Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 28 juin 2017, n° 15-24876

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Delis (SA)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Teytaud, Calla

TGI Paris, ord., du 11 sept. 2015

11 septembre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 septembre 2015, le juge des libertés et de la détention de Paris (ci-après JLD), a rendu en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

Materne (groupe MOM), adresse [...], 69570 Dardilly, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses,

Andros, zone industrielle, 46130 Biars-sur-Cere et les sociétés du même sises à la même adresse,

Charles Z

Monteux,

Valade, ZI du Verdier et/ou adresse [...], 19210 Lubersac,

Novandie (groupe Andros), lieu-dit Telifau, 28700 Auneau, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse,

Delis et Vergers de Chateaubourg " Unifruit " (groupe Lactalis), adresse [...] 65220 Chateaubourg, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " Delis "

Groupe Lactalis 10 à adresse [...], 53000 Laval et Les Placis, 35230 Bourgbarré, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses, ci-après " Lactalis "

Conserves France, 556 chemin du Mas de Cheylon, 30000 Nimes, ci-après " Conserves France " et " Saint Mamet "

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée suite à l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence (ci-après " ADLC ") aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2°et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Cette requête concernait le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes et était consécutive à la demande de clémence d'une entreprise présentée par son conseil, le 28 janvier 2014, au rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence.

A l'appui de cette requête étaient joints une liste de 33 pièces ou documents en annexe.

Qu'il était allégué d'informations selon lesquelles les entreprises susvisées auraient convenu, d'une part, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse par l'imposition de hausse tarifaires à l'occasion d'appels d'offres lancés par leurs clients constitués des grandes et moyennes surfaces de la distribution (ci-après " GMS ") et de la restauration hors foyer (ci-après " RHF "), d'autre part, de se répartir les marchés, et ce, en violation des articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du TFUE.

Ces informations émanaient d'une entreprise (désignée ci-après comme étant " le demandeur de clémence " laquelle a sollicité l'Autorité de la concurrence afin de bénéficier d'une mise en œuvre de la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce (ci-après " la clémence " dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes. Il s'en est suivi que le demandeur de clémence ayant obtenu le bénéfice d'une mesure de clémence conditionnelle a souhaité garder l'anonymat.

Il était précisé que le demandeur de clémence a déposé auprès de l'ADLC des pièces relatives à des pratiques d'échanges d'informations commercialement sensibles aux fins d'une coordination des fournisseurs sur les hausses tarifaires à pratiquer lors des appels d'offres lancés par leurs clients de la GMS et de la RHF et d'une répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients, étant précisé que ces agissements prohibés soupçonnés se seraient déroulés de 2010 à 2014.

Il résulterait de ces pièces que des comportements illicites présumés auraient été décidés à l'occasion de réunions impliquant tous les concurrents concernés (réunions plénières), soit plusieurs d'entre eux et que l'existence de ces réunions serait corroborée par des éléments documentaires, notamment des extraits des extraits du procès-verbal de la demande de clémence et des notes de frais, un tableau étant joint précisant les principaux lieux et dates de rencontres (notamment des hôtels) et le type de rencontres (plénières, bilatérales).

Il était également fait état de plusieurs appels téléphoniques passés avec ses homologues concurrents. En effet le demandeur de clémence a remis à l'ADLC aux fins d'exploitation un téléphone portable utilisé lors de ces échanges et l'analyse de ce téléphone ferait apparaître des appels correspondant aux numéros de cadres dirigeants ou de salariés des sociétés visées dans l'ordonnance du JLD notamment les sociétés Materne et Z.

Par ailleurs, des courriels auraient été échangés entre concurrents sur leurs messageries personnelles.

Il ressortirait de ces divers contacts que les informations échangées seraient de nature anticoncurrentielle et relatives aux appels d'offres initiés par les clients de la GMS et de la RHF concernant les prix des produits et leurs variations, les volumes de vente ou encore les tonnages.

Il serait peu probable que ces pratiques émanent des clients eux-mêmes mais, eu égard à la précision des informations communiquées par le demandeur de clémence, résulteraient d'échanges d'informations commercialement sensibles entre fournisseurs.

Une première pratique prohibée consisterait pour les fournisseurs du secteur à se concerter pour imposer des hausses tarifaires à leurs clients de la GMS et de la RHF lors des appels d'offres, cette présomption reposant sur des notes prises par le demandeur de clémence à l'occasion des réunions et de conversations téléphoniques avec ses concurrents.

Ces notes révéleraient qu'à l'occasion de leurs contacts les fournisseurs rapporteraient à leurs concurrents les variations tarifaires à la hausse qu'ils envisageraient de proposer à leurs clients. A titre illustratif pour des produits des clients Carrefour, les concurrents auraient envisagé lors la réunion plénière du 6 octobre 2010 des hausses tarifaires et au cours de la même réunion, les fournisseurs auraient été informés de l'augmentation des prix des coupelles proposées par la société Z pour son client Leclerc en 2011, un échange d'information aurait eu lieu pour la hausse tarifaire proposée par Conserves de France pour un produit distribué par Carrefour, enfin un échange d'information aurait existé relatif à la hausse pour 2013 du prix des gourdes Materne et des coupelles Z envisagée par le distributeur Leader Price.

Il était également relevé que des tableaux d'appels d'offres mettraient en exergue les augmentations tarifaires qu'un fournisseur s'apprêtait à proposer en 2012 au client SODEXO pour les différents produits à base de " compote de pomme " et celles envisagées en 2013 par Delis et Z pour le distributeur Carrefour.

Dès lors, le JLD de Paris a estimé que ces éléments d'information pourraient constituer un indice suffisamment sérieux d'une concertation entre les entreprises visées pour coordonner l'application des hausses tarifaires à leurs clients.

Par ailleurs, une seconde pratique illicite présumée serait relative à la répartition par les industriels susmentionnés des marchés initiés par leurs clients de la GMS et RHF. Ainsi ce partage de volumes entre concurrents se traduirait par une coordination portant sur les réponses aux appels d'offres et s'appuieraient sur l'élaboration d'offres dites " de couverture " ou l'absence de soumission et serait garanti par un mécanisme de compensation et sembleraient attester de l'existence d'offres dites " de couverture " conduisant à un partage des marchés de la GMS et de la RHF entre concurrents du secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.

Il en serait déduit que la réussite d'un tel système reposerait sur un mécanisme de compensation entre concurrents visant à indemniser des pertes de volumes subies et que cette affirmation reposerait sur la production de pièces par le demandeur de clémence qui constituerait un état des lieux des tonnages des produits par fabricants par fabricants ainsi que des gains et pertes de volume de chacun des fournisseurs visés chez leurs clients de la GMS et RHF.

Dès lors, cette connaissance approfondie des tonnages alloués à chacun des fournisseurs suspectés pourrait être le signe d'une surveillance étroite des opérateurs et la condition nécessaire au succès du pacte de non-agression présumé.

Il en serait conclu que cet ensemble de faits rapportés ferait présumer que les fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes se coordonneraient pour répondre aux appels d'offres de leurs clients de la GMS et de la RHF afin que chacune entreprise conserve ses volumes de vente et ses clients et que des hausses de prix soient passées annuellement passées aux clients. De même, les agissements de trucages d'appels d'offres consisteraient à s'abstenir de soumissionner ou à proposer des offres dites " de couverture " et ces comportements concerneraient l'approvisionnement des clients de la RHF et de la GMS sous marques de distributeurs (ci-après " MDD ") et sous marques à petit prix (ci-après " MPP ").

Il s'en suivrait que ces pratiques prohibées seraient préjudiciables aux consommateurs car tendant à la mise en place d'un système de hausse artificielle du prix des fruits vendus en coupelles et en gourdes et constituerait selon le JLD de Paris les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes horizontales à dimension nationale entre producteurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes susceptibles de relever des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce.

Sur la base de ces éléments, le JLD de Paris a délivré une ordonnance de visite et de saisie à

l'encontre des sociétés Materne, Andros, Z, Valade, Novandie, Delis et Vergers de Chateaubourg, Groupe Lactalis et Conserves France, autorisant les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence à rechercher dans les locaux des sociétés précitées, les documents utiles à l'apport de la preuve recherchée et a donné commission rogatoire aux JLD de Carpentras, Nimes, Rennes, Lyon, Brive la Gaillarde, Cahors, Chartres et Laval territorialement compétents dans les ressorts desquels lesdites opérations devaient s'effectuer.

Les opérations se sont déroulées simultanément dans plusieurs locaux de la société Delis SA et une réunion a été fixée le 16 octobre 2015 afin de procéder à l'extraction des documents confidentiels figurant dans un scellé provisoire. Un scellé définitif a été réalisé.

L'audience s'est déroulée le 15 mars 2017 et l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 24 mai 2017 et prorogée au 28 juin 2017.

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, en application de l'article 367 du Code de procédure civile, et eu égard aux liens de connexité entre ces affaires, il convient de joindre les instances enregistrées sous les numéros RG n° 15/24876, 15/24887, 15/24916, lesquelles seront regroupées.

La partie concluante a, le 2 octobre 2015, relevé appel de l'ordonnance du JLD de Paris en date du 11 septembre 2015 ainsi, que celle rendue le 17 septembre 2015 par le JLD de Rennes et deux recours contre les opérations des 22 septembre 2015 et 16 octobre 2015.

Par conclusions en réplique et récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 16 janvier 2017, la société Delis SA fait valoir :

- à titre préliminaire, les Observations, en ce qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH au regard du principe d'impartialité et du droit à un procès équitable, doivent être écartées

Il est fait valoir que les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence sont chargés d'une part, de l'instruction du dossier sur le fond et d'autre part, de justifier, devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris, de la légalité des opérations de visite et saisies (à la fois de l'ordonnance requise auprès du JLD et de leur déroulement).

Il est soutenu que le droit à un procès équitable et le principe d'impartialité, tels qu'ils résultent de l'article 6 § 1 de la CESDH, imposent que la mission des services d'instruction soit menée à charge et à décharge pour la personne mise en cause. Or, les Observations de l'ADLC révèlent que ce n'est absolument pas le cas en l'espèce.

En effet, il ne peut y avoir d'instruction équitable et impartiale si l'administration cherche à relever uniquement des éléments à charge et à devancer l'instruction du dossier sur le fond.

Or, les Observations démontrent que c'est exactement ce qu'ont fait les services d'instruction en l'espèce. Plusieurs argumentations développées par l'Autorité de la concurrence dans ses écritures sont citées en exemple.

Dans ces conditions, les Observations contreviennent aux exigences fondamentales du droit à un procès équitable et du principe d'impartialité et doivent donc être écartées de ce fait.

Par conséquent, il est demandé d'annuler l'ordonnance.

- Sur l'annulation de l'ordonnance

I) L'ordonnance doit être annulée, en ce qu'elle repose sur une requête infondée au regard des impératifs de l'article L. 450-4 du Code de commerce

A) L'ordonnance doit être annulée en ce qu'elle repose sur une requête infondée au regard de l'article L. 450-4 du Code de commerce dès lors que cette dernière ne repose sur aucun indice sérieux de nature à laisser présumer que l'appelante se serait livrée aux pratiques anticoncurrentielles recherchées

1) Il n'existe tout d'abord aucun indice sérieux de nature à laisser présumer de prétendues pratiques anticoncurrentielles concernant les produits commercialisés sous marques nationales (" MDF ")

Il est mis en exergue que le demandeur à la clémence lui-même indique qu'il " n'y a pas été témoin direct de telles pratiques [...] ", " n'a pas d'éléments concrets ", ni " de preuve ni de connaissance de l'existence de l'entente sur " ce segment.

