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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 30 juin 2017, n° 16-09173

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Second Sight Medical Products (SARL)

Défendeur :

Pixium Vision (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kerner-Menay

Conseillers :

M. Vasseur, Mme Quentin De Gromard

T. com. Paris, du 13 avr. 2016

13 avril 2016

Exposé du litige

La société Second Sight Medical Product est une filiale suisse de la société Second Sight Medical Products INC, société américaine. Elle a pour activité la mise au point, la fabrication et la commercialisation de prothèses visuelles permettant à des personnes atteintes de certaines formes de cécité de recouvrer en partie la vue. Elle travaille depuis plusieurs années sur le développement et la mise au point d'un dispositif médical de restauration de la vision appelé Argus II.

La société Pixium Vision est une société de droit français créée en 2011 qui a pour activité la mise au point de systèmes de restauration de la vision destinés aux patients atteints de cécité causée par la dégénérescence des cellules photo réceptrices de la rétine comme par exemple celle liée à l'âge (DMLA). Elle a développé en parallèle deux systèmes de restauration de la vision, les systèmes Iris II (Intelligent Retinal Implant System) et Prima.

Le 14 décembre 2015, la société Pixium Vision a publié, sur son site internet, un communiqué de presse, dans lequel elle annonce avoir obtenu l'autorisation de l'autorité règlementaire française (ANSM) pour évaluer Iris II dans un cadre clinique.

Par acte extrajudiciaire en date du 3 février 2016, la société Second Sight a fait assigner la société Pixium Vision devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, de voir dire aux visas des articles 873 du Code de procédure civile, L. 5213-2, R. 5213-1, R. 5213-3 du Code de la santé publique, L. 121-1 du Code de la consommation, 1382 du Code civil, que la publication de ce communiqué de presse par la société Pixium constitue un trouble manifestement illicite et est susceptible de causer à tout patient potentiel ainsi qu'à la société Second Sight un dommage imminent. Elle a sollicité qu'il soit ordonné à la société Pixium Vision de retirer de son site internet et de tout autre support sur lequel il aurait été publié le communiqué de presse ainsi que dans ses versions étrangères, et ce sous astreinte. Subsidiairement, elle a sollicité qu'un certain nombre de mots listés par elle soient supprimés de cette communication et qu'en tout état de cause, soit ordonnée la publication de l'ordonnance à intervenir sur le site internet de la société Pixium Vision selon certaines modalités précisées.

La société Pixium Vision a soutenu que le communiqué de presse litigieux ne constituait pas une publicité au sens de l'article L. 5213-1 du Code de la santé publique, ni une publicité trompeuse au sens des articles L. 5213-2 du même code. Elle a également indiqué qu'il ne s'agissait pas, comme soutenu par son adversaire, d'une pratique commerciale trompeuse au sens du Code de la consommation. Elle a ainsi contesté l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent.

Par une ordonnance contradictoire en date du 13 avril 2016, le président du Tribunal de commerce de Paris statuant en référé a dit n'y avoir lieu à référé et à application de l'article 700 du Code de procédure civile. La société Second Sight Medical a été condamnée aux dépens de l'instance.

Il a retenu que les arguments débattus qui concernent non seulement le fait que le communiqué soit ou non une publicité ou une communication institutionnelle et ressort ou non du Code de la santé publique mais aussi l'exactitude des termes médicaux employés, révèlent une contestation sérieuse sur des sujets particulièrement complexes laquelle exclut la compétence du juge des référés.

Par déclaration en date du 20 avril 2016, la société Second Sight a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 décembre 2016, la société Second Sight demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris du 13 avril 2016.

Elle sollicite que soit reconnu que la publication sur le site internet de la société Pixium Vision du communiqué de presse litigieux du 14 décembre 2015, établi par constat d'huissier du 12 janvier 2016, constitue un trouble manifestement illicite et est susceptible de causer un dommage imminent à tout patient potentiel ainsi qu'à elle-même.

En conséquence, elle demande à la cour d'ordonner à la société Pixium Vision, de supprimer de son site internet, ainsi que de tout autre support sur lequel il aurait été publié à l'initiative directe ou indirecte de Pixium Vision, sur tout territoire, le communiqué de presse litigieux, ainsi que toutes les versions étrangères, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision.

Elle demande que la cour interdise à la société Pixium Vision de diffuser et/ou reproduire de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, directement ou indirectement, sur tout territoire, ledit communiqué de presse.

Elle sollicite que la société Pixium Vision soit condamnée à supprimer les mentions suivantes de toute autre communication, sur tout territoire : "unique", "neuromorphique", "intelligente", "explantable", "évolutif", "la meilleure option thérapeutique", "comme l''il humain", "des combinaisons de stimulation rétinienne plus nombreuses et plus pertinentes", "les électrodes sont maintenues en contact avec la surface de la rétine", "sans dégrader la rétine", "presque trois fois plus d'électrodes que le dispositif concurrent", "un plus grand nombre d'électrodes permet une stimulation rétinienne plus efficace" sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision et qu'il soit fait interdiction à la société Pixium Vision directement ou indirectement de diffuser et/ou reproduire de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit les mentions critiquées ci-avant.

