces marchés

- Le JLD du TGI de Paris a fondé son autorisation de visite et saisies sur les suspicions de comportements anticoncurrentiels, dans le secteur économique des " fruits vendus en coupelles et en gourdes ", résultant des indices qui lui ont été communiqués permettant, notamment, de soupçonner les entreprises concernées de coordonner leurs hausses tarifaires et de répartir les marchés en vue de conserver les volumes de vente et les clients

Il est fait valoir que d'après la jurisprudence, le JLD qui autorise des visites et saisies en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans un secteur de l'économie ne délivre pas une autorisation indéterminée, même si l'ordonnance d'autorisation n'a identifié que certaines illustrations de pratiques prohibées.

- Les éléments recueillis par l'Autorité de la concurrence dans le cadre d'une demande de clémence ne peuvent être considérés comme issus d'une dénonciation anonyme. Ils n'ont pas à être corroborées d'autres sources

- Les indices concernant la possible implication dans des pratiques anticoncurrentielles de la société Groupe Lactalis, avec sa filiale Delis, étaient suffisants pour autoriser la visite domiciliaire et les saisies

Il est argué que la critique portant sur l'absence de caractère probant des pièces sur lesquelles se fonde l'existence des pratiques illicites soupçonnées est inopérante.

En effet, pour délivrer son autorisation de visite et saisies, le JLD doit seulement vérifier, aux termes de l'article L. 450-4 alinéa 2 du Code de commerce, que les pièces utiles du dossier qui lui sont transmises au soutien de la requête constituent, prises ensemble, des indices permettant de considérer que des comportements anticoncurrentiels auxquels l'entreprise visée a pu participer aient pu exister.

Or, le JLD a ici examiné 12 annexes à la requête du 7 septembre 2015 (dont 7 visaient Lactalis/Delis), dont l'examen d'ensemble lui a permis de considérer, dans son ordonnance du 11 septembre 2015, qu'existaient, à l'encontre de ces sociétés, des indices d'entente prohibée, expresse ou tacite ou de coalition dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.

Le JLD a ici souverainement apprécié la pertinence des pièces produites pour caractériser les indices d'une entente ayant pour objet ou pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse et d'opérer une répartition des marchés entre les entités visées.

Il est soutenu que l'examen isolé des éléments de la requête ne peut avoir de sens, le juge devant et ayant ici pris en considération le faisceau de ces indices.

Par ailleurs, il suffit d'une seule pièce qu'il juge pertinente pour que le JLD estime, après analyse de l'ensemble des faits, que la société appelante puisse avoir participé à une pratique prohibée.

Or, l'annexe 3 bis, constituée de la contribution écrite du demandeur de clémence, signée de ses deux avocats, après une " enquête interne approfondie " pour faire face à son obligation de coopération loyale et totale est ici une pièce pertinente et suffisante, signée par ses deux avocats, dans le cadre d'une procédure instituée par le législateur, ce qui exclut la qualification de dénonciation anonyme.

Il est également argué que les indices pris en compte, dans leur globalité, par l'ordonnance d'autorisation concernent bien la société appelante, associée par structure capitalistique, localisation et organisation de l'activité à la société Delis qu'elle contrôle à 100 %.

La société Groupe Lactalis, agissant en qualité de société contrôlant à 100 % sa filiale Delis apparaît en conséquence directement impliquée dans les faits relevés, constituant un ensemble d'indices de participation à une concertation pour imposer des hausses tarifaires et la répartition des appels d'offres lancés par les grandes et moyennes surfaces de la distribution, la restauration hors foyer et, plus largement, à un mécanisme de compensation destiné à atteindre les objectifs illicites ainsi fixés.

En l'espèce, l'Autorité relève que Lactalis/Delis a participé à 7 des 10 réunions mentionnées dans l'ordonnance d'autorisation, ainsi que le fait apparaître l'annexe 3bis à la requête.