De telles présomptions apparaissent du reste totalement incohérentes avec les pratiques recherchées qui, d'après la requête, concernent des appels d'offres ' qui ne peuvent concerner que les seuls produits MDD et non les MDF (ces dernières faisant l'objet de campagnes de négociations commerciales annuelles et non d'appels d'offres).

Les opérations de visite et saisies ne sauraient donc être autorisées sur un marché pour lequel il n'existe pas de présomption de pratiques anticoncurrentielles. Un arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 1994, n° 92/15501 est cité à l'appui de cette argumentation.

En toute hypothèse, il n'existe aucune mention de l'appelante concernant de telles pratiques sur le segment des MDF, ce qui n'est guère étonnant dans la mesure où elle n'est pas du tout présente sur le secteur visé par les opérations de visite et saisies.

2) Il n'existe pas plus d'indices, de quelque nature que ce soit, pour présumer d'une implication de l'appelante dans d'éventuelles pratiques illicites sur les autres segments du secteur visé par la requête (produits MDD sur les canaux de la RHF et de la GMS)

A titre préliminaire, il est soutenu que les visites domiciliaires ne peuvent être justifiées dans la mesure où elles reposent exclusivement sur des déclarations anonymes du demandeur à la clémence et n'étaient pas corroborées, comme l'exige pourtant la jurisprudence, par d'autres éléments d'information.

Il est argué que la lecture de la requête et de ses annexes ne permet de déceler l'existence d'aucun indice laissant présumer la participation de la société Delis aux pratiques suspectées.

Tout d'abord, l'appelante prend bonne note, à la lecture des conclusions de l'administration, que les annexes 7 et 8 de la requête ne la visent pas et que, par ailleurs, 3 réunions ne la concernent pas puisqu'il s'agit de réunions bilatérales entre Materne et le demandeur de clémence, ce qu'elle ne pouvait pas deviner eu égard à la confidentialisation excessive des déclarations du demandeur de clémence.

Ensuite, en premier lieu, rien ne permet de présumer sa participation aux 7 prétendues réunions plénières entre concurrents mentionnées dans la requête et reprises dans l'ordonnance.

A cet égard, il est soutenu que l'appelante n'est jamais citée comme participante à ses réunions et que les déclarations du demandeur de clémence, comme les conclusions de l'administration, comportent de nombreuses incohérences, contradictions ou erreurs manifestes concernant la tenue ou le prétendu contenu anticoncurrentiel de ces réunions (ce qui ressort notamment des notes de frais produites par le demandeur à la clémence contradictoires avec les faits qu'elles sont censées démontrer, ou encore d'explications contradictoires dans les observations de l'Autorité pour tenter de justifier certaines déclarations manifestement erronées du demandeur à la clémence).

Concernant plus particulièrement la réunion du 3 novembre 2011, une contradiction majeure est soulignée : l'annexe 3 bis à la requête indique que M. Rudaux, collaborateur de la société Andros, ne voulait plus être appelé par téléphone ou participer aux réunions en raison d'une enquête de l'ADLC sur le comportement d'Andros dans le secteur des produits laitiers frais. Il est ici fait référence à l'enquête relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des produits laitiers frais qui a donné lieu à la décision n° 15-D-03 du 11 mars 2015 de l'ADLC.

Or, ladite décision indique que l'ADLC ne s'est saisie de ces pratiques que le 20 janvier 2012 et qu'elle n'a initié des opérations de visite et saisies que le 9 février 2012, soit plusieurs mois après cette réunion du 3 novembre 2011. Dès lors, les déclarations du demandeur de clémence apparaissent erronées.

Dans ses conclusions, l'Autorité tente de justifier la justesse des déclarations du demandeur de clémence, en indiquant que M. Rudaux avait connaissance de l'enquête en cours car il a pu être averti par le demandeur à la clémence, qui n'avait pas respecté son anonymat et a donc " pu avertir, de manière volontaire ou involontaire (...) certains membres du cartel de sa démarche auprès de l'Autorité de la concurrence, ce qui explique que le 3 novembre 2011, M. Rudaux connaissait l'existence possible d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais, secteur dans lequel il travaille pour la société Novandie ".

Il est argué que cette allégation est en totale contradiction avec ce que l'ADLC indique par ailleurs concernant la nécessité " de préserver l'anonymat de l'entreprise ". En effet, jusqu'à la date de levée de l'anonymat (lors de la notification de griefs), le demandeur de clémence a l'obligation de garder le secret sur l'enquête (cfr. Communiqué de procédure du 3 avril 2015 relatif au programme de clémence français, § 23), pour bénéficier de l'immunité, ce qui a bien été le cas en l'espèce.

Concernant la réunion plénière du 17 juillet 2013, il est soutenu que les notes prises au cours de ladite réunion n'apportent aucun élément de nature à présumer d'une entente.

Par ailleurs, pour une grande partie des réunions, il n'existe pas d'élément documentaire pour corroborer leur existence : en particulier, il n'existe aucune note de frais qui correspondraient aux dates des prétendues réunions du 6 octobre 2010, 6 avril 2011, 10 juin 2011 ou encore 2 mars 2012.

De surcroît, quand des notes de frais existent, comme pour la réunion du 3 septembre 2013, elles ne permettent absolument pas de laisser présumer la participation de l'appelante à des prétendues comportements illicites.

En deuxième lieu, il ressort de la requête que la société Delis n'a participé à aucun des échanges téléphoniques entre concurrents sur lesquels la requête et l'ordonnance se fondent, ce que l'ADLC ne conteste pas d'ailleurs dans ses écritures.

En troisième lieu, il n'existe pas plus d'indice d'une participation de l'appelante aux échanges de courriels entre concurrents sur lesquels la requête et l'ordonnance se fondent.

II) l'ordonnance doit en tout état de cause être annulée en ce que le bien-fondé de la requête n'a manifestement pas été vérifié par le JLD, en violation de l'exigence légale de l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce

A) Le JLD n'a manifestement pas examiné le bien-fondé de la requête

Il est soutenu que la jurisprudence exige que le JLD vérifie si la requête se fonde sur d'éventuels

éléments qui apparaîtraient incohérents, contradictoires ou encore insuffisants à l'encontre des sociétés visées et qu'il en tire les conséquences concernant le bien-fondé des OVS demandées.

Or, en l'espèce, ce contrôle du JLD n'a manifestement pas été effectué, ainsi que le témoignent les contradictions manifestes dans les déclarations du demandeur à la clémence.

B) Faute de transmission au JLD d'un nombre extrêmement important d'éléments du dossier de l'ADLC et du fait d'une confidentialité excessive des pièces remises par cette dernière, l'ordonnance ne permet pas de garantir à l'appelante le respect de ses droits à la défense, du principe du contradictoire, de l'égalité des armes et du droit au recours effectif

Il est fait observer que 133 fichiers numériques, qui figuraient à l'annexe 3 bis, n'ont jamais été transmis au JLD.

D'après l'appelante, cela est d'autant plus problématique que, au regard des dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 1 du Code de commerce, le JLD, pour vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée, doit disposer de " tous les éléments d'information en possession " de l'ADLC.

Par ailleurs, les justifications avancées par l'administration ' protection de l'anonymat du demandeur à la clémence, du secret des affaires et des données personnelles ' ne doivent pas occulter le fait que le contenu d'une très large majorité des pièces annexées à la requête a été rendu illisible ou, au mieux, incompréhensible tant pour le JLD que pour l'appelante.

Dans ces conditions, le JLD n'a pas pu apprécier la valeur réelle des présomptions d'entente alléguées par l'ADLC sur lesquelles la demande d'OVS est fondée.

Il est argué que cette disproportion a entraîné des conséquences directes et irrémédiables sur les droits de la défense de l'appelante, étant rappelé que dans un arrêt du 23 septembre 2010, la Cour d'appel de Paris a jugé que la protection du secret des affaires ne devait pas entraîner " une atteinte irrémédiable et concrète aux droits de la défense ".

III) L'ordonnance doit enfin être annulée en ce qu'elle constitue manifestement une mesure disproportionnée

Il est rappelé qu'aux termes de l'article 8 CESDH ainsi que de l'article 7 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne, toute ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée, du domicile et de sa correspondance doit être strictement proportionnée et ne doit être autorisée que si elle est considérée " comme nécessaire à la poursuite de ces objectifs ".

Faute de tout indice concernant l'implication de l'appelante dans les pratiques suspectées, les opérations de visite et saisies autorisées à l'encontre de l'appelante, ne peuvent qu'être manifestement disproportionnées.

Il est argué qu'au regard de l'absence de pièces visant directement l'appelante et du fait que l'appelante n'est aucunement suspectée d'avoir participé aux pratiques alléguées, le JLD aurait dû opter pour d'autres mesures moins attentatoires à ses droits fondamentaux mais tout aussi efficaces pour les besoins de l'ADLC, notamment celles permises par l'article L. 450-3 du Code de commerce.

- Sur le déroulement des opérations de visite et saisies

A titre préliminaire, la requérante s'étonne sur le fait que l'ADLC justifie la saisie de messageries professionnelles de salariés à Chateaubourg, sans les identifier, alors que, ni le procès-verbal de déroulement des opérations de visite et saisies du 22 septembre 2015, ni celui de constitution des scellés définitifs du 15 octobre 2015 ne mentionne la saisie d'une quelconque messagerie.

Il s'en déduit que les écritures de l'administration sont erronées sur ce point, soit que les inventaires desdits procès-verbaux sont erronés en ce qu'ils sont incomplets. Surtout il est argué que la requérante n'est désormais plus en mesure d'évaluer avec certitude le contenu exact des pièces saisies par l'ADLC.

I) A titre principal, les opérations de visite et saisies doivent être annulées, en ce qu'elles ont violé le respect du droit à la vie privée et le respect des droits de la défense de l'appelante

La requérante soutient que la nouvelle méthode de saisies, employée par l'administration, conduit en pratique à la violation manifeste du respect du droit à la vie privée et du respect des droits de la défense, tant s'agissant des saisies des fichiers informatiques que téléphoniques.

En l'espèce, aucun inventaire des documents saisis sur le téléphone de M. Philippe, salarié de la société Delis, n'a été dressé.

Dans ces conditions, la requérante s'est retrouvée dans l'impossibilité d'identifier les fichiers informatiques issus du téléphone de M. Philippe. Par conséquent, le 15 octobre 2015, les données issues du téléphone ont été placées sous scellé définitif, sans que ce dernier ait pu donc demander entre-temps le retrait des éléments qu'il considérait relever du secret professionnel ou sans lien avec l'objet de l'enquête ou encore couverts par la protection du droit à la vie privée.

Par ailleurs, l'examen du scellé définitif contenant les données saisies sur le téléphone portable révèle que les documents électroniques saisis (e-mails notamment) ne peuvent, en l'état des contraintes techniques, être intégralement lus ' y compris en utilisant le logiciel XRY Viewer (remis par les services d'instruction de l'ADLC aux fins prétendument d'assurer une lecture exhaustive des données saisies sur le téléphone).

Ainsi, à ce jour, des documents protégés par rapport à la vie privée ou aux droits de la défense demeurent toujours dans les scellés définitifs, preuve flagrante des défauts inhérents à l'actuelle méthode d'opérations de visite et saisies.

Concernant les correspondances privées, il est argué qu'affirmer, comme le fait l'administration, qu'ayant été opérées sur des messageries professionnelles, les saisies ne sont pas réputées contenir des correspondances privées, c'est nier la position de la Cour de cassation qui a eu l'occasion de rappeler que le salarié a droit au respect de sa vie privée, y compris concernant des messageries mises à disposition par son entreprise.