Subsidiairement, elle demande qu'il soit ordonné à la société Pixium Vision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance, de supprimer du communiqué de presse litigieux publié sur son site internet ainsi que de toutes les versions étrangères existant, et de tout autre support sur lequel elles auraient été publiées, à l'initiative directe ou indirecte de la société Pixium Vision, sur tout territoire, les mentions suivantes : "unique", "neuromorphique", "intelligente", "explantable", "évolutif", "la meilleure option thérapeutique", "comme l''il humain", "des combinaisons de stimulation rétinienne plus nombreuses et plus pertinentes", "les électrodes sont maintenues en contact avec la surface de la rétine", "sans dégrader la rétine", "presque trois fois plus d'électrodes que le dispositif concurrent", "un plus grand nombre d'électrodes permet une stimulation rétinienne plus efficace" et d'interdire à la société Pixium Vision directement ou indirectement de diffuser et/ou reproduire de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit les mentions critiquées ci-avant.

En tout état de cause, elle demande que soit ordonnée la publication de l'ordonnance à intervenir sur la page d'accueil du site internet de la société Pixium Vision accessible à l'adresse http://www.pixium-vision.com pendant deux mois à compter de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; de dire et juger qu'il sera procédé à cette publication en partie supérieure de la page d'accueil susvisée au-dessus de la ligne de flottaison, dans la partie centrale du premier écran de présentation qui s'affiche en tapant l'adresse http://www.pixium-vision.com, de façon visible et en caractère " times new roman ", de taille 12, sans italique, de couleur noire et sur fond blanc, le texte devant être immédiatement précédé du titre " Communiqué Judiciaire ".

Enfin, elle sollicite la condamnation de la société Pixium Vision à payer à la société Second Sight la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle indique que la contestation sérieuse relevée par le premier juge n'est pas de nature à faire obstacle à ses droits d'obtenir la cessation du trouble manifestement illicite qui résulte de la publication du communiqué litigieux toujours en ligne .

Elle précise que le système Iris II est un dispositif médical au sens de l'article L. 5211-1 du Code de la santé publique ; qu'au moment de la publication du dispositif, il ne bénéficiait pas du marquage CE ; que sa publicité était donc interdite.

Elle ajoute que le communiqué constitue une publicité pour un dispositif médical au sens de l'article L. 5213-1 du Code de la santé publique et de la jurisprudence. Elle considère qu'il constitue une opération de promotion du produit Iris II dans la perspective de sa commercialisation imminente et dans le but de faciliter le recrutement de patients afin de réaliser les essais cliniques désormais autorisés. Elle relève que le communiqué, sous couvert d'une information institutionnelle de nature financière, s'adresse à tout public sans restriction d'accès. Les termes utilisés traduisent selon elle, le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'informer mais de vanter le produit en le comparant ou en l'associant à des qualificatifs de supériorité.

Elle critique l'argument de ses adversaires tendant à démontrer qu'il ne peut s'agir d'une publicité puisque le produit n'était pas commercialisable en raison du défaut de marquage CE et de surcroît désormais inopérant du fait de l'obtention de ce marquage en juillet 2016.

Elle affirme que ce communiqué n'est pas une information institutionnelle financière car elle ne contient aucune information financière ; que les mots utilisés visent à promouvoir Iris II présenté comme plus performant que tout autre alternative ; qu'en outre elle est accessible à tous, dans un onglet intitulé " média " alors que l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) affirme que la communication institutionnelle ne doit pas avoir pour objet la promotion d'un dispositif médical. Elle précise que si tel était le cas, il appartenait à la société Pixium Vision de mettre en place des restrictions d'accès comme le prévoit la Chartre de l'ANSM pour la communication et la promotion des produits de santé sur Internet et le e-media.

La société Second Sight affirme ensuite que le communiqué contrevient aux dispositions de Code de la santé publique en matière de publicité des dispositifs médicaux et constitue une publicité trompeuse au sens de l'article L. 5213-2, R. 5213-13, R. 5213-1 du Code de la santé publique. Elle ajoute que Iris II est un dispositif médical actif à haut risque pour la santé et qu'il convient donc de faire cesser le trouble illicite.

Elle précise que la charge de la preuve de l'absence de publicité trompeuse pèse sur l'annonceur en vertu d'une jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation.

Elle soutient que le caractère trompeur des affirmations du communiqué, au sens du Code de la santé publique, réside dans le fait qu'elles ne sont ni vérifiables, ni lisibles, ni suffisamment complètes pour permettre au destinataire d'en apprécier les caractéristiques (caméra neuromorphique, implant explantable) ; en ce qu'elles garantissent un effet particulier alors qu'une telle affirmation est proscrite (un fonctionnement comme l''il, ' sans dégrader la rétine) ; en ce qu'elles assurent un effet supérieur à tout autre dispositif ce qui est interdit (la meilleure option, combinaison de stimulation plus nombreuse). Elle ajoute que les informations données ne peuvent être considérées comme fiables par le seul fait qu'elles ont été communiquées pour le marquage CE et dans les documents de base et de référence transmis à l'AMF.

Elle ajoute que tel est le sens de plusieurs décisions rendues par des juridictions allemandes.

Elle soutient encore que la publicité est trompeuse au sens de l'article L. 121-1 et suivants du Code de la consommation auxquels sont également soumis les produits de santé. Elle relève que cette publicité repose sur des allégations, indications ou présentations fausses de nature à induire le consommateur en erreur.