- La circonstance que soit présenté au JLD, suivant une procédure habituellement suivie en matière d'ordonnance sur requête, un projet d'ordonnance, en version papier et en version numérique, n'est pas de nature à porter atteinte au pouvoir de décision du JLD, qui est mis en mesure de rejeter, amender ou adopter le projet qui lui est soumis

- L'article 8-1 de la CESDH n'est pas applicable en la matière, du fait que la limitation à l'exercice du droit concerné est justifiée par la mise en œuvre de l'exception posée par l'article 8-2 de la même convention

En définitive, aucun élément ne permet ici de remettre en cause la légalité de l'ordonnance rendue.

- Sur le déroulement des opérations

- L'absence en l'espèce de toute violation du secret des correspondances entre les avocats et leurs clients

Il est soutenu que la technique du placement sous scellé provisoire, validée par la jurisprudence pour permettre de concilier les impératifs de préservation de l'efficacité des investigations et ceux du respect des droits fondamentaux des personnes visitées a été régulièrement mise en œuvre.

Les messageries électroniques professionnelles Microsoft Outlook ont été saisies en copie et dans leur intégralité, la Cour de cassation imposant qu'elles soient insécables afin de garantir leur authenticité.

Le représentant de l'entreprise ayant indiqué que des documents protégés pouvaient figurer dans les fichiers saisis, un scellé provisoire a été constitué afin que, en suite d'une réunion contradictoire organisée avec l'entreprise et ses avocats, cette dernière puisse désigner les documents couverts par le secret et destinés à être éliminés, après appréciation contradictoire, au moment de la constitution du scellé définitif. L'entreprise se voit remettre liste complète des fichiers copiés, annexés au procès-verbal. Cette liste énumère précisément le nom de chaque fichier copié, sa taille, son empreinte numérique, ses caractéristiques et sa localisation sur l'ordinateur ou le serveur à partir duquel il a été copié.

L'entreprise qui a conservé les originaux des fichiers placés en copie dans le scellé provisoire a ainsi toute latitude pour identifier les éléments dont elle peut demander l'éviction du scellé définitif. Il lui est également loisible de demander un report de la date de la réunion contradictoire qui lui est proposée.

Le Ministère Public soutient que cette procédure a ici été pleinement respectée.

En ce qui concerne les 4 courriels supplémentaires, provenant de la messagerie électronique professionnelle de M. Klein, qui relèveraient, selon la requérante, de la protection de la correspondance avocat-client et qu'elle dit n'avoir pas initialement identifiés, il est argué que la Cour n'est pas en mesure de vérifier le contenu de ces 4 messages, qui ne lui est pas communiqué par la requérante.

Dans ces conditions, il ne lui est donc pas possible de savoir s'ils portent ou non atteinte au secret des correspondances avocat-client ni de se prononcer sur la demande les concernant.

En tout cas, même à la supposer établie, la présence de ces courriels ne saurait entraîner la nullité dans son intégralité de la saisie opérée.

Il est également fait observer que seuls 3 fichiers ont été saisis dans les locaux de Lactalis à Laval, alors que le système d'information de cette entreprise multinationale doit en contenir probablement plusieurs centaines de milliers. Ceci suffit à écarter toute critique sur le caractère massif, indifférencié et disproportionné de la saisie.

Par ailleurs, l'examen contradictoire intervenu pour vérifier le bien-fondé de la demande de suppression du scellé définitif des messages que la requérante soutenait être protégés par le secret professionnel, ne peut en aucun cas recevoir la qualification de violation de ce secret.

En effet, cette vérification sommaire du contenu de la pièce dont la suppression est demandée, est rendue indispensable par le fait que, à défaut, il serait tentant pour l'entreprise visitée de dissimuler parmi des documents prétendument couverts par le secret des échanges avocat-client des pièces utiles à la caractérisation des pratiques prohibées en cause.