II) A titre infiniment subsidiaire, s'il n'annule pas les opérations de visite et saisies, le Premier président de la Cour d'appel de Paris devra à tout le moins prononcer la restitution d'une partie importante des documents saisis

La requérante soutient qu'il en va ainsi de tous les documents en dehors du champ de l'enquête, tels que référencés en annexe à ses écritures, dans la mesure où ils concernent des documents saisis chez la société Delis, alors qu'aucun indice d'une quelconque implication de cette dernière dans les pratiques suspectées ne peut lui être opposé.

Il en va de même pour tous les documents qui apparaissent couverts par le droit à la protection de la vie privée.

En conclusion, la société Delis demande de :

- écarter d'office les observations de l'ADLC en date du 17 octobre 2016 ;

- annuler l'ordonnance prononcée le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et l'ensemble

des actes pris sur son fondement et, à ce titre, l'ordonnance prononcée le 17 septembre 2015 par le JLD du TGI de Rennes ;

- annuler les procès-verbaux de visite et saisies des 22 septembre et 15 octobre 2015 ;

- en conséquence, condamner Madame la Rapporteure générale à restituer à la société Delis l'ensemble des pièces saisies à Chateaubourg (à savoir, l'intégralité des scellés n° 1, 2 et 3 ainsi que le scellé n° 6 s'agissant des fichiers informatiques saisis issus du téléphone et de l'ordinateur de M. Philippe) ;

En tout état de cause :

- allouer à la société Delis la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'Autorité de la concurrence au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 27 octobre 2016, l'Autorité de la concurrence fait valoir :

- Sur la légalité de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le JLD de paris

I) Sur la prétendue absence de bien-fondé de la demande d'autorisation concernant Delis

A) Sur le prétendu cantonnement du champ de l'ordonnance au marché des produits vendus sous marques de distributeurs (MDD) ou marques à petits prix (MPP) à destination des clients des grandes et moyennes surfaces de la distribution (GMS) et de la restauration hors foyer (RHF)

L'administration soutient que c'est à tort que l'appelante considère qu'il faudrait exclure du champ de l'enquête les produits vendus sous MDF car le marché des produits sous MDD ou MPP se distingue du marché des produits sous MDF.

En effet, le juge de l'autorisation a bien précisé le secteur économique concerné par son autorisation, celui relatif aux " fruits vendus en coupelles et en gourdes ".

Il est rappelé que l'autorisation délivrée concerne des présomptions dans un " secteur " économique et non sur un ou des marchés pertinents (plus restreint que le précédent), dont la délimitation relèvera de l'ADLC et des juridictions qui seront éventuellement amenées à statuer ultérieurement sur les résultats de la mesure autorisée.

En effet, au stade des investigations, où aucune accusation n'est portée à l'encontre de l'appelante, les visites et saisies autorisées ont pour but de vérifier si dans un secteur économique donné, en l'espèce, celui " des fruits vendus en coupelles et en gourdes ", les règles de la concurrence jouent pleinement.

De plus, il est de jurisprudence constante que le JLD ne délivre pas une autorisation indéterminée et respecte les prescriptions de l'article L. 450-4 du Code de commerce en autorisant des visites et saisies en vue de rechercher la preuve des pratiques dans un secteur de l'économie.

Au cas présent, le JLD de Paris a bien défini un secteur de l'économie. Il a également analysé des agissements, au nombre de deux en l'espèce, qui relèvent des pratiques prohibées prévues aux articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) TFUE et entrant dans le secteur économique concerné, qui lui sont apparus suspects, au regard des infractions aux règles de la concurrence.

Les différents agissements suspects ne sont que des illustrations de l'entente potentiellement organisée et réalisée par l'entreprise visée. Cette liste n'est donc pas exhaustive, comme le premier juge l'a mentionné à la page 8 de son autorisation judiciaire.

Il est d'ailleurs assez logique que le juge ne circonscrive pas dans son ordonnance tous les agissements supposés illicites car, s'il était en capacité de le faire, une opération de visite et saisie ne serait pas indispensable.

De surcroît, la jurisprudence de la Cour de cassation valide la saisie des documents, dès lors qu'ils entrent dans le cadre du secteur économique concerné par les investigations.

L'administration soutient qu'à rebours des prétentions de l'appelante, le JLD de Paris n'a pas voulu exclure du champ des investigations les produits sous MDF, d'autant plus qu'il n'est pas rare qu'il puisse exister un jeu de compensations réciproques entre les différentes sociétés impliquées à la même époque sur différents marchés individualisés ayant un lien de connexité évident.

En définitive, il appartiendra à l'instruction en cours de délimiter le ou les différents marchés pertinents.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit rejeté.

B) Sur la prétendue non implication de Delis concernant les produits MDD et MPP

1) Sur les prétendues déclarations anonymes non corroborées par d'autres sources

Il est soutenu que l'appelante fait une confusion entre une dénonciation anonyme et une demande de clémence, dans le cadre de laquelle l'entreprise qui dénonce souhaite conserver l'anonymat afin d'éviter des mesures de représailles.

Ainsi, la déclaration écrite du demandeur de clémence (annexe 3 bis) ne saurait constituer une déclaration anonyme, dès lors que les éléments qu'elle consigne émanent des deux avocats du demandeur de clémence, également signataires de la contribution écrite du demandeur de clémence, accompagnée de pièces jointes.

Elle ne saurait donc constituer une déclaration anonyme puisqu'elle consigne les déclarations émanant des conseils du dénonciateur, signataires du document.

Dans ces conditions, les informations transmises par le demandeur de clémence n'ont pas à être corroborées par d'autres sources.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

2) Sur la prétendue insuffisance des indices concernant Delis pour autoriser sa visite domiciliaire

En premier lieu, il est rappelé que l'article L. 450-4, alinéa 6 du Code de commerce offre une voie de recours devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris concernant exclusivement la légalité de l'ordonnance d'autorisation. Par conséquent, toute discussion relative à la requête est inopérante, dès lors que celle-ci ne constitue qu'une simple demande de l'Autorité qui ne pourrait recevoir aucune suite en l'absence de l'ordonnance d'autorisation.

En deuxième lieu, il est également fait observer qu'au stade de l'autorisation de visite et saisie, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui, par leur addition, leur rapprochement, leur confrontation et leur combinaison aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article L. 450-4 du Code de commerce, la décision d'autorisation du JLD de Paris du 11 septembre 2015 a été rendue sur le fondement de seules pièces annexées à la requête du 7 septembre 2015. Le dossier n'était pas incomplet et le juge a souverainement caractérisé l'existence de présomptions, de la pratique anticoncurrentielle d'entente, justifiant sa décision.

En ce qui concerne plus précisément la contestation des éléments d'information figurant dans la motivation de l'ordonnance d'autorisation, le fait d'analyser les indices un à un ou les pièces annexées à la requête une à une, comme le fait l'appelante, pour en tirer la conclusion que le JLD n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite dans ses locaux n'a pas de sens.

En effet, seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs simples présomptions de pratiques anticoncurrentielles.

En l'espèce, le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation (recevabilité de la demande) et du caractère suffisant des faits exposés par l'ADLC ayant conduit, après description et analyse, à des soupçons de comportements illicites dans le secteur des fruits vendus en coupelles et gourdes (bien-fondé de la demande).

Il est argué que, sur ce dernier point, la lecture de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le JLD de Paris montre que le magistrat a estimé, au terme d'une analyse motivée, que les divers documents versés à l'appui de la requête de l'Autorité, permettaient de retenir une présomption d'entente à l'égard de l'appelante (pages 4 à 8 de l'ordonnance).

Par conséquent, c'est en vain que l'appelante prétend qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice de son implication personnelle dans les pratiques prohibées présumées.

En effet, il suffit que l'appelante paraisse impliquée dans l'une des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée.

Or, deux agissements semblaient mêler directement l'appelante aux pratiques prohibées présumées [la concertation pour imposer des hausses tarifaires et la répartition des appels d'offres lancés par les grandes et moyennes surfaces de la distribution (GMS) et la restauration hors foyer (RHF) et sa participation au mécanisme de comparaison sur lequel repose la réussite de la seconde pratique illicite soupçonnée identifiée par le JLD].

Par ailleurs, si la méthode du faisceau d'indices est utilisée au fond pour apporter la ou les preuves de pratiques anticoncurrentielles, en l'absence de pièces se suffisant à elles-mêmes, cette méthode est d'autant plus recevable pour établir l'existence d'une ou plusieurs simples présomptions au stade de l'affaire où les investigations n'ont pas encore été réalisées en totalité.

S'agissant de la concertation prohibée présumée, la participation, même passive, de Delis à une seule réunion (ou à un seul échange illicite d'informations confidentielles par tout autre moyen) suffirait à montrer son adhésion à une entente expresse ou tacite avec ses concurrents.

En définitive, seule l'instruction en cours permettra de connaître avec l'examen des documents saisis lors des investigations la véritable motivation de la société Delis et l'existence ou non de pratiques prohibées à son encontre, notamment dans le cadre de réunions et d'échanges illicites d'informations confidentielles par tout autre moyen.

Par ailleurs, le JLD n'a jamais affirmé que le n° de téléphone figurant au tableau récapitulatif de l'exploitation du téléphone mobile " GMS spécial " du demandeur de clémence de l'annexe n° 6 à la requête est celui d'un salarié de Delis. Au contraire, l'ordonnance d'autorisation indique clairement que ce n° de téléphone appartient à M. Laurent SANCHEZ, directeur commercial France de l'entreprise Z, suite aux éclaircissements apportés par le demandeur de clémence lors du PV d'audition du 15 juillet 2015, contenu également dans l'annexe n° 6 à la requête (page 5 de l'ordonnance).

Ensuite, il est argué que c'est à tort que l'appelante critique les annexes 7 et 8.6 à la requête qui ne la concernent pas puisque, comme il a été indiqué supra, seules les annexes 1, 3 bis, 6 et 8 (8.1, 8.2, 8.5, 8.10, 8.11, 8.13, 8.14 et 8.15), 9.3, 9.4 et 10 visent Delis.

Par ailleurs, il est encore rappelé que l'appelante se fonde sur une interprétation erronée de la demande de clémence qu'elle feint de confondre avec des déclarations anonymes pour contester sa participation aux réunions relatées par le demandeur de clémence.

En outre, l'acquiescement de Delis aux pratiques illicites suspectées, invoqué par l'appelante, n'est pas exigible au stade de l'opération de visite et saisie.

Enfin, concernant plus particulièrement la participation contestée par Delis aux 10 réunions mentionnées dans l'ordonnance d'autorisation en page 5, 3 d'entre elles ne la concernent pas puisqu'il s'agit de réunions bilatérales entre le demandeur de clémence et l'entreprise Materne.

S'agissant de la réunion plénière du 6 octobre 2010, l'annexe 3 bis à la requête indique : " toutes les sociétés mentionnées dans l'annexe 1 y ont participé. L'objectif de cette réunion était d'élaborer un accord sur des ententes anticoncurrentielles. ['] Les notes manuscrites démontrent aussi une discussion avec Délis concernant son offre relative aux gourdes chez Lidl et Leaderprice ".

S'agissant de la réunion plénière du 4 novembre 2010, l'annexe 3 bis indique également " toutes les sociétés participantes étaient représentées ".

S'agissant de la réunion du 24 janvier 2011, l'annexe 3 bis mentionne la présence de MM. Colas et Petitcolas de Materne et de M. Philippe de Delis. Pour contester la présence d'un représentant de Delis à cette réunion, l'appelante produit une facture de restaurant (pièce 15 jointe à ses conclusions), où figurent de manière manuscrite 3 noms (MM. Sanglier, Frison et Gomez) lors d'un dîner du 24 janvier 2011 (21h41).