Elle considère que le communiqué litigieux constitue un acte de concurrence déloyale en faisant état d'allégations trompeuses et non vérifiables sur un produit qui entre en concurrence directe avec son dispositif Argus II, développé par elle après plus de 10 ans d'étude clinique qui a fait l'objet d'implantation sur 215 patients dans le monde et qui lui permet de disposer de données cliniques récoltées sur le long terme. Selon elle, son adversaire a commis une faute en publiant des affirmations trompeuses sur son dispositif ce qui est à l'origine d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

La société appelante soutient encore l'existence d'un dommage imminent résultant de la menace pour la santé publique que constitue le risque pour les patients atteints de cécité d'avoir un espoir infondé de retrouver la vision et celui d'un risque sérieux pour l'avenir de la prothèse Argus II. Elle ajoute à ce sujet que depuis, elle se trouve en difficulté pour recruter les patients susceptibles de recevoir Argus II.

Enfin, la société Second Sight entend préciser qu'elle n'agit pas pour faire obstacle à un concurrent. Elle fait remarquer qu'elle n'est pas seule sur le marché concerné, la société allemande Retina Implant AG développant également un implant concurrent ayant obtenu le marquage CE. Elle refuse seulement d'être confrontée à un concurrent qui ne respecte pas les règles de la concurrence loyale mettant ainsi son travail en péril.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 décembre 2016, la société Pixium Vision sollicite à titre principal de dire et juger que le communiqué de presse qu'elle a publié sur son site le 14 décembre 2015 ne constitue pas une publicité au sens de l'article L. 5213-1 du Code de la santé publique.

A titre subsidiaire, elle demande que soit dit et jugé que le communiqué de presse litigieux ne constitue pas une publicité trompeuse au sens de l'article L. 5213-2 du Code de la santé publique, ni une pratique commerciale trompeuse au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation.

Elle conclut ainsi à ce qu'il soit jugé que le communiqué de presse publié le 14 décembre 2015 sur Internet ne constitue pas un trouble manifestement illicite et/ou susceptible de créer un dommage imminent et sollicite ainsi la confirmation de l'ordonnance du référé du tribunal de commerce de Paris en date du 13 avril en toutes ses dispositions.

Elle demande à la cour de rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société Second Sight et de la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société Pixium Vision précise que la cour devra prendre en compte l'élément nouveau résultant du fait que le système Iris II a obtenu, en juillet 2016, le marquage CE soit postérieurement à l'ordonnance dont appel.

Elle précise que l'obtention de ce marquage confirme le sérieux du produit et le fait qu'il répond à tous les standards de sécurité applicables pour ce type de technologie ; qu'il n'existe par ailleurs aucun risque pour la sécurité des consommateurs, le dispositif ne pouvant être implanté que par un médecin spécialisé, de surcroît dans le cadre d'essais cliniques strictement réglementés.

La société Pixium Vision tient à démontrer que le communiqué de presse litigieux ne constitue pas une publicité. Elle souligne d'abord qu'il ne pouvait avoir un objectif promotionnel puisque le dispositif Iris II ne pouvait en aucun cas être commercialisé du fait de l'absence de marquage CE, condition nécessaire et préalable à la mise sur le marché. Elle ajoute qu'à ce jour encore, malgré le marquage CE, il ne pourra l'être que lorsqu'il sera pris en charge financièrement par les pouvoirs publics compte tenu de son coût avoisinant les 100 000 euros par unité comme l'est, à l'inverse, le système Argus II de son adversaire.

Elle rappelle qu'en tant que société de projet, elle est dépendante de ses investisseurs financiers et que son fonctionnement est conditionné par son sérieux et la sincérité des informations de sa communication. Elle ajoute que sans ce sérieux, elle n'aurait pas pu conquérir la confiance des investisseurs, dont la Banque publique d'investissement, pour un montant total portant sur près de 70 millions d'euros.

Elle soutient que le communiqué avait pour seul objet d'annoncer l'obtention de l'autorisation de l'ANSM. Elle précise qu'il s'agissait d'une communication institutionnelle sans visée promotionnelle à destination des investisseurs financiers qu'elle est tenue d'avoir vis-à-vis du public en tant que société cotée en application du Règlement général de l'AMF et conforme à sa nature de société de projet. Elle précise qu'elle avait confié cette communication à une société Business Wire, prestataire agréé par l'AMF comme diffuseur d'informations financières réglementaires en France.

Elle rappelle les obligations qui pèsent sur elle en qualité de société cotée en bourse et qui figurent aux articles 223-2, 223-1 et 621-1 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

Elle ajoute que le communiqué de presse litigieux s'adresse à un public spécifique constitué d'experts et d'investisseurs financiers ; qu'il ne fait pas l'objet d'une communication spécifique auprès des populations, patients ou médecins intéressés par le secteur de la santé. Elle précise qu'il vise à fournir au public et aux investisseurs une information sérieuse, sincère et objective relative à l'autorisation donnée par l'ASNM de procéder aux essais cliniques ; que cette autorisation étant susceptible d'affecter son cours en bourse, elle avait l'obligation d'en informer au plus tôt le public.

