CA Metz, ch. com., 18 juillet 2017, n° 15-02687
METZ
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Techna (SAS)
Défendeur :
MCM Emballages (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Messias
Conseillers :
Mme Flauss, M. Beaudier
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Techna est spécialisée dans la fabrication de stérilisateurs autoclaves et la vente de bocaux de conserve.
En 2007, elle disposait d'un site de fabrication, situé à Hourtin (33), comprenant un salarié et d'un site de commercialisation situé à Eckbolsheim (67), comprenant, outre un agent de nettoyage, deux personnels administratifs et un magasinier.
A raison de problèmes de santé du gérant de la société en 2006, cette dernière a été cédée le 14 mai 2007 à M. Jean-Michel L. qui en a repris l'exploitation.
Le 31 mai 2007, l'assistante de direction, Mme LE C. et la secrétaire comptable du site d'Eckbolsheim ont présenté leur démission. Le magasinier a fait de même le 30 juillet 2007.
Le 30 août 2007, les statuts de la SARL MCM Emballages, gérée par Mme LE C., ont été signés. L'objet social de cette société est " l'importation, l'exportation et le négoce d'emballages, de tous objets liés à l'agroalimentaire, aux arts de la table, aux loisirs en tous genres ainsi que le négoce de prestations informatiques " (pièce 23 Techna).
Les deux anciens salariés démissionnaires de la SAS Techna, secrétaire et magasinier, ont été embauchés par la SARL MCM Emballages dès son début d'activité.
Par ordonnance du 6 septembre 2007, le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg, statuant sur requête de la SAS Techna, a désigné M. G., expert informatique près la Cour d'appel de Colmar, afin de prendre copie des disques informatiques de la SAS Techna et de vérifier les intrusions et modifications qui auraient pu être effectuées le 29 juin 2007, dernier jour de la présence physique de Mme LE C. au sein de la SAS Techna.
Par ordonnance du 10 décembre 2007, le président de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg, statuant sur requête de la SAS Techna, a désigné M. G. et Me D., huissier de justice, aux fins de se rendre dans les locaux de la SARL MCM Emballages, pour constater la présence physique des anciens salariés de la SAS Techna, de rechercher tout document établissant la concurrence de la SARL MCM Emballages sur la même clientèle que la SAS Techna.
Saisi d'une demande en rétractation de ces ordonnances, le juge des référés de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a, par ordonnance du 11 mars 2008:
- Rejeté la demande de rétractation des ordonnances du 6 septembre et du 10 décembre 2007 portant les numéros (l COMM. 222/2007 et I COMM. 28212007) à la seule exception, s'agissant de l'ordonnance I COMM. 282/2007 du chef du dispositif portant autorisation de procéder à la saisie de tous documents (bons de commandes, factures, dossiers, etc) permettant de démontrer que la Société MCM Emballages travaille sur la clientèle de la Société Techna et avec les fournisseurs de cette dernière (bocaux, cartonnages) ;
- Dit que toute saisie des documents litigieux dans les locaux de la Société Techna qui aurait été faite en exécution de ce chef de dispositif serait nulle et non avenue ;
- Ordonné la restitution des disques durs conservés par Maître D., Huissier de Justice, représentant la copie image du disque dur des micro-ordinateurs de la Société MCM Emballages et du CD-ROM de travail nommé 071214MCM ;
- Condamné la Société MCM Emballages à payer à la Société Techna la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné la Société MCM Emballages aux dépens.
Par arrêt du 17 février 2009, la Cour d'appel de Colmar, statuant sur appel de la SARL MCM Emballages, a confirmé l'ordonnance du 11 mars 2008.
Saisi d'une demande de la SAS Techna tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la SARL MCM Emballages de cesser les actes de concurrence révélés par le rapport de M. G., le juge des référés de la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a rejeté la demande, par ordonnance du 8 avril 2008.
Par la même ordonnance, il a rejeté la demande reconventionnelle d'annulation dudit rapport formée par la SARL MCM Emballages ainsi que la demande en paiement d'une provision à raison d'actes de dénigrement qu'elle imputait à la SAS Techna pour l'envoi d'un courrier du 24 janvier 2008, adressé par cette dernière à l'ensemble de sa clientèle. Il a en revanche ordonné l'envoi d'un communiqué judiciaire à l'ensemble des destinataires du courrier du 24 janvier 2008 sous contrôle d'huissier et aux frais de la SAS Techna.
Statuant sur l'appel de la SAS Techna à l'encontre de cette ordonnance, la Cour d'appel de Colmar a, par arrêt du 17 février 2009, confirmé l'ordonnance sauf en ce qu'elle avait ordonné la diffusion d'un communiqué judiciaire et a rejeté la demande formée à cette fin.
Par acte d'huissier du 6 janvier 2008, la SAS Techna a saisi la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg aux fins de voir constater que la SARL MCM Emballages s'était rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre tout en sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 2 100 000 euro à titre de dommages et intérêts outre la somme de 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile , les frais et dépens de la procédure et l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
En défense, la SARL MCM Emballages a soulevé la nullité du rapport d'expertise informatique de M. G.
Elle a en outre sollicité, de manière reconventionnelle, la condamnation de la SAS Techna à lui payer une somme de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice causé par l'envoi des lettres circulaires du 24 et 29 janvier 2008 et de supporter le coût intégral de l'envoi du communiqué judiciaire ordonné le 8 avril 2008, outre 136,62 euro de frais d'huissiers et 7 000 euro au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 26 août 2011, la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- rejeté la demande d'annulation du rapport informatique de M. G. ;
- débouté la SAS Techna de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la SAS Techna à payer à la SARL MCM Emballages la somme de 5 000 euro à titre de dommages intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rejeté le surplus des demandes.
- condamné la SAS Techna aux dépens ;
Pour se déterminer ainsi, les premiers juges ont notamment relevé qu'aucune manœuvre illicite n'était caractérisée dans l'embauche par la SARL MCM de deux anciens salariés de la SAS Techna et que cette dernière ne démontrait pas avoir été désorganisée par ces départs.
Par ailleurs, ils ont jugé que les constatations faites par l'expert informatique ne comportent pas d'informations suffisantes pour caractériser un comportement fautif par destruction de fichier, appropriation de fichiers de clientèle et ce d'autant que Mme LE C., présente dans l'administration de la SAS Techna depuis 17 ans avait une parfaite connaissance de la clientèle et a pu démarcher cette dernière, au demeurant de manière non systématique, sans qu'il ne puisse lui être reproché de faute.
En outre, ils ont estimé qu'il n'existait pas de confusion possible entre les deux sociétés dans la présentation de leurs tarifs repectifs et que le fait que la SARL MCM Emballage ait obtenu des informations sur les tarifs pratiqués par la SAS Techna et qu'elle pratique des tarifs moins élevés ne constituent pas des actes de concurrence déloyale.