Or, la réunion anticoncurrentielle a eu lieu à 16h et non lors d'un dîner. Par ailleurs, M. Philippe de Delis ne figure pas sur cette facture. Il a donc vraisemblablement pu participer au repas après la réunion, ce que l'instruction en cours confirmera ou infirmera.

S'agissant de la réunion plénière du 10 juin 2011, l'appelante ne conteste pas sa participation à cette réunion à 14h et se contente d'indiquer que le demandeur de clémence ne fournit pas de note de frais pour cette date.

S'agissant de la réunion du 3 novembre 2011, l'appelante ne critique pas sa participation à la réunion mais le contenu de celle-ci, notamment l'intervention de M. Rudaux de la société Andros. Elle soutient sur la base des seuls propos tenus lors de cette réunion, que les allégations du demandeur de clémence sont inexactes car M. Rudaux ignorait le 3 novembre 2011 qu'une enquête, à la suite de la demande de clémence de l'entreprise YOPLAIT, avait été ouverte dans le secteur des produits laitiers frais, l'ADLC ne s'étant saisie que le 20 janvier 2012.

Il est argué que la société Delis feint d'ignorer que dans l'affaire des produits laitiers frais, la société YOPLAIT n'avait pas souhaité conserver l'anonymat, à compter des opérations de visite et saisies, lors du PV de réception du demandeur de clémence du 12 août 2011 par l'Autorité, antérieur à la

réunion du 3 novembre 2011 précitée, et a pu avertir, de manière volontaire ou involontaire, certains membres du cartel de sa démarche auprès de l'administration, ce qui explique que le 3 novembre 2011, M. Rudaux connaissait l'existence possible d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais, secteur dans lequel il travaillait pour la société Novandie.

Dans ces conditions, la seule connaissance par M. Rudaux de l'existence potentielle d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais le 3 novembre 2011 ne rend pas inexactes les déclarations écrites du demandeur de clémence contenues dans l'annexe 3 bis à la requête car rien ne permet de confirmer ou infirmer, au regard du calendrier de la procédure dans cette affaire des produits laitiers frais, que M. Rudaux ignorait le 3 novembre 2011 l'existence d'une enquête dans ce secteur.

S'agissant de la réunion plénière du 17 juillet 2013 à l'exception d'Andros, il est soutenu que le fait que le demandeur de clémence indique que lors de cette réunion les notes prises " sont des observations internes et ne constituent pas de preuve de l'entente " répond exactement à la jurisprudence en vigueur qui, au stade de la demande d'autorisation de visite et saisie, n'exige pas la production d'éléments probants mais de simples présomptions de pratiques prohibées.

S'agissant de la réunion plénière du 3 septembre 2013, l'annexe 3 bis indique : " par exemple, Valade veut fournir les coupelles 16x100 (4 goûts) chez Galec et Delis veut fournir le nouveau produit chez Aldi France ".

S'agissant enfin de la réunion du 13 avril 2011, qui ne figure pas dans le tableau des réunions retenues par le juge de l'autorisation et que l'appelante critique également, produisant une note de frais de repas d'un déjeuner du même jour qui montrerait que " le salarié de l'appelante n'était pas à Paris mais à Montreuil-sous-Pérouse ", il est fait noter que la lecture de l'annexe 6 à la requête montre que différents salariés de Delis participaient aux réunions (MM. Klein, Coulombu ou Philippe).

Par conséquent, si l'un des trois se trouvait à Montreuil-sous-Pérouse, l'un des deux autres pouvait parfaitement assister à la réunion du cartel le 13 avril 2013 à 14h30.

Pour finir, l'appelante prétend qu'elle ne dispose que d'une position " très limitée sur le marché comme en atteste notamment l'annexe 8.1 de la requête " pour tenter de minimiser son implication dans l'entente présumée.

A cet égard, il est argué que la société Delis ne se trouve pas dans une position distincte des autres protagonistes du cartel dénoncé par le demandeur de clémence, le faible tonnage invoqué de sa production étant sans incidence, au stade de l'enquête, sur sa participation au cartel dès lors qu'elle active sur le secteur concerné.

En troisième lieu, il est soutenu que le fait que les éléments d'information mis à la disposition du JLD de Paris pour rendre son autorisation ne proviennent que du demandeur de clémence ne saurait discréditer leurs contenus.

L'annexe 3 bis constituée de la contribution écrite du demandeur de clémence signée de ses deux avocats était, à elle seule, une pièce pertinente et suffisante.

Dans ces conditions, il est demandé que le moyen soit rejeté.

II) Sur le prétendu défaut de vérification du bien-fondé de la requête

En premier lieu, il est soutenu que si effectivement, l'administration présente au JLD, dans un souci de commodité, une requête et un projet d'ordonnance, elle le fait toujours en version papier accompagnée d'une version numérique, ce qui permet au magistrat, qui n'a nullement l'obligation d'en faire un quelconque usage, de modifier s'il désire s'en servir le projet d'ordonnance d'autorisation qui lui est soumis, autant qu'il le souhaite.

Soutenir, comme le fait l'appelante, que le juge n'a pas examiné le dossier pour effectuer son contrôle est inexact.

En effet, en 4 jours, le JLD de Paris a parfaitement pu procéder aux vérifications qui s'imposaient.

En outre, les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée, lequel en endosse la responsabilité. La circonstance que l'ordonnance soit la reproduction de la requête de l'administration est sans incidence sur la régularité de la décision. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En deuxième lieu, il est soutenu que conformément à l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce, la décision d'autorisation du 11 septembre 2015 du JLD de Paris a été rendue sur le fondement des seules pièces annexées à la requête du 7 septembre 2015.

Dans ces conditions, le dossier n'était pas incomplet et le juge a souverainement caractérisé l'existence de présomptions des pratiques anticoncurrentielles d'action concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions qui auraient pour objet ou effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse et se répartir les marchés, justifiant sa décision.

Les entreprises suspectées, dont l'appelante, ont été informées de l'objet de la mesure autorisée, des pratiques anticoncurrentielles présumées et du secteur sur lequel elles auraient été commises.

Par conséquent, l'appelante ne saurait se faire un grief de ce que les documents n'aient pas figuré à la procédure de demande d'autorisation de visite et saisies.

Par ailleurs, l'occultation des documents n'est ni excessive ni disproportionnée et l'ordonnance d'autorisation indique clairement les raisons pour lesquelles une partie des annexes à la requête a été occultée.

Tout d'abord, pour qu'une procédure de clémence puisse être attractive, il est nécessaire de préserver l'anonymat de l'entreprise lorsqu'elle en fait la demande.

Il est argué que l'autorité judiciaire, et par conséquent le JLD, est intéressée par l'attractivité de la procédure de clémence en qualité de garant de l'ordre public et ce, y compris l'ordre public économique, afin de tenter de préserver le bien-être économique du pays en favorisant la révélation d'infractions économiques par des entreprises repenties, qui permet ainsi le démantèlement de cartels de plus en plus difficiles à déceler du fait de l'extrême prudence des différents protagonistes à l'entente.

Il est également précisé qu'une demande de clémence repose avant tout sur la volonté d'une entreprise de se voir exonérer totalement ou partiellement de sanction pécuniaire, lorsqu'elle dénonce sa participation à une entente et coopère avec l'ADLC.

Dès lors que l'Autorité a adopté, conformément aux dispositions de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce, un avis de clémence non public, l'administration n'a pas l'obligation de produire à l'appui de sa requête le PV de réception du demandeur de clémence ainsi que toute autre pièce, qui pourrait relever l'identité du repenti, dans leur intégralité, afin de préserver la confidentialité de la démarche du demandeur de clémence jusqu'à la notification des griefs.

En tout état de cause, l'autorité judiciaire dispose du pouvoir discrétionnaire, laissé par la loi, d'ordonner ou non la production d'éléments d'information ou de preuve détenus par une partie, sans être tenue de s'expliquer sur une telle demande.

Par conséquent, en préservant l'anonymat du demandeur à la clémence, le JLD de Paris n'a aucunement porté atteinte au principe contradictoire, inexistant au stade de la demande d'autorisation, ni excédé ses pouvoirs mais en a fait une exacte application.

Ensuite, s'agissant de l'argument selon lequel la requête et l'ordonnance d'autorisation seraient fondées sur des éléments tronqués et incompréhensibles, il est argué qu'il appartient tant à l'Autorité de la concurrence qu'à l'autorité judiciaire de tout faire pour que des secrets d'affaires ne tombent pas entre les mains de personnes morales concurrentes.

Le JLD, dans le cadre d'une procédure d'autorisation de visite et saisie, est le garant du respect des secrets d'affaires et s'il estime qu'une communication plus étendue des pièces doit être réalisée, il peut l'ordonner, ce qui ne s'est pas passé au cas d'espèce, le juge ayant au contraire pris grand soin de protéger au maximum les secrets d'affaires et estimé les éléments fournis suffisants en l'état.

Enfin, s'agissant de la protection des données personnelles des personnes physiques, notamment à l'annexe 6 de la requête, il est argué qu'on comprend mal comment une telle protection pourrait léser les intérêts de l'appelante.

En définitive, il est soutenu que l'ordonnance d'autorisation est parfaitement compréhensible car elle repose sur des éléments d'information également parfaitement compréhensibles, qui figurent bien au dossier consultable par les entreprises visées par les investigations.

En troisième lieu, en ce qui concerne la violation de l'article 6 § 1 de la CESDH, invoquée par l'appelante, il est précisé que celle-ci a eu l'accès à l'intégralité du dossier sur lequel s'appuie l'ordonnance d'autorisation et a pu contester la légalité de l'ordonnance du JLD de Paris ainsi que le déroulement des opérations de visite et saisies.

Il est également rappelé que les droits de la défense, tels que définis par l'article 6 de la CESDH, ne sont pas pleinement applicables au stade de la procédure de constatation des infractions qui inclut la mise en œuvre de la recherche de la preuve.

En droit des pratiques anticoncurrentielles, les droits de la défense, notamment la mise à disposition du dossier, ne commencent qu'à la communication des griefs par l'Autorité de la concurrence, alors que la recherche de la preuve est terminée.

A ce stade de l'enquête, c'est le principe de loyauté qui s'applique et non pas celui du contradictoire.

En l'espèce, ce principe est garanti par la notification des ordonnances d'autorisation et sur commission rogatoire qui mentionnent l'objet de l'enquête, la connaissance et le respect des règles éthiques, déontologiques et de probité par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, la présence possible d'un conseil, la présence d'officiers de police judiciaire qui contrôlent le respect de la procédure et qui constituent une garantie pour le justiciable, la saisine en cas de difficulté et le déplacement possible sur les lieux du JLD et, enfin, le recours en contestation tant de la légalité de l'ordonnance d'autorisation que du déroulement des opérations de visite et saisies ouvert à l'appelante et exercé par celle-ci, afin de tenter d'obtenir l'annulation totale ou partielle de la procédure.

Or, il n'est pas été démontré par l'appelante que les enquêteurs auraient mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir des éléments d'information lors des investigations. Au contraire, cette exigence de loyauté a été parfaitement remplie.

En effet, l'ordonnance du JLD de Paris ainsi que l'ordonnance du JLD de Rennes, rendue sur commission rogatoire, prévoyaient la saisine du juge pendant les opérations de visite et saisies.

Cependant, ni l'occupant des lieux, ni ses représentants n'ont pas jugé bon de saisir le JLD du TGI de Rennes durant les investigations par le biais de l'OPJ présent, dont c'est justement le rôle d'entrer en contact téléphonique avec le juge du contrôle si une difficulté ou contestation leur est soumise, ce qui n'a pas été le cas, en l'espèce.

