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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 28 juin 2017, n° 15-24412

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Valade (Sté)

Défendeur :

Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fusaro

Avocats :

Mes Jacques Pellerin, Honore

TGI Paris, ord., du 11 sept. 2015

11 septembre 2015

FAITS ET PROCÉDURE

Le 11 septembre 2015, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) de Paris, a rendu en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, une ordonnance de visite et de saisie dans les locaux des sociétés suivantes :

- Materne (groupe MOM), adresse [...], 69570 Dardilly, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses,

- Andros, zone industrielle, 46130 Biars-sur-Cere et les sociétés du même groupe sises à la même adresse,

- Charles Z

Monteux,

- Valade, ZI du Verdier et/ou adresse [...], 19210 Lubersac,

- Novandie (groupe Andros), lieu-dit Telifau, 28700 Auneau, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse,

- Delis et Vergers de Chateaubourg " Unifruit " (groupe Lactalis), adresse [...] 65 220 Chateaubourg, et les sociétés du même groupe sises à la même adresse, ci-après " Delis "

- Groupe Lactalis 10 à adresse [...], 53000 Laval et Les Placis, 35230 Bourgbarré, et les sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses, ci-après " Lactalis "

- Conserves France, 556 chemin du Mas de Cheylon, 30000 Nimes, ci-après " Conserves France " et " Saint Mamet ".

Cette ordonnance faisait suite à une requête présentée suite à l'enquête des services de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) aux fins d'établir si lesdites entreprises se livreraient à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

Cette requête concernait le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes et était consécutive à la demande de clémence d'une entreprise présentée par son conseil, le 28 janvier 2014, au rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence.

A l'appui de cette requête, était jointe une liste de 33 pièces ou documents en annexe.

Qu'il était allégué d'informations selon lesquelles les entreprises susvisées auraient convenu, d'une part, de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse par l'imposition de hausse tarifaires à l'occasion d'appels d'offres lancés par leurs clients constitués des grandes et moyennes surfaces de la distribution (ci-après GMS) et de la restauration hors foyer (ci-après RHF), d'autre part, de se répartir les marchés, et ce, en violation des articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du TFUE.

Ces informations émanaient d'une entreprise (désignée ci-après comme étant " le demandeur de clémence " laquelle a sollicité l'Autorité de la concurrence afin de bénéficier d'une mise en œuvre de la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce (ci-après " la clémence ") dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes. Il s'en est suivi qu'ayant obtenu le bénéfice d'une mesure de clémence conditionnelle, le demandeur de clémence a souhaité garder l'anonymat.

Il était précisé que le demandeur de clémence a déposé auprès de l'ADLC des pièces relatives à des pratiques d'échanges d'informations commercialement sensibles aux fins d'une coordination des fournisseurs sur les hausses tarifaires à pratiquer lors des appels d'offres lancés par leurs clients de la GMS et de la RHF et d'une répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients, étant précisé que ces agissements prohibés soupçonnés se seraient déroulés de 2010 à 2014.

Il résulterait de ces pièces que des comportements illicites présumés auraient été décidés à l'occasion de réunions impliquant tous les concurrents concernés (réunions plénières), soit plusieurs d'entre eux et que l'existence de ces réunions serait corroborée par des éléments documentaires, notamment des extraits du procès-verbal de la demande de clémence et des notes de frais, un tableau joint précisant les principaux lieux et dates de rencontres (notamment des hôtels) et le type de rencontres (plénières, bilatérales).

Il était également fait état de plusieurs appels téléphoniques passés avec ses homologues concurrents. En effet le demandeur de clémence a remis à l'ADLC aux fins d'exploitation un téléphone portable utilisé lors de ces échanges et l'analyse de ce téléphone ferait apparaître des appels correspondant aux numéros de cadres dirigeants ou de salariés des sociétés visées dans l'ordonnance du JLD, notamment les sociétés Materne et Z.

Par ailleurs, des courriels auraient été échangés entre concurrents sur leurs messageries personnelles.

Il ressortirait de ces divers contacts que les informations échangées seraient de nature anticoncurrentielle et relatives aux appels d'offres initiés par les clients de la GMS et de la RHF concernant les prix des produits et leurs variations, les volumes de vente ou encore les tonnages. Il serait peu probable que ces pratiques émanent des clients eux-mêmes mais, eu égard à la précision des informations communiquées par le demandeur de clémence, résulteraient d'échanges d'informations commercialement sensibles entre fournisseurs.

Une première pratique prohibée consisterait pour les fournisseurs du secteur à se concerter pour imposer des hausses tarifaires à leurs clients de la GMS et de la RHF lors des appels d'offres, cette présomption reposant sur des notes prises par le demandeur de clémence à l'occasion des réunions et des conversations téléphoniques avec ses concurrents.

Ces notes révéleraient qu'à l'occasion de leurs contacts, les fournisseurs rapporteraient à leurs concurrents les variations tarifaires à la hausse qu'ils envisageraient de proposer à leurs clients. A titre illustratif, pour des produits des clients Carrefour, les concurrents auraient envisagé, lors de la réunion plénière du 6 octobre 2010, des hausses tarifaires et au cours de la même réunion, les fournisseurs auraient été informés de l'augmentation des prix des coupelles proposée par la société Z pour son client Leclerc en 2011, un échange d'information aurait eu lieu pour la hausse tarifaire proposée par Conserves de France pour un produit distribué par Carrefour, enfin un échange d'information aurait existé relatif à la hausse pour 2013 du prix des gourdes Materne et des coupelles Z, envisagée par le distributeur Leader Price.

Il était également relevé que des tableaux d'appels d'offres mettraient en exergue les augmentations tarifaires qu'un fournisseur s'apprêtait à proposer en 2012 au client Sodexo pour les différents produits à base de " compote de pomme " et celles envisagées en 2013 par Delis et Z pour le distributeur Carrefour.

Dès lors, le JLD de Paris a estimé que ces éléments d'information pourraient constituer un indice suffisamment sérieux d'une concertation entre les entreprises visées pour coordonner l'application des hausses tarifaires à leurs clients.

Par ailleurs, une seconde pratique illicite présumée serait relative à la répartition par les industriels susmentionnés des marchés initiés par leurs clients de la GMS et RHF. Ainsi, ce partage de volumes entre concurrents se traduirait par une coordination portant sur les réponses aux appels d'offres et s'appuieraient sur l'élaboration d'offres dites " de couverture " ou l'absence de soumission et serait garanti par un mécanisme de compensation et sembleraient attester de l'existence d'offres dites " de couverture " conduisant à un partage des marchés de la GMS et de la RHF entre concurrents du secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.

Il en serait déduit que la réussite d'un tel système reposerait sur un mécanisme de compensation entre concurrents visant à indemniser des pertes de volumes subies et que cette affirmation reposerait sur la production de pièces par le demandeur de clémence, qui constituerait un état des lieux des tonnages des produits par fabricants ainsi que des gains et pertes de volume de chacun des fournisseurs visés, chez leurs clients de la GMS et RHF.

Dès lors, cette connaissance approfondie des tonnages alloués à chacun des fournisseurs suspectés pourrait être le signe d'une surveillance étroite des opérateurs et la condition nécessaire au succès du pacte de non-agression présumé.

Il en serait conclu que cet ensemble de faits rapportés ferait présumer que les fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes se coordonneraient pour répondre aux appels d'offres de leurs clients de la GMS et de la RHF afin que chacune entreprise conserve ses volumes de vente et ses clients et que des hausses de prix soient passés annuellement aux clients. De même, les agissements de trucages d'appels d'offres consisteraient à s'abstenir de soumissionner ou à proposer des offres dites " de couverture " et ces comportements concerneraient l'approvisionnement des clients de la RHF et de la GMS sous marques de distributeurs (ci-après MDD) et sous marques à petit prix (ci-après MPP).

Il s'en suivrait que ces pratiques prohibées seraient préjudiciables aux consommateurs car tendant à la mise en place d'un système de hausse artificielle du prix des fruits vendus en coupelles et en gourdes et constituerait, selon le JLD de Paris, les premiers éléments d'un faisceau d'indices laissant présumer l'existence d'un système d'ententes horizontales, à dimension nationale, entre producteurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes susceptibles de relever des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce.

Sur la base de ces éléments, le JLD de Paris a délivré une ordonnance de visite et de saisie à

l'encontre des sociétés Materne, Andros, Z, Valade, Novandie, Delis et Vergers de Chateaubourg, Groupe Lactalis et Conserves France, autorisant les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence à rechercher dans les locaux des sociétés précitées, les documents utiles à l'apport de la preuve recherchée et a donné commission rogatoire aux JLD de Carpentras, Nimes, Rennes, Lyon, Brive la Gaillarde, Cahors, Chartres et LAVAL territorialement compétents, dans les ressorts desquels lesdites opérations devaient s'effectuer.

Les opérations se sont déroulées le 22 septembre 2015 dans les locaux de la société Valade sis ZI du Verdier et/ou adresse [...].

L'audience s'est déroulée le 15 mars 2017 et l'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 24 mai 2017 et prorogée au 28 juin 2017.

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la Justice, en application de l'article 367 du Code de procédure civile, et eu égard aux liens de connexité entre ces affaires, il convient de joindre les instances enregistrées sous les numéros RG n° 15/24412 (appel) et 15/4420 (recours), lesquelles seront regroupées.

Les parties concluantes ont, le 1er octobre 2015, relevé appel de l'ordonnance du JLD de Paris en date du 11 septembre 2015 ainsi, que celle rendue le 18 septembre 2015 et formé un recours contre les opérations de visite et de saisie prises en exécution de cette ordonnance.

A) L'appel

Par conclusions en réplique et récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 16 janvier 2017, la société Valade transmis des étendant à l'annulation de l'ordonnance rendue le 11 septembre 2015 par le JLD de Paris.

Elle fait valoir :

- à titre liminaire

L'appelante soutient que l'ADLC tente d'éviter toute discussion relative aux prétendus indices qu'elle a produits concernant Valade, en se fondant sur une lecture tronquée de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Il est argué qu'il est indispensable d'examiner les pièces produites en l'espèce par l'Autorité dans sa requête, afin de vérifier si les conditions de fond de l'article L. 450-4 du Code de commerce sont remplies.

A) le caractère infondé de la requête au regard de l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce

Il est fait valoir qu'en vertu de l'article L. 450-4 du Code de commerce, une demande d'autorisation de procéder à une opération de visite domiciliaire doit être " fondée ". Aussi, les éléments d'information produits au soutien de la requête doivent permettre d'apprécier si une opération de visite et saisie est justifiée.

Or, la requête de l'Autorité de la concurrence ne fait état d'aucun élément permettant de présumer que Valade se serait livrée à une pratique anticoncurrentielle.

En premier lieu, elle est fondée exclusivement sur les déclarations et les notes manuscrites du demandeur de clémence.

Le JLD relève que les documents allégués au soutien de la requête sont constitués, d'une part, des documents émanant du Demandeur de clémence et, d'autre part, des documents provenant de la consultation de sites Internet.

En ce qui concerne les documents émanant du Demandeur de clémence, il s'agit exclusivement de :

- retranscriptions des notes prises à l'occasion de prétendues réunions physiques ou téléphoniques ;

- procès-verbaux de l'Autorité retranscrivant les déclarations du demandeur de clémence.

Il est argué que ces documents n'auraient pas dû être considérés par le JLD comme suffisants pour fonder la requête de l'ADLC, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, une ordonnance peut se fonder sur des déclarations anonymes, à la condition qu'elles soient corroborées par d'autres éléments d'information. Des jurisprudences de la Cour de Cassation sont citées à l'appui de cette argumentation.