Enfin, ils ont jugé qu'il n'était pas établi que Mme LE C. ait débuté l'activité concurrente avant la fin de son préavis et qu'en tout état de cause, une telle situation relevait de la compétence du juge prud'hommal.
En revanche, ils ont considéré que l'envoi par la SAS Techna de courriers adressés à sa clientèle pour l'aviser de l'action qu'elle avait engagée contre la SARL MCM Emballages constituait, en l'absence de toute condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière, un acte de dénigrement justifiant l'allocation de dommages-intérêts.
Par déclaration du 3 octobre 2011, enregistrée au greffe de la Cour d'appel de Colmar, la SAS Techna formé appel du jugement.
Par arrêt du 27 novembre 2013, la Cour d'appel de Colmar a :
- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la demande d'annulation du rapport de l'expert et le procès-verbal d'huissier ;
- l'a infirmé pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
- constaté que la SARL MCM Emballages s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la SAS Techna ;
- condamné la SARL MCM Emballages à payer à la SAS Techna la somme de 52 743 euro à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles ;
- débouté la SAS Techna du surplus de ses prétentions ;
- débouté la SARL MCM de son appel incident ;
- condamné la SARL MCM Emballages aux dépens.
Par arrêt du 4 juin 2014, la Cour d'appel de Colmar a rectifié l'erreur matérielle affectant le montant de la condamnation prononcée modifiant celle-ci au quantum de 316.457,40 euro.
Par arrêt du 9 juin 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a :
- cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar du 27 novembre 2013 en ce qu'il a condamné la société MCM Emballages à payer à la société Techna la somme de 52 743 euros titre de dommages intérêts, infirmé le jugement ayant condamné la société Techna à payer à la société MCM Emballages la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts et, statuant à nouveau, rejeté cette demande ;
- remis en conséquence sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avent ledit arrêt ;
- renvoyé les parties pour être fait droit devant la Cour d'appel de METZ.
Et, devant la cour de renvoi, par ultimes conclusions du 23 juin 2016, la SAS Techna sollicite de:
- Constater que la Cour d'appel de METZ est saisie à la suite d'un renvoi de la Cour de cassation qui a cassé partiellement par un arrêt en date du 9 juin 2015 l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar du du 27 novembre 2013.
- Constater au visa des articles 623, 624 et 625 du Code de procédure civile que la Cour de renvoi n'est saisie que du moyen qui constitue la base de la cassation, tout en laissant subsister les dispositions non frappées de cassation.
- Constater au visa de l'article 638 du Code de procédure civile que la Cour de renvoi doit juger en fait et en droit à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
- Constater que la cassation n'a pas atteint l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar ayant confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a écarté la demande d'annulation du rapport de l'expert et le procès-verbal de l'huissier.
- Constater que la cassation n'a pas atteint le chef de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar ayant constaté que la société MCM Emballages s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Techna.
- Constater que la cassation n'a pas atteint l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar ayant constaté que la Société MCM Emballages s'est rendue coupable de la désorganisation de la Société Techna par le débauchage de ses salariés.
- Constater que la cassation n'a atteint que le défaut de motivation sur les procédés déloyaux à l'origine du déplacement de clientèle de la Société Techna au profit de la Société MCM Emballages.
En conséquence,
- Constater que le déplacement de la clientèle de la Société Techna au profit de la Société MCM Emballages a été acquis aux moyens de procédés déloyaux.
- Condamner la SARL MCM Emballages à lui payer au titre de la désorganisation de la par le débauchage de ses salariés et au titre du détournement de sa clientèle par la SARL MCM Emballages par des moyens déloyaux la somme de 2 100 000 euro à titre de dommages et intérêts avec les intérêts calculés au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ou tout autre montant qu'il plaira à la Cour de retenir.
- Condamner la SARL MCM Emballages à lui payer, au titre de la désorganisation de la parle débauchage de ses salariés et au titre de détournement de sa clientèle par la SARL MCM Emballages, par des moyens déloyaux, la somme de 949.372 euro à titre de dommages et intérêts avec les intérêts calculés au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ou tout autre montant qu'il plaira à la Cour de retenir.
A titre subsidiaire sur le préjudice :
- Ordonner une expertise comptable en désignant tel expert qu'il plaira à la Cour dont la mission sera de déterminer avec précision le préjudice qu'elle a subi.
Sur l'appel incident et la demande reconventionnelle de la SARL MCM Emballages :
- Rejeter l'appel incident de la SARL MCM Emballages.
- LA Débouter de sa demande de dommages et intérêts après avoir constaté qu'elle s'était vue dans l'obligation d'adresser un communiqué judiciaire sous couvert d'un huissier de justice, la SARL MCM Emballages ne justifiant pas de surcroît d'un quelconque préjudice commercial ou autre.
En tout état de cause
- Condamner la SARL MCM Emballages à lui payer 30 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la SARL MCM Emballages aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance, de la Cour d'appel de Colmar et de la Cour d'appel de renvoi.
La SAS Techna rappelle que l'effet de la cassation est strictement limité par les mentions du dispositif de l'arrêt de cassation qui définissent l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi. Elle en déduit que la cassation n'a pas atteint l'arrêt de la cour rappel de Colmar en tant qu'il avait confirmé le jugement en ce que, d'une part, il avait écarté la demande d'annulation du rapport de l'expert et le procès-verbal d'huissier et en ce que, d'autre part, il avait constaté que la SARL MCM Emballages s'était rendue coupable d'actes de concurrence déloyale. Elle affirme que l'arrêt de la cour d'appel de Colmar a été cassé en ce qu'il n'a pas suffisamment caractérisé les procédés déloyaux à l'origine du déplacement de clientèle et en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnisation. Elle en déduit que le constat de l'existence d'actes de concurrence déloyale repose, en l'état, sur le seul motif tiré de sa désorganisation à raison du débauchage de ses salariés, motif n'ayant pas fait l'objet de la cassation.
La SAS Techna soutient toutefois qu'outre sa désorganisation, la concurrence déloyale de la SARL MCM Emballages résulte également du détournement de sa clientèle par des moyens déloyaux.
Elle rappelle que la caractérisation de la concurrence déloyale n'est pas soumise à l'existence d'une clause de non concurrence.
Elle ajoute que l'embauche simultanée de plusieurs salariés d'une entreprise concurrente est considéré comme constitutive de concurrence déloyale. Elle explique qu'en l'espèce, les trois salariés de l'établissement d'ECKBOLSHEIM ont démissionné entre le 31 mai et le 30 juillet 2007 et que, c'est l'un d'eux, Mme LE C., qui a créé la société intimée et a embauché ses deux anciens collègues. Elle souligne que ces démissions quasi simultanées l'ont grandement déstabilisée dès lors qu'elle ne disposait plus d'aucun service commercial et que les transmissions d'informations et de documents entre les anciens et les nouveaux salariés n'ont pu être effectives.