Au surplus, les réserves écrites sont toujours possibles. Elles sont remises directement à l'OPJ qui les communique au JLD, ce qui de nouveau n'a pas été le cas, en l'espèce.

Dans ces conditions, il est demandé donc que le moyen soit écarté.

III) Sur le caractère prétendument disproportionné de la mesure d'enquête ordonnée

Tout d'abord, s'agissant du principe de proportionnalité et du droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance dont l'appelante se prévaut, il est rappelé que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH, ni d'ailleurs par celle des juridictions nationales.

En effet, la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2.

Pour être admissible, l'ingérence de l'autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 est subordonnée à une triple condition : être prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique. L'État français remplit ces trois conditions.

Il est également précisé que l'allégation du défaut de proportionnalité de la mesure judiciairement autorisée par rapport au but poursuivi doit être évaluée au regard de l'importance des enjeux économiques lors de cette enquête dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes qui, visant à rechercher la preuve de la pratique anticoncurrentielle d'entente illicite, est nécessaire au bien-être économique du pays.

Dans ces conditions, l'appelante ne peut sérieusement contester que la visite et la saisie de documents de tout support d'information ont été autorisées par le JLD de Paris et réalisées sous contrôle judiciaire.

Deuxièmement, concernant l'argument selon lequel la mise en œuvre des moyens d'investigation de l'article L. 450-4 du Code de commerce était inutile pour mener l'enquête et l'instruction de ce dossier, l'article L. 450-3 dudit Code étant suffisant, une telle critique a été rejetée à maintes reprises par la jurisprudence.

En effet, au regard de la complexité des agissements illicites présumés et de leur caractère secret, l'ADLC n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

D'autre part, la mesure autorisée par le JLD de Paris avait notamment pour objet de vérifier si le comportement suspecté de Delis était motivé par la volonté de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse et se répartir les marchés passés à l'occasion des appels d'offres lancés par la grande et moyenne distribution (GMS) et la restauration hors foyer (RHF), ce, en violation des dispositions des points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101-1 a) et c) TFUE.

Seule la visite inopinée des bureaux et la saisie des notes, documents et, le cas échéant, des messageries électroniques des principaux responsables de Delis, en charge notamment de répondre aux appels d'offres de la GMS et de la RHF, pouvaient permettre de contrôler la volonté de se répartir les marchés entre concurrents et faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, sur le secteur économique considéré.

Concrètement, il est rare en pratique que la preuve d'agissements anticoncurrentiels résulte du simple droit de communication, les opérateurs étant de mieux en mieux formés aux enquêtes de concurrence.

La mise en œuvre des pouvoirs simples de l'article L. 450-4 du Code de commerce ne ferait en définitive qu'alerter les fournisseurs de fruits vendus en coupelles suspectées, qui aussitôt prendraient des mesures afin de faire disparaître de leurs locaux tous les documents compromettants utiles à la manifestation de la vérité.

A partir du moment où le JLD a au préalable examiné les documents soumis et pris le soin de décrire et analyser chacune des présomptions de pratiques anticoncurrentielles qu'il entendait retenir, le recours à l'article L. 450-4 du Code de commerce est parfaitement justifié.

En définitive, l'ordonnance du JLD de Paris du 11 septembre 2015 est à l'abri de toute critique et ne souffre d'aucune incomplétude ou vice susceptible d'en affecter la légalité et d'aboutir à son annulation.

Pour toutes ces raisons, il est demandé que le moyen soit rejeté.

- Sur le déroulement des opérations de visite et saisies

I) Sur la saisie de données informatiques dans les locaux de Delis

En premier lieu, l'administration tient à rappeler que les rapporteurs n'ont vérifié et saisi aucune messagerie personnelle de salariés, les investigations ayant exclusivement porté sur des boîtes de messageries électroniques professionnelles mises à leur disposition par leur employeur Delis pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariée.

Ces messageries électroniques sont de type Microsoft Outlook. Elles sont structurées de telle manière que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l'agenda ou les contacts. Il est fait valoir que cette organisation informatique n'est en aucun cas le fait des rapporteurs et préexistait avant leur arrivée dans les locaux de la société visitée.

Par conséquent, l'administration ne pouvait que constater ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans Outlook, ne pouvant en aucun cas le modifier.

En conséquence, la structure particulière d'un fichier de messagerie Outlook et l'obligation qu'ont les rapporteurs de ne pas altérer les attributs des fichiers impliquent nécessairement la saisie globale du fichier de messagerie.

Ce faisant, il ne peut être exclu qu'une messagerie électronique, par nature composite, puisse contenir à la fois des messages entrant dans le champ des investigations et des messages sans rapport avec l'objet de l'enquête de la même manière qu'un cahier ou qu'un agenda peut contenir en même temps des annotations pertinentes pour les investigations et d'autres totalement sans relation avec celles-ci.

Pour autant, le mode opératoire suivi par l'Autorité de la concurrence est très largement validé par la jurisprudence.

Dès lors que les rapporteurs ont constaté que ces messageries renfermaient des messages entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD, ce que la requérante ne conteste pas, ils ont procédé à la copie globale du fichier pour les raisons développées supra.

Il est soutenu que la présence de ces correspondances à caractère privé, si elle est avérée, ne pourra entraîner la nullité totale des opérations mais seulement la restitution des pièces identifiées comme privées.

Par ailleurs, il est fait valoir que l'article L. 450-4 du Code de commerce permettent aux rapporteurs de saisir " tout support d'information ", c'est-à-dire les ordinateurs eux-mêmes, leurs disques durs ou une copie complète de ceux-ci.

Or, eu égard aux circonstances de l'espèce et dans un souci de proportionnalité, les rapporteurs ont procédé à une sélection et n'ont saisi que les fichiers qui comportaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation accordée par le JLD, ce qui n'est nullement contesté par Delis.

Il ressort de la lecture du procès-verbal du 22 septembre 2015 et des listes des fichiers sélectionnés qui y sont annexées que seuls 2 530 fichiers ont été saisis (ainsi que des données provenant d'un téléphone) dans les locaux de Delis sur plus de 600 219 fichiers analysés, soit à peine plus de 0,42 %, ces éléments témoignant à eux seuls de la sélectivité mise en œuvre pour appréhender les données se rapportant à l'objet de l'enquête.

En deuxième lieu, il est fait valoir que les rapporteurs ont demandé à Delis si des documents qui seraient protégés par les dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, étaient susceptibles de se trouver dans les fichiers appréhendés, et ce, préalablement à la saisie.

Il ressort du PV du 22 septembre 2015 (page 3) que l'entreprise ayant fait état de la présence de telles correspondances dans les saisies, les rapporteurs ont placé l'ensemble des fichiers sélectionnés sous scellé fermé provisoire. Il est fait observer que bien que l'appelante ait demandé à bénéficier de cette protection, elle n'a cependant identifié aucun document relevant de la protection susmentionnée.

Il est argué que les supputations de Delis sur les potentielles difficultés qu'elle aurait pu rencontrer si elle avait listé les documents relatifs à la vie privée figurant dans les fichiers placés sous scellé fermé provisoire, en raison notamment de l'absence de copie remise par les rapporteurs de l'ADLC apparaissent totalement inopérantes.

D'abord, l'objet de la mise sous scellé fermé provisoire est de permettre l'élimination des correspondances échangées avec les avocats de la société avant la saisie et pas les documents de nature privée, qui n'ont pas vocation à se trouver dans une messagerie professionnelle, et pour lesquels seul le Premier président peut prononcer le cas échéant la restitution.

En outre, il convient d'indiquer qu'au stade de la mise sous scellé provisoire, la saisie n'est pas encore définitive. C'est la raison pour laquelle aucune copie des fichiers n'est conservée par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ni remise à l'entreprise et l'inventaire complet et définitif des fichiers ne peut pas être réalisé immédiatement.

La saisie définitive n'intervient qu'après l'ouverture du scellé fermé provisoire, l'élimination des documents réellement couverts par la protection invoquée et la constitution du scellé définitif, comme cela a été le cas le 15 octobre 2015. Une copie des pièces est alors remise à l'entreprise.

Pour autant, afin de permettre à l'entreprise d'identifier les fichiers qui ont été placés temporairement sous scellé fermé provisoire, une liste complète des fichiers a été annexée au procès-verbal et remise à l'entreprise. Cette liste énumère précisément le nom de chaque fichier copié, ainsi que sa taille, son empreinte numérique, ses caractéristiques et sa localisation sur l'ordinateur ou le serveur à partir duquel il a été copié.

En toute hypothèse, la requérante dispose des fichiers originaux, dont elle n'a d'ailleurs jamais été privée, et peut librement y accéder dès la fin des opérations pour identifier les documents protégés.

Il est demandé donc que le moyen soit écarté.

II) Sur la saisie de données présentes sur le téléphone mobile d'un des salariés de Delis

S'agissant en premier lieu de l'établissement d'un inventaire des données saisies, il y a lieu de constater que le procès-verbal de visite et saisies, établi le 22 septembre 2015 dans les locaux de Delis, porte en entête la mention " Inventaire des Documents Saisis " et fait expressément mention du contenu du scellé provisoire n° 5 contenant " les fichiers informatiques retenus sur les ordinateurs de MM. Donnay et Philippe et sur le téléphone de M. Philippe ".

Contrairement aux allégations de la requérante, la saisie des données provenant du téléphone de M. Philippe a donc bien donné lieu à l'établissement d'un inventaire.

Il est rappelé que la Haute juridiction a plusieurs fois indiqué qu'aucune disposition n'impose de forme particulière à l'inventaire des pièces et documents saisis.

En effet, si la justification de la tenue de l'inventaire des pièces saisies prévue par les articles 56 du Code de procédure pénale et R. 450-2 du Code de commerce est, d'une part, de mettre l'entreprise en mesure de connaître la nature des documents saisis en original et dont elle n'aura de fait plus la disposition pendant un certain temps, et, d'autre part, de pouvoir par suite en réclamer la restitution, il n'en reste pas moins que dans les locaux de Delis, il a été procédé par copie et non par emport de supports informatiques originaux.

C'est donc à tort que la requérante critique l'inventaire des données saisies sur le téléphone mobile, celui-ci ayant été établi dans le respect des dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale et conformément à la jurisprudence en vigueur.

En second lieu, en ce qui concerne le moyen selon lequel les données issues du téléphone de M. Philippe pourraient contenir des correspondances échangées entre l'entreprise et ses avocats que la requérante n'aurait pas été en mesure d'identifier en raison du caractère prétendument sommaire de l'inventaire, il est argué que Delis ne fait ici que procéder par hypothèse, sans produire aucun élément concret de nature à démontrer la présence de documents protégés dans les données appréhendées.

Dans ces conditions, elle ne met ni l'Autorité de la concurrence ni le Premier Président en mesure de se prononcer sur ces éventuelles pièces.

Enfin, la critique selon laquelle le logiciel remis par le rapporteur pour lire le contenu des données appréhendées sur le téléphone de M. Philippe ne permet pas d'identifier les documents qui relèveraient de la vie privée, est totalement contredite par la production en annexe n° 1 d'une liste de sms, mms, e-mails et messages instantanés présentés comme relevant de cette catégorie.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit rejeté.

III) Sur la saisie des documents hors du champ de l'enquête ou relevant de la protection de la vie privée

Tout d'abord, concernant la demande d'exclusion des produits MDF du champ matériel de l'autorisation, il a déjà été répondu supra.