Elle précise que chaque étape de développement du dispositif avait donné lieu à une communication similaire. Elle insiste sur le fait que ces données sont identiques à celles communiquées dans le cadre du marquage CE et à l'intention de l'AMF lors de son entrée en bourse en juin 2014 dans le cadre d'un document de base et dans le cadre du document de référence transmis à l'AMF pour l'année 2015.

La société Pixium Vision ajoute que les demandes de son adversaire sont incohérentes en ce que contrairement à ce qu'il soutient, la chartre de l'ANSM, en son article 1.4.6 prévoit que les communiqués de presse institutionnels sont autorisés en accès libre sur le site du fabricant.

La société Pixium Vision considère que le communiqué se limite à présenter les caractéristiques techniques et les technologies utilisées ainsi que l'aire thérapeutique concernée du système Iris II, à l'instar des termes utilisés dans la documentation financière remise à l'AMF depuis son introduction en bourse.

Elle soutient, de surcroît, que les termes du communiqué jugés par la société Second Sight comme des allégations de supériorité de son dispositif, ne font que pour certains décrire la stratégie de la société Pixium Vision, et pour d'autres que refléter de manière objective et sincère la technologie sur laquelle repose le système Iris II.

Elle analyse, à la lumière des critiques de son adversaire, les termes contestés et soutient que les affirmations sont justifiées et objectives ; que la mention de "la meilleure option" tient à la stratégie développée, les mots "unique", "technologie avancée et différenciée" sont le reflet de la technologie proposée résultant des brevets déposés concernant la caméra neuromorphique et le système de fixation du porte électrode ; que la précision "implant rétinien équipé de 150 électrodes qui permet des combinaisons de stimulation rétinienne plus nombreuses et plus pertinentes" ne constitue qu'une description.

Elle remarque que les communiqués de presse de la société Second Sight contiennent une terminologie identique, des formules bien plus emphatiques et qu'ainsi, cette dernière est particulièrement mal placée pour critiquer le communiqué de presse du 14 décembre 2015.

Elle précise que les décisions des juridictions allemandes évoquées par son adversaire ne sont pas définitives à l'exception d'une seule pour laquelle elle a finalement décidé de ne pas faire appel pour des raisons de coûts procéduraux.

Elle considère ainsi que ce communiqué n'étant pas une publicité, il ne peut ni violer les dispositions du Code de la santé publique relatifs aux dispositifs médicaux, ni celles relatives au Code de la consommation, ni celles relatives à une concurrence déloyale.

Elle affirme encore que s'il existe un doute sur la nature du communiqué, ce doute ne peut relever du champ de l'évidence et donc de la compétence du juge des référés.

La société Pixium Vision fait ensuite valoir que la démonstration du caractère prétendument trompeur des messages contenus dans le communiqué de presse litigieux pèse sur son adversaire ; que la critique de ce dernier se limite à reprendre des parties de phrases du communiqué en soutenant qu'elles sont trompeuses sans apporter aucune preuve de ses affirmations. Elle remarque que certaines des phrases citées ne figurent pas dans le communiqué. Elle soutient que les termes employés dans le communiqué de presse sont sérieux et que l'ensemble des termes utilisés dans la communication est justifié par les caractéristiques du système Iris II et qu'il s'agit des termes utilisés habituellement dans ce milieu, notamment dans des articles publiés dans des revues scientifiques.

En tout état de cause, la société Pixium Vision estime que l'appréciation de l'exactitude scientifique des termes employés dans le communiqué, au vu des nombreux éléments justificatifs qu'elle apporte implique une analyse complexe qui ne relève pas de la compétence du juge des référés comme l'a relevé le premier juge.

La société Pixium Vision fait valoir qu'il n'existe en définitive aucun trouble manifestement illicite ni sur le fondement de la publicité trompeuse, ni sur celui de la concurrence déloyale.

Elle conteste de même l'existence d'un dommage imminent puisqu'à la date du communiqué, le produit ne pouvait pas être commercialisé de sorte que ce communiqué ne pouvait ni constituer une menace pour la santé publique ni un péril imminent pour son adversaire qui avait déjà à cette époque fait procéder à près de 21 implantations en France alors qu'elle n'a pu réaliser quant à elle sa première implantation qu'en février 2016.

Elle soutient que le communiqué ne peut être tenu pour responsable de la baisse du nombre d'implantation du système Argus II laquelle est antérieure à sa publication.

En définitive, elle souligne que le seul péril ou dommage imminent dont la société Second Sight cherche à se préserver est la possible arrivée d'un concurrent sur un marché où elle est le seul acteur. Elle ajoute que le risque de péril évoqué n'est que le fruit du jeu de la libre concurrence que le juge des référés ne peut à l'évidence interdire.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

Sur ce, la cour

L'article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile précise que le président du tribunal de commerce, peut dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il résulte de ces dispositions que la constatation de l'existence d'une contestation sérieuse sur le fond du droit est insuffisante pour justifier le refus du juge des référés de prendre les mesures prévues par l'article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile.

Toutefois, si l'existence d'une contestation sérieuse n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, le juge des référés doit apprécier le caractère manifestement illicite du trouble causé.

Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer.

Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. Un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés. La constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets.