Ensuite, il convient de relever que les documents et déclarations émanant du demandeur de clémence ont été établis de manière unilatérale par ce dernier, lequel avait tout intérêt à nuire à l'appelante (avant le dépôt de sa demande de clémence, celui-ci venait de perdre, au bénéfice de Valade, un appel d'offres d'un client important du réseau hors foyer, Sodexo).

Dans ces conditions, la crédibilité à attacher à la dénonciation du demandeur de clémence est toute relative.

En deuxième lieu, il est cité une décision du 6 janvier 2016 de la Cour d'appel de Paris (Etablissement Darty et Fils c. Autorité de la concurrence, RG n° 13/23245), annulant une ordonnance du JLD de BOBIGNY, en ce qu'elle avait autorisé une visite et des saisies dans les locaux de la société Darty et Fils, au motif que les pièces en annexe visant ladite société étaient des déclarations émanant d'agents commerciaux des sociétés fabricants, à savoir de simples affirmations relayées.

Contrairement à ce que l'ADLC affirme dans ses conclusions, il est argué que les enseignements de cette ordonnance sont tout à fait applicables à la présente espèce. En l'occurrence, cela est également le cas de Valade car elle ne commercialise des produits en coupelles auprès des GMS que sous marque de distributeur et que son chiffre d'affaires n'a rien de comparable avec celui des grands acteurs du secteurs, tels que Andros ou Materne.

Par ailleurs, dans l'affaire précitée, il a été conclu à l'absence de présomptions suffisants concernant la société DARTY, en raison du fait que les déclarations produites au soutien de la requête de l'administration n'étaient pas suffisamment fiables pour laisser " apparaître un acquiescement quelconque ". Il est argué que tel est le cas même dans la présente affaire.

Troisièmement, l'Autorité ne peut prétendre pallier les carences de sa requête en invoquant la nécessité d'apprécier les éléments qui la fondent dans leur ensemble.

Quatrièmement, en tout état de cause, même si les seules déclarations écrites et orales d'un demandeur de clémence pouvaient être considérées comme suffisantes à fonder des présomptions de pratiques prohibées, l'examen des pièces versées au soutien de la requête en l'espèce ne le permettrait pas.

Il est fait valoir qu'une simple lecture de ces pièces permet de constater que la société Valade n'y est visée que de manière marginale, quasi exclusivement lorsque le demandeur de clémence affirme qu'elle aurait participé aux réunions qu'il dénonce. En revanche, n'y figure aucun document permettant de suspecter sérieusement et directement Valade d'y avoir effectivement participé.

Par ailleurs, près de 2/3 des pièces soumises par le demandeur de clémence et utilisées par l'ADLC au soutien de sa requête ne concernaient pas la société appelante.

En effet, les pièces rapportées par l'administration portent très majoritairement sur la commercialisation de fruits vendus en coupelles et en gourdes sous marques de distributeurs aux grandes et moyennes surfaces.

Or, Valade est principalement active dans la commercialisation de fruits transformés sous différentes formes (confitures, morceaux de fruits, etc.) sous marque propre en réseau hors-foyer, et la partie comptes et purées en coupelles plastique ne représente qu'une partie minoritaire de son activité. En revanche, elle ne vend pas de produits en gourdes et commercialise très peu de produits sous marque de distributeur aux grandes et moyennes surfaces.

En définitive, il est soutenu que la demande d'autorisation de l'ADLC ne repose sur aucun élément concret et individualisé permettant de présumer la participation de Valade à des pratiques prohibées par l'article L. 420-4 du Code de commerce et par l'article 101-1 TFUE.

Par conséquence, il est demandé d'annuler l'ordonnance du JLD de Paris et d'ordonner la restitution de toutes les pièces saisies le 22 septembre 2015 dans les locaux de Valade.

B) Le défaut de vérification du bien-fondé de la requête

Il est argué que le JLD n'a manifestement pas examiné le bien-fondé de la demande d'investigation, en méconnaissant ainsi l'exigence légale posée par l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce.

En effet, l'ordonnance attaquée ne contient aucune appréciation des éléments soumis par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de la requête.

Il est argué que le simple examen, même succinct, des déclarations visées dans la requête aurait permis au JLD de constater qu'en réalité, aucun élément pouvant laisser présumer la participation de Valade à des pratiques anticoncurrentielles n'était apporté.

Dans ces conditions, force est de constater que l'ordonnance reproduit mot pour mot les termes de la requête sans véritablement en apprécier la pertinence au regard des éléments soumis à son soutien.

L'appelante note que si la Cour de Cassation ne voit pas dans cette pratique un motif suffisant d'annulation de l'ordonnance, néanmoins elle rappelle que le JLD reste tenu d'une obligation de vérification du bien-fondé de la requête.

Or, en l'espèce, il est manifeste que, s'agissant de Valade, le JLD n'a pas vérifié le bien-fondé de la demande d'autorisation.

Par conséquent, il est demandé d'annuler l'ordonnance attaquée et d'ordonner la restitution des pièces saisies le 22 septembre 2015 dans les locaux de Valade.

C) Le caractère disproportionné de l'enquête ordonnée

L'appelante soutient que les visites et saisies constituent une mesure d'enquête disproportionnée.

- une mesure disproportionnée en l'absence d'indices sérieux concernant Valade

Il est argué que l'absence de vérification par le JLD du bien-fondé de la requête présentée par

l'ADLC ainsi que l'insuffisance des éléments se rapportant à Valade démontrent le caractère disproportionné de l'enquête ordonnée.

En l'absence du moindre indice de participation à la commission des pratiques présumées, le simple fait, pour Valade, de figurer dans les documents établis par le demandeur de clémence ne pouvait suffire à fonder une autorisation de visite et de saisies dans les locaux de Valade. Plusieurs jurisprudences de la Cour d'appel de Paris sont citées à l'appui de cette argumentation.

En l'occurrence, le JLD n'a pas procédé à un contrôle de la nécessité entre le but poursuivi et les moyens utilisés avant d'autoriser les opérations de visite domiciliaire dans les locaux de Valade et partant, a violé les exigences de l'article 8 § 2 de la CESDH.

Contrairement à ce qu'affirme l'administration, l'appelante soutient que l'obligation de vérification du JLD ne saurait être allégée, ni encore moins remplacée, par une appréciation des " enjeux économiques " associés à l'enquête ou de sa prétendue nécessitée pour le " bien-être économique du pays ".

Dans ces conditions, la mesure de visite et de saisies ordonnée par le JLD est totalement disproportionnée.

- en l'espèce, il existait d'autres mesures d'enquête possibles et moins attentatoires aux libertés de Valade

Il est soutenu que l'administration disposait d'autres pouvoirs moins attentatoires aux libertés de Valade que ceux résultant de l'article L. 450-4 du Code de commerce, en particulier, les pouvoirs d'enquête prévus à l'article L. 450-3 du Code de commerce.

Par conséquent, il est demandé d'annuler l'ordonnance attaquée et d'ordonner la restitution des pièces saisies le 22 septembre 2015 dans les locaux de Valade.

En conclusion, la société appelante demande, à titre principal, d'annuler l'ordonnance du JLD de Paris du 11 septembre 2015 en ce qui concerne la société Valade ; à titre subsidiaire, de reformer l'ordonnance du JLD de Paris du 11 septembre 2015 et rejeter la demande d'autorisation de la Rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence de procéder à des opérations de visite et de saisies dans les locaux de Valade en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce ; en tout état de cause, d'ordonner la restitution des pièces saisies le 22 septembre 2015 dans les locaux de Valade et interdire à l'administration de les utiliser en original ou en copie ; de condamner l'Autorité de la concurrence aux dépens.

Par conclusions en réponse déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris en date du 28 septembre 2016, l'administration fait valoir :

I) Sur le moyen fondé sur la prétendue insuffisance des indices concernant Valade pour autoriser sa visite domiciliaire

Il est soutenu que le moyen fondé sur la prétendue insuffisance des indices relatifs à la société appelante pour autoriser la visite domiciliaire, ne saurait pas prospérer.

En effet et en premier lieu, il est précisé que l'article L. 450-4 alinéa 6 du Code de commerce offre une voie de recours concernant exclusivement la légalité de l'ordonnance de l'autorisation. Par conséquent, toute discussion relative à la requête est inopérante.

Deuxièmement, il est également fait observer qu'au stade de l'autorisation de visite et saisie où aucune accusation n'est portée, l'Autorité de la concurrence n'a pas à produire d'éléments de preuve de pratiques anticoncurrentielles mais seulement des indices qui, par leur addition, leur rapprochement, leur addition, leur confrontation et leur combinaison, aboutissent à une ou plusieurs simples présomptions de pratiques prohibées. Plusieurs jurisprudences de la Cour d'appel de Paris ainsi que de la Cour de Cassation sont citées à l'appui de cette argumentation.

A ce stade de l'enquête, le rôle du juge se borne à recueillir et analyser les faits utiles afin d'en extraire une ou des présomptions simples de pratiques anticoncurrentielles, ce qu'il a fait en l'espèce en examinant de manière détaillée 12 annexes dont la concordance en fonction des agissements reprochés lui a permis de suspecter l'entreprise Valade d'entente prohibée.

Conformément à l'alinéa 2 de l'article 450-2, la décision d'autorisation du JLD du TGI de Paris du 11 septembre 2015 a été rendue sur le fondement des seules pièces annexées à la requête du 7 septembre 2015. Par conséquent, le dossier n'était pas incomplet et le juge a souverainement caractérisé l'existence de présomptions, de la pratique anticoncurrentielle d'entente, justifiant sa décision.

D'une part, le JLD de Paris a rempli sa mission et satisfait aux exigences de l'article L. 450-4 du Code de commerce en appréciant souverainement que l'ensemble des informations utiles communiquées par l'ADLC permettait de présumer l'existence d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée. En effet, le JLD doit seulement vérifier, de manière concrète, par l'appréciation des éléments qui lui sont fournis, que la demande d'autorisation est fondée sur une ou des simples présomptions suffisantes de fraude, sans être tenu de s'expliquer sur les éléments qu'il écarte. Plusieurs décisions de la Haute juridiction sont citées à l'appui de cette argumentation.

D'autre part, le JLD a vérifié qu'il y avait dans le dossier annexé à la requête une demande d'enquête de l'administration, conformément aux dispositions de l'article L. 450-4, alinéa 1 du Code de commerce, seule pièce obligatoire, lors d'une demande d'autorisation de procéder, en tous lieux, à des visites et saisies de documents et supports d'information, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.

De troisième part, il y a bien eu un examen attentif par le juge des pièces annexées à la requête afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les énonciations de l'ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il doit opérer quant à l'existence d'une simple présomption d'entente, qui aurait pour objet ou effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement leur hausse et de se répartir les marchés, ce, de la part de l'ensemble des entités visées, l'appelante y comprise.

En ce qui concerne, plus précisément, la contestation des éléments d'information figurant dans la motivation de l'ordonnance d'autorisation, il est argué que le fait d'analyser les indices un à un ou les pièces annexées à la requête une à une, comme le fait l'appelante, pour en tirer la conclusion que le JLD n'avait rien dans le dossier lui permettant d'autoriser la visite dans ses locaux, n'a pas de sens. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

L'administration soutient que seul le résultat de l'analyse de l'ensemble des faits portés à la connaissance du magistrat est révélateur d'une ou plusieurs simples présomptions de pratiques anticoncurrentielles et cite plusieurs jurisprudences à l'appui de cette argumentation.

En l'espèce, le juge a satisfait à son obligation de contrôle en s'assurant de la qualité des personnes ayant demandé l'autorisation et du caractère suffisant des faits exposés par l'ADLC ayant conduit, après description et analyse, à des soupçons de comportements illicites dans le secteur fruits vendus en coupelles et en gourdes (bien-fondé de la demande). Il a relevé l'existence possible d'une stratégie d'actions concertées, de conventions, d'entente expresse ou tacite, ou de coalition.