Enfin, les rapporteurs n'ont d'évidence pas réussi à localiser lors de l'ouverture des scellés fermés provisoires n° 1 et 2 une liste de 15 courriels figurant dans le tableau fourni par Lactalis le 6 octobre 2015, du fait que, à ce qu'indique l'Autorité, " après une nouvelle vérification sur la base des informations fournies, il apparaît qu'aucun de ces documents ne figure dans la copie de travail détenue par l'Autorité de la concurrence, qui est une copie conforme des données placées sous scellé définitif et de celle remise à Lactalis le 16 octobre 2015 ". Les enquêteurs ont donc justement constaté, dans le procès-verbal établi à l'issue des opérations de constitution du scellé définitif, que ces documents n'étaient pas présents dans les saisies.

Par ailleurs, la production par Lactalis d'une liste de plus de 320 correspondances avocat-client montre que la procédure d'identification a été menée sans difficulté par la requérante.

- La saisie en copie des messageries électroniques professionnelles de MM. Klein, Mouchotte et Philippe, intervenue le 16 octobre 2015 dans les locaux de Lactalis à Laval, est justifiée par la constatation de ce que ces messageries contiennent des éléments entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD

Il est argué que le fait que ces messageries aient contenu des éléments personnels est sans incidence sur la régularité de leur saisie.

En l'espèce, la requérante se contente de lister les documents qu'elle juge relatifs à la vie privée mais ne produit pas ces pièces et leur contenu, privant ainsi la Cour des moyens de se prononcer sur le grief allégué. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

- L'argument portant sur les articles 7 et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CDFUE) est ici inopérant, du fait que leur application n'intervient, aux termes de l'article 51 § 1 de la Charte, que " lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union ", ce qui n'est ici pas le cas.

En conclusion, le Ministère Public demande de :

- confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et, par suite, les ordonnances rendues sur commission rogatoire par les JLD territorialement compétents les 15 et 17 septembre 2015 ;

- rejeter la demande d'annulation, à titre principal, des procès-verbaux de visite et saisie des 22 septembre et 16 octobre 2015 et de l'ensemble des opérations diligentées dans les locaux de la requérante et de restitution des pièces saisies contenues dans le scellé définitif n° 1 constitué le 16 octobre 2015 ;

- rejeter les demandes de restitution des annexes n° 1, 2, 3 et 4 formulées à titre infiniment subsidiaire.

Sur ce

- A titre préliminaire, les observations de l'ADLC, en ce qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH au regard du principe d'impartialité et du droit à un procès équitable, doivent être écartées

Cet argument n'est pas pertinent dans la mesure où dans la phase d'enquête préalable où aucune accusation n'est formulée à l'encontre de la société visée, les dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH n'ont pas à s'appliquer.

Le débat contradictoire et l'accès effectif au juge se déroulent devant le Premier Président de la Cour d'appel. En effet, suite à l'arrêt du 21 février 2008 (arrêt RAVON), la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après CEDH) avait estimé que les sociétés ou les personnes physiques devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif tant sur l'ordonnance d'autorisation que sur les opérations de visite et de recours.

Cette évolution jurisprudentielle s'est traduite dans la modification apportée par l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008 qui a instauré dans les textes ce contrôle juridictionnel effectif devant le Premier Président, ce que les appelants ont effectué en contestant à la fois l'autorisation et en exerçant un recours contre les opérations de visite et de contrôle.

Le texte est donc conforme aux exigences de la CEDH.

Ce moyen sera rejeté.

- Sur l'annulation de l'ordonnance

I) L'ordonnance doit être annulée, en ce qu'elle repose sur une requête infondée au regard des impératifs de l'article L. 450-4 du Code de commerce

A) A titre principal, l'ordonnance n'est absolument pas justifiée à l'encontre de l'appelante, faute d'un quelconque indice sérieux la concernant

Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation comporte tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite ; par suite, le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée ; à cette fin, le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'Autorité qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soient caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques.

Il a estimé qu'il existait des indices laissant apparaître des présomptions d'agissements prohibés et a délivré une ordonnance d'autorisation et de saisies

Le premier juge a retenu que le Groupe Lactalis était la société mère de Vergers de Chateaubourg et Delis, et que, pris dans sa globalité, il constituait une entité unique par ses liens capitalistiques, sa localisation, les noms de domaine identiques pour les salariés de Lactalis et Delis et l'organisation de sa filiale Delis qu'il contrôle entièrement.