En l'espèce, il est constant que les sociétés Second Sight et Pixium Vision sont deux sociétés de haute technologie intervenant au niveau international et de façon concurrentielle dans le secteur du développement et de la commercialisation de systèmes de restauration de la vision (SRV) s'adressant principalement à des patients souffrant d'une dégénérescence des cellules photo réceptrices de la rétine. Les systèmes développés par elles poursuivent le même objectif de redonner au moins partiellement une perception visuelle à des personnes souffrant de cécité.

La société Second Sight a développé depuis plusieurs années un dispositif Argus II qui se compose d'une prothèse dite épi rétinienne implantée à l'intérieur et autour de l''il par voie chirurgicale, dotée de 60 électrodes capables de stimuler électriquement les cellules photo-réceptrices de l''il. Cette prothèse est complétée par un équipement externe qui comprend des lunettes, une unité de traitement vidéo et un câble. Le système produit une stimulation électrique permettant de contourner les cellules rétiniennes mortes et de stimuler les cellules viables restantes. Il convertit des images capturées par une caméra miniature montée sur les lunettes du patient en une série de petites pulsations électriques transmises sans fil vers les électrodes implantées à la surface de la rétine, entraînant la perception de motifs lumineux dans le cerveau. Le patient apprend à interpréter ces motifs visuels et regagne ainsi une certaine fonction visuelle. Le système Argus II a obtenu le marquage CE en 2011, année au cours de laquelle la commercialisation a débuté en Europe puis aux Etats-Unis en 2013. Depuis 2014, son implantation, d'un coût élevé de près de 100.000 euros, est prise en charge par l'Etat dans le cadre du 'forfait innovation' autorisé pour 36 patients français. La société Second Sight précise qu'à ce jour, 215 patients ont été implantés dans le monde dont 22 en France avec de bonnes suites opératoires.

La société Pixium Vision a été créée plus tard, en 2011, et a poursuivi le développement de recherches effectuées par des institutions académiques scientifiques et l'exploitation de brevets acquis auprès d'une société suisse relatifs à la technologie d'implant épi rétinien dite Iris (Intelligent Implant System). Le système de restauration de la vision Iris II a été développé à partir de juillet 2014. Il consiste également en une stimulation épi rétinienne effectuée à partir d'un porte électrode implanté par voie chirurgicale sur la surface de la rétine de l''il, comportant 150 électrodes, d'une interface visuelle composée de lunettes et d'une caméra et d'un ordinateur de poche. Ce porte électrode et la caméra utilisée ont fait l'objet d'un brevet européen (pièce n° 9 et n° 11de Pixium Vision). Le système Iris II a obtenu le marquage CE en juillet 2016.

Au-delà des enjeux financiers et de santé publique importants que représentent la poursuite par ces deux sociétés de leurs recherches, se trouve placée au centre de leurs préoccupations, la nécessité de poursuivre et de réussir les essais cliniques ce qui suppose en premier lieu le recrutement de patients qui, selon les termes utilisés par la société Pixium Vision dans son document de base adressé à l'AMF " peut être rendu difficile par la survenance d'événements non attendus, comme par exemple le lancement d'un produit nouveau ayant de meilleures performances " ( pièce n° 4).

Les systèmes concernés Iris II comme Argus II constituent des dispositifs de santé tels que définis à l'article L. 5211-1du Code de la santé publique.

A ce titre, les dispositifs sont soumis d'une part à des règles spécifiques de mise sur le marché européen et d'autre part à des règles de communication non promotionnelle et de publicité strictes. Par ailleurs, la société Pixium Vision faisant un appel public à l'épargne est soumise à une obligation de communication financière institutionnelle.

La mise sur le marché européen de ce type de produits est régie par la Directive européenne 90/385/CEE du 20 juin 1990 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatifs aux dispositifs médicaux implantables actifs. Conformément à cette directive, les produits ne peuvent être mis sur le marché de l'Espace Economique Européen que si le marquage CE a été apposé préalablement sur ces produits. Le marquage CE matérialise la conformité aux exigences essentielles de santé et de sécurité définies dans la Directive.

Il est constant qu'au 14 décembre 2015, le dispositif Iris II n'avait pas encore obtenu ce marquage, ne l'ayant reçu qu'en juillet 2016.

La publicité des dispositifs médicaux relève de l'article L. 5213-1 du Code de la santé publique selon lequel on entend par publicité toute forme d'information, y compris le démarchage, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou l'utilisation de ces dispositifs. L'article L. 5213-2 ajoute que la publicité ainsi définie porte sur les dispositifs médicaux qui respectent les obligations fixées à l'article 5211-3 du Code de la santé publique, c'est-à-dire les dispositifs médicaux qui ont reçu au préalable un certificat CE attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers.

La Charte pour la communication et la promotion des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) sur internet et le e-media publiée par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) pose le principe que l'information à caractère institutionnel peut être accessible à tous, dans une rubrique non promotionnelle d'un site web, mais précise en son article 1.3.1 que : " l'information institutionnelle revêt un caractère scientifique, technique ou financier et ne doit pas avoir pour objet la promotion d'un médicament ou d'un dispositif médical, en accord avec les dispositions légales et réglementaires et les recommandations de l'ANSM à ce sujet. La partie information institutionnelle doit être distincte de la partie promotionnelle et identifiée comme telle au moins au niveau de la page d'accueil, page de présentation du site ".