Ensuite, s'agissant de l'argument selon lequel les investigations ne pouvaient être menées que sur des faits se situant dans la période octobre 2010 - janvier 2014, il est fait valoir que l'ordonnance précise que " l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations des pratiques prohibées, dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ", ce qui autorise les rapporteurs à appréhender d'autres pièces que celles se rapportant à la période 2010-2014.

En effet, non seulement il n'est pas établi que les pratiques dénoncées, si elles se sont avérées, se sont limitées à la période définie par le demandeur de clémence, mais encore, si l'Autorité ne peut être saisie de faits remontant à plus de 5 ans au regard de la prescription quinquennale de l'article L. 462-7 du Code de commerce, rien n'interdit en revanche de saisir des documents concernant des faits couverts par la prescription. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

En effet, l'article L. 462-7 du Code de commerce organise la prescription des faits, et non des documents qui peuvent être saisis et utilisés pour éclairer les faits non prescrits susceptibles d'être sanctionnés, à la condition qu'il n'en soit pas tiré de conséquences quant à la gravité de ces derniers.

Quant aux documents postérieurs à 2014, ils ont un intérêt certain car ils peuvent montrer que les pratiques prohibées ont perduré, le cas échéant, entre certains des protagonistes suspectés entre la demande de clémence du 28 janvier 2014 et les opérations de visite et saisies réalisées le 22 septembre 2015.

Par conséquent, il est demandé de rejeter la demande de restitution portant sur des documents relatifs aux produits de marque (MDF) ou se situant en dehors de la période 2010-2014, listés en annexe n° 1 par la requérante.

Enfin, s'agissant des documents listés toujours en annexe n° 1 que la société Delis juge relatifs à la vie privée, qui seraient contenus dans le téléphone mobile de M. Philippe, il est fait observer qu'elle ne produit cependant pas ces documents et leur contenu, en empêchant ainsi le Premier Président de se prononcer sur ces pièces.

Dans ces conditions, il est demandé que le moyen soit écarté.

En conclusion, l'Autorité de la concurrence demande de :

- confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue sur commission rogatoire par le JLD du TGI de Rennes le 17 septembre 2015 ;

- rejeter la demande d'annulation, à titre principal, des procès-verbaux de visite et saisie des 22 septembre 2015 et 15 octobre 2015 et de l'ensemble des opérations diligentées dans les locaux de la requérante et de restitution des pièces saisies ;

- rejeter les demandes de restitution de l'annexe n° 1 formulées à titre infiniment subsidiaire ;

- condamner l'appelante au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis déposé au greffe de la Cour d'appel de Paris le 15 mars 2017, le Ministère public fait valoir :

- Sur la légalité des ordonnances rendues par les JLD

- l'existence de présomptions de participation de la société Delis à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur économique concerné par l'enquête a été dûment vérifiée par les JLD

Il est soutenu que le JLD n'a pas à déterminer, dans l'ordonnance d'autorisation, le ou les marché(s) pertinent(s) dans le secteur économique qu'il définit, car ce sont précisément les résultats des investigations qu'il autorise qui permettront d'identifier ces marchés.

Par conséquent, l'affirmation de l'appelante selon laquelle l'ordonnance aurait opéré un cantonnement à certains marchés de produits vendus n'a pas lieu d'être.

Les suspicions de pratiques anticoncurrentielles étayées dans la requête et ses annexes sont, par nature, susceptibles d'intéresser tout ou partie du secteur économique concerné, ici les " fruits vendus en coupelles et en gourdes ". Aucun marché ni secteur de distribution ne peut être exclu de l'autorisation de visites et saisies, car, ainsi que le relève l'ADLC, un jeu de compensations réciproques entre les différentes sociétés impliquées à la même époque sur différents marchés individualisés ayant un lien de connexité ne peut être a priori exclu. Le JLD, lorsqu'il examine la requête qui lui est adressée, vérifie ainsi l'existence d'indices de pratiques prohibées dans le secteur économique concerné : s'il les estime pertinents, il autorise par ordonnance les visites et saisies dans ce secteur.

En l'espèce, le JLD a relevé, de manière non exhaustive, 2 agissements relevant des pratiques prohibées prévues aux articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) TFUE, qui sont dans le secteur économique concerné, la coordination des hausses tarifaires et la répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients.

Il est soutenu qu'aucun cantonnement des mesures autorisées n'avait à intervenir et l'ordonnance d'autorisation couvrait, régulièrement, l'ensemble du secteur économique concerné.

- la demande de clémence n'est pas une dénonciation anonyme

La procédure, établie par la loi, assure, tout en permettant au demandeur de clémence de conserver, dans un premier temps, l'anonymat pour éviter des mesures de rétorsion, de l'existence et de l'engagement du demandeur de clémence. Cette procédure repose en effet sur une déclaration écrite du demandeur de clémence (annexe 3 bis à la requête), signée ici, d'une part, par ses deux avocats et accompagnée de pièces jointes ainsi que d'autre part, par le rapporteur général adjoint de l'ADLC.

Ainsi, le JLD a pu s'assurer de l'existence et de l'identité du demandeur de clémence et les exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce ont été respectées, sans que les informations ainsi transmises par le dénonciateur n'aient à être corroborées par d'autres sources.

- les JLD ont vérifié l'existence de suspicions de pratiques anticoncurrentielles de la part de la société Delis

Il est argué que l'examen des 12 annexes à la requête a ici permis au JLD de vérifier qu'existaient des indices permettant de suspecter par présomption simple, l'entreprise Delis de participer à une entente prohibée dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes dans lequel elle exerce son activité.

Conformément aux dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 2 du Code de commerce, le JLD a ainsi vérifié que " la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée " et que " cette demande " comporte " tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite. ".

Le JLD a utilisé la méthode du faisceau d'indices, validée encore récemment par la jurisprudence, ce qui exclut toute critique fondée sur l'examen des indices pris isolément.

Par ailleurs, ainsi que le rappelle l'Autorité, 7 annexes à la requête, à savoir les annexes 1, 3 bis, 6, 8.1, 8.2, 8.5, 8.10, 8.11, 8.13, 8.14, 8.15, 9.3, 9.4 et 10 visaient la société Delis.

- la possibilité que la société Delis soit impliquée dans les agissements frauduleux suspectés justifie la mesure d'autorisation

La jurisprudence admet que la participation, même passive, d'une société à une seule réunion ou à un seul échange illicite d'informations confidentielles suffirait à établir la possibilité qu'elle ait adhéré à une entente expresse ou tacite avec ses concurrents.

A cet égard, l'ADLC apporte toutes les explications utiles : le n° de téléphone figurant au tableau récapitulatif de l'exploitation du téléphone mobile " GMS spécial " du demandeur de clémence de l'annexe n° 6 appartient à M. Laurent Sanchez, directeur commercial de l'entreprise Z ; les annexes 7 et 8.6 à la requête ne concernent pas la société Delis, visées par les annexes 1, 3 bis, 6, 8.1, 8.2, 8.5, 8.10, 8.11, 8.13, 8.14, 8.15, 9.3, 9.4 et 10 ; s'agissant des 10 réunions bilatérales mentionnées dans l'ordonnance d'autorisation en page 5, 3 concernent le demandeur de clémence et

Materne, sans concerner Delis et les 7 autres comportent des éléments impliquant la société Delis dans les pratiques illicites soupçonnées, ainsi que l'indique l'annexe 3 bis à la requête et sans qu'aucune pièce probante ne vienne infirmer cette déclaration.

- l'autorisation de visites et saisies donnée par le JLD n'impose pas la caractérisation, à ce stade de la procédure de recherche de preuves, d'une participation de la société soupçonnée aux agissements anticoncurrentiels

- la crédibilité des propos rapportés par le demandeur de clémence, lors de la réunion du 3 novembre 2011 à laquelle la société Delis reconnaît avoir participé, n'est pas altérée

Si M. Rudaux, salarié des sociétés Andros et Novandie (secteur des produits laitiers frais), appartenant au même groupe, a, selon le demandeur de clémence, fait état, lors de la réunion du 3 novembre 2011, du thème de l'enquête dans le secteur des produits laitiers frais, alors que l'administration ne s'est saisie de cette enquête que le 20 janvier 2012, cette circonstance est expliquée, comme l'expose l'ADLC, par le fait que la société Yoplait n'avait pas souhaité conserver l'anonymat, à compter des opérations de visite et saisies, lors du PV de réception de demandeur de clémence du 12 août 2011 par l'ADLC, antérieur à la réunion du 3 novembre 2011 précitée, et a pu avertir, de manière volontaire ou involontaire, certains membres du cartel de sa démarche auprès de l'ADLC, ce qui explique que le 3 novembre 2011, M. Rudaux connaissait l'existence possible d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais.

Il n'est donc pas établi que M. Rudaux ignorait le 3 novembre 2011 l'existence d'une enquête dans le secteur des produits laitiers frais.

- des nombreux autres indices ont été recueillis de la participation à ces réunions ou de l'implication possible de la société Delis dans des pratiques prohibées, dans le secteur de l'économie concerné

Il est argué que l'annexe 6 à la requête montre que différents salariés de la société Delis, MM. KLEIN, COULOMBU ou Philippe, participaient aux réunions. L'un ou l'autre a pu assister à la réunion du cartel le 13 avril 2014 à 14h30 et il importe peu dès lors que soit produite, pour l'un d'eux, une attestation de présence au même moment dans un autre endroit.

La participation de la société Delis à une seule réunion ou un seul échange d'informations avec ses concurrents, susceptible d'établir l'existence d'une concertation entre fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes, suffit à fonder la suspicion de sa participation à une pratique anticoncurrentielle. En l'espèce, le tableau des réunions retenues par le JLD établit cette circonstance.

Le fait que la société Delis dispose ou non d'une position " très limitée sur le marché comme en atteste notamment l'annexe 8.1 de la requête " n'est susceptible de produire aucun effet sur la régularité de l'autorisation de visite domiciliaire.

Par ailleurs, la circonstance que les documents mis à la disposition du JLD de Paris émanent du seul demandeur de clémence, dans le cadre de son obligation légale de coopération loyale et totale n'est pas critiquable.

En outre, il est soutenu que la mise en œuvre par l'Autorité des pouvoirs que lui attribue l'article L. 450-3 du Code de commerce est par nature exclue dans ce type de procédure, l'entreprise suspectée étant ainsi alertée pouvant prendre toutes mesures pour assurer la disparition des preuves.

Une seule pièce probante, telle que l'annexe 3 bis à la requête, suffit à établir une suspicion de participation de la société Delis à une pratique prohibée permettant au JLD d'autoriser la mesure.

- l'ordonnance rendue sur requête par le JLD est conforme à la procédure suivie en la matière

Il est soutenu que la reprise par l'ordonnance du JLD des termes de la requête qui lui a été présentée signifie que, sous sa responsabilité, le juge a décidé de faire siens les motifs et le dispositif de l'ordonnance qu'il a examinés.

Il est également argué que l'arrêt Ravon c/France de la CEDH du 21 février 2008 n'est pas applicable ici, car il concerne la violation de l'article 6 de la CESDH du fait de l'absence d'accès à un tribunal pour contester en fait et en droit l'autorisation judiciaire délivrée alors qu'existent ici des procédures permettant de contester la légalité de l'ordonnance d'autorisation et le déroulement des opérations de visite et saisies.

Par ailleurs, les éléments utiles suffisants à la prise de décision du JLD lui ont été transmis avec la requête. Il est argué que le défaut de transmission d'une partie du dossier ne peut être critiqué. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

De surcroît, la circonstance, justifiée par les caractéristiques de la procédure de clémence, que des pièces aient été pour partie occultées n'empêche pas que chacun des éléments d'information retenus par le JLD dans son ordonnance puisse être apprécié et discuté par la société Delis.