Elle expose ensuite que sa clientèle a été détournée par l'utilisation de procédés déloyaux résultant d'un part de la prospection de clients pour le compte de la future SARL MCM Emballages par Mme LE C., alors qu'elle était encore son employée et, d'autre part, de l'utilisation de ses fichiers de clientèle.
Elle affirme en effet que la SARL MCM Emballages, alors en formation, a réalisé des opérations d'intermédiaire pour des ventes de produits WECK à la société SAINT CHRISTOPHE. Elle soutient que durant le préavis de Mme LE C., cette dernière a effectué des démarches pour installer la future société MCM Emballage et l'équiper d'un chariot élévateur similaire à celui qu'elle utilisait.
Par ailleurs, la SAS Techna soutient que les rapports d'enquête et d'expertise établis à sa requête démontrent que la quasi-totalité de la clientèle de l'intimée est constituée par ses clients et ce, dès les premiers mois d'activité de la SARL MCM Emballages. Elle indique que l'intimée utilise le système de référencement qu'elle a créé et qu'elle exploite des photographies qu'elle a fait réaliser pour son compte.
Elle estime que son préjudice est démontré par le rapport d'expertise judiciaire qui met en rapport le nom des clients détournés et le montant du chiffre d'affaires. Elle déduit de la comparaison des montants de son chiffre d'affaires avant et après le détournement de clientèle opéré par l'intimée que la perte de la marge en résultant pour trois ans est de 949 372 euros.
S'agissant de la demande indemnitaire reconventionnelle de la SARL MCM Emballages à raison du préjudice qu'elle aurait subi à cause d'une lettre circulaire qu'elle a adressé à ses clients, la SAS Techna souligne qu'elle a réparé le trouble causé par l'envoi d'un communiqué judiciaire en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg du du 8 avril 2008 . Elle ajoute que la SARL MCM Emballages ne démontre pas l'existence d'un préjudice causé à sa réputation en raison de l'envoi de ces courriers.
Dans ses dernières conclusions du 18 janvier 2017, la société MCM Emballages demande à la Cour de:
Sur l'appel principal :
- Déclarer l'appel de la SAS Techna irrecevable et mal fondé ;
- Constater que la preuve d'actes de concurrence déloyale n'est pas rapportée, pas plus que celle d'un préjudice en relation de causalité avec les faits dénoncés ;
- Rejeter l'appel principal ;
- Confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a rejeté les demandes de la S.A.S. Techna et retenu la responsabilité de la SAS Techna au titre du dénigrement commis au moyen des lettres circulaires des 24 et 29 janvier 2008 ;
- Déclarer irrecevables et mal fondées toutes les autres demandes de la S.A.S. Techna ;
- Rejeter toutes les demandes de la société Techna ;
Sur l'appel incident :
- Déclarer son appel incident recevable et bien fondé ;
- Infirmer partiellement le jugement et, statuant à nouveau ;
- Condamner la SAS Techna à lui payer une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts, compensant le préjudice causé par l'envoi des lettres circulaires dénigrantes des 24 et 29 janvier 2008, avec les intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2008, date des conclusions par lesquelles la demande de dommages-intérêts a été formée pour la première fois ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière. ;
- Condamner la SAS Techna à supporter le coût intégral de l'envoi du communiqué judiciaire ordonné par ordonnance de référé du 08 avril 2008, sous contrôle d'un huissier de justice ;
- Condamner la SAS Techna à lui rembourser la somme de 136,62 euro correspondant aux frais de Mes S., huissiers de justice, supportés par l'intimée ;
En tout état de cause,
- Condamner la S.A.S. Techna à lui payer une somme de 20 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la S.A.S. Techna aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel (procédures devant les Cour d'appel de Colmar et de METZ).
S'agissant des actes de concurrence déloyale, la SARL MCM Emballages fait valoir que le grief tiré des actes de débauchage qui lui sont reprochés a définitivement été écarté par la Cour d'appel de Colmar dans son arrêt du 27 novembre 2013 par des motifs n'ayant pas été frappés de cassation.
Subsidiairement, elle expose qu'elle ne saurait être reconnue coupable pour des faits commis avant qu'elle n'ait d'existence légale, à raison d'agissements imputés à Mme L., alors encore salariée de la SAS Techna.
Par ailleurs, elle soutient que le fait d'embaucher des salariés démissionnaires d'une entreprise concurrente n'est pas en lui-même fautif, notamment lorsque, comme en l'espèce, les départs des salariés sont dus à la confiance qu'ils portaient au fondateur de la société. Elle ajoute qu'il n'est pas apporté la preuve de manœuvres déloyales de débauchage et de la désorganisation entraînée par ces départs.
Sur le détournement de clientèle allégué, la SARL MCM Emballages relève que la Cour de cassation a établi l'absence de lien de causalité entre le déplacement de clientèle et les procédés déloyaux qui lui sont reprochés. Elle en déduit qu'est seule en cause devant la juridiction de renvoi, la désorganisation de la SAS Techna par des actes qui ne sont pas à l'origine de déplacement de clientèle.
Elle rappelle que le démarchage de la clientèle d'un concurrent est licite. Elle affirme avoir constitué sa clientèle à partir des fichiers d'entreprises ayant un Code NAF, des rubriques spécialisées des pages jaunes et des guides, des publicités, de son site Internet, de connaissances personnelles de Mme LE C., de l'expérience personnelle de cette dernière ou de l'entreprise WECK qui s'est directement adressée à elle. Elle indique que le fait pour un ancien salarié fondateur de sa propre entreprise d'utiliser les connaissance acquises dans le cadre de son emploi et les relations personnelles qu'il a nouées n'est pas fautif. Elle expose en outre que d'anciens clients de la SAS Techna étaient mécontents des prestations de la nouvelle équipe et se sont tournés vers elle. Elle ajoute que les deux sociétés n'ont que 32 clients en commun, soit 10 % de leur clientèle.
Sur le grief de copie de fichiers, elle expose que la cour d'appel de Colmar a écarté ce grief dans son arrêt du 27 novembre 2013 et que cette motivation, non critiquée en cassation, a rendu la décision définitive sur ce point.
Subsidiairement, elle soutient que la preuve de ce qu'elle aurait copié les fichiers de la SAS Techna n'est pas apportée. Elle indique que le rapport d'expertise ayant relevé des modifications de fichier le 29 juin 2007 ne permet pas d'établir que ces modifications auraient été anormales. Elle souligne que le rapport d'expertise n'émet que des supputations.