Par ailleurs, l'article 1.4.6 de la charte précise que les dossiers et communiqués de presse visant à présenter les médicaments ou les dispositifs médicaux ne peuvent être mis en ligne que si des restrictions réelles d'accès sont mises en place, afin de vérifier qu'ils ne sont accessibles qu'aux seuls journalistes ou responsables rédactionnels. Mais, précise cet article, il en va différemment des dossiers et communiqués de presse institutionnels qui sont autorisés en accès libre.

Enfin, dans ses " recommandations " sur l'information institutionnelle, destinées à compléter et préciser sa charte, l'ANSM indique que celle-ci peut mentionner les produits de l'entreprise ainsi que ses perspectives et domaines de recherche et de développement, à la condition que cette mention n'ait pas un caractère promotionnel mais informatif. Il est précisé que dans le cadre de l'information institutionnelle, pourront être mentionnés, le nom du produit ou de la marque ombrelle, la technologie ou l'aire thérapeutique concernée, la photo ou un schéma. Toute autre information relative à un produit pourrait être considérée comme de nature promotionnelle. De même, tous les termes impliquant une hiérarchie tels que " leader ", " premier ", " référence ", " meilleur ", " numéro 1 ", " le seul ", ne pourront être utilisés que s'il est précisé clairement qu'il s'agit de chiffre d'affaires, de parts de marchés, de quantité vendue. Ils ne devront pas être utilisés dans le cadre de l'information institutionnelle s'ils se réfèrent à une évaluation comparative des performances.

La société Pixium Vision est une société anonyme dont les titres financiers sont admis sur Euronext, marché financier réglementé opérant sur le territoire national. En tant que tel, elle est soumis à une obligation d'information du public en application de l'article 223-2 du Règlement Général de l'AMF qui dispose que : " tout émetteur (...) doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l'article 621-1 et qui le concerne directement ". L'article 223-1 du même règlement précise que " l'information donnée au public par l'émetteur doit être exacte, précise et sincère ".

L'article 621-1 du Règlement Général de l'AMF définit l'information privilégiée qui doit être divulguée au public comme une : " information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés ". Cette information peut porter sur des événements à caractère financier ou à caractère stratégique ou encore sur des événements techniques ou juridiques tels la mise au point d'un procédé de fabrication. Il s'agit d'assurer par une information donnée à tous une égalité entre les investisseurs financiers et de prévenir les délits d'initiés.

Il ressort de cette description que le dispositif Iris II, qui ne disposait pas du marquage CE au 14 décembre 2015, ne pouvait pas faire l'objet d'une publicité à visée promotionnelle. Il pouvait en revanche faire l'objet d'une communication institutionnelle générale, encadrée par les règles prescrites par l'ANSM, et pouvait être soumis à une obligation de communication institutionnelle financière contrôlée par l'AMF.

Le 14 décembre 2015, la société Pixium Vision ayant obtenu l'autorisation de l'ANSM pour évaluer le système Iris II dans le cadre d'un essai clinique, a mis en ligne sur son site internet un communiqué présentant le titre suivant : " Pixium Vision reçoit l'autorisation de l'autorité réglementaire française (ANSM) pour évaluer Iris II dans un cadre clinique ".

Suivant constat d'huissier du 12 janvier 2016, il est établi que ce communiqué était disponible sans restriction d'accès en accédant au site de la société Pixium Vision à l'adresse url http://www.pixium-vision.com/fr, puis sur la page d'accueil divisée en deux colonnes égales comprenant deux rubriques : " événements et actualités " et " publications ". Dans cette dernière rubrique, le titre et la date du communiqué litigieux figurent en dernière position, en compagnie de deux autres titres des 7 janvier 2016 et 21 décembre 2015. Un clic sur le titre de l'article permet d'y accéder et de lire le document.

A l'ouverture de la nouvelle page, un sous-titre précise : " Iris II, un système de restauration de la vision unique, doté d'une caméra neuromorphologique intelligente et d'un implant de 150 électrodes, explantable et évolutif. "

Les deux premiers paragraphes développent l'information de l'autorisation d'essais cliniques pour Iris II dont il est précisé qu'elle " s'inscrit dans le prolongement de l'étude menée par la société avec Iris I équipé de 49 électrodes et que conformément à sa stratégie, Pixium Vision vise à proposer aux patients la meilleure option possible ". S'ensuit une déclaration du directeur général qui évoque un système doté de presque 3 fois plus d'électrodes que le produit concurrent et que le souhait de la société est d'assurer les meilleurs SRV aux patients.

Puis, il est indiqué que : " sous réserve du marquage CE, le lancement commercial d'Iris II devrait débuter lors du premier semestre 2016 ".

Enfin, le SRV Iris II est décrit comme une " technologie avancée et différenciée. Ses principales caractéristiques sont - une caméra neuromorphique intelligente qui fonctionne comme l''il humain : le capteur ne prend pas de clichés mais visualise, à chaque instant avec ses pixels indépendants, l'ensemble des événements nouveaux ; - un implant épi rétinien équipé de 150 électrodes, qui permet des combinaisons de stimulation rétinienne plus nombreuses et plus pertinentes ;-cet implant est conçu pour être explantable : les électrodes sont maintenues en contact avec la surface de la rétine par un système de support breveté qui permet l'explantation sans dégrader la rétine et ainsi le remplacement ou l'upgrade du système ".

