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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 5 juillet 2017, n° 15-05425

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

G.

Défendeur :

SHS Solar House Systems GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

Mme Dorsch, M. Robin

CA Colmar n° 15-05425

5 juillet 2017

Le 24 mai 2011 la société de droit allemand SHS SOLAR HOUSE SYSTEMS a signé un contrat dont la traduction est 'contrat d'agent commercial' avec 'TRIPTOP Alexandre G. distributeur-grossiste représenté par Alain V G.'. Le 31 mai 2012 la société allemande a établi une facture de 25.000 euro HT soit 29.750 euro TTC correspondant à la redevance annuelle.

Faute de paiement elle a assigné le 19 février 2015 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile Monsieur Alain G. devant le TGI de Colmar aux fins de paiement. Monsieur G. n'a pas comparu à la procédure.

Par jugement réputé contradictoire du 23 avril 2015 le tribunal a fait droit à la demande et a condamné Monsieur Alain G. à payer à la société SHS SOLAR HOUSE SYSTEMS GMBH la somme de 29.750 euro avec les intérêts au taux de 8 % à compter du jugement, outre 1.000 euro au titre de l'article 700 du CPC et les entiers dépens.

Le jugement a été signifié selon l'article 659 du CPC le 1er juin 2015.

Par déclaration au greffe du 14 octobre 2015 Monsieur Alain G. a interjeté appel de cette décision.

Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 2 mars 2016, déclaré l'appel irrecevable car tardif.

Par arrêt du 29 juin 2016 la cour a infirmé cette ordonnance, a prononcé la nullité de l'acte de signification du 1er juin 2015, a déclaré l'appel recevable, et dit que les frais suivront ceux de la procédure d'appel.

Par conclusions du 22 décembre 2016 Monsieur Alain G. demande à la cour de déclarer l'appel recevable et de :

- constater qu'il n'est pas le cocontractant de la partie adverse,

'constater que la partie adverse ne pouvait sérieusement solliciter sa condamnation contractuelle alors qu'elle n'ignorait pas qu'il avait signé en qualité de mandataire,

- constater que le contrat rédigé par la partie adverse est intitulé 'contrat d'agent commercial',

- constater que le contrat prévoyant l'application de la loi allemande viole les dispositions d'ordre public soumettant un contrat d'agent commercial exécuté en France au droit français,

- constater que le contrat prévoit que l'agent commercial s'engage à acquérir de la marchandise auprès de son mandant ce qui est en contradiction avec la nature d'un contrat d'agent commercial, l'agent commercial étend mandataire du mandant et non l'acheteur de ses marchandises,

- constater que les dispositions d'ordre public du statut des agents commerciaux ont été violées dans leur essence même,

- partant, réformer en son intégralité le jugement entrepris,

- condamner sur appel incident la partie adverse à payer une indemnité de 30.000 euro pour avoir abusivement demandé et obtenu sa condamnation en qualité de cocontractant alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'il n'avait que la qualité de mandataire et qu'elle ne pouvait par ailleurs réclamer un agent commercial le paiement d'une redevance,

- condamner en outre sur appel incident la partie adverse à payer une indemnité de 10 000 euro selon l'article 32-1 du CPC pour résistance abusive en tentant de préserver le caractère exécutoire d'un jugement obtenu par fraude,

- condamner la partie adverse à tous les frais et dépens de l'instance d'appel ainsi que de première instance et au paiement de 7500 euro au titre de l'article 700 du CPC.

Monsieur Alain G. conclut très longuement sur les irrégularités des significations de la citation et du jugement déféré estimant qu'il était facile de retrouver son adresse et que la société SHS SOLAR SYSTEM a agi d'extrême mauvaise foi en signifiant les actes selon l'article 659 du CPC.

L'appelant soutient en premier lieu qu'il n'a souscrit aucun engagement, et qu'il était uniquement mandataire de Monsieur Alexandre G., son fils. Il reconnaît qu'il n'existe pas de société 'TRIP TOP Alexandre G.' car cette société n'a finalement pas été constituée. Il en déduit que le cocontractant de la partie adverse est Monsieur Alexandre G., puisque les engagements n'ont pas été repris par la société. Il se réfère aux mentions du contrat et ajoute qu'il ne peut être prouvé outre ou contre un contrat.

Il soutient en second lieu que le contrat qui viole les dispositions d'ordre public français ne peut recevoir aucune application. Il rappelle que le statut d'agent commercial est d'ordre public et que les clauses contractuelles sont totalement contraires à ce statut notamment en ce qu'elles prévoient que l'agent commercial doit acheter un volume de marchandises et verser une redevance à son mandant.