Il a également relevé que l'entité Lactalis/Delis était présente à l'occasion de réunions impliquant tous les concurrents concernés (soit à 7 réunions), selon les déclarations du demandeur à la clémence.

Il est précisé que lors de la phase de l'enquête préalable, le champ des investigations doit être relativement large.

Dès lors, le groupe Lactalis, tiers, était susceptible de détenir dans ses locaux des éléments de preuve concernant les trois pratiques d'agissements prohibés relevés dans le dossier présenté, étant précisé qu'il suffit d'un seul indice laissant apparaître des présomptions d'agissements frauduleux pour délivrer une autorisation de visite et de saisie.

Ce moyen sera écarté.

B) A titre subsidiaire, si par extraordinaire l'ordonnance ne devait pas être annulée, du fait de l'absence même de toute référence à l'appelante, elle devrait néanmoins être annulée en l'absence de tout indice laissant présumer une implication de sa part dans les pratiques suspectées

1) Il n'existe tout d'abord aucun indice sérieux de nature à laisser présumer de prétendues pratiques anticoncurrentielles concernant les produits commercialisés sous marques nationales (" MDF ")

Il est constant que l'ordonnance du 11 septembre 2015 du JLD de Paris querellée n'excluait pas les fruits vendus en coupelles et en gourdes, sous marques nationales ou marques de fournisseurs.

En effet, la lecture de la page 8 de l'ordonnance fait apparaître les mentions suivantes " (...) que ces comportements concerneraient l'approvisionnement des clients de la RHF et de la GMS sous marque de distributeurs (MDD) et sous marques à petit prix (MPP) ; que le demandeur à la clémence mentionne que de telles pratiques auraient pu s'étendre aux marques nationales comme en atteste ses déclarations (...) ", puis " attendu que l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations de pratiques prohibées dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ".

Ce moyen ne saurait prospérer.

2) Il n'existe pas plus d'indices, de quelque nature que ce soit, pour présumer d'une implication de l'appelante dans d'éventuelles pratiques illicites sur les autres segments du secteur visé par la requête (produits MDD sur les canaux de la RHF et de la GMS)

Il est constant que la procédure de l'article L.464-2 IV du Code de commerce relative à la réception d'informations par un demandeur de clémence n'est pas assimilable à une déclaration anonyme.

Cette procédure, qui permet à l'ADLC d'accorder une exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires aux entreprises ou organismes ayant participé à une entente, qui en dénoncent l'existence et contribuent à l'établissement de l'infraction et à l'identification de ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ne disposait pas antérieurement, a pour objectif, dans l'intérêt de l'ordre public économique, de faciliter la détection des ententes et de les faire cesser plus rapidement. Ainsi, la procédure de clémence est un outil au service de l'ordre public économique.

En la forme, il convient de relever que la déclaration du demandeur de clémence a été reçue par procès-verbal le 2 juillet 2014 par la Rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence et émanait des deux avocats du demandeur de clémence, signataires de la déclaration écrite du demandeur de clémence laquelle était accompagnée des annexes. La licéité de cette déclaration ne peut être mise en cause et l'intervention de deux avocats déclarant demander la mise en œuvre de la procédure du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce au bénéfice du demandeur de clémence, constitue une garantie indéniable dans un cadre juridique strict.

Dès, lors l'argumentation des appelants n'est pas pertinente.