S'agissant du grief de parasitisme, la SARL MCM Emballages indique que si des similitudes existent entre les documents tarifaires des deux sociétés, celles-ci sont liées au fait qu'elles commercialisent les produits d'un même fournisseur. Elle ajoute utiliser les photographies de bocaux fournies par la société WECK, qui ne présentent aucun caractère original et fait valoir que l'appelante ne justifie d'aucun droit privatif sur ces photographies. Elle conteste utiliser le même système de marquage que la SAS Techna pour le stockage de ses produits et observe que l'organisation des stocks n'a aucune importance sur le plan commercial.
S'agissant du grief tiré du commencement d'une activité concurrente en cours de préavis, l'intimée rappelle qu'il n'est fait aucune interdiction de préparer une activité concurrente à celle de son employeur qui deviendra effective après la rupture de contrat. Elle conteste avoir commencé une activité commerciale avant la signature de ses statuts et avoir été commissionnée par la société WECK avant cette date. Subsidiairement, elle fait valoir que le grief n'a de portée qu'à l'encontre de Mme LE C., en sa qualité de salariée de la SAS Techna.
Enfin, elle souligne qu'elle n'a commis aucune faute en se présentant comme distributrice des produits WECK dès lors qu'il n'existe aucune exclusivité consentie entre cette dernière société et la SAS Techna.
S'agissant du grief de désorganisation, elle estime qu'après l'arrêt de cassation, seule cette forme de concurrence déloyale est susceptible d'être invoquée. Elle conteste toutefois le bienfondé du grief et soutient que si elle a embauché la secrétaire comptable et le magasinier de la SAS Techna après leur démission, ces personnes ont immédiatement été remplacées au sein de la SAS Techna. Elle ajoute qu'elle n'a eu aucune volonté de désorganiser la SAS Techna et qu'elle a informé cette dernière de l'embauche de ses anciens salariés. Elle réfute le fait que le magasinier aurait emporté avec lui des documents de la SA Techna et soutient que l'arrêt maladie de Mme LE C., lequel n'a pas permis à cette dernière de former son successeur, était fondé. Elle nie de plus avoir empêché l'accès aux ordinateurs de la société ou à l'armoire des archives. Elle rappelle qu'aucune suppression de documents n'est démontrée. Elle expose que Mme L. a légalement exercé son droit de licenciement en quittant la SAS Techna. Elle fait en outre valoir qu'il n'est pas démontré de lien entre la désorganisation alléguée et une baisse du chiffre d'affaires de la SAS Techna.
Sur le préjudice, elle souligne en effet que la SAS Techna n'allègue ni ne démontre l'existence d'un préjudice lié à l'embauche de son ancienne secrétaire et de son ancien magasinier. Elle souligne que, loin d'être une anomalie, le déplacement de clientèle d'un fournisseur vers un autre est normal et sain dans un marché concurrentiel. Subsidiairement, elle rappelle que ces deux salariés ont immédiatement été remplacés. Elle fait valoir que les demandes d'indemnisation présentées par l'appelante portent sur des montants non expliqués et qu'elles portent sur un même objet. Elle souligne que la SAS Techna ne fournit aucun document comptable à l'appui de ses prétentions qui puisse établir la perte de marge alléguée. Elle lit les documents comptables versés aux débats comme excluant toute perte de chiffre d'affaire à l'automne 2007, période des agissements qui lui sont reprochés. Elle fait en outre grief à l'appelante de produire des éléments qui concerne sa seule activité de vente de bocaux et non des éléments afférents à l'ensemble de son activité.
S'agissant de la demande d'expertise, elle en sollicite le rejet comme n'étant pas motivée et non justifiée par la démonstration de l'existence d'un préjudice.
Sur sa demande reconventionnelle, la SARL MCM Emballages fait valoir que, par deux courriers du 24 janvier et du 29 janvier 2008, la SAS Techna l'a accusée d'actes de concurrence déloyale et de débauchage non avérés. Elle souligne que les décisions du 26 août 2001, du 27 novembre 2013 et du 9 juin 2015 ont en outre jugé que les actes de concurrence déloyale dont l'accusait la SAS Techna n'étaient pas caractérisés. Elle en déduit que ces courriers constituent un dénigrement opéré à son encontre.
Par arrêt avant-dire droit du 23 mai 2017, la Cour d'appel de céans, constatant que la pièce 34 de l'appelante, débattue entre les parties, n'avait pas été produite dans son intégralité et que l'intimée n'avait pas numéroté l'intégralité des pièces qu'elle avait versées aux débats, a révoqué l'ordonnance de clôture, ordonné la production desdites pièces, invité les parties à faire part de leurs éventuelles observations et a renvoyé l'affaire pour être plaidée le 22 juin 2017.
Le 13 juin 2017, la SAS Techna a produit un mémoire d'observation commentant la pièce qu'elle a versé aux débats et reprenant la démonstration qu'elle avait développée dans ses conclusions pour soutenir qu'une commande lui ayant été adressée en août 2007 par la conserverie Saint Christophe avait été détournée au profit de la SARL MCM Emballages.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2017.
Motifs de la décision
L'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil, lesquels impliquent l'existence d'une faute commise par un demandeur préjudiciable au défendeur.
Sur la portée de la cassation prononcée.
L'article 623 du Code de procédure civile expose que la cassation " est partielle lorsqu'elle n'atteint que certains chefs dissociables des autres ". L'article 624 du même Code dispose que " La portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ".
Par ailleurs, en application de l'article 621 du Code de procédure civile, en cas de rejet du pourvoi en cassation, la partie qui a formé pourvoi en cassation n'est plus recevable à en former un nouveau contre la même décision, sauf en cas de contrariété de jugements.
En l'espèce, dans son arrêt du 9 juin 2015, la Cour de cassation a expressément cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar sur deux points:
- d'une part, en ce qu'il a condamné l'intimée à payer à l'appelante la somme de 52 743 euro à titre de dommages et intérêts ;
- d'autre part, en ce qu'il a infirmé la condamnation de la SAS Techna à payer à la SARL MCM Emballages la somme de 5 000 euro, prononcée par les premiers juges, et, statuant à nouveau, rejeté cette demande.