L'appelant fonde sa demande de dommages et intérêts qu'il qualifie d'appel incident sur l'article 32-1du code de procédure civile. Il réclame à ce titre d'une part 30 000 euro au motif que son adversaire a abusivement demandé et obtenu sa condamnation en qualité de cocontractant et que l'ensemble du dossier démontre l'intention de nuire, et d'autre part 10 000 euro pour résistance abusive pour avoir tenté de préserver le caractère exécutoire d'un jugement obtenu par fraude.

Par conclusions du 3 février 2017 la SHS SOLAR HOUSE SYSTEMS demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris de condamner Monsieur Alain G. aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 2000 euro au titre de l'article 700 du CPC. Elle demande à la cour de débouter Monsieur G. de l'ensemble de ses fins et prétentions, et de dire et juger, au besoin constater, que la demande de condamnation à 30 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive constitue une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.

L'intimée s'étonne de la longueur des développements consacrés aux modalités de signification de l'assignation et de jugement, ces éléments n'ayant plus d'intérêt suite à l'arrêt de la cour d'appel en date du 29 juin 2016.

Elle fait valoir que les montants réclamés résultent de la stricte application des dispositions contractuelles. Elle explique que son seul interlocuteur a toujours été Monsieur Alain G., et que 'TRIPTOP-Alexandre G.' n'est pas une société, qu'elle n'est pas immatriculée, et qu'il s'agit d'une simple enseigne commerciale qui était bien représentée par Monsieur Alain G.. Elle poursuit que Monsieur G. en mentionnant une enseigne commerciale est lui-même commerçant et a conclu ce contrat en son nom.

Elle souligne d'ailleurs que Monsieur G. ne produit aucun pouvoir, ni procuration de son mandant, ni ne justifie d'aucune formalité de création de la société. Elle rappelle que les actes conclus par une société en formation qui n'est finalement pas créée sont repris par les personnes qui se sont présentées en son nom.

À titre subsidiaire elle fait valoir que le contrat peut parfaitement être soumis au droit allemand en vertu de l'article 3 du règlement Rome 1 qui dispose que le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Elle ajoute que le contrat n'est pas stricto sensu un contrat d'agent commercial, ces termes résultant de la traduction du mot " Vertrags handler vertrag ". Elle conclut qu'il s'agit d'un contrat sui generis qui s'apparente davantage à un contrat de distribution exclusive et estime que la cour ne peut s'arrêter à la seule traduction, mais doit se fier aux clauses contractuelles pour le qualifier.

Elle conteste que la procédure qu'elle a initiée soit abusive alors qu'elle tend simplement à l'application d'un contrat et au paiement des montants prévus par celui-ci. Elle souligne qu'en tout état de cause cette demande est irrecevable, car formée la première fois en cause d'appel elle constitue une demande nouvelle.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 mars 2017 avec un renvoi à l'audience de plaidoirie du 17 mai 2017.

MOTIFS :

Sur la qualité de Monsieur Alain G. :

Attendu que Monsieur Alain G. soutient qu'il est intervenu au contrat en qualité de mandataire d'une société en formation, elle-même représentée par son fils, de sorte qu'il ne peut être poursuivi à titre personnel ;

Attendu cependant que l'appelant se contente de procéder par affirmation ;

Qu'en effet le contrat litigieux ne mentionne aucunement de personne morale, fut-elle en cours de formation, de sorte que l'intitulé 'TRIP TOP Alexandre G.' correspond nécessairement à une enseigne commerciale ;

Or attendu qu'il est expressément prévu au contrat que 'TRIP TOP Alexandre G.' est représentée par Monsieur Alain V. G. ;

Que d'ailleurs ce dernier ne produit aucun document relatif à une société en cours de formation, ni surtout aucun pouvoir ou mandat qui lui aurait été confié ;

Que c'est par conséquent à juste titre que la société de droit allemand a dirigé son action à l'encontre de son seul interlocuteur Monsieur Alain G. qui, représentant une enseigne commerciale, a agi en son nom personnel ;

Sur la nature du contrat litigieux et le droit applicable :

Attendu que la qualification du contrat en contrat d'agent commercial invoqué par l'appelant résulte de la traduction du titre de 'VERTRASHANDLERVERTRAG' en tête du contrat;