S'agissant des allégations inexactes du demandeur à la clémence, à savoir une déclaration de M. Rudaux lequel, lors de la réunion du 3 novembre 2011 à Paris (pages 15 et 16 du procès-verbal de déclaration), avait affirmé qu'il ne souhaitait plus être appelé au téléphone, qu'il ne voulait plus venir aux réunions et que cela devenait trop dangereux pour lui en raison d'une enquête de l'Autorité de la concurrence sur le comportement d'Andros dans le secteur des produits laitiers, il y a lieu de retenir qu'il s'agit que d'un élément parmi les multiples informations fournies par le demandeur à la clémence, cet élément n'ayant pas à lui seul emporté la conviction du juge de l'autorisation. Par ailleurs, l'argumentation de l'ADLC selon laquelle, dans l'affaire des produits laitiers, le demandeur de clémence n'avait pas souhaité conserver l'anonymat lors du procès-verbal de réception du demandeur de clémence du 12 août 2011, soit antérieurement à la tenue de ses propos le 3 novembre 2011, ne peut pas être écartée. En tout état de cause, ainsi que nous l'avons précisé supra, il ne s'agit que d'un élément isolé et le JLD a retenu des indices selon la méthode dite de " la prise en faisceaux ".

Dès lors, le JLD a été en mesure d'exercer son contrôle sur le bien-fondé de requête présentée par l'ADLC.

Ce moyen sera rejeté.

II) L'ordonnance doit en tout état de cause être annulée en ce que le bien-fondé de la requête n'a manifestement pas été vérifié par le JLD, en violation de l'exigence légale de l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce

A) Le JLD n'a manifestement pas examiné le bien-fondé de la requête

En l'espèce, il ressort de l'ordonnance querellée que le juge des libertés et de la détention près du tribunal de grande instance de Paris a, sur requête de la Rapporteure Générale de l'Autorité de la concurrence, rendu une ordonnance visant le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes ; que, suite à des informations émanant d'une entreprise désignée comme étant " le demandeur de clémence ", laquelle a sollicité l'Autorité de la concurrence afin de bénéficier d'une mise en œuvre de la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce, des pièces ont été communiquées relatives à des pratiques d'échanges d'informations commercialement sensibles aux fins d'une coordination des fournisseurs sur les hausses tarifaires à pratiquer lors des appels d'offres lancés par leurs clients de la GMS et de la RHF et d'une répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients. Le demandeur de clémence a précisé que ces agissements prohibés soupçonnés se seraient déroulés de 2010 à 2014 et a souhaité garder l'anonymat.

Il y a lieu de préciser que la requête a été présentée le 8 septembre 2015 et signée le 11 septembre juin 2015, ce qui a laissé amplement le temps au JLD saisi d'examiner sa pertinence, d'étudier les pièces jointes à celle-ci, de vérifier les habilitations et le jour de la signature, de demander aux agents de l'ADLC toute information utile préalablement à la signature de son ordonnance.

S'agissant de l'argument relatif au caractère pré-rédigé de l'ordonnance tendant à mettre en cause l'impartialité du premier juge, il y a lieu de relever que le JLD, signataire de l'ordonnance est également destinataire d'une copie numérique de celle-ci, lorsque la requête est déposée au greffe du tribunal. Entre le dépôt et la signature de l'ordonnance, il peut modifier à sa guise le modèle d'ordonnance qui lui est proposé, en supprimant des arguments non-pertinents, en les remplaçant par une autre motivation et enfin, peut tout simplement refuser de faire droit à la requête de l'Administration. En ayant cette possibilité de modifier, de rectifier ou de refuser de délivrer une autorisation, le premier juge s'approprie l'autorisation qu'il signe, son rôle ne se limitant pas à une simple mission de chambre d'enregistrement.

Ainsi, rien ne permet d'affirmer que le premier juge se soit affranchi de son obligation d'examiner le bien-fondé de la requête.

Ce moyen sera écarté.

B) Faute de transmission au JLD d'un nombre extrêmement important d'éléments du dossier de l'ADLC et du fait d'une confidentialité excessive des pièces remises par cette dernière, l'ordonnance ne permet pas de garantir à l'appelante le respect de ses droits à la défense, du principe du contradictoire, de l'égalité des armes et du droit au recours effectif

Comme nous l'avons rappelé supra, le JLD qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation comporte tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite.