Un paragraphe suit sur la société Pixium Vision, puis un autre sur l'étude clinique et enfin sont mentionnés les contacts.

Enfin, un paragraphe intitulé " Avertissement " est donné qui indique que : " les déclarations contenues dans le communiqué sont des déclarations prospectives qui dépendent de certains risques connus ou non, d'incertitudes, ainsi que d'autres facteurs, qui pourraient conduire à ce que les résultats réels, les conditions financières, performances ou réalisations de Vision diffèrent significativement des résultats, conditions financières, performances ou réalisations exprimés ou sous-entendus dans ces déclarations prospectives ".

Il est renvoyé pour la description des risques et incertitudes de nature à entraîner une différence entre les résultats réels, les conditions financières, les performances ou les réalisations de Pixium Vision et les déclarations prospectives au chapitre 4 du document de référence enregistré auprès de l'AMF.

Les parties s'opposent sur la qualification qu'il convient de donner à ce communiqué à la lumière des règles applicables rappelées plus avant. La société Pixium Vision soutient qu'il s'agit d'une communication institutionnelle financière sans visée promotionnelle. La société Second Sight affirme qu'il s'agit d'une publicité, de surcroît trompeuse et à tout le moins d'une communication institutionnelle contraire aux règles de charte de l'ANSM.

Il convient donc de rechercher, avec l'évidence requise en référé, la nature de ce communiqué au regard des dispositions légales et réglementaire et de dire si, avec l'évidence requise en référé, il caractérise un trouble manifestement illicite, par suite de la violation manifeste de la règle de droit ou un dommage imminent pour les patients potentiels du fait d'un espoir vain de retrouver la vue et pour la société Second Sight qui subirait une concurrence déloyale.

La cour relève en premier lieu que le communiqué ne comporte aucune qualification de message institutionnel, de communiqué de presse ou de publicité.

Il n'est pas contestable que l'autorisation de procéder à des essais cliniques constitue pour la société Pixium Vision qui est, comme son adversaire, une société de projet, une information privilégiée, au sens des règles du règlement général de l'AMF, dont elle doit assurer la diffusion, celle-ci étant susceptible de modifier le cours de ses titres.

Si la communication litigieuse ne comporte pas stricto sensu d'éléments financiers, force est de constater qu'elle contient des éléments susceptibles d'avoir un impact sur le cours des actions de la société puisqu'elle informe de ce que, sous réserve du marquage CE, la commercialisation du produit " devrait " débuter au cours du premier semestre 2016. Comme indiqué au dernier paragraphe du document, il s'agit de déclarations prospectives, expressément conditionnées à l'obtention de la norme CE. L'emploi du temps du conditionnel démontre la prudence des affirmations ce que confortent encore les mentions contenues dans le dernier paragraphe valant avertissement. Par ailleurs, le communiqué renvoie au document de référence transmis à l'AMF au titre de l'année 2015 ce qui conforte le caractère institutionnel et financier de la communication réalisée. En outre, il n'a pas été contesté que ce document a été établi par une société Business Wire spécialisée dans la diffusion d'informations financières réglementaires (pièce n° 14).

Ainsi, à l'évidence, le communiqué litigieux contient des informations à destination des investisseurs financiers et au-delà du public en vertu des obligations légales et réglementaires qui pèsent sur une société cotée en bourse. Il revêt un caractère institutionnel compatible avec un accès libre sur internet.

Toutefois, il appartient au juge des référés de rechercher si sous couvert d'informations obligatoires, le fabricant n'a pas cherché à s'adresser à un public plus large et à réaliser une véritable opération visant à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou l'utilisation de ces dispositifs. Encore faut-il que cette intention se traduise par une violation manifeste des dispositions du Code de la santé publique relatives à la publicité ou aux règles d'information institutionnelle en matière de produits de santé.

Le fait que le système Iris II ne bénéficiait pas du marquage CE au moment où la publication est intervenue et ne pouvait donc faire l'objet ni d'une commercialisation, ni d'une publicité en vue de cette commercialisation n'empêche pas la possibilité d'une intention promotionnelle destinée au recrutement de patients volontaires pour les essais cliniques désormais autorisés et qui constituent la première étape indispensable à la future habilitation et à la commercialisation.

La description du contenu du communiqué montre qu'il relève du domaine de l'information et non de celui de la publicité. Son contenu doit dès lors être jugé au regard des règles du Code de la santé publique et de l'ASNM qui proscrivent l'instauration d'une hiérarchie et la référence à une évaluation comparative des performances.

L'analyse au regard des critiques formulées par la société Second Sight conduit d'abord à relever que le communiqué s'inscrit, selon les termes qu'il utilise dès le second paragraphe, " dans le prolongement de l'étude clinique menée par la société avec Iris I, SRV équipé d'un implant épi-rétinien de 49 électrodes ". A l'exception d'une référence au " produit concurrent ", sans le nommer, la totalité des annonces faites sur Iris II a ainsi vocation à s'interpréter à la lumière de ce point de référence.

La société Pixium Vision indique qu'elle " vise à proposer aux patients la meilleure option thérapeutique " et reprenant les termes utilisés par son directeur général : " nous souhaitons proposer les meilleurs systèmes de restauration de la Vision aux patients ". Il ne s'agit pas d'une affirmation de supériorité existante mais l'usage du terme " vise à' " explique la recherche d'un objectif à atteindre, ambitieux, mais ne portant pas comparaison actuelle avec d'autres systèmes ni affirmation d'une hiérarchie.