Mais attendu que le seul titre d'un contrat ne suffit pas à régir les relations contractuelles entre les parties, l'important étant le contenu des clauses contractuelles ;

Attendu qu'à cet égard il est d'emblée relevé que la société SHS SOLAR HOUSE SYSTEMS est qualifiée tout au long de la convention de fournisseur, alors que TRIP TOP Alexandre G. représentée par Monsieur Alain G. est qualifié de distributeur grossiste ;

Et qu'en effet les dispositions contractuelles ne constituent pas un contrat d'agent commercial mais s'apparentent à un contrat de distribution exclusive dès lors qu'il est notamment précisé en article 1 que le distributeur grossiste achète et vend les produits contractuels en son nom et pour son compte propre, qu'il exerce son activité en qualité d'entrepreneur libre et indépendant, et que l'article 5.1 prévoit une obligation pour le distributeur grossiste d'acheter aux fournisseurs chaque année des produits d'une valeur hors-taxes d'au moins 400 000 euro, et que l'article 5. 2 quant à lui prévoit le paiement par le distributeur grossiste d'une redevance contractuelle annuelle de 25 000 euro hors-taxes ;

Attendu que l'argumentation de l'appelant repose sur le seul titre du contrat, en contradiction avec les clauses contractuelles et qu'il ne rapporte aucun élément permettant de caractériser un contrat d'agent commercial ;

Qu'il convient d'en déduire que le contrat litigieux n'est pas un contrat d'agent commercial ;

Attendu que l'article 3 du règlement Rome I dispose que le contrat est régi par la loi choisie par les parties et que le choix est express ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat des circonstances de la cause ;

Qu'en l'espèce l'article 12.3 du contrat dispose que celui-ci est régi par le droit de la république fédérale d'Allemagne, de sorte que les parties ont expressément accepté de soumettre un éventuel litige au droit allemand ;

Que par conséquent les conclusions de l'appelant tendant à écarter l'application du droit aux allemands en raison de la violation du statut d'ordre public d'agent commercial ne peuvent prospérer ;

Sur la condamnation au paiement :

Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a condamné Monsieur G. à payer la facture du 31 mai 2012 d'un montant de 29 750 euro TTC correspondant à la redevance annuelle ;

Qu'hormis les motifs ci-dessus examiner, le montant de la facture n'est pas en lui-même contesté ;

Que le jugement est par conséquent confirmé s'agissant de la condamnation au paiement assortie des intérêts majorés de 8 % à compter du jugement ;

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Attendu que les deux demandes de dommages et intérêts présentées par l'appelant sont en la forme recevables pour constituer des demandes reconventionnelles recevables au sens de l'article 567 du code de procédure civile ;

Attendu au fond qu'il a été fait droit aux demandes de la société Solar House Systems GMBH de sorte que Monsieur G. ne peut être que débouté de sa demande de dommages et intérêts pour demandes abusives ;

Qu'il est également débouté de la seconde demande de dommages et intérêts motivée par le fait que la société adverse aurait résisté abusivement en tentant de préserver le caractère exécutoire du jugement obtenu par fraude, alors que Monsieur G. ne prouve l'existence d'aucune fraude dans l'obtention du jugement ;

Que la seule annulation de l'assignation devant le tribunal de grande instance ne prouve pas en elle-même l'existence d'une fraude, l'arrêt du 29 juin 2016 reprochant uniquement à l'huissier de ne pas avoir démontré qu'il ait fait des recherches suffisantes pour localiser le domicile effectif de Monsieur G. afin de lui remettre les actes ;

Sur le surplus :

Attendu que le jugement est confirmé s'agissant de la condamnation aux frais et dépens et aux frais irrépétibles ;

Attendu que l'appelant qui succombe sur les mérites de son appel est condamné aux entiers frais et dépens de la procédure ;

Que l'équité ne commande pas de faire application à son profit de l'article 700 du code de procédure civile ;

Qu'à l'inverse l'équité commande d'allouer une somme de 2.000 euro sur ce même fondement à la société SHS Solar House Systems GMBH ;

Par ces motifs : La Cour, Confirme jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Rejette l'exception d'irrecevabilité des demandes de dommages et intérêts formées par Monsieur Alain G., Déboute Monsieur Alain G. de toutes ses prétentions, Condamne Monsieur Alain G. aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile Monsieur Alain G. ; Condamne Monsieur Alain G. à payer à la société SOLAR HOUSE SYSTEMS GMBH somme de 2 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.