- aucune violation de l'article 6-1 ou des articles 8 et 13 de la CESDH ne peut ici être utilement invoquée par l'appelante

Le Ministère Public fait valoir que pour lui permettre d'exercer son recours, la société Delis a eu accès à l'intégralité du dossier sur lequel le JLD a fondé son ordonnance d'autorisation.

Il est argué que le principe du contradictoire et les garanties des droits de la défense, avec notamment le droit d'accéder, par principe, à l'intégralité du dossier, ne sont mis en œuvre qu'après la notification des griefs.

Au stade de l'enquête, seules les règles posées par l'article 6 de la CESDH concernant le délai raisonnable et la loyauté dans la recherche de la preuve sont applicables. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2 dont les conditions de mise en œuvre ' action prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), visant un but légitime (recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles contraires au bien-être économique du pays), étant nécessaires dans une société économique - sont ici réunies.

Dans ces conditions, il est demandé de confirmer la légalité des ordonnances rendues par les JLD.

- Sur le déroulement des opérations

- la régularité de la saisie des fichiers informatiques dans les locaux de la société Delis

Il est argué que les enquêteurs ne pouvaient que procéder à la saisie globale des messageries électroniques professionnelles de deux salariés de la société Delis, placés sous scellé définitif n° 6 le 15 octobre 2015, compte tenu de leur caractère insécable. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, si l'ensemble des fichiers sélectionnés a été placé sous scellé fermé provisoire, ainsi que le retrace le PV du 22 septembre 2015, sur la demande de la société, qui souhaitait que soient préservés les secrets de la correspondance avocats-clients et de la vie privée, elle n'a cependant pas identifié aucun document relevant de la protection sus-mentionnée.

L'Autorité a remis à la clôture des opérations un inventaire des fichiers saisis, annexé au procès-verbal, pour lui permettre d'identifier les messages dont elle pourrait demander la suppression au moment de la réunion contradictoire ayant pour objet de transformer le scellé provisoire en scellé définitif.

Il est soutenu que l'administration n'a pas à remettre de copie des fichiers saisis à la société visitée, qui les conserve en original. L'inventaire des fichiers placés sous scellé provisoire remis à la société visitée précise le nom de chaque fichier copié, sa taille, son empreinte numérique, ses caractéristiques et sa localisation sur l'ordinateur ou le serveur à partir duquel il a été copié.

Le procès-verbal de visite et saisies établi le 22 septembre 2015 dans les locaux de la société Delis fait état de ce que le scellé provisoire n° 5 contient, en copie, " les fichiers informatiques retenus sur les ordinateurs de MM. Donnay et Philippe et sur téléphone de M. Philippe ".

Ainsi, l'inventaire des données saisies sur le téléphone mobile mentionné au PV a été établi dans le respect des dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 56 du Code de procédure pénale. Il est argué que cet inventaire n'est pas sommaire et la société Delis, en possession du téléphone original, n'apporte aucun élément de nature à établir une violation des correspondances protégées.

En effet, la requérante ne précise pas quel est le contenu des documents figurant dans le téléphone mobile de M. Philippe, placés sous annexe n° 1, qui porteraient atteinte à la vie privée.

Dans ces conditions, il est impossible pour le Premier président de se prononcer sur la régularité de la saisie réalisée.

- l'ordonnance du JLD autorisait à appréhender des pièces relatives au secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes autres que celles se rapportant à la période 2010-2014, concernée par les éléments fournis par le demandeur de clémence

En effet, non seulement des documents établis à une date antérieure aux dates indiquées par le demandeur de clémence peuvent permettre de caractériser les infractions soupçonnées mais, à supposer même qu'ils soient couverts par la prescription des poursuites posée par l'article L. 462-7 du Code de commerce, leur saisie peut néanmoins rester utile pour comprendre les pratiques prohibées et décrire le contexte historique dans lequel elles s'inscrivent.

Par ailleurs, les documents postérieurs à 2014 peuvent de leur côté avoir pour intérêt de montrer que les pratiques prohibées soupçonnées ont perduré, dans la période séparant la demande de clémence du 28 janvier 2014 et les opérations de visite et saisie réalisées le 22 septembre 2015.

En conclusion, le Ministère Public demande de confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue sur commission rogatoire par le JLD du TGI de Rennes le 17 septembre 2015, de rejeter la demande de la société Delis aux fins d'annulation, à titre principal, des procès-verbaux de visite et saisie des 22 septembre et 15 octobre 2015 et de l'ensemble des opérations diligentées dans les locaux de la requérante et de restitution des pièces saisies, de rejeter les demandes de restitution de l'annexe n° 1 formulées par la société Delis à titre infiniment subsidiaire.

Sur ce -

A titre préliminaire, les observations, en ce qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article 6 § 1 de la CESDH au regard du principe d'impartialité et du droit à un procès équitable, doivent être écartées

Cet argument n'est pas pertinent dans la mesure où dans la phase d'enquête préalable où aucune accusation n'est formulée à l'encontre de la société visée, les dispositions de l'article 6§1 de la CESDH n'ont pas à s'appliquer.

Le débat contradictoire et l'accès effectif au juge se déroulent devant le Premier Président de la Cour d'appel. En effet, suite à l'arrêt du 21 février 2008 (arrêt Ravon), la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après CEDH) avait estimé que les sociétés ou les personnes physiques devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif tant sur l'ordonnance d'autorisation que sur les opérations de visite et de recours.

Cette évolution jurisprudentielle s'est traduite dans la modification apportée par l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008 qui a instauré dans les textes ce contrôle juridictionnel effectif devant le Premier Président, ce que les appelants ont effectué en contestant à la fois l'autorisation et en exerçant un recours contre les opérations de visite et de contrôle.

Le texte est donc conforme aux exigences de la CEDH.

Ce moyen sera rejeté.

- Sur l'annulation de l'ordonnance

I) l'ordonnance doit être annulée, en ce qu'elle repose sur une requête infondée au regard des impératifs de l'article L. 450-4 du Code de commerce

A) L'ordonnance doit être annulée en ce qu'elle repose sur une requête infondée au regard de l'article L. 450-4 du Code de commerce dès lors que cette dernière ne repose sur aucun indice sérieux de nature à laisser présumer que l'appelante se serait livrée aux pratiques anticoncurrentielles recherchées

1) Il n'existe tout d'abord aucun indice sérieux de nature à laisser présumer de prétendues pratiques anticoncurrentielles concernant les produits commercialisés sous marques nationales (" MDF ")

Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L.450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation comporte tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite ; par suite, le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée. A cette fin, le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'ADLC qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soient caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques prohibées.

Au cas présent, le premier juge a retenu deux agissements relevant des pratiques prohibées prévues aux articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) TFUE, qui sont dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, à savoir l'entente de plusieurs fournisseurs en vue de provoquer des hausses tarifaires et la répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients, avec des mécanismes de compensations.

Il a relevé que la société Delis était active dans ce secteur, ainsi que l'indique l'extrait K Bis produit et a examiné in concreto l'annexe 3 bis produite, laquelle faisait état de la participation de Delis à plusieurs réunions plénières de fournisseurs.

Dès lors, il a estimé qu'il existait des indices laissant apparaître des présomptions d'agissements prohibés et a délivré une ordonnance d'autorisation et de saisies.

Ce moyen sera écarté.

2) Il n'existe pas plus d'indices, de quelque nature que ce soit, pour présumer d'une implication de l'appelante dans d'éventuelles pratiques illicites sur les autres segments du secteur visé par la requête (produits MDD sur les canaux de la RHF et de la GMS)

A titre préliminaire, il est constant que la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce relative à la réception d'informations par un demandeur de clémence n'est pas assimilable à une déclaration anonyme.

Cette procédure, qui permet à l'ADLC d'accorder une exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires aux entreprises ou organismes ayant participé à une entente, qui en dénoncent l'existence et contribuent à l'établissement de l'infraction et à l'identification de ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ne disposait pas antérieurement, a pour objectif, dans l'intérêt de l'ordre public économique, de faciliter la détection des ententes et de les faire cesser plus rapidement. Ainsi, la procédure de clémence est un outil au service de l'ordre public économique.

En la forme, il convient de relever que la déclaration du demandeur de clémence a été reçue par procès-verbal le 2 juillet 2014 par le Rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence et émanait des deux avocats du demandeur de clémence, signataires de la déclaration écrite du demandeur de clémence, laquelle était accompagnée des annexes. La licéité de cette déclaration ne peut être mise en cause et l'intervention de deux avocats déclarant demander la mise en œuvre de la procédure du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce au bénéfice du demandeur de clémence, constitue une garantie indéniable dans un cadre juridique strict.

Dès lors, l'argumentation de l'appelante n'est pas pertinente.

S'agissant des allégations inexactes du demandeur à la clémence, à savoir une déclaration de M. Rudaux lequel, lors de la réunion du 3 novembre 2011 à Paris (pages 15 et 16 du procès-verbal de déclaration), avait affirmé qu'il ne souhaitait plus être appelé au téléphone, qu'il ne voulait plus venir aux réunions et que cela devenait trop dangereux pour lui en raison d'une enquête de l'Autorité de la concurrence sur le comportement d'Andros dans le secteur des produits laitiers, il y a lieu de retenir qu'il s'agit que d'un élément parmi les multiples informations fournies par le demandeur à la clémence, cet élément n'ayant pas à lui seul emporté la conviction du juge de l'autorisation. Par ailleurs, l'argumentation de l'ADLC selon laquelle, dans l'affaire des produits laitiers, le demandeur de clémence n'avait pas souhaité conserver l'anonymat lors du procès-verbal de réception du demandeur de clémence du 12 août 2011, soit antérieurement à la tenue de ses propos le 3 novembre 2011, ne peut pas être écartée. En tout état de cause, ainsi que nous l'avons précisé supra, il ne s'agit que d'un élément isolé et le JLD a retenu des indices selon la méthode dite de " la prise en faisceaux ".

Enfin, le premier juge a relevé dans son ordonnance des indices laissant apparaître des présomptions simples d'agissements prohibés émanant de la société Delis. Ainsi, il a retenu le paragraphe suivant " que dans ces documents figurent des mentions relatives à des produits tels que les coupelles et les gourdes déclinées par référence comme " Fruits rouges ", " Pommes 4x100 ", " Poire 4x ", " Pêche 4x " ; qu'y apparaissent également les fournisseurs Andros (ou la lettre " A "), Conserves France (désignés sous l'acronyme " CF " ou par sa marque " St Mamet "), Coroos (entreprise néerlandaise désignée également sous l'abréviation " Cor "), Materne (ou la lettre " M "), Charles Z (" Z " ou la lettre " F "), Valade, Lactalis/Delis (ou sous l'orthographe " delice "), leurs clients de la GMS et de la RHF, et des tableaux contenant le plus souvent des prix à trois décimales qui se composent des prix actuels dénommés prix " maintenant " et des prix objectifs désignés prix " nouveau " avec des variations symbolisées par des + ou encore des pourcentages (Annexe 3bis, 8 et 9 à la requête ) ; qu'il s'évince de différentes pièces annexées à la requête de la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence qu'à l'occasion de leurs contacts, les entreprises précitées rapporteraient à leurs concurrents les variations tarifaires à la hausse qu'elles envisageraient de proposer à leurs clients ; (...) que l'on retrouve le même type d'information s'agissant de gourdes proposées par Coroos au distributeur Lidl : " 0,830=+14 % ", et de coupelles Delis concernant le même distributeur : " pomme/ssa " " +16 % " et " pommes/fraises " " +14 % " (Annexe 8.14 à la requête) ; (...) que des tableaux d'appels d'offres mettent également en exergue les augmentations tarifaires qu'un fournisseur, concurrent du demandeur de clémence, s'apprêtait à proposer en 2012 au client Sodexo pour les différents produits à base de " compote pomme ", et celles envisagées en 2013 par Delis et Z pour le distributeur Carrefour, s'agissant des coupelles de fruits allégées et sans sucre ajouté (.) ".