Il convient de constater que, dans le cadre de la présente instance, seule la portée de la cassation prononcée sur le premier point est discuté par les parties, dans la mesure où elle a laissé subsister, en leur intégralité, deux chefs du dispositif de l'arrêt :
- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté les demandes tendant à l'annulation du rapport de l'expert et au procès-verbal d'huissier ;
- la constatation que la SARL MCM Emballages s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la SAS Techna ;
Dans sa décision du 27 novembre 2013, la Cour d'appel de Colmar a jugé que différents actes de concurrence déloyale commis au détriment de la SAS Techna étaient établis:
. les agissements de Mme LE C. ayant laissé M. L. seul à la tête de la SAS Techna qu'il venait d'acquérir ;
. le fait que Mme L. ait détourné une commande de la Conserverie Saint Christophe initialement adressée à la SAS Techna ;
. l'utilisation de documents tarifaires ayant une présentation semblable à ceux utilisés par la SAS Techna ;
. le démarchage des clients de la SAS Techna ;
. l'embauche de salariés ayant conduit à la désorganisation de la SAS Techna ;
. le fait que la SAS MCM Emballages se soit présentée comme un distributeur exclusif de la société WECK et qu'elle ait cherché à connaître les tarifs de la SAS Techna pour aligner les siens ;
. l'utilisation par la SAS MCM Emballages de photographies promotionnelles identiques à celles utilisées par la SAS Techna.
Elle a considéré que ces divers agissements ouvraient droit à réparation pour ensuite établir le préjudice subi par la SAS Techna.
Dans son arrêt du 9 juin 2015, la Cour de Cassation a notamment examiné le second moyen qui lui était soumis, tiré de ce que la Cour d'appel avait jugé la SARL MCM Emballages responsable d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la SAS Techna et en ce qu'elle l'a condamnée à payer à la SAS Techna des dommages et intérêts.
Le moyen critiquait ainsi les deux dispositions du l'arrêt attaqué ayant d'une part constaté l'existence d'actes de concurrence déloyale et, d'autre part, condamné la SARL MCM Emballages au paiement de dommages-intérêts.
La Cour de Cassation a rejeté les deuxième et troisième branches du deuxième moyen de cassation qui lui était soumis, lesquelles tendaient à critiquer l'existence d'un débauchage du personnel et d'une désorganisation du personnel pouvant être qualifiés d'acte de concurrence déloyale imputables à la SARL MCM Emballages. Elle a ainsi jugé que " l'analyse du disque dur des ordinateurs de la société MCM a révélé une commande de la Conserverie Saint Christophe, datée du mois d'août 2007, sur le poste de Mme LE C., alors qu'elle était destinée à la société Techna dont le nom y est mentionné, et que ce transfert a eu lieu avant même la fin du préavis de Mme LE C. intervenu le 31 août 2007 ; que l'arrêt retient ensuite la désorganisation de la société Techna résultant, pour un site employant cinq personnes, du départ simultané de deux salariés, démissionnaires en mai et juin 2007, soit quelques semaines après la démission de Mme LE C., qui ont été recrutés par la société MCM dès les mois de septembre et octobre 2007 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations la cour d'appel, qui n'a pas reproché à la société MCM des actes de débauchages mais l'embauche de salariés ayant conduit à la désorganisation de l'entreprise concurrente, a caractérisé des actes de concurrence déloyale à la charge de cette société ".
Ces motifs justifient le fait que le chef du dispositif de la cour d'appel de Colmar ayant constaté l'existence d'actes de concurrence déloyale n'ait pas été atteint par la cassation.
La Cour de Cassation a ainsi validé les motifs de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar ayant constaté l'existence d'actes de concurrence déloyale à raison du transfert d'une commande de la Conserverie Saint Christophe adressée à la SAS Techna et de l'embauche de salariés par la SARL MCM Emballages.
La Cour de Cassation a cependant cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar et prononcé l'annulation de la condamnation de la SARL MCM Emballages en faisant droit aux sixième et dixième branches du deuxième moyen précité " sans qu'il n'y ait lieu de statuer sur les autres griefs ".
Elle a ainsi censuré les motifs par lesquels la Cour d'appel avait jugé que le démarchage des clients de la SAS Techna par la SARL MCM Emballages et la réutilisation par cette dernière de photographies de produits commercialisés par la SAS Techna constituaient des actes de concurrence déloyale ouvrant droit à réparation.
En conséquence de l'annulation ainsi prononcée, la cause et les parties ont été remises dans l'état de lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt sur les points objet de la cassation.
Devant la Cour d'appel de céans, la SAS Techna sollicite la condamnation de la SARL MCM Emballages à raison, d'une part, de sa désorganisation par le débauchage de ses salariés, et, d'autre part, au titre du détournement de clientèle par des moyens déloyaux.
Sur l'appel principal
Sur le grief tiré de la désorganisation de la SAS Techna par le débauchage de salariés.
La SARL MCM Emballages fait valoir que le grief de débauchage n'a pas été retenu par la Cour d'appel de Colmar et que cette motivation est désormais définitive, faute d'avoir été critiquée devant la Cour de Cassation.
Pour justifier son raisonnement, l'intimée tire argument de ce que la Cour de Cassation, par des motifs déjà cités, a jugé que " la cour d'appel, qui n'a pas reproché à la société MCM des actes de débauchages mais l'embauche de salariés ayant conduit à la désorganisation de l'entreprise concurrente, a caractérisé des actes de concurrence déloyale à la charge de cette société ".
Il résulte toutefois des écritures de l'appelante (pages 23 et 35) qu'en invoquant sa désorganisation par le débauchage de salariés, celle-ci a entendu faire référence aux actes de concurrence déloyale qualifiés "d'embauche de salariés ayant conduit à la désorganisation de l'entreprise" retenus par la Cour d'appel de Colmar et rendus définitifs par la décision de rejet de la Cour de Cassation.
Par conséquent, et sans que la présente cour ne puisse à nouveau se prononcer sur le bien-fondé des actes de concurrence déloyale susmentionnés, ces fautes peuvent être valablement invoquées par l'appelante au soutien de sa demande de dommages-intérêts.
Sur le grief tiré du détournement de clientèle de la SAS Techna par des procédés déloyaux
A titre liminaire, la cour rappelle qu'il appartient au juge de donner la juste qualification aux faits présentés de manière juridiquement erronés.
Elle relève que pour faire droit à la sixième branche du deuxième moyen de cassation, la Cour de Cassation a exposé que la Cour d'appel de Colmar avait privé sa décision de base légale en retenant la responsabilité de la SARL MCM Emballages à raison d'actes de concurrence déloyale et en condamnant cette dernière à indemniser la SAS Techna en relevant le démarchage commercial de la SARL MCM Emballages délibérément dirigé envers les clients de la SAS Techna avait détourné une partie significative de la clientèle de cette dernière alors que le démarchage de la clientèle d'autrui est libre et que la cour n'avait pas relevé de procédés déloyaux à l'origine du déplacement de clientèle.
Il ne peut être déduit de cette motivation, contrairement à ce qu'indique la SARL MCM Emballages, que la SAS Techna " n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice causé par le perte de clientèle, ce préjudice n'étant pas ' selon la Cour de Cassation- la conséquence d'actes de concurrence déloyale " (page 7 de ses dernières écritures), la Cour de Cassation s'étant limitée à relever que la Cour d'appel de Colmar n'avait pas caractérisé de procédé déloyal fautif dans le démarchage par la SARL MCM Emballages de la clientèle de la SAS Techna à l'origine du déplacement de clientèle.