Ainsi, n'étant pas le juge du fond, il a relevé dans l'ordonnance des présomptions d'ententes horizontales entre les fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes et après un examen in concreto des annexes jointes à la requête, selon la méthode dite 'du faisceau d'indices', a estimé qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies. Ainsi, il a examiné ces annexes jointes et a estimé que les éléments produits par le demandeur de clémence étaient précis, chiffrés, cohérents, mentionnaient les noms des dirigeants des sociétés visées par l'ordonnance, les lieux et les dates des réunions. S'il est constant que certains passages ont été occultés pour préserver l'anonymat du demandeur de clémence, il a pu déduire des annexes produites des indices faisant apparaître des présomptions d'agissements prohibés décrits supra, sans qu'il lui soit utile de demander les 133 fichiers numériques visant à étayer les propos du demandeur de clémence.

Ce moyen sera rejeté.

III) L'ordonnance doit enfin être annulée en ce qu'elle constitue manifestement une mesure disproportionnée

L'article 8 de la CESDH, qui énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2 qui dispose que 'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui'.

Il a lieu de rappeler que le Juge des libertés et de la détention, lorsqu'il a été saisi de la requête de l'administration, a eu connaissance de ces éléments et des recherches effectuées a posteriori par l'ADLC ; qu'il a effectué un contrôle de proportionnalité entre les présomptions qui lui ont été produites et l'atteinte aux libertés ; que le nombre de documents saisis importe peu au regard des éléments qui lui étaient soumis au moment de sa prise de décision.

Il est, par ailleurs, constant que les dispositions de l'article 7 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne ne doivent pas s'appliquer au cas d'espèce, dès qu'il n'a pas été en œuvre le droit de l'Union.

En outre, concernant le cantonnement de l'ordonnance à la recherche de faits commis au cours de la période 2010-2014, s'il est constant que l'ordonnance en sa page 6 indique " qu'ainsi, le recoupement des différentes pièces précitées annexées à la requête permet d'établir que des contacts réguliers, sous différentes formes, ont été pris entre les sociétés concurrentes du secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes au cours de la période courant octobre 2010 à janvier 2014 ", il n'en demeure pas moins que le même ordonnance, en sa page 8, mentionne " l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations des pratiques prohibées dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ". Ainsi, la recherche de documents antérieurs à 2010 pouvait permettre d'apporter un éclairage sur les pratiques prohibées susceptibles d'avoir été commises après cette date et les documents postérieurs à 2014 permettaient de s'assurer si d'éventuels agissements frauduleux avaient perduré après 2014.

Dès lors, le champ d'application de l'ordonnance ne peut pas être circonscrit à période 2010-2014.

Enfin, Il est précisé également que l'Autorité n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L450-4 du Code de commerce, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, notamment celle de l'article 450-3 du Code de commerce.

Ce moyen ne saurait prospérer.

- Sur le déroulement des opérations de visite et saisies

I) A titre principal, les opérations de visite et saisies doivent être annulées, en ce qu'elles ont violé le secret des correspondances, le respect du droit à la vie privée et le respect des droits de la défense de l'appelante

Il convient de rappeler que la méthode dite des scellés provisoires a pour vocation de concilier le respect des droits de la défense et les impératifs liés à l'efficacité de l'enquête préparatoire.

Il a également été indiqué que cette procédure n'était qu'une faculté laissée à l'entreprise, qui pouvait la refuser et il est vain, alors que celle-ci a été acceptée, de la contester au moment de l'ouverture des scellés fermés provisoires.

Sur l'argument tiré de la violation des droits de la défense dès la saisie de la pièce, il n'est pas pertinent.