Par conséquent, c'est en vain que l'appelante prétend qu'aucun des faits visés dans l'ordonnance n'est de nature à constituer un indice de son implication personnelle dans les pratiques prohibées présumées. En effet, il suffit que l'appelante paraisse impliquée dans l'un des agissements frauduleux suspectés dont la preuve est recherchée pour que la mesure d'autorisation soit justifiée, comme une jurisprudence constante l'établit.

Or, deux agissements semblaient mêler directement la société appelante aux pratiques prohibées présumées: la connaissance, par le demandeur de clémence, des prix que Valade pratique avec le client Carrefour pour conserver ce marché et éviter que des concurrents proposent des prix plus attractifs et sa participation au mécanisme de compensation, sur lequel repose la réussite de la seconde pratique illicite soupçonnée, identifiée par le JLD.

Par ailleurs, si la méthode du faisceau d'indices est utilisée au fond pour apporter la ou les preuves de pratiques anticoncurrentielles, en l'absence de pièces se suffisant à elles-même, cette méthode est d'autant plus recevable pour établir l'existence d'une ou plusieurs simples présomptions, au stade de l'affaire où les investigations n'ont pas encore été réalisées en totalité.

C'est donc à tort que l'appelante a examiné isolément les pièces et les indices produits par l'administration pour nier l'existence d'une présomption d'entente du fait de ses deux agissements suspects.

En définitive, seule l'instruction en cours permettra de connaître avec l'examen des documents saisis lors des investigations la véritable motivation de la société Valade et l'existence ou non de pratiques prohibées à l'encontre, notamment dans le cadre de réunions et d'échanges illicites d'informations confidentielles par tout autre moyen.

Aussi, l'administration apporte quelques précisions concernant l'ordonnance d'autorisation et l'argumentation de l'appelante.

Premièrement, il est fait observer que le fait que les éléments d'information mis à la disposition du JLD de Paris ne proviennent que du demandeur de clémence ne saurait discréditer leurs contenus.

En outre, la jurisprudence n'impose nullement que l'Autorité de la concurrence se doive de fournir des éléments d'information remis directement par l'entreprise suspectée pour justifier sa visite domiciliaire.

Par conséquent, des pièces émanant de tiers, notamment celles remises par les avocats du demandeur de clémence, peuvent tout à fait convenir pour justifier la visite de la société Valade, dès lors que ces documents ont été obtenus licitement par l'exercice du droit de communication par l'administration.

Deuxièmement, il est fait valoir que c'est en vain que l'appelante tente de minimiser son implication dans l'entente présumée en indiquant que les éléments d'information contenus dans la requête de l'administration révéleraient une participation épisodique de sa part aux réunions entre concurrents, puisque la jurisprudence reconnaît que la seule présence de l'entreprise à une réunion emporte présomption d'adhésion de sa part à l'objet anticoncurrentiel.

Troisièmement, il est argué que le fait que les 2/3 des pièces fournies au JLD pour rendre son office ne concerneraient pas Valade est sans incidence: en effet, le nombre des pièces concernant la société appelante n'est pas un critère déterminant pour présumer de son implication dans une collusion frauduleuse, une pièce particulièrement confondante pouvant emporter la conviction du juge de réaliser une opération de visite et saisie dans des locaux professionnels. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, il est rappelé que Valade était concernée par 6 annexes à la requête et que l'annexe 3bis constituée de la contribution écrite du demandeur de clémence, signée de ses deux avocats, était, à elle seule, une pièce pertinente et suffisante.

De plus, le fait que les pièces annexées à la requête de l'administration concernent principalement les produits à marque de distributeurs (ci-après MDD) n'est pas de nature à exclure la société appelante de sa participation à l'entente soupçonnée dénoncée, dès lors que, d'une part, elle commercialise des produits MDD et que d'autre part, le demandeur de clémence n'a pas exclu que les pratiques litigieuses soupçonnées s'étendraient aux marques nationales (annexe 3bis et 6 à la requête).

En définitive, le JLD de Paris a parfaitement décrit les pratiques répréhensibles présumées à l'encontre de Valade qui justifiaient la visite domiciliaire prévue à l'article L. 450-4 du Code de commerce.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

II) Sur le prétendu défaut de vérification du bien-fondé de la requête

L'Autorité de la concurrence fait valoir que le moyen fondé sur le prétendu défaut de vérification du bien-fondé de la requête, ne saurait pas prospérer.

En effet, si, effectivement, l'administration présente au JLD, dans un souci de commodité, une requête et un projet d'ordonnance, elle le fait toujours en version papier accompagnée d'une version numérique, ce qui permet au magistrat de modifier, s'il le désire, le projet d'ordonnance d'autorisation, qui lui est soumis, autant qu'il le souhaite.

En d'autres termes, il est toujours loisible au JLD, s'il entend se démarquer des termes de la requête, de substituer d'autres motifs et un autre dispositif à ceux qui lui sont proposés.

Il est argué que soutenir, comme le fait l'appelante, que le juge n'a pas examiné le dossier pour effectuer son contrôle est inexact.

En effet, les juges sont formés et habitués à traiter des dossiers fournies en quelques heures. Or, au cas présent, le dossier a été présenté au JLD de Paris le 8 septembre 2015 pour l'obtention de l'autorisation judiciaire, qui n'est intervenue que le 11 septembre 2015, alors que ce dossier n'était pas particulièrement volumineux (12 annexes à la requête).

En 4 jours, le JLD de Paris a ainsi pu parfaitement procéder aux vérifications qui s'imposaient.

Dans ces conditions, aucun élément ne permet de dire qu'il n'y a pas eu un examen attentif, par le juge, des 12 annexes utiles jointes à la requête afin de s'assurer de l'adéquation entre les pièces produites et les énonciations de l'ordonnance, ainsi que de la pertinence de ces pièces au regard de l'appréciation qu'il doit opérer, quant à l'exercice d'une présomption d'entente.

En outre, les motifs et le dispositif de l'ordonnance d'autorisation sont réputés être établis par le juge qui l'a rendue et signée, lequel en endosse la responsabilité. La circonstance que l'ordonnance soit la reproduction de la requête de l'administration est sans incidence sur la régularité de la décision. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Ainsi, il résulte de l'ensemble des éléments évoqués que la similarité de l'ordonnance du JLD au regard de la requête de l'administration est sans effet sur sa régularité.

Quant à l'annexe numérotée 18.2 par le demandeur de clémence qui, selon l'appelante, n'aurait pas été communiquée au JLD, il est fait valoir que cette pièce a bien été annexée à la requête de l'Autorité et renumérotée, pour les besoins de la cause, 8.4. Ce document, qui mentionne les prix pratiqués par Valade et Conserves de France pour le client de Carrefour, vient corroborer les éléments d'information de l'annexe 3bis.

En définitive, la combinaison des pièces 3bis, 6 et 8.4 permet d'illustrer l'échange d'informations commercialement sensibles entre Valade et ses concurrents du secteur considéré, en vue de se concerter pour se répartir les marchés initiés par leurs clients de la GMS, dont Carrefour.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit rejeté.

III) Sur le caractère prétendument disproportionné de la mesure d'enquête ordonnée

Il est soutenu que le moyen fondé sur le caractère prétendument disproportionné de la mesure d'enquête ordonnée, ne saurait pas prospérer.

Tout d'abord, s'agissant du principe de proportionnalité et du droit au respect de son domicile, il doit être rappelé que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH, ni par celle des juridictions nationales.

En effet, la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est justifiée par l'article 8-2.

Pour être admissible, l'ingérence de l'autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 est subordonnée à une triple condition : être prévue par la loi (article L. 450-4 du Code de commerce), viser un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et être nécessaire dans une société démocratique. L'État français remplit ces conditions. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par ailleurs, il est également précisé que l'allégation du défaut de proportionnalité de la mesure judiciairement autorisée par rapport au but poursuivi doit être évaluée au regard de l'importance des enjeux économiques, lors de cette enquête dans le secteur des fruits vendues en coupelles et en gourdes, qui, visant à rechercher la preuve de la pratique anticoncurrentielle d'entente illicite, est nécessaire au bien-être économique du pays.

Il s'ensuit que les visites domiciliaires prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce sont respectueuses des exigences fixées par la jurisprudence nationale et européenne.

Ensuite, concernant la critique au recours aux opérations de visite et saisies, soulevée par l'appelante, il est soutenu, d'une part, qu'une telle critique a été rejetée, à maintes reprises, par la jurisprudence. En effet, au regard de la complexité des agissements illicites présumés et de leur caractère secret, l'administration n'avait pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 450-4 du Code de commerce, laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

D'autre part, la mesure autorisée par le JLD de Paris avait notamment pour objet de vérifier si le comportement suspecté par Valade était motivé par la volonté de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse et se répartir les marchés passés à l'occasion des appels d'offres lancés par la grande et moyenne distribution (ci-après GMS) et la restauration hors-foyer (ci-après RHF), ce, en violation des dispositions des points 2 et 4 de l'article L. 420-1 du Code de commerce et de l'article 101-1 a) et c) TFUE.

Dans ces conditions, seule la visite inopinée des bureaux et la saisie des notes, documents et le cas échéant des messageries électroniques des principaux responsables de Valade, en charge notamment de répondre aux appels d'offres de la GMS et de la RHF, pouvaient permettre de contrôler la volonté de se repartir les marchés entre concurrents et faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, sur le secteur économique considéré.

En matière d'enquête de concurrence où la recherche de la preuve des comportements prohibés requière des investigations à différents endroits, la nécessité des visites et saisies s'impose, dans un souci d'efficacité. En effet, c'est souvent grâce aux saisies, notamment informatiques, en des lieux distincts que la preuve des agissements recherchés est constituée.

L'administration soutient que la mise en œuvre des pouvoirs simples de l'article L. 450-3 du Code de commerce ne ferait en définitive qu'alerter les fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes suspectés, qui aussitôt prendraient des mesures afin de faire disparaître de leurs locaux tous les documents compromettants utiles à la manifestation de la vérité.

Dans ces conditions, l'opération de visite et saisie réalisée auprès de Valade était nécessaire à l'ADLC pour corroborer ses soupçons, le recours à l'article L. 450-3 du Code de commerce s'avérant insuffisant.

En définitive, l'ordonnance du JLD de Paris du 11 septembre 2015 est à l'abri de toute critique et ne souffre d'aucune incomplétude ou vice susceptible d'en affecter la légalité et d'aboutir à son annulation.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

En conclusion, l'ADLC demande de :

- confirmer l'ordonnance d'autorisation rendue le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue sur commission rogatoire parle JLD du TGI de BRIVE-LA-GAILLARDE le 18 septembre 2015 ;

- condamner la société Valade aux entiers dépens.

Par avis en date du 6 mars 2017, le Ministère Public fait valoir que :

- le JLD a pris en considération les indices utiles à caractériser l'éventuelle participation de Valade à une pratique prohibée

Il est soutenu que conformément aux exigences de l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce, le JLD a examiné les 12 annexes à la requête, dont l'appréciation lui a permis de suspecter l'entreprise Valade d'entente prohibée dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes.

Il a également relevé que, sur les 12 annexes à la requête, soumis à son attention, 6 visaient l'appelante et constituaient des indices d'une possible action concertée prohibée.

Existent ainsi des indices de l'implication de Valade dans les pratiques prohibées présumées, justifiant la mesure d'autorisation.

En effet, la connaissance, par le demandeur de clémence, des prix que Valade pratique avec le client Carrefour pour conserver le marché et éviter que des concurrents proposent des prix plus attractifs, ainsi que sa participation au mécanisme de compensation, sur lequel repose la réussite de la seconde pratique illicite soupçonnée, identifiée par le JLD, paraissent impliquer directement Valade dans les pratiques prohibées soupçonnées et justifient en conséquence les mesures autorisées à son égard.