Au contraire, la cassation partielle de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar en ce qu'il a condamné la SARL MCM Emballages au versement de dommages-intérêts a conduit à remettre la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant l'arrêt. Elle autorise ainsi la SAS Techna à présenter une nouvelle demande indemnitaire et à invoquer à son soutien, le cas échéant, l'existence de procédés déloyaux à l'origine d'une perte de clientèle.
* En premier lieu, sur le détournement de clientèle résultant de la prospection de Mme LE C. alors qu'elle était encore sous contrat de travail auprès de la SAS Techna.
La SAS Techna fait grief à Mme LE C. d'avoir enregistré le nom de domaine de la SARL MCM Emballages le 23 août 2007, d'avoir signé les statuts de cette société le 30 août 2007 (pièce 23), d'avoir effectué des démarches pour trouver un local commercial et d'avoir passé commande d'un chariot élévateur pour le compte de la SARL MCM, le 2 août 2007, alors qu'elle était encore sous contrat avec elle (pièces 22-22A Techna).
La Cour rappelle toutefois qu'il n'est pas fautif pour un salarié de préparer l'exercice d'une activité concurrente de celle de son employeur, à la condition qu'il n'accomplisse aucun acte effectif de concurrence avant le terme de son contrat de travail.
Par conséquent, en l'espèce, le grief formé par la SAS Techna ne peut être retenu.
Par ailleurs, la SAS Techna soutient également que Mme LE C. a prospecté pour le compte de la future SARL MCM des clients de la SAS Techna alors qu'elle était encore employée par cette dernière. Elle déduit ainsi d'une facture du 22 août 2007 de la société WECK à la Conserverie Saint Christophe et d'un ordre de virement du 5 décembre 2007 au bénéfice de la société MCM Emballage que cette dernière a servi d'intermédiaire entre la Conserverie Saint Christophe et la société WECK avant sa constitution et qu'elle s'est ensuite rémunérée pour cette opération postérieurement à son immatriculation par des ristournes qu'elle a encaissé.
Comme il a été exposé précédemment, il apparaît que ce point a été tranché de manière irrévocable par la Cour de Cassation qui, dans sa décision de cassation partielle de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar, a retenu que cette dernière a caractérisé des actes de concurrence déloyale en relevant que la SARL MCM Emballages s'était vu transférer une commande de la Conserverie Saint Christophe destinée à la SAS Techna.
* En second lieu, sur le détournement de clientèle résultant de l'exploitation de fichiers obtenus frauduleusement
. Sur l'exploitation de fichiers clients :
Aux termes de l'article 480 du Code de procédure civile, " le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal [...] a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ".
En l'espèce, la Cour d'appel de Colmar a indiqué, dans les motifs de son arrêt du 27 novembre 2013, que " la manipulation de l'ordinateur dont disposait Mme LE C. n'apparaît pas de manière évidente comme étant destinée à extraire des données contenues dans l'appareil qui était à sa disposition, alors surtout qu'il n 'est pas établi qu'elle en avait l'utilisation exclusive. '' et " Le grief formulé contre Mme Le C. [sur le détournement du fichier clients] n'est pas non plus établi. Il aurait d'ailleurs été inutile qu'elle prenne copie des fichiers clients, alors qu'elle était attachée de direction de Techna et connaissait tous les clients de l'entreprise qu'elle quittait''. Dans le dispositif de son arrêt, la Cour d'appel de Colmar n'a toutefois ni expressément indiqué qu'elle estimait non fondé le grief tiré du détournement de fichiers de la SAS Techna, ni même plus généralement fait état de ce qu'elle considérait comme non établis certains faits argués de concurrence déloyale.
Par conséquent, aucune autorité ne saurait s'attacher aux motifs de l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar ayant écarté le grief de détournement de fichiers.
Il résulte de l'exploitation informatique des fichiers d'exploitation commerciale de l'activité de la SARL MCM Emballages qu'avec les clients qu'elle a en commun avec la SAS Techna, " MCM Emballages réalise un chiffre d'affaires de 209 457 euro TTC, soit 99,38 % du CA total de 210 766 euro sur une période de trois mois au 14/12/07 " (p. 10 rapport G., pièce 33 Techna).
Par ailleurs, l'enquête privée réalisée par le groupement " Kretz et associés " le 31 octobre 2007 (pièce 30 Techna) expose que la SARL MCM Emballages n'est alors pas répertoriée dans les fiches entreprises du CIC Strasbourg, qu'elle ne figure pas dans les annuaires postaux ou professionnels de l'agroalimentaire. Elle indique " [...] à l'exception d'une page internet mentionnant les coordonnées de la société, mais non son activité, il apparaît que cette société n'est pas accessible au grand public, ni aux professionnels du secteur. Il est d'ailleurs patent de constater qu'une recherche relative à MCM sur le moteur de recherche Google ne renvoie aucun résultat pertinent. / L'on peut donc supposer que MCM reçoive très peu d'appels entrants et que l'ensemble de son activité repose sur un démarchage actif de prospects identifiés ".
Dans son rapport du 13 septembre 2007 en analyse des disques durs des ordinateurs antérieurement utilisés par Mmes LE C. et B. au sein de la SAS Techna (pièce 21-1 Techna), M. G. relève en page 10 de son rapport que différents fichiers ont été modifiés sur ces postes, notamment le 29 juin 2007, jour correspondant au dernier jour de présence physique de Mme LE C. dans ces locaux.
Le nom de ces fichiers ne permet toutefois pas d'inférer que ceux-ci ont trait à un listing des clients de Techna et les contestations opérées n'établissent pas que lesdits fichiers auraient été copiés.
Par ailleurs, le fait que la SARL MCM Emballages ait pu prospecter la clientèle de la SAS Techna ne constitue pas, en soi, un acte de concurrence déloyale en l'absence de mise en œuvre de moyens déloyaux. Le nombre important de clients communs à la SAS Techna et la SARL MCM Emballages dans les premiers mois d'exercice de cette dernière ne démontre pas à lui seul l'existence d'un détournement des fichiers clients de la SAS Techna par l'intimée et peut également trouver son origine dans la connaissance personnelle dont disposait Mme LE C., gérante de la SARL MCM Emballages, des clients de la SAS Techna eu égard à la durée de son expérience professionnelle au sein de cette dernière société.
. Sur l'exploitation de fichiers provenant de la SAS Techna :
Ce grief établi sur le transfert d'un fichier de commande de la Conserverie Saint Christophe à l'adresse de la SAS Techna au profit de la SARL MCM Emballages est redondant avec celui, déjà jugé de manière irrévocable, tenant au transfert de ladite commande.