Ainsi, le JLD a bien retenu la notion de secteur de fruits vendus en coupelles et en gourdes, dans lequel la société Delis était active, comme en atteste l'extrait K-bis produit en annexe.

Enfin, il a relevé des présomptions simples selon lesquelles la société Delis était présente aux 7 réunions plénières où étaient présents tous les concurrents, ces éléments étant suffisants en eux-mêmes sans qu'il soit nécessaire de justifier d'éventuels courriels ou communications téléphoniques échangés entre les fournisseurs.

Ce moyen sera rejeté.

II) l'ordonnance doit en tout état de cause être annulée en ce que le bien-fondé de la requête n'a manifestement pas été vérifié par le JLD, en violation de l'exigence légale de l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce

A) Le JLD n'a manifestement pas examiné le bien-fondé de la requête

En l'espèce, il ressort de l'ordonnance querellée que le juge des libertés et de la détention près du tribunal de grande instance de Paris a, sur requête de la Rapporteure Générale de l'Autorité de la concurrence, rendu une ordonnance visant le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes ; que, suite à des informations émanant d'une entreprise désignée comme étant " le demandeur de clémence ", laquelle a sollicité l'Autorité de la concurrence afin de bénéficier d'une mise en œuvre de la procédure de l'article L.464-2 IV du Code de commerce, des pièces ont été communiquées

relatives à des pratiques d'échanges d'informations commercialement sensibles aux fins d'une coordination des fournisseurs sur les hausses tarifaires à pratiquer lors des appels d'offres lancés par leurs clients de la GMS et de la RHF et d'une répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients. Le demandeur de clémence a précisé que ces agissements prohibés soupçonnés se seraient déroulés de 2010 à 2014 et a souhaité garder l'anonymat.

Il y a lieu de préciser que la requête a été présentée le 8 septembre 2015 et signée le 11 septembre 2015, ce qui a laissé amplement le temps au JLD saisi d'examiner sa pertinence, d'étudier les pièces jointes à celle-ci, de vérifier les habilitations et le jour de la signature, de demander aux agents de l'ADLC toute information utile préalablement à la signature de son ordonnance.

S'agissant de l'argument relatif au caractère pré-rédigé de l'ordonnance tendant à mettre en cause l'impartialité du premier juge, il y a lieu de relever que le JLD signataire de l'ordonnance est également destinataire d'une copie numérique de celle-ci, lorsque la requête est déposée au greffe du tribunal. Entre le dépôt et la signature de l'ordonnance, il peut modifier à sa guise le modèle d'ordonnance qui lui est proposé, en supprimant des arguments non-pertinents, en les remplaçant par une autre motivation et enfin, peut tout simplement refuser de faire droit à la requête de l'Administration. En ayant cette possibilité de modifier, de rectifier ou de refuser de délivrer une autorisation, le premier juge s'approprie l'autorisation qu'il signe, son rôle ne se limitant pas à une simple mission de chambre d'enregistrement.

Ainsi, rien ne permet d'affirmer que le premier juge se soit affranchi de son obligation d'examiner le bien-fondé de la requête.

Ce moyen sera écarté.

B) Faute de transmission au JLD d'un nombre extrêmement important d'éléments du dossier de l'ADLC et du fait d'une confidentialité excessive des pièces remises par cette dernière, l'ordonnance ne permet pas de garantir à l'appelante le respect de ses droits à la défense, du principe du contradictoire, de l'égalité des armes et du droit au recours effectif

Comme nous l'avons rappelé supra, le JLD qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L.450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation comporte tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite.

Ainsi, n'étant pas le juge du fond, il a relevé dans l'ordonnance des présomptions d'ententes horizontales entre les fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes et après un examen in concreto des annexes jointes à la requête, selon la méthode dite 'du faisceau d'indices', a estimé qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies. Ainsi, il a examiné ces annexes jointes et a estimé que les éléments produits par le demandeur de clémence étaient précis, chiffrés, cohérents, mentionnaient les noms des dirigeants des sociétés visées par l'ordonnance, les lieux et les dates des réunions. S'il est constant que certains passages ont été occultés pour préserver l'anonymat du demandeur de clémence, il a pu déduire des annexes produites des indices faisant apparaître des présomptions d'agissements prohibés décrits supra, sans qu'il lui soit utile de demander les 133 fichiers numériques visant à étayer les propos du demandeur de clémence.

Ce moyen sera écarté.

III) L'ordonnance doit enfin être annulée en ce qu'elle constitue manifestement une mesure disproportionnée

L'article 8 de la CESDH, qui énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, est tempéré par son paragraphe 2, qui dispose que " il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

Il a lieu de rappeler que le Juge des libertés et de la détention, lorsqu'il a été saisi de la requête de l'administration, a eu connaissance de ces éléments et des recherches effectuées a posteriori par l'ADLC ; qu'il a effectué un contrôle de proportionnalité entre les présomptions qui lui ont été produites et l'atteinte aux libertés ; que le nombre de documents saisis importe peu au regard des éléments qui lui étaient soumis au moment de sa prise de décision.

Il est, par ailleurs, constant que les dispositions de l'article 7 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne ne doivent pas s'appliquer au cas d'espèce, dès qu'il n'a pas été en œuvre le droit de l'Union.

En outre, concernant le cantonnement de l'ordonnance à la recherche de faits commis au cours de la période 2010-2014, s'il est constant que l'ordonnance, en sa page 6, indique " qu'ainsi, le recoupement des différentes pièces précitées annexées à la requête permet d'établir que des contacts réguliers, sous différentes formes, ont été pris entre les sociétés concurrentes du secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes au cours de la période courant octobre 2010 à janvier 2014 ", il n'en demeure pas moins que la même ordonnance, en sa page 8, mentionne " l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive, ceux mentionnés dans la présente ordonnance n'étant que des illustrations des pratiques prohibées dont la preuve est recherchée dans le secteur concerné ". Ainsi, la recherche de documents antérieurs à 2010 pouvait permettre d'apporter un éclairage sur les pratiques prohibées susceptibles d'avoir été commises après cette date et les documents postérieurs à 2014 permettaient de s'assurer si d'éventuels agissements frauduleux avaient perduré après 2014.

Dès lors, le champ d'application de l'ordonnance ne peut pas être circonscrit à période 2010-2014.

Enfin, il est précisé également que l'Autorité n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 450-4 du Code de commerce, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées, notamment celle de l'article 450-3 du Code de commerce.

Ce moyen ne saurait prospérer.

- Sur le déroulement des opérations de visite et saisies

I) A titre principal, les opérations de visite et saisies doivent être annulées, en ce qu'elles ont violé le respect du droit à la vie privée et le respect des droits de la défense de l'appelante

Il convient de rappeler que la méthode dite des scellés fermés provisoires a pour vocation de concilier le respect des droits de la défense et les impératifs liés à l'efficacité de l'enquête préparatoire.

Il est également indiqué que cette procédure n'était qu'une faculté laissée à l'entreprise, qui pouvait la refuser et il est vain, alors que celle-ci a été acceptée, de la contester au moment de l'ouverture des scellés fermés provisoires.

En l'espèce, la société Delis a eu la possibilité de voir les fichiers informatiques, qu'elle estimait relever de la protection au titre de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, être placés sous scellé fermé provisoire n° 5, contenant en copie des fichiers informatiques retenus sur les ordinateurs de MM. Donnay et Philippe et sur le téléphone de M. Philippe, à charge pour elle d'identifier, étant en possession des originaux, les courriels d'échanges avocat-client et de faire parvenir à l'ADLC un tableau listant ces documents.

Or, force est de constater que lors de la réunion contradictoire en date du 15 octobre 2015, la société Delis n'a transmis aucune liste identifiant un quelconque document relevant de la protection des échanges avocat-client.

S'agissant de l'inventaire dressé par les enquêteurs de l'ADLC, il figure en page 15 sous le numéro de scellé n° 5, la mention " 1 clé USB contenant les fichiers informatiques retenus sur les ordinateurs de MM. Donnay et Philippe et sur le téléphone de M. Philippe ".

Il est constant que l'article 450-4 du Code de commerce ne soumet l'inventaire à aucune condition de forme particulière, celui-ci pouvant, à titre illustratif, être réalisé sous la forme d'une arborescence.

En l'espèce, la société Delis était en possession des originaux de ces fichiers informatiques et aurait pu soumettre ceux bénéficiant du privilège légal afin qu'ils soient expurgés lors de la constitution du scellé fermé définitif et elle pouvait tout à fait identifier tout document relevant de la protection avocat-client, ce qu'elle n'a pas fait.

S'agissant plus précisément du téléphone de M. Philippe et des courriels pouvant être identifiés comme relevant du privilège légal, la société Delis se trouvait bien dans la possibilité d'identifier et de lister ces documents, étant d'une part, en possession du portable lui-même et d'autre part, du fait que la mémoire d'un appareil téléphonique est beaucoup plus restreinte que celle d'un ordinateur.

S'agissant des correspondances privées, il convient de rappeler que les saisies ont été réalisées sur les messageries professionnelles des salariés, par nature insécables, et que les mentions d'un intitulé comme " perso " ou " personnel ", rédigé par le salarié, ne sauraient préjuger du contenu des fichiers qui peut, pour partie, être rattaché au champ d'application de l'ordonnance.

En outre, elle avait la possibilité de nous soumettre, dans leur intégralité, tout document relatif à la vie privée ou hors champ d'application de l'ordonnance afin que nous puissions exercer in concreto notre contrôle, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

Le moyen selon lequel cette technique, qui n'a pas vocation à s'appliquer aux documents hors champ de l'enquête, ni aux documents qui seraient d'ordre privé, constituerait une violation du droit au procès équitable de la requérante, au respect de l'égalité des armes, à la présomption d'innocence et aux droits de la défense, n'est pas pertinent.

Ce moyen sera écarté.

II) A titre infiniment subsidiaire, s'il n'annule pas les opérations de visite et saisies, le Premier président de la Cour d'appel de Paris devra à tout le moins prononcer la restitution d'une partie importante des documents saisis

En l'absence de production de ces pièces dans leur intégralité et d'indication de la société sur les motifs pour lesquels chacune d'entre elles serait hors champ de l'enquête ou relevant de la protection de la vie privée ou couvertes par le secret des correspondances avocat-client, il ne sera pas fait droit à cette demande.

Ce moyen sera rejeté.

Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort : - Ordonnons la jonction entre les instances enregistrées sous les numéros RG 15/24876 (appel), 15/24887, 15/24916 (recours), lesquelles seront regroupées. Sur l'appel : - Rejetons la demande tendant à écarter d'office les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 17 octobre 2016. - Confirmons en toutes leurs dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Paris en date du 11 septembre 2015 et celle subséquente du juge des libertés et de la détention de Rennes en date du 17 septembre 2015. Sur le recours : - Rejetons les recours contre les opérations de visite et de saisies du 22 septembre 2015 dans les locaux de la société Delis SA et contre les opérations en date du 15 octobre 2015 - Rejetons toute autre demande, fin ou conclusion. - Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. - Disons que la charge des dépens sera supportée par la société Delis SA.