Le système de restauration de la vision proposé est dit " unique " ce qui ne signifie pas nécessairement qu'il soit meilleur ou supérieur, il est simplement différent. La technologie est dite " avancée et différenciée " ce qui ne fait que qualifier l'évolution technologique par rapport aux recherches initiales et situe le système dans la haute technologie ce qui ne peut être objectivement contesté.

Il est évoqué " une caméra neuromorphique et intelligente qui fonctionne comme l''il humain ". La phrase se poursuit et précise que " le capteur ne prend pas de clichés mais visualise, à chaque instant avec ses pixels indépendants, l'ensemble des événements nouveaux " ce qui limite la portée de la comparaison avec l''il humain. Quant à l'emploi du néologisme " neuromorphique ", il constitue un anglicisme utilisé dans le langage scientifique et dans le document de base destiné à l'AMF sans plus introduire d'élément comparatif de performance d'un concurrent (pièce n° 4 page 65).

Le système est décrit comme " conçu " pour être " explantable ". Des précisions sont apportées puisqu'il est ajouté " les électrodes sont maintenues en contact avec la surface de la rétine par un système breveté qui permet l'explantation sans dégrader la rétine et ainsi le remplacement ou l'upgrade du système ". Il s'agit uniquement de présenter, à la lumière de l'autorisation des essais, le brevet mis en place, la technique proposée, qui repose sur le fait que cet implant peut- être enlevé sans dégradation de la rétine. Il s'agit d'une description objective de la technologie brevetée à l'origine d'Iris II.

S'agissant de la mention de la présence d'un " implant rétinien équipé de 150 électrodes ", qui permet des " combinaisons de stimulation rétinienne plus nombreuses et plus pertinentes " et encore " un plus grand nombre d'électrodes permet une stimulation rétinienne plus efficace ", il doit être compris qu'est évoqué le système antérieur Iris I qui fonctionnait, aux termes du même communiqué avec 49 électrodes ce qui justifie l'exposé des mentions relevées.

Ainsi, la cour constate que les informations communiquées dans le cadre portent sur une autorisation d'essais cliniques et visent à présenter le dispositif qui va être expérimenté, les techniques et brevets concernés avec une mise en lumière de l'évolution du produit par rapport à la version Iris I, les objectifs poursuivis, sans hiérarchisation, ni comparaison et sans élément de promotion prohibé.

La seule réserve relevée porte, comme il l'a été indiqué plus avant, sur la mention du " concurrent " dans une phrase tirée de l'interview du directeur général M. Khalil I.. Ce seul élément, d'expression générale, ne suffit pas à remettre en cause l'équilibre du communiqué, sa portée informative et sa conformité au cadre précité. Il ne traduit pas à lui seul une intention de violer les dispositions du Code de la santé publique.

La cour observe par ailleurs que l'échantillon des communiqués de la société Second Sight, produits en pièce n°8 par la société Pixium Vision émanant du même prestataire Business Wire, sont de formulation et de présentation similaires. Ils informent de la même façon en présentant les avancées technologiques et les bienfaits qui en résulteraient pour les patients. La société Second Sight ne prétend pas qu'il s'agirait de publicités.

Il résulte donc de ce qui précède que l'appelante ne démontre pas, avec l'évidence requise en référé, l'existence d'une violation d'une règle de droit constitutive d'un trouble manifestement illicite. Sa demande doit donc être rejetée.

La société Second Signt fait ensuite valoir qu'il existerait un dommage imminent qu'il conviendrait de prévenir en soutenant que le communiqué est une menace pour la santé publique en ce qu'il engendrerait l'espoir vain pour les patients de retrouver la vision et constituerait un acte de concurrence déloyale à son égard.

La cour retient que sans qu'il soit nécessaire d'examiner la notion de danger, laquelle relèverait d'une analyse médicale poussée, la notion même d'imminence ne peut être caractérisée. En effet, il a été rappelé que le dispositif se situait au stade des essais cliniques lesquels sont parfaitement encadrés et que sa commercialisation était soumise à l'obtention de l'agrément CE s'inscrivant lui-même dans une démarche d'analyse qualitative excluant la présence d'un danger. Le communiqué intervient donc très loin de la phase de commercialisation. A ce titre également, il ne peut entrer en concurrence déloyale avec un produit bénéficiaire d'un marquage CE depuis 2011 et déjà pris en charge dans des procédures de soins et ne peut dès lors davantage constitué un trouble manifestement illicite de ce chef.

Les demandes doivent encore être rejetées de ce chef.

La décision du premier juge qui a rejeté les demandes doit être confirmée, la cour substituant toutefois les motifs pour constater l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent.

L'équité commande de faire droit à la demande de la société Pixium Vision en application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur de 5 000 euros.

Par ces motifs, Confirme l'ordonnance du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris en date du 13 avril 2016 ayant dit n'y avoir lieu à référé, ni à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; En substituant les motifs, Constate l'absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent ; Y ajoutant, Condamne la société Second Sight Medical Products à payer à la société Pixium Vision la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ; Condamne la société Second Sight Medical Products aux entiers dépens ;