Pour mémoire, il est rappelé que, sur ce point, par des motifs validés par la Cour de Cassation, la Cour d'appel de Colmar a jugé que : " Il a été également établi par l'analyse du disque dur des ordinateurs de MCM Emballages qu'un client important a aussitôt transféré ses commandes à MCM Emballages, en l'espèce la Conserverie Saint Christophe. L'intimée reconnaît ce fait en invoquant les relations amicales entre Mme Le C. et le responsable de ce client. Mais la commande de la Conserverie Saint -Christophe a été retrouvée sur le poste de Mme Le C. au sein de MCM Emballages (points 3.22 et 3.23 du rapport de l'expert). Cette commande est datée du mois d'août 2007, soit avant la fin du préavis de Mme Le C., qui se situait au 31 août 2007. Elle était destinée à Techna dont le nom y figure.
MCM Emballages ne peut prétendre qu'il s'agissait de documents n'ayant rien à voir avec la liste des clients de Techna. Si ce client atteste que le document n'a jamais été adressé à Techna et que la mention qui y figure est due à une erreur, il est manifeste que ce client a transféré à MCM Emballages sa commande dès cette date, même s'il a précisé qu'il avait naturellement suivi Mme Le C. pour ses commandes.
Il en résulte que ce transfert a eu lieu sans aucune interruption, avant même la fin du préavis de Mme Le C. et avant l'immatriculation de la nouvelle société au RCS (effective le 2 octobre seulement) ".
. Sur l'exploitation d'un système identique de référencement:
La SAS Techna expose que la SARL MCM Emballages a mis en place un système identique au sien pour le référencement des cartons de stockage afin de ne pas déstabiliser son ancienne clientèle.
Ce fait est contesté par l'intimée et la SAS Techna n'apporte pas la preuve de ce qu'elle utilise un système de référencement identique à celui de la SARL MCM Emballages et de ce que ce système a été mis en œuvre avant que la SARL MCM Emballages ne soit créée.
. Sur l'exploitation de fichiers photographiques:
La SAS Techna fait enfin grief à la SARL MCM Emballages d'avoir frauduleusement utilisé pour son site Internet les fichiers de photographies des bocaux qu'elle avait fait établir à ses frais.
Les pièces versées aux débats par la SAS Techna ne permettent toutefois nullement de justifier qu'elle aurait fait réaliser, suivant commande passée auprès d'une société Publicis Koufra des plaquettes publicitaires comprenant des photographies de bocaux.
Les pièces 44 à 47 de la SAS Techna tendent en revanche à démontrer que le 16 juin 2009, le directeur de la SAS Techna a fait mettre sur le site de la SAS Techna une photographie d'un bocal qu'il précise avoir effectuée par ses soins avec pour nom de fichier photo %20essai20cylindre %201040ml.jpg. La capture d'écran effectuée depuis le site Internet de la SARL MCM Emballages et le constat d'huissier opéré sur le même site établissent que, le 26 juin 2009, la SARL MCM Emballages y faisait figurer une photographie de bocal similaire à celle du site de la SAS Techna. Ces éléments sont toutefois insuffisants à caractériser un détournement des fichiers dès lors d'une part qu'aucune filiation informatique n'est établie entre la photographie figurant sur le site de la SARL MCM Emballages et celle fournie par la SAS Techna et, d'autre part, que la photographie d'un bocal sur fond blanc ne dispose pas d'une originalité suffisante pour affirmer que celle figurant sur le site de la SARL MCM Emballages aurait été copiée depuis le site de la SAS Techna.
En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, seuls les griefs de concurrence déloyale s'attachant à l'embauche de salariés ayant quitté la SAS Techna par la SARL MCM Emballages, entrainant la désorganisation de celle-ci et celui né du transfert d'une commande de la Conserverie Saint Christophe destiné à la SAS Techna peuvent être retenus.
Sur le préjudice de la SAS Techna
- Sur le préjudice lié à la désorganisation de la SAS Techna
La SARL MCM Emballages a embauché de manière quasi-simultanée deux des trois anciens salariés du site d'Eckbolsheim de la SAS Techna, à savoir une secrétaire et un magasinier employés depuis plusieurs années par cette dernière. Il n'est pas contesté que ces embauches ont été réalisées très peu de temps après la démission de ces personnels, ayant suivi le départ de Mme LE C., ancienne assistante de direction de Techna et gérante de la SARL MCM Emballages.
Comme le fait observer l'appelante, après l'arrivée d'un nouveau dirigeant, la SAS Techna s'est ainsi trouvée confronté en quelques mois, entre fin mai et septembre 2007, a un départ de l'ensemble des salariés du site d'Eckbolsheim. Elle a ainsi perdu la mémoire et le savoir-faire de ces salariés, et ce d'autant qu'il résulte des attestations des deux nouveaux salariés recrutés en remplacement (pièces 38 et 39 Techna) qu'aucune transmission de ce savoir ne s'est faite.
Les deux nouvelles salariées recrutées par la SAS Techna, assistantes de direction et secrétaire, exposent avoir été confrontées à des difficultés d'accès aux répertoires, de listings des fournisseurs et clients, de la documentation afférentes aux produits vendus, ainsi qu'à un défaut de connaissance des logiciels de gestion utilisés par la SAS Techna. La nouvelle secrétaire de la SAS Techna indique ainsi qu'elle a " essayé de [se] débrouiller tant qu'[elle pouvait]. Le mois de juillet 2007 étant un mois fort, il y avait pas mal de petites erreurs au niveau des commandes, soit problèmes de tarifs ou conditionnement qu'[elle a] résolu toute seule. Certains clients comprennent la situation mais d'autres non ".
L'attestation d'un ancien client de la SAS Techna (pièce 7 MCM ) conforte ce témoignage: " Nous avions rencontré, au mois d'aout 2007, le nouveau gérant de Techna à qui nous avions fait part de nos desiderata en matière de commandes, de suivi de commandes et de remplacement de certains bocaux manquants dans la gamme WECK./ Non seulement les commandes n'ont pas été livrées conformément à nos demandes mais le sieur L. n'a pu nous fournir aucune alternative pour le remplacement des bocaux ; il nous a d'ailleurs invité à nous adresser à la Sté Conservor qui est un de ses propres concurrents! ".
Dans le plan d'affaires en vue de l'obtention des financements nécessaires au rachat établi en mars 2007 par une société de conseil dans la perspective du financement de la reprise de l'exploitation par M. L. (pièce 1 Techna, p.14), les " compétences, qualités des prestations et savoir-faire reconnus par les clients " sont listés comme les premiers atouts de la SAS Techna.
La perte de ce savoir-faire à raison de l'embauche d'anciens salariés de la SAS Techna par la SARL MCM Emballages a ainsi entrainé une désorganisation matérielle de l'entreprise ayant une répercution certaine sur la qualité des services attendus par sa clientèle et perçue comme un atout premier de l'entreprise, quand bien même les salariés ayant quitté la SAS Techna ont rapidement été remplacés dans leurs fonctions.