- le JLD a disposé des éléments utiles à sa prise de décision

Il est argué que si, effectivement, l'annexe 1 n'a pas été remise au JLD, la combinaison des annexes 3bis et 6 lui ont permis de connaître l'identité des participants aux réunions, dont l'objet anticoncurrentiel est suspecté.

Par ailleurs, l'administration indique que les annexes numérotées 7.8, 18.1 et 18.2 par le demandeur de clémence ont été communiquées au juge de l'autorisation, mais renumérotées 8.3 et 8.4 (pour 18.1 et 18.2).

Aussi, Valade est citée aux pages 10 et 15 de la contribution écrite du demandeur de clémence, signée par ses deux conseils (annexe 3bis), ainsi qu'aux pages 8, 21 et 22. Le demandeur de clémence y précise que deux représentants de la société appelante, MM. Belin et Maresq, respectivement président et directeur commercial de Valade, ont assisté à la réunion du cartel le 3 septembre 2013 et qu'il a alors été précisé que Valade avait apporté une compensation de 450 tonnes à l'entreprise Conserves de France, également visée par les investigations.

- la circonstance que les documents mis à la disposition du JLD émanent du demandeur de clémence, qui a réalisé une " enquête interne approfondie " ainsi que le mentionne l'annexe 3bis, pour faire face à son obligation de coopération loyale et totale à la procédure, n'est pas critiquable

Le Ministère Public fait valoir que toutes les dispositions légales conditionnant la validité de la procédure de clémence ont été respectées dans cette affaire. L'annexe 3bis, constituée de la contribution écrite du demandeur de clémence, signée de ses deux avocats, constitue, à elle seule, une pièce suffisante et pertinente.

- la circonstance que les éléments d'information contenus dans la requête de l'Autorité de la concurrence révéleraient une participation épisodique de Valade aux réunions entre concurrents est indifférente au stade de l'enquête

Il est fait observer que l'un des objets de l'enquête est précisément de déterminer le degré d'implication de l'entreprise en cause dans la pratique prohibée, qui serait par la suite caractérisée.

- l'autorisation délivrée par le JLD concerne un secteur économique et non un marché

Il est argué que le fait que l'autorisation délivrée par le JLD concerne un secteur économique et non un marché prive d'intérêt la circonstance, évoquée par Valade, selon laquelle l'enquête concernerait, pour l'essentiel, des produits à marque de distributeur, alors qu'elle-même serait principalement active dans la commercialisation de produits sous marque propre.

- le tableau établi par le demandeur de clémence répertoriant les noms et cordonnées des participants aux réunions organisées révèle les noms des participants et leurs coordonnées téléphoniques

Le Ministère Public soutient que la crédibilité du tableau établi par le demandeur de clémence ne peut être remise en cause, au motif que " les adresses bureau sont issues des cartes de visite en possession [du demandeur de clémence] " à l'exception de Valade, comme cela ressort de l'annexe 6.

- l'annexe 8.11 permet également de présumer la participation de Valade à une collusion frauduleuse présumée, en montrant le mécanisme de compensation pouvant exister entre les participants à l'entente soupçonnée

- l'annexe numérotée 18.2 par le demandeur de clémence a été annexée à la requête adressée au JLD, numérotée 8.4

Il est argué que cette pièce mentionne les prix pratiqués par Valade et Conserves de France pour le client Carrefour et corrobore les éléments d'information de l'annexe 3bis, constituée des extraits du PV de réception de la demande de clémence, sous forme d'une contribution écrite signée par ses deux avocats.

- le fait que l'ordonnance du JLD air repris le projet d'ordonnance qui lui était soumis ne l'a pas empêché d'exercer son contrôle pour délivrer son autorisation, suivant une pratique constante en matière d'ordonnance sur requête

Le JLD assume, sous sa responsabilité, la décision d'adopter le projet en l'état, de le modifier ou de refuser son autorisation.

Il est argué qu'en 4 jours, le JLD de Paris a procédé à l'examen attentif par le juge des 12 annexes utiles jointes à la requête et des termes du projet d'ordonnance, qui lui était soumis.

- la violation de l'article 8-1 de la CESDH est écartée lorsqu'elle est, comme ici, justifiée par le respect des conditions posées par l'article 8-2 de cette Convention

- la mise en œuvre de l'article L. 450-3 du Code de commerce ne pouvait suffire à recueillir des éléments de preuve de la pratique anticoncurrentielle dénoncée

Il est fait valoir que la jurisprudence est constante en ce sens. La mise en œuvre de l'article L. 450-4 du Code de commerce relève de l'appréciation de l'Autorité de la concurrence et n'a pas de caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

En conclusion, le Ministère Public demande de confirmer, en toutes ses dispositions, l'ordonnance d'autorisation, rendue le 11 septembre 2015 par le JLD du TGI de Paris et, par voie de conséquence, l'ordonnance rendue sur commission rogatoire par le JLD du TGI de Brive-la-Gaillarde le 18 septembre 2015.

B) Le recours

Par conclusions en réplique et récapitulatives en date du 16 janvier 2017, la société Valade fait valoir :

A) l'annulation de la saisie massive et indifférenciée des données informatiques placées sous scellé n°1 en raison de son caractère manifestement disproportionné

1. La méthode employée pour la saisie des données informatiques placées sous scellé n° 1 est manifestement disproportionnée au regard du fait que les agents ont, par ailleurs, effectué une recherche très ciblée des données informatiques placées sous scellés n° 5, 6 et 7

La requérante soutient qu'il ressort du procès-verbal de visite et saisies, que les agents de l'Autorité de la concurrence ont procédé à deux types de saisies de données informatiques : d'une part, ils ont procédé à une saisie ciblée des données informatiques de trois salariés ' M. Olivier Paris (scellé n° 5), Mme Angélique Laubret (scellé n° 6) et Mme Céline Lachaud (scellé n° 7) -, d'autre part, ils ont procédé à une saisie massive et indifférenciée des données informatiques d'un autre salarié, M. Sylvain Maresq, et du Président de la société, M. Janick Belin.

Il est soutenu que rien, dans le procès-verbal, ne permet de comprendre le traitement différent opéré par les agents de l'Autorité dans la saisie des données informatiques.

A titre liminaire, il est précisé que par l'expression " saisie massive et indifférenciée " de données informatiques, Valade ne vise pas l'ensemble du contenu des postes visités, mais la saisie de la totalité des boîtes e-mails de MM. Maresq et Belin.

Ensuite, premièrement, il est soutenu que la position de l'administration et de la Cour de Cassation, suivant laquelle la nécessité d'une saisie globale des fichiers informatiques résulterait de la structure habituellement insécable des messageries électroniques, en l'espèce, n'est pas pertinente.

En effet, les agents de l'Autorité ont bien été en mesure de procéder à des saisies ciblées, puisqu'ils ont imprimé seulement certains e-mails dans les boîtes de messagerie électronique des autres salariés, dont les postes informatiques ont été visités. Cette méthode ne semble pas avoir soulevé la moindre difficulté.

Deuxièmement, s'il appartient aux rapporteurs de déterminer les modalités d'investigation qu'ils mettent en œuvre pendant les opérations de visite et saisies, il n'en reste pas moins que ceux-ci doivent faire preuve de " discernement " et de " proportionnalité " dans leur recherche.

L'impression d'e-mails sélectionnés à partir des messageries électroniques apparaît comme une modalité de saisie appropriée et respectueuse de ces principes, contrairement à la saisie de la totalité des messageries.

Troisièmement, il est argué que les développements de l'Autorité relatifs au respect de l'obligation des enquêteurs de ne modifier ni l'état de l'ordinateur visité, ni les attributs des fichiers sont dénués de pertinence s'agissant des documents placés sous scellé n°1.

La requérante ne conteste pas les argumentations de l'administration concernant la méthode de la matérialisation sous format papier de fichiers informatiques. Bien au contraire, elle considère que cette méthode aurait également dû être appliquée aux données informatiques placées sous scellé n°1.

Ce procédé aurait notamment permis à Valade de prendre connaissance sur le moment des e-mails saisis et de constater qu'ils ne contiennent aucun élément protégé par le secret avocat-client, et non pas de devoir en faire état a posteriori dans le cadre d'une procédure contentieuse longue et très coûteuse pour une PME comme Valade.

2. Au surplus, la méthode employée par l'Autorité pour les données informatiques placées sous scellé n° 1 a conduit à une violation caractérisée du droit au respect du domicile, de la vie privée et du secret des correspondances avocat-client et du principe de proportionnalité

Au cas particulier, la saisie massive et indifférenciée des messageries électroniques de MM. Maresq et Belin a conduit à la saisie d'un nombre significatif de documents sans rapport aucun avec le champ de l'enquête ou relevant de la vie privée des personnes concernées et de documents couverts par le secret professionnel.

La requérante soutient qu'une telle méthode est manifestement disproportionnée au but poursuivi.

En effet, en premier lieu, les agents ont utilisé une méthode alternative de saisie ciblée des données informatiques pour certains salariés.

En deuxième lieu, l'article 56 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité de placer des documents ou données informatiques sous scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et mise sous scellés définitifs, et rappelle que peuvent être saisis des " données informatiques nécessaires à la manifestation de la vérité ", mais seulement celles nécessaires à la manifestation de la vérité.

Autrement dit, à supposer que les agents aient estimé que l'examen des données informatiques placées sous scellé n° 1 nécessiterait plusieurs jours, il leur aurait suffit de les placer sous scellés fermés provisoires, une telle solution ayant l'avantage de circonscrire les saisies définitives aux seuls documents entrant dans le champ de l'enquête.

A cet égard, la requérante rappelle qu'en matière de saisies informatiques, la Commission européenne a toujours employé une méthode la plus respectueuse possible des droits et libertés des entreprises inspectées.

En troisième lieu, compte tenu de l'absence d'effet suspensif des voies de recours ouvertes contre le déroulement des opérations de visite et saisies, même si les agents de l'Autorité ne pourraient faire état de ces pièces en cas d'annulation, ils auront eu le temps d'en connaître le contenu et de se forger une opinion sur les suites à donner à l'enquête, influençant nécessairement leur instruction.

Il est argué qu'en l'espèce, ce risque est loin d'être théorique. En effet, deux mois à peine après les visites et saisies, le Rapporteur de l'Autorité en charge de l'instruction de cette affaire a adressé à Valade une première demande d'information, dont la réponse lui a permis de commencer les recherches et l'exploitation des données informatiques irrégulièrement saisies.

En quatrième lieu et au surplus, l'Autorité de la concurrence ayant la possibilité de s'autosaisir d'une autre affaire sans avoir à justifier sa décision, rien ne la priverait d'ouvrir une enquête sur la base d'éléments obtenus irrégulièrement.

En conséquence, la méthode des saisies massives et indifférenciées des données informatiques placées sous scellé n° 1 a conduit l'Autorité de la concurrence à saisir une multitude de données protégées par le secret professionnel ou sans aucun lien avec son enquête, alors même que plusieurs solutions techniques alternatives et moins attentatoires aux libertés, étaient possibles.

Dans ces conditions, il est demandé de prononcer l'annulation de la saisie des données informatiques placées sous scellé n° 1.

B) l'annulation de la saisie massive et indifférenciée des données informatiques placées sous scellé n° 1 en raison de la saisie des correspondances avocat-client

Il est fait valoir que, parmi les pièces saisies par les rapporteurs dans les locaux de Valade, figurent un nombre très important de correspondances intervenues entre Valade et ses avocats (un inventaire exhaustif de ces courriels est joint en pièce n° 10).

D'après la requérante, il est d'autant plus choquant que ces pièces aient été saisies qu'elles n'ont aucun rapport avec l'enquête.

Par ailleurs, la nature de ces documents ne souffre d'aucune ambiguïté, une prise de connaissance, même superficielle, étant suffisante aux rapporteurs pour constater qu'il s'agissait de documents couverts par le secret professionnel.