En effet s'il est constant que la loi du 31 décembre 1971, en son article 66-5, énonce " en toute matière que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense les consultations adressées par un avocat à son client où destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception de celles portant la mention " officielle " les notes d'entretien et, plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ", ce principe n'est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions. A titre illustratif, il ne peut pas être admis que les échanges entre deux correspondants, avec en copie jointe un avocat, puissent bénéficier de la protection légale relative à la confidentialité des échanges avocat/client, sauf à dénaturer cette protection légale. En effet, il suffirait pour une société d'échanger des mails avec une autre société, avec en copie conforme un destinataire qui aurait la qualité d'avocat, pour que tout échange puisse bénéficier de ce privilège légal. De même, les échanges entre salariés de retranscriptions, plus ou moins fidèles, d'avis d'avocats ne relèvent pas systématiquement de cette protection légale. A tout le moins, il convient de vérifier qu'un avocat est l'expéditeur ou le destinataire principal d'un courriel.

En l'espèce, la société Groupe Lactalis a eu la possibilité de voir les fichiers informatiques, qu'elle estimait relever de la protection au titre de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, être placés sous scellé provisoire n° 1, à charge pour elle d'identifier, étant en possession des originaux, les courriels d'échanges avocat- client et de faire parvenir à l'ADLC un tableau listant ces documents. Un autre scellé fermé provisoire a été constitué sous le n° 2, M. Maugeais, responsable juridique de la société, ayant fait part de son incertitude sur l'absence de correspondances avocat-client dans ce scellé n°2.

Le délai de 15 jours entre les opérations et la réunion destinée à constituer le scellé fermé définitif, que la requérante estime court, est le même qui a été accordé à l'ensemble des entreprises visitées.

Suite à la réunion contradictoire du 16 octobre 2015, laquelle avait pour objet d'expurger des scellés provisoires les documents protégés par le privilège légal, pour constituer la scellé fermé définitif, la société a produit 4 autres courriels que seul l'examen intégral et in concreto, aurait pu nous permettre de déterminer s'ils relevaient de la protection susmentionnée.

S'agissant des correspondances privées, il convient de rappeler que les saisies ont été réalisées sur les messageries professionnelles des salariés, par nature insécables, et que les mentions d'un intitulé comme " perso " ou " personnel ", rédigé par le salarié, ne sauraient préjuger du contenu des fichiers qui peut, pour partie, être rattaché au champ d'application de l'ordonnance.

Il a lieu d'observer que l'examen sommaire, effectué par les rapporteurs lors de la réunion du 16 octobre 2015, a permis la suppression spontanée de 4 courriels supplémentaires couverts par la protection légale et que la société Groupe Lactalis n'avait pas listés, renforçant ainsi les droits de la défense.

Ce moyen sera écarté.

II) A titre infiniment subsidiaire, s'il n'annule pas les OVS, le Premier président de la Cour d'appel de

Paris devra à tout le moins prononcer la restitution d'une partie importante des documents saisis

En l'absence de production de ces pièces dans leur intégralité et d'indication de la société sur les motifs pour lesquels chacune d'entre elles serait hors champ de l'enquête ou relevant de la protection de la vie privée ou couvertes par le secret des correspondances avocat-client (alors même que des scellés provisoires avaient été constitués), il ne sera pas fait droit à cette demande.

Ce moyen sera rejeté.

Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort : - Ordonnons la jonction entre les instances enregistrées sous les numéros RG 15/24400 (appel), 15/24401, 15/24407 (recours), lesquelles seront regroupées. - Disons qu'aucune violation des articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 450-4 du Code de commerce, 56 du Code de procédure pénale, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile n'est caractérisée. En conséquence, Sur l'appel : - Rejetons la demande tendant à écarter d'office les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 27 septembre 2016. - Confirmons en toutes leurs dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Paris en date du 11 septembre 2015 et celles subséquentes des juges des libertés et de la détention de Laval en date du 15 septembre 2015 et de Rennes en date du 17 septembre 2015. Sur le recours : - Rejetons les recours contre les opérations de visite et de saisies du 22 septembre 2015 dans les locaux de la société Groupe Lactalis et contre les opérations en date du 16 octobre 2015. - Rejetons les demandes de restitution de la société Groupe Lactalis. - Rejetons toute autre demande, fin, ou conclusion. - Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. - Disons que la charge des dépens sera supportée par la société Groupe Lactalis.