Cependant, la même étude révèle que, tant pour la fabrication des autoclaves que pour la commercialisation des bocaux WECK, la SAS Techna faisait face à une concurrence réduite dans son secteur d'activité avant l'arrivée de la SARL MCM Emballages sur ledit marché. L'étude fait état de ce qu'en France, seules deux autres sociétés fabriquaient des autoclaves mais pour des produits d'une contenance supérieure à ceux fabriqués par la SAS Techna (pièce 1 Techna, p.11). Par ailleurs, elle mentionne que, dans son activité de négoce, la SAS Techna bénéficiait alors d'une exclusivité tacite consentie par les bocaux WECK pour la distribution de ses produits sur le territoire français et que la concurrence française pour des produits similaires à ceux de WECK était assez diffuse, comprenant notamment les bocaux " Parfait " ((pièce 1 Techna, p.12).
Il résulte enfin de cette étude que les ventes de stérilisateurs représentent une part stable et réduite du chiffre d'affaire de la SAS Techna, soit en 2006, 442k euro sur un chiffre d'affaires de 1 463k euro.
Il s'en déduit que l'essentiel du chiffre d'affaires de la SAS Techna est alors constitué de la revente de bocaux. L'étude précitée précise également que " l'essentiel de la progression des dernières années provient de l'activité de vente, très rémunératrice, des bocaux " (pièce 1 Techna, p.10).
Il s'infère de ce qui précède que l'activité de la SAS Techna se trouvait dans un secteur de très faible concurrence, voire même, d'une concurrence inexistante pour la vente en France des bocaux WECK.
Aussi, l'arrivée sur le marché de la SARL MCM Emballages, qui s'est également livrée à la revente des bocaux WECK en France a nécessairement eu un impact sérieux à moyen terme sur les ventes et bénéfices réalisés par la SAS Techna.
Cette analyse est concordante avec l'attestation établie en juin 2009 par l'expert-comptable de la SAS Techna qui relève que " Le pourcentage de chiffre d'affaires réalisé pour l'activité de vente de bocaux avec les clients historiques par rapport au chiffre d'affaires bocaux total, après une baisse brutale d'environ 20 % sur les trois premiers mois suivant le mois d'août 2007, se stabilise à présent à un pourcentage de baisse oscillant entre 30 et 40 % " (pièce 42 SAS Techna).
Le préjudice subi par la SAS Techna du fait de la désorganisation liée à l'embauche de ses anciens salariés par l'entreprise concurrente s'entend de la part de la baisse de la marge brute réalisée par la SAS Techna imputable à une telle désorganisation.
Il est en outre pertinent de ne retenir que la baisse de chiffre d'affaire de la SAS Techna sur la vente de bocaux et non sur la production d'autoclaves, la SARL MCM Emballages ne se livrant pas, au vu de son objet, à la production de tels produits.
La désorganisation de la SAS Techna ne peut être retenue que pour les premiers mois d'activité de la SARL MCM Emballages, le temps nécessaire à la formation des nouveaux salariés recrutés par la SAS Techna et à la prise de connaissance de leur nouvel environnement ne pouvant excéder la durée d'un exercice comptable d'un an.
L'impact de cette désorganisation peut être évalué à 30 % de la perte de marge sur les six premiers mois d'activité de la SARL MCM Emballages puis à 10 % pour les six mois suivants.
En l'espèce, l'étude précitée précise que le résultat net de la SAS Techna, après impôts, s'établit ainsi à la fin de l'exercice 2005 à 263k euro et à la fin de l'exercice 2006 à 246k euro. L'excédent brut d'exploitation est quasiment identique en 2005 et 2006 et est chiffré à 362k euro en 2006 (pièce 1 Techna, p. 21). La marge brute d'exploitation (EBE/CA, soit 362k euro/ 1 463k euro) s'établit ainsi à 24,7 % en 2006.
Il résulte en outre des tableaux de l'évolution des chiffres d'affaires mensuels afférents aux bocaux de la SAS Techna, dont l'exactitude comptable est attestée par un commissaire aux comptes (pièce 41 Techna) que le chiffre d'affaires glissant est de 624 329,64 euro entre septembre 2006 et février 2007, de 550 671,38 euro entre mars 2007 et août 2007, de 551 231,52 euro entre septembre 2007 et février 2008, de 267 886,98 euro entre mars 2008 et août 2008. La baisse du chiffre d'affaire sur six mois afférent aux bocaux s'élève ainsi, en février 2008 à 73 098,12 euro par rapport à l'année précédente et 282 784,4 euro en août 2008 à par rapport à l'année précédente.
Aussi, sans qu'il y ait lieu de recourir à une expertise, le préjudice de la SAS Techna à raison de la désorganisation née des actes de concurrence déloyale de la SARL MCM Emballages s'établit à la somme de:
73 098,12 x 0,247 x 0,3 = 5 416,57 euro
+ 282 784,4 x 0,247 x 0,1 = 6 984,77 euro
Total: 12 401,34 euro
- Sur le préjudice né du transfert à SARL MCM Emballages d'une commande adressée à la SAS Techna
Ainsi qu'il a été rappelé, il a été jugé par la Cour d'appel de Colmar que la commande adressée à la SAS Techna correspondant au fichier " commande van oost.xls " a été détourné au profit de la SARL MCM Emballages.
Il résulte du rapport d'intervention de l'expert G. (pièce 33 Techna, p.14) que le fichier précité provient d'une source distincte de l'ordinateur détenu par Mme LE C. chez MCM ayant été modifié en dernier lieu, sur cette source, le 2 août 2007. Il s'en déduit que la commande détournée date du 2 août 2007.
Comme le fait valoir l'appelante, la commande du 2 août 2007 de la Conserverie St Christophe doit être mise en relation avec la facture du 22 août 2007, qui figure au nombre des documents joints au procès-verbal de constat de Me D. dans les locaux de la SARL MCM Emballages (pièce 34 Techna). Celle-ci correspond à une commande du 2 août 2007 ; elle est adressée à la Conserverie St Christophe par la société WECK pour un montant de 22 791,12 euro.
A ce stade, il convient d'observer qu'il n'y a pas de motif pertinent mis en exergue pour lequel cette facture, adressée à un tiers, était détenue par la SARL MCM Emballages.
Cette facture a été annotée manuscritement, procédant à un nouveau calcul des sommes imputables à chacun des différents postes facturés pour aboutir à un total de 14 086,58 euro. Elle comporte également la mention manuscrite suivant laquelle la somme de 8 404,54 euro, correspondant à la différence entre les deux sommes, serait " à déduire du prochain