Ces pièces ont été saisies en violation de la protection dont bénéficient de tels documents en vertu de l'article 66-5 de la loi du 16 décembre 1971 et d'une jurisprudence constante de la Haute juridiction.

Dans ces conditions, les saisies de correspondances entre Valade et ses conseils, intervenues le 22 septembre 2015, sont donc totalement irrégulières et causent un grave préjudice à Valade.

A cet égard, l'argumentation selon laquelle un tel préjudice n'est pas vérifié et que la requérante disposait d'une garantie suffisante dans la mesure où " en toute hypothèse, [elle] ne pourra faire aucun usage de ces correspondances ", ne saurait pas prospérer.

En effet, depuis le 22 septembre 2015, les rapporteurs ont pu librement consulter des documents couverts par le secret des correspondances avocat-client et auxquels ils n'auraient jamais dû avoir accès.

Aussi, Valade considère que seule l'annulation de l'intégralité des saisies, et non des seules saisies de documents couverts par la confidentialité, est susceptible de remédier effectivement au risque que représente pour les entreprises la saisie par les rapporteurs de documents couverts par le secret des correspondances entre avocat-client.

Par conséquent, il est demandé d'annuler la saisie des données informatiques placées sous scellé n° 1, le 22 septembre 2015 et ordonner la restitution de l'intégralité de ces pièces.

C) l'annulation de la saisie des (i) données informatiques placées sous scellé n°1 et (ii) documents papier en raison de la saisie massive de pièces sans rapport avec le champ de l'enquête et/ou relevant de la vie privée

En dehors des pièces couvertes par le secret des correspondances avocat-client, il apparaît qu'un nombre considérable des pièces saisies par les rapporteurs dans les locaux de Valade se situent en dehors du champ de la demande d'enquête de l'Autorité de la concurrence et de l'ordonnance du JLD, circonscrite à une prétendue concertation prohibée dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes, en France, entre 2010 et 2014.

Or, parmi les pièces saisies, de très nombreux documents n'ont aucun rapport avec le comportement commercial de Valade dans le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes en FRANCE entre 2010 et 2014 (pièces n° 11 et 12).

Dans ses observations du 11 juillet 2016, l'administration admet elle-même qu'à minima, trois documents listés dans la pièce n° 12 ne rentrent pas dans le champ de l'autorisation du point de vue temporel et géographique. Cet aveu confirme que le risque évoqué par Valade est loin d'être hypothétique.

En saisissant des pièces qui ne concernent pas les pratiques objet de l'enquête et pour certaines qui concernent d'autres entreprises que celles visées par l'ordonnance et qui ne sont manifestement pas utiles, même en partie, à la preuve des pratiques recherchées par l'Autorité de la concurrence, les rapporteurs ont agi en dehors du champ de l'ordonnance d'autorisation du JLD de Paris.

Par conséquent, ces saisies doivent être donc annulées et ces pièces restituées sans délai.

Par ailleurs, il ressort de l'examen des pièces informatiques saisies par les enquêteurs qu'un certain nombre de ces pièces relèvent manifestement de la vie privée et familiale des salariés et dirigeants de Valade et n'auraient donc pas dû être saisies (pièce n° 13).

En saisissant des pièces relevant de la vie privée des salariés et dirigeants de l'entreprise faisant l'objet de l'enquête, les rapporteurs ont directement violé leur droit au respect de leur vie privée énoncée aux articles 9 du Code civil et 8 de la CESDH.

Par conséquent, ces pièces saisies dans les locaux de Valade l'ont été de façon irrégulière. Ces saisies doivent donc être annulées et ces pièces restituées sans délai.

En conclusion, il est demandé de :

- constater la violation des articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, L. 450-4 du Code de commerce, 56 du Code de procédure pénale, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile.

En conséquence,

A titre principal,

- annuler la saisie des données informatiques placées sous scellé n° 1 ;

- annuler la saisie des documents papier n'entrant pas dans le champ de l'ordonnance du JLD du 11 septembre 2015 ayant autorisé les opérations de visite et saisies dans les locaux de Valade, tels que listés en pièce n° 12 ;

Et, par voie de conséquence :

- ordonner le retrait des données informatiques placées sous scellé n° 1 de la procédure et des documents papiers n'entrant pas dans le champ de l'enquête ;

- ordonner la restitution à Valade des données informatiques placées sous scellé n° 1 et des documents papiers n'entrant pas dans le champ de l'enquête, et interdire à l'administration de les utiliser un original ou en copie ;

A titre subsidiaire,

- annuler la saisie des documents relevant du secret professionnel avocat-client, listés en pièce n° 10 et ordonner le retrait de ces documents de la procédure et leur restitution à Valade en interdisant à l'administration de les utiliser en original ou en copie ;

- annuler la saisie des documents hors du champ de l'enquête et relevant de la vie privée, dont ceux listés en pièces n° 11, 12 et 13, et ordonner le retrait de ces documents de la procédure et leur restitution à Valade en interdisant à l'administration de les utiliser en original ou en copie ;

En tout état de cause,

- condamner l'Autorité de la concurrence aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse en date du 28 septembre 2016, l'administration fait valoir :

I) Sur la prétendue saisie massive et indifférenciée de données informatiques placées sous le scellé n° 1

En premier lieu, s'agissant de la critique portant sur la saisie prétendument massive et indifférenciée de données informatiques, il est rappelé que les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce permettent aux rapporteurs de saisir " tout support d'information ", c'est-à-dire les ordinateurs eux-mêmes, leurs disques durs ou une copie complète de ceux-ci.

Or, au cas présent, les agents de l'administration ont procédé à une sélection et n'ont saisi que les fichiers qui comportaient des éléments entrant dans le champ de l'autorisation accordée par le JLD.

Il ressort de la lecture du procès-verbal et de l'inventaire dressés le 22 septembre 2015 que les rapporteurs ont procédé à des investigations sur les ordinateurs de 5 salariés de l'entreprise Valade : Mmes Lachaud et Laubret, MM. Maresq, Belin (2 ordinateurs) et Paris. Un ordinateur n'a donné lieu à aucune saisie (second ordinateur de M. Belin) et trois (Mmes LACHAUD et LAUBRET et M. Paris) ont donné lieu à l'édition sous format papier de quelques documents, rassemblés sous les scellés 5, 6 et 7, l'ensemble format en tout 19 cotes.

Des investigations plus approfondies ont été menées sur les ordinateurs de MM. Maresq et Belin et ont donné lieu à la copie de 211 fichiers sur 896 020 analysés, soit à peine 0,03 %.

Par un ciblage des bureaux visités d'une part, un choix strict des ordinateurs investigués d'autre part, et enfin par une sélection drastique sur chaque poste informatique, les rapporteurs ont fait montre de discernement et de proportionnalité dans le processus de saisie.

D'après l'Autorité de la concurrence, ces éléments témoignent à eux seuls de la sélectivité mise en œuvre pour appréhender les données se rapportant à l'objet de la requête.

Par ailleurs, il est argué que la critique fondée sur le " traitement différencié " des ordinateurs investigués, édition papier de documents d'un côté et copie numérique de fichiers de l'autre, n'apparaît pas plus fondée.

En effet, il n'appartient pas à une entreprise saisie faisant l'objet d'une visite domiciliaire de déterminer et d'agréer les modalités d'investigations, dont elle est l'objet. L'Autorité de la concurrence détermine seule les méthodes qu'elle met en œuvre pour mener à bien sa mission, dans le respect des lois et règlements qui la régissent et sous le contrôle du juge. Une jurisprudence de la Cour de Cassation est citée à l'appui de cette argumentation.

Or, l'édition papier de documents informatiques ou leur copie sous format numérique sont deux modalités d'investigations, qui sont sans incidence sur la validité des saisies, dès lors que l'authenticité et l'intégrité des données ne sont pas altérées, ce qui n'est nullement allégué ici.

Par conséquent, des éditions papier sont intervenues sous le contrôle de l'officier de police judiciaire et en la présence d'un représentant de l'entreprise qui ont pu constater la régularité des impressions réalisées par les rapporteurs et que celles-ci figurent avec une description suffisante dans les inventaires papier, permettant sans équivoque de les identifier et de constater qu'elles entrent dans le champ de l'autorisation.

Il est également précisé que la matérialisation sous format papier de fichiers informatiques ne constitue en aucune matière une modification du contenu et de l'origine du document.

Ainsi, les agents de l'administration ont fait le choix de n'éditer que quelques documents informatiques sur les ordinateurs de 3 salariés de l'entreprise Valade.

Par ailleurs, l'ADLC soutient que les développements de la requérante sur les méthodes suivies par la Commission européenne, lors des inspections qu'elle diligente sur le fondement du règlement 1/2003, sont totalement inopérants, les pouvoirs des agents de l'Autorité de la concurrence en matière de visites et saisies et ceux des inspecteurs de la Commission européenne en matière d'inspections s'inscrivant dans un cadre procédural totalement différent.

En second lieu, s'agissant d'une supposée violation du droit au respect du domicile, de la vie privée, du secret des correspondances avocat-client et du principe de proportionnalité résultant de la saisie des fichiers de messageries de MM. Maresq et Belin (saisie n°1), l'administration fait valoir que la saisie n'a porté que sur les messageries électroniques professionnelles de ces salariés et que la présence de documents entrant dans le champ des investigations a été dûment vérifiée par les rapporteurs préalablement à la copie.

Les messageries électroniques mises à la disposition de MM. Maresq et Belin par l'entreprise Valade sont de type Microsoft Outlook, lesquelles sont structurées de telle manière que les messages ne font pas l'objet d'un enregistrement individuel mais sont enfermés dans un fichier conteneur, au même titre que les éléments de l'agenda ou les contacts.

Par conséquence, l'administration ne pouvait que constater ce mode de stockage dans un fichier unique des éléments contenus dans Outlook, ne pouvant en aucun cas le modifier.

En effet, s'il est possible pour l'ADLC de saisir les documents ou supports d'informations se trouvant dans l'entreprise le jour de la visite, il n'est en aucun cas envisageable pour elle d'individualiser les seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation, en les extrayant un par un d'Outlook, sous peine de créer sur l'ordinateur visité des éléments qui n'existaient pas avant son intervention et de compromettre ainsi l'authenticité même de ces messages. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Il est soutenu que la structure particulière d'un fichier de messagerie Outlook et l'obligation qu'ont les rapporteurs de ne pas altérer les attributs de fichiers impliquent donc nécessairement la saisie globale du fichier de messagerie.

Ce faisant, il ne peut être exclu que des messageries électroniques, par nature composite, puissent contenir à la fois des messages entrant dans le champ des investigations et des messages sans rapport avec l'objet de l'enquête, de la même manière qu'un cahier ou qu'un agenda peut contenir en même temps des annotations pertinentes pour les investigations et d'autres totalement sans relation avec celles-ci.

Pour autant, le mode opératoire suivi par l'ADLC est très largement validé par jurisprudence.

Concernant la critique suivant laquelle les données informatiques appréhendées auraient dû être placées sous scellé fermé provisoire, pour qu'il soit procédé à un tri ultérieur, l'Autorité tient à rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Haute juridiction, le placement sous scellé fermé provisoire ne constitue en aucune matière une obligation pour les rapporteurs.

Par ailleurs, s'agissant de la critique fondée sur l'absence d'effet suspensif du recours contre le déroulement des opérations et le fait que le rapporteur en charge du dossier a d'ores et déjà pu procéder à des investigations auprès de l'entreprise alors même que le recours est pendant devant la Cour, il est fait valoir que c'est en application des dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce, et notamment de son alinéa 12, que l'Autorité détient légalement les pièces saisies et peut par conséquent procéder aux investigations qu'elle juge nécessaires sans attendre la décision de la Cour d'appel sur le recours contre le déroulement des opérations.

De surcroît, la mesure d'investigation diligentée par le rapporteur en charge du dossier et dénoncée par Valade n'a porté que sur la communication d'organigrammes de la société, ce qui est loin d'apparaître comme gravement attentatoire aux droits et aux libertés de la requérante.

Enfin, s'agissant d'une prétendue atteinte au droit au respect du domicile, de la vie privée et du principe de proportionnalité consacrés par l'article 8 de la CESDH, il est fait noter que l'article L. 450-4 du Code de commerce n'a jamais été remis en cause par la jurisprudence de la CEDH ni par celle des juridictions nationales.

Il s'ensuit que les visites et saisies prévues à l'article L. 450-4 du Code de commerce sont respectueuses des exigences fixées par la jurisprudence nationale et européenne.

S'agissant de la conservation des pièces jusqu'à la décision de la Cour d'appel, il est fait observer que cette situation est le propre de toute procédure de contestation de saisie et témoigne de l'existence de réelles possibilités de recours. Au surplus, le législateur, dans l'hypothèse d'un pourvoi formé à l'encontre de la décision de la Cour d'appel, a expressément prévu que les pièces sont conservées par l'administration jusqu'à ce que la décision soit devenue définitive. Il ne peut donc être reproché à l'administration la conservation de pièces légalement détenues.

Quant à prétendre que l'Autorité de la concurrence pourrait utiliser le contenu des pièces saisies qui seraient ultérieurement annulées pour proposer de s'autosaisir d'une autre affaire, cette allégation n'est faite que par pur procès d'intention.

Dans ces conditions, il est demandé que le moyen soit rejeté.

II) sur la demande d'annulation des saisies en raison de la présence de correspondances avocat-client dans les messageries électroniques

L'administration soutient que le moyen fondé sur le préjudice causé à la requérante par la présence, dans les messageries électroniques saisies, de correspondances échangées entre la société Valade et ses avocats, ne saurait pas prospérer.

En effet et en premier lieu, lors de la visite domiciliaire dans les locaux de Valade le 22 septembre 2015, les rapporteurs ont demandé à Mme Maginet, occupante des lieux, si, parmi les fichiers informatiques appréhendés, risquaient de figurer des correspondances avocat-client, protégées au sein de la loi du 31 décembre 1971.

Après vérification auprès des salariés dont les messageries ont été saisies, Mme Maginet a indiqué qu'aucun document relatif à des échanges avec les avocats de l'entreprise n'était pas présent dans les fichiers saisis, comme il ressort du procès-verbal.

L'ADLC ne comprend pas comment la requérante a pu faire état de l'absence de toute correspondance avocat-client dans les fichiers saisis, lorsque les rapporteurs l'ont interrogée à ce sujet, pendant les opérations de visite et saisie et critiquer maintenant la saisie en raison justement de la présence de tels documents dans les saisies.

Il est fait noter qu'en déclinant l'invitation faite par les rapporteurs à protéger immédiatement ses documents confidentiels, la requérante est en grande partie à l'origine des troubles qu'elle prétend subir aujourd'hui.

Deuxièmement, s'agissant de la liste de plus de 1 000 correspondances avocat-client recensées par la requérante, il est d'abord rappelé que la saisie des documents relatifs à des échanges entre l'entreprise et ses avocats ne résulte aucunement d'une recherche délibérée des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence.

En effet, cette saisie est la conséquence de leur présence dans les fichiers des messageries électroniques professionnelles de MM. Belin et Maresq. Dès lors que les rapporteurs ont constaté que ces messageries renfermaient des messages entrant dans le champ de l'autorisation délivrée par le JLD, ils ont procédé à la copie globale du fichier.

Quant à l'argumentation selon laquelle la nature des documents protégés était pourtant " sans ambiguïté ", dans la mesure où ces pièces comporteraient des mentions explicites comme " confidentielle " ou " secret professionnel ", l'administration soutient que d'une part, il s'agit là de mentions très courantes apparaissant communément dans les messages professionnels sous forme de " disclaimer ", c'est-à-dire de petits avertissements ajoutés automatiquement en fin de corps de messages, de nombreux documents étant considérés comme confidentiels par une entreprise, alors qu'ils ne portent aucunement sur des échanges avec un avocat. D'autre part, il n'est pas possible de se fier à ces seules indications pour juger du caractère confidentiel de la correspondance, sans même prendre connaissance de son contenu.

Par ailleurs, il est rappelé que le secret professionnel qui s'attache à ce type d'échanges n'est ni général, ni absolu. Il s'agit d'une garantie, certes essentielle, accordée par la loi pour faire respecter les droits de la défense mais dont les contours doivent être précisés, comme l'indique clairement l'arrêt AM&S Europe Limited contre Communautés européennes de la Cour de justice des Communautés européennes (ci-après CJCE) du 18 mai 1982.

A titre illustratif, il est argué que ne devraient pas être regardées comme entrant dans le champ de protection de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 : des correspondances permettant d'établir que l'avocat peut être regardé comme auteur, co-auteur ou complices de pratiques répréhensibles, des correspondances entre membres de l'entreprise se faisant l'écho, plus ou moins fidèle, de consultations juridiques, des correspondances qui ne concernent pas les droits de la défense du client, des correspondances qui ne sont pas liées à un dossier, etc.

Dans ces conditions, en réclamant l'annulation de l'ensemble des fichiers de messageries, et ce, y compris de pièces informatiques entrant dans le champ de l'autorisation légalement saisies, Valade outrepasse la défense de l'exercice de la profession d'avocat et la protection de la correspondance avocat-client.

Il est argué que la liste produite par la requérante en pièce n° 10 n'est pas particulièrement éclairante sur la nature réelle des documents puisqu'elle ne fait pas ressortir de façon évidente qu'il s'agit de " correspondances avocat-client ", comme elle le prétend.

Pour autant, l'Autorité de la concurrence n'entend pas s'opposer à la demande d'annulation des documents qui relèveraient effectivement de la protection invoquée, à savoir des échanges entre la société et ses avocats en lien avec l'exercice des droits de la défense.

Il appartient donc à la requérante de mettre la Cour en mesure de se prononcer sur la nature des pièces dont la protection est revendiquée ; à défaut, la demande ne pourra qu'être rejetée, conformément à une jurisprudence établie.

En dernier lieu, concernant l'argumentation suivant laquelle la présence des correspondances dans les saisies, figurant sous le scellé n° 1, lui cause un tel grief que cela devra entraîner l'annulation de l'intégralité des saisies et non seulement des seuls documents protégés, il est d'abord rappelé que le " grave préjudice " dont se prévaut la requérante résulte en grande partie du fait que cette dernière a déclaré au cours de la visite domiciliaire que les saisies ne contenaient pas de documents couverts par les dispositions de l'article 65 de la loi du 31 décembre 1971.

Il est relevé également que la société Valade indique elle-même dans ses écritures que la majorité des documents qu'elle juge couverts par le secret des échanges entre avocat et client datent de plusieurs années ou se situent totalement en dehors du champ des investigations autorisées par le JLD.

Les allégations sur l'utilisation que pourraient faire les rapporteurs de ces documents à l'encontre de la requérante ne sont donc que spéculations ne reposant sur aucun élément concret.

Ainsi, la présence de documents protégés ne pourra avoir pour conséquence d'entraîner ni l'annulation de l'ensemble des opérations, ni même l'annulation de la saisie des messageries électroniques qui contiendraient ces documents. Une telle annulation conduirait en effet à priver l'administration de pièces régulièrement saisies, utiles à l'enquête et à l'instruction, et porterait irrémédiablement atteinte à l'efficacité de celles-ci. Plusieurs jurisprudences sont citées à l'appui de cette argumentation.

Par conséquent, il est demandé que la demande d'annulation de la totalité des saisies informatiques et de restitution des fichiers soit rejetée.

III) Sur la demande d'annulation de la saisie de pièces hors du champ des investigations ou relatives à la vie privée

S'agissant, en premier lieu, de l'argumentation selon laquelle ne pouvaient être appréhendés que les pièces relatives au secteur des fruits vendus en coupelles et en gourde en FRANCE entre 2010 et 2014, l'administration fait valoir qu'en définissant ainsi le champ de l'enquête autorisée, la société

Valade commet une double erreur.

D'une part, le champ des investigations autorisées n'est pas limité au seul secteur géographique national puisque l'ordonnance précise que l'autorisation sollicitée aux fins d'établir si les entreprises visées se livrent à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après TFUE).

D'autre part, si les éléments fournis par le demandeur de clémence permettent de présumer la commission d'infractions ayant eu lieu notamment entre 2010 et 2014, l'ordonnance précise que l'énumération des agissements pour lesquels il existe des présomptions d'entente n'est probablement pas exhaustive (page 8), ce qui autorise les rapporteurs à appréhender d'autres pièces que celles se rapportant à la période 2010-2014.

Par ailleurs, il n'est pas établi que les pratiques dénoncées, si elles sont avérées, se sont limitées à la période définie par le demandeur de clémence.

Par conséquent, si l'Autorité ne peut être saisie des faits remontant à plus de 5 ans au regard de la prescription quinquennale de l'article L. 462-7 du Code de commerce, rien n'interdit en revanche de saisir des documents concernant des faits couverts par la prescription.

En effet, l'article L. 462-7 du Code de commerce organise la prescription des faits et non des documents qui peuvent être saisis et utilisées pour éclairer les faits non prescrits, susceptibles d'être sanctionnés, à la condition qu'il n'en soit pas tiré de conséquences quant à la gravité de ces derniers.

L'administration soutient que la demande d'annulation et de restitution portant sur des documents extérieurs au marché français ou se situant en dehors de la période 2010-2014 soit rejetée.

Par ailleurs, l'ADLC constate que les documents listés par Valade sont tous des messages électroniques provenant des messageries électroniques de MM. Belin et Maresq, dont il a déjà été rappelé la structure non divisible.

Il est rappelé que la saisie n'a porté que sur les messageries électroniques professionnelles mises à la disposition de ses salariés par Valade pour envoyer et recevoir, à titre principal, des correspondances d'ordre professionnel. Il n'est cependant pas exclu que de telles messageries puissent contenir également des messages hors du champ ou d'ordre privé sans qu'ils constituent l'objet des recherches et analyses menées par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence.

Dans ces conditions, la présence de ces documents étrangers à l'enquête dans les fichiers saisis, qui résulte uniquement du caractère global de la saisie de la messagerie, ne saurait remettre en cause la saisie de la messagerie elle-même, à partir du moment où il a été vérifié préalablement que celle-ci contenait des éléments en rapport avec l'enquête.

Par conséquent, il est soutenu qu'il n'y a pas lieu de restituer les messages prétendument hors du champ de l'autorisation judiciaire.

S'agissant, en second lieu, de la présence de documents relavant de la vie privée et familiale de MM. Belin et Maresq dans les saisies, il est argué que cette situation résulte une nouvelle fois de la saisie en globalité des messageries électroniques de ces deux salariés de la société Valade, dans lesquelles la présence de documents entrant dans le champ des investigations a été constatée par les rapporteurs.

En effet, aucune messagerie personnelle de salariés n'a été vérifiée par les rapporteurs, ces derniers ayant réalisé leurs investigations exclusivement sur des boîtes de messageries électroniques professionnelles mises à leur disposition par leur employeur Valade pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariée.

L'administration fait valoir que la jurisprudence s'est plusieurs fois prononcée sur la saisie d'éléments à caractère personnel, conséquence de la saisie globale d'une messagerie électronique et a systématiquement rappelé que ces éléments n'étaient pas par nature exclus du champ des investigations.

Quant à la mention " personnel " de ces messages, il est argué que le fait de placer un message dans un dossier dénommé " Personnel " ne suffit pas à lui conférer un caractère privé, seul l'examen in concreto de son contenu permettant de qualifier un document de personnel.

Par conséquent, il est demandé que le moyen soit écarté.

En conclusion, l'administration demande de :

- rejeter la demande d'annulation du scellé n° 1 ;

- rejeter les demandes d'annulation des documents numérique listés par la requérante en pièces n° 10, 11 et 13 annexées à ses conclusions ;

- rejeter la demande d'annulation des documents papier listés par la requérante en pièce n° 12 à l'exception des cotes 27 à 29, 30 à 31 et 39 à 46 qui devront être produits par la requérante afin que le contrôle in concreto sur le contenu de ces 3 documents papier puisse s'opérer par la Cour d'appel de Paris ;

- condamner la société Valade au paiement de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par avis en date du 6 mars 2017, le Ministère Public fait valoir :

- la saisie des données informatiques placées sous scellé n°1 n'est ni massive ni indifférenciée

Il est argué qu'il ressort du procès-verbal et de l'inventaire dressés le 22 septembre 2015 que les agents de l'administration ont agi dans le souci de garantir au mieux l'appréhension des données se rapportant à l'objet de l'enquête.

L'Autorité de la concurrence garantit l'authenticité et l'intégrité des données saisies, en copie, sous format papier ou de fichiers informatiques, par le contrôle exercé lors des opérations par l'officier de police judiciaire, en la présence d'un représentant de l'entreprise, ainsi que par les inventaires des saisies qui sont remis à la société visée, qui permettent sans équivoque de les identifier. Dans ces conditions, aucune modification du contenu ni de l'origine du document ne peut intervenir, selon une jurisprudence établie de la Cour d'appel de Paris.

En l'espèce, les rapporteurs ont fait le choix d'éditer quelques documents informatiques seulement à partir des ordinateurs de 3 salariés de Valade.

- les méthodes suivies par la Commission européenne lors des inspections qu'elle diligente sur le fondement du règlement 1/2003 ne sont pas transposables à l'enquêteur de droit national, qui applique, pour mener ses propres enquêtes, les dispositions de son droit national, sous réserve du respect des principes fondamentaux posés par la CESDH et la Charte européenne

- la saisie n'a porté que sur les messageries électroniques professionnelles de MM. Maresq et Belin (scellé n° 1) et la présence de documents entrant dans le champ des investigations a été vérifiée par les rapporteurs préalablement à la prise en copie

Il est fait valoir que comme les messageries électroniques doivent, pour la Cour de Cassation, rester insécables afin que leur authenticité soit garantie, aucune critique ne peut être accueillie sur le fait qu'elles aient fait l'objet d'une saisie intégrale en copie.

- pour préserver les droits fondamentaux des personnes visitées, la jurisprudence a validé la constitution le jour des opérations de scellés provisoires contenant les copies intégrales de fichiers informatiques saisis susceptibles de contenir des éléments portant atteinte au secret de correspondances avec les avocats, au secret des affaires ou de la vie privée

Ces scellés provisoires donnent lieu par la suite à un examen contradictoire entre l'Autorité et l'entreprise concernée, assistée de ses conseils, durant laquelle cette dernière est mise en demeure de demander que soient écartés du scellé définitif à constituer les éléments, dont elle établit qu'ils portent atteinte à un secret protégé.

Il en demeure pas moins que la possibilité de constituer des scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs.

- le fait que, dans ces conditions, le rapporteur en charge du dossier ait d'ores et déjà pu procéder à des investigations auprès de la société Valade, alors même que le recours est pendant devant la Cour d'appel n'est pas critiquable, dès lors qu'aucun élément relevant d'un secret protégé n'a été utilisé

Le Ministère Public rappelle qu'aux termes de l'alinéa 12 de l'article L. 450-4 du Code de commerce, " le recours n'est pas suspensif ".

Si la loi nationale est ainsi respectée, il n'est de surcroît pas établi en l'espèce qu'une atteinte effective aux droits fondamentaux de Valade ou de ses salariés ait été commise. En effet, ainsi que le relève l'Autorité, " la mesure d'investigation diligentée par le rapporteur en charge du dossier et dénoncée par Valade n'a porté que sur la communication d'organigrammes de la société, ce qui est loin d'apparaître comme gravement attentatoire aux droits et libertés de la requérante ".

- aucune mesure ni demande, de la part de Valade, de nature à entraîner dans les faits un effet suspensif du recours contre le déroulement des opérations n'a été mise en œuvre, alors que les visites et saisies ont été réalisées les 22 et 23 septembre 2015 et que la société a marqué son accord pour un calendrier judiciaire qui conduise à un examen de l'affaire le 15 mars 2017

En effet, les situations d'urgence peuvent être traitées selon les règles générales de procédure en vigueur.

- aucune violation de l'article 8-1 de la CESDH ne peut être alléguée, du fait que les conditions de mise en œuvre de l'exception posée par l'article 8-2 de cette convention sont réunies

Il est soutenu que l'ingérence de l'Autorité publique dans le droit garanti par l'article 8-1 est ici prévue par la loi (l'article L. 450-4 du Code de commerce), vise un but légitime (la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles qui constitue une mesure nécessaire au bien-être économique du pays) et est nécessaire dans une société démocratique.

- l'allégation selon laquelle l'Autorité pourrait utiliser, dans l'attente de la décision du premier Président de la Cour d'appel sur la régularité de leur saisie, les documents pris en copie pour lancer des investigations sur la base d'informations qu'elle n'aurait pas dû connaître est non seulement non établie, mais également dénuée de toute possibilité de réalité

Le lancement d'une nouvelle enquête contre la même société appellerait en effet des explications de la part de l'Autorité sur l'origine de ses investigations, sous peine de voir aboutir la contestation de la légalité des mesures prises dans ce cadre nouveau.

- la présence d'une mention " confidentielle " ou " secret professionnel " sur un message ne suffit à établir qu'il doive être placé hors du champ de la saisie

Il est soutenu qu'il est nécessaire de prendre connaissance du contenu du message et que cette prise de connaissance ne constitue pas une violation des secrets protégés.

- les saisies autorisées par le JLD n'avaient pas à être limitées à la période 2010-2014 dénoncée par le demandeur de clémence

En effet, les pratiques soupçonnées ont pu déborder cette période et la jurisprudence valide même les saisies de documents établis à une date antérieure à la date de prescription des faits, qui peuvent être utiles à la perception des comportements plus récents.

- s'agissant des documents présentés comme se situant hors champ de l'enquête

Il est argué d'une part, que les documents concernés sont des messages électroniques contenant des éléments en rapport avec l'enquête, provenant des messageries électroniques insécables de MM. Belin et Maresq et, d'autre part, que d'après la jurisprudence antérieure, la demande de nullité des opérations de saisie présentée à ce titre doit être rejetée.

En conclusion, le Ministère Public demande de :

- rejeter l'ensemble des demandes déposées par Valade, aux fins d'annulation des saisies autorisées par le JLD, concernant notamment la saisie des documents du scellé n° 1, des documents numériques listés par la requérante en pièces n° 10, 11 et 13 annexées à ses conclusions, des documents papier listés par la requérante en pièce n° 12 à l'exception des cotes 27 à 29, 30 à 31 et 39 à 46 qui devront être produits par la requérante afin que le contrôle in concreto sur le contenu de ces 3 documents papier puisse être opéré par la Cour de céans ;

- ordonner la restitution des documents papier listés par la requérante (cotes 27 à 29, 30 à 31 et 39 à 46) si la Cour constate que leur contenu, produit par la requérante, concerne un droit protégé.

Sur ce

A) L'appel

I) Sur le caractère infondé de la requête au regard de l'article L. 450-4, alinéa 2 du Code de commerce

Le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L.450-4 du Code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation comporte tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite; par suite, le juge doit s'assurer que les éléments produits par l'administration aient une apparence de licéité et sont suffisants pour justifier que la mesure intrusive de visite et de saisie soit justifiée; à cette fin, le juge des libertés et de la détention doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'Autorité qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant sans qu'il soit nécessaire que soient caractérisées des présomptions précises, graves et concordantes ou des indices particulièrement troublants des pratiques; les présomptions sont appréciées par le juge en proportion de l'atteinte aux libertés individuelles que sont susceptibles de comporter la visite et les saisies envisagées.

En l'espèce, il ressort de l'ordonnance querellée que le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris a, sur requête de la Rapporteure Générale de l'Autorité de la concurrence, rendu une ordonnance visant le secteur des fruits vendus en coupelles et en gourdes; que, suite à des informations émanant d'une entreprise désignée comme étant " le demandeur de clémence ", laquelle a sollicité l'Autorité de la concurrence afin de bénéficier d'une mise en œuvre de la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce, des pièces ont été communiquées relatives à des pratiques d'échanges d'informations commercialement sensibles aux fins d'une coordination des fournisseurs sur les hausses tarifaires à pratiquer lors des appels d'offres lancés par leurs clients de la GMS et de la RHF et d'une répartition des marchés en vue de conserver leurs volumes de vente et leurs clients. Le demandeur de clémence a précisé que ces agissements prohibés soupçonnés se seraient déroulés de 2010 à 2014.

Le juge des libertés et de la détention de Paris, qui n'est pas le juge du fond, a relevé dans l'ordonnance des présomptions d'ententes horizontales entre les fournisseurs de fruits vendus en coupelles et en gourdes et après un examen in concreto des annexes jointes à la requête, selon la méthode dite 'du faisceau d'indices', a estimé qu'il existait des indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies. Ainsi, il a examiné ces annexes jointes et a estimé que les éléments produits par le demandeur de clémence étaient précis, chiffrés, cohérents, mentionnaient les noms des dirigeants des sociétés visées par l'ordonnance, les lieux et les dates des réunions.

Par ailleurs, il est constant que la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce relative à la réception d'informations par un demandeur de clémence n'est pas assimilable à une déclaration anonyme.

Cette procédure, qui permet à l'ADLC d'accorder une exonération totale ou partielle de sanctions pécuniaires aux entreprises ou organismes, ayant participé à une entente, qui en dénoncent l'existence et contribuent à l'établissement de l'infraction et à l'identification de ses auteurs, en apportant des éléments d'information dont l'Autorité ou l'administration ne disposaient pas antérieurement, a pour objectif, dans l'intérêt de l'ordre public économique, de faciliter la détection des ententes et de les faire cesser plus rapidement. Ainsi la procédure de clémence est un outil au service de l'ordre public économique.

En la forme, il convient de relever que la déclaration du demandeur de clémence a été reçue par procès-verbal le 2 juillet 2014 par le Rapporteur général adjoint de l'Autorité de la concurrence et émanait des deux avocats du demandeur de clémence, signataires de la déclaration écrite du demandeur de clémence laquelle était accompagnée des annexes. La licéité de cette déclaration ne peut être mise en cause et l'intervention de deux avocats déclarant demander la mise en œuvre de la procédure de l'article L. 464-2 IV du Code de commerce au bénéfice du demandeur de clémence, constitue une garantie indéniable dans un cadre juridique strict.

En outre la décision du 6 janvier 2016 de la Cour d'appel de Paris " Etablissement Darty et fils C/ ADLC" n'est pas transposable dans la mesure où dans cette décision l'Etablissement Darty, distributeur, n'était pas en situation concurrentielle avec les autres sociétés visées par l'ordonnance, alors que la société Valade l'est en l'espèce.

Enfin, l'argument selon lequel les 2/3 des pièces soumises au JLD par le demandeur de clémence ne concerneraient pas la société appelante ne saurait être retenu. En effet, au stade de l'enquête préparatoire, le champ des investigations doit être relativement large et il suffit d'un seul indice laissant apparaître des présomptions d'agissements prohibés pour emporter la conviction du premier juge.

Le même raisonnement peut être relevé s'agissant de l'activité marginale qu'aurait la société Valade dans le secteur concerné, étant précisé que ladite société commercialise des produits MDD.

Ce moyen sera rejeté.

II) Sur le défaut de vérification du bien-fondé de la requête

Le JLD, signataire de l'ordonnance, est également destinataire d'une copie numérique de celle-ci, lorsque la requête est déposée au greffe du tribunal. Entre le dépôt et la signature de l'ordonnance, il peut modifier le modèle d'ordonnance qui lui est proposé, en supprimant des arguments non pertinents, en les remplaçant par une autre motivation et enfin, peut tout simplement refuser de faire droit à la requête de l'ADLC. En ayant cette possibilité de modifier, de rectifier ou de refuser de délivrer une autorisation, il s'approprie l'autorisation qu'il signe, son rôle ne se limitant pas à une simple mission de chambre d'enregistrement.

Il est précisé que la requête a été présentée le 8 septembre 2015 et signée le 11 septembre juin 2015, ce qui a laissé amplement le temps au JLD saisi d'examiner la pertinence de la requête, d'étudier les pièces jointes à celle-ci, de vérifier les habilitations et le jour de la signature, de demander aux agents de l'ADLC toute information pertinente préalablement à la signature de son ordonnance.

Dès lors, il ne peut être déduit du caractère pré-rédigé de l'ordonnance et de sa similitude avec la requête que le JLD n'a pas vérifié le bien-fondé de cette dernière.

Ce moyen sera écarté.

III) Sur le caractère disproportionné de l'enquête ordonnée

i) une mesure disproportionnée en l'absence d'indices sérieux concernant Valade

Il a déjà été partiellement répondu à ce moyen quant à la vérification du bien-fondé de la requête par le JLD.

Par ailleurs, aucune atteinte à l'article 8 de la CEDH n'est caractérisée, l'impartialité du premier juge ne peut être mise en cause, étant précisé que celui-ci a de fait exercé un contrôle de proportionnalité en estimant que les pouvoirs de l'article 450-3 du Code de commerce, étaient insuffisants en l'espèce.

Ii) en l'espèce, il existait d'autres mesures d'enquête possibles et moins attentatoires aux libertés de Valade

Il est constant également que l'Autorité n'a pas à rendre compte de son choix de recourir à la procédure, dite lourde, de l'article L. 450-4 du Code de commerce laquelle n'a pas un caractère subsidiaire par rapport aux autres procédures pouvant être utilisées.

Ce moyen ne saurait prospérer.

En conséquence, l'ordonnance du JLD de Paris du 11 septembre 2015 sera déclarée régulière et les demandes subséquentes de la société Valade appelante, rejetées.

B) Le recours

A) Sur l'annulation de la saisie massive et indifférenciée des données informatiques placées sous scellé n°1 en raison de son caractère manifestement disproportionné

1. La méthode employée pour la saisie des données informatiques placées sous scellé n° 1 serait manifestement disproportionnée au regard du fait que les agents ont, par ailleurs, effectué une recherche très ciblée des données informatiques placées sous scellés n° 5, 6 et 7

S'agissant du scellé n°1 constitué par les saisies informatiques des ordinateurs de MM. Maresq et Belin, il convient de se reporter au procès-verbal des opérations de visite et de saisie en date du 22 septembre 2015 qui indique " Ordinateur de M. Sylvain Maresq : nous avons examiné les données informatiques accessibles depuis l'ordinateur HP Probook 4540s de M. Maresq. Nous avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention (...). Ordinateur de M. Janick Belin : nous avons examiné les données informatiques accessibles depuis l'ordinateur Lenovo Thinkpad de M. Belin. Nous avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention (...) ".

La méthode employée ne peut pas être qualifiée de massive et indifférenciée dès lors que les enquêteurs, à l'aide d'un logiciel de recherche et de mots clés, ont constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le JLD et que ces saisies ne correspondent, selon l'ADLC, qu'à la copie de 0,03 % des fichiers analysés.

Par ailleurs, concernant la différence de traitement dans la saisie des données informatiques portant sur plusieurs ordinateurs investigués, il est constant que l'ADLC n'a pas à rendre compte de ses méthodes et choix d'investigations guidés principalement par le matériel informatique à analyser (messageries Outlook insécables) ou par l'exploitation des ordinateurs des personnels ayant des fonctions managériales.

Ce moyen sera rejeté.

2. Au surplus, la méthode employée par l'Autorité pour les données informatiques placées sous scellé n° 1 aurait conduit à une violation caractérisée du droit au respect du domicile, de la vie privée et du secret des correspondances avocat-client et du principe de proportionnalité

Il convient de rappeler que cette pratique n'est qu'une faculté offerte à la société visitée et ne peut être utilisée qu'aux fins d'expurgation des documents qu'elle estimerait être protégés par la loi du 31 décembre 1971.

Or, la lecture du procès-verbal susmentionné fait apparaître, en sa page 5, la mention suivante " S'agissant des fichiers informatiques appréhendés, avons demandé à Mme MAGINET, occupant des lieux, si des documents protégés au titre de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus. Après avoir obtenu confirmation de M. Janick Belin et de M. Sylvain Maresq, Mme Maginet a indiqué, qu'aucun des documents présents dans les fichiers retenus ne relève de la protection susmentionnée ".

Force est de constater que l'occupant des lieux n'a pas demandé à bénéficier de cette faculté.

Par ailleurs, toute comparaison avec les méthodes employées par les enquêteurs de la Commission européenne est inadaptée.

En effet, il convient de souligner que les inspections des agents de la Commission européenne, qui agissent sur le fondement d'une décision administrative, sans contrôle d'un juge, hors la présence de tout officier de police judiciaire, n'ouvrent pas droit à un recours juridictionnel direct et ne peuvent pas être comparées à celles des enquêteurs de l'ADLC, agissant sur autorisation judiciaire, sous le contrôle d'un juge et d'officiers de police judiciaire et donnant lieu à un recours juridictionnel effectif et surtout pouvant saisir les supports informatiques (ordinateurs, serveurs), contrairement à leurs homologues de la Commission européenne.

Par ailleurs, les agents de la Commission européenne ne procèdent que par emport de copies alors que les enquêteurs peuvent saisir les supports informatiques. Cette pratique est celle qui permet de concilier l'efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié, l'activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n'est pas l'objectif d'une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l'activité économique et commerciale d'une société (si le serveur ou les ordinateurs étaient saisis ce qui est tout à fait possible juridiquement).

Il est par ailleurs constant, selon les dispositions de l'article L. 450-4 alinéa 12 du Code de commerce, que le recours n'est pas suspensif et s'agissant de la demande d'information du rapporteur de l'Autorité, deux mois à peine après les visites et saisies, il y a lieu de constater qu'il ne s'agissait que d'une demande d'organigramme de la société Valade, peu instructive pour pouvoir se " forger une opinion sur les suites à donner à l'enquête ".

Enfin, l'argument selon lequel ayant la possibilité de s'autosaisir d'une autre affaire sans avoir à justifier sa décision, l'ADLC pourrait ouvrir une enquête sur la base d'éléments obtenus irrégulièrement, ne peut être valablement soutenu. En effet, dans cette hypothèse, les conseils de ou des sociétés visées ne manqueraient de contester l'origine illicite des documents ayant servi de fondement à une hypothétique demande d'enquête.

Ce moyen sera écarté.

B) Sur l'annulation de la saisie massive et indifférenciée des données informatiques placées sous scellé n° 1 en raison de la saisie des correspondances avocat-client

Nous avons rappelé supra la mention, dans le procès-verbal du 22 septembre 2015, selon laquelle l'occupant des lieux avait déclaré qu'aucun des documents présents dans les fichiers retenus ne relevait de la protection attachée aux échanges avocat-client.

Dès lors, les enquêteurs de l'ADLC ne sauraient être tenus responsables d'avoir volontairement saisis des correspondances protégées par le secret professionnel.

La société Valade a identifié ces correspondances qu'elle a regroupé dans une annexe 10 jointe à ses écritures.

L'examen de l'inventaire de cette annexe 10 fait apparaître que l'expéditeur ou le destinataire est avocat. Ainsi, les courriels bénéficient du privilège légal et devront être annulées avec interdiction pour l'Autorité d'en faire quelconque usage.

Néanmoins, cette annulation n'aura pas pour effet d'annuler l'intégralité des saisies effectuées, l'occupant des lieux aurait dû faire montre de plus de prudence lorsqu'il a affirmé, de façon péremptoire, que les messageries n'étaient pas susceptibles de contenir au moins un document protégés par le privilège légal. Dans cette hypothèse, les enquêteurs de l'ADLC auraient proposé à la société visitée la faculté de bénéficier d'un scellé fermé provisoire destiné à regrouper ce type d'échanges.

Le moyen relatif à l'annulation de l'intégralité des saisies sera rejeté à l'exception des saisies regroupées dans l'annexe 10 des écritures de la société Valade, protégées par la confidentialité des échanges avocat-client.

C) Sur l'annulation de la saisie des (i) données informatiques placées sous scellé n°1 et (ii) documents papier en raison de la saisie massive de pièces sans rapport avec le champ de l'enquête et/ou relevant de la vie privée

Il y a lieu de rappeler que l'ordonnance du 11 septembre 2015 du JLD de Paris précisait que l'autorisation délivrée l'était aux fins d'établir si les entreprises concernées étaient susceptibles de se livrer à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2° et 4° du Code de commerce et 101-1 a) et c) du TFUE. Ainsi, cette autorisation dépassait le champ du territoire national.

Enfin, des documents qui auraient été saisis, antérieurs à la période retenue dans l'ordonnance, peuvent être utilisés pour éclairer les faits non prescrits, susceptibles de constituer des agissements prohibés.

Par ailleurs, la mention " perso " ou " personnelle " dans un intitulé de fichier ne constitue pas, en elle-même, un élément de nature à déterminer si le contenu dudit fichier est d'ordre strictement confidentiel.

En tout état de cause, si des courriels personnels ont été saisis sur les messageries professionnelles, de trois dirigeants de la société requérante, en raison de l'insécabilité de celles-ci, ceux-ci n'ayant aucun intérêt pour l'ADLC, l'administration ne pourrait en aucun cas en faire usage.

La société requérante a joint, dans ses écritures, les pièces 12,13 et 14 lesquelles sont des listings de correspondances qui soit n'entreraient pas dans le champ de l'enquête (hors champ matériel ou temporaire) soit releveraient de la vie privée (messagerie de M. Maresq).

La lecture de l'intitulé des courriels et de leur objet ne nous permet pas, faute de production des documents dans leur intégralité, de pouvoir déterminer si ces courriels peuvent être rattachés, même pour partie, au champ d'application de l'ordonnance, étant précisé que le champ des investigations doit être relativement étendu au stade de l'enquête préalable, pendant laquelle aucune accusation n'est formulée à l'encontre de la société visitée.

Ce moyen sera rejeté.

Enfin aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Statuant contradictoirement et en dernier ressort : - Ordonnons la jonction entre les instances enregistrées sous les numéros RG 15/24412 (appel) et 15/4420 (recours), lesquelles seront regroupées. - Disons qu'aucune violation des articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 450-4 du Code de commerce, 56 du Code de procédure pénale, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile n'est caractérisée. En conséquence, Sur l'appel : - Confirmons en toutes leurs dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Paris en date du 11 septembre 2015 et celle subséquente du juge des libertés et de la détention de BRIVE LA GAILLARDE en date du 18 septembre 2015. Sur le recours : - Rejetons les recours contre les opérations de visite et de saisies du 22 septembre 2015 dans les locaux de la société Valade à l'exception des regroupées dans l'annexe 10 des écritures de la société Valade, protégées par la confidentialité des échanges avocat-client et ordonnons le retrait de ces documents de la procédure et leur restitution à la société Valade, en interdisant à l'ADLC de les utiliser en original ou en copie. - Rejetons toute autre demande. - Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile. - Disons que la charge des dépens sera supportée par la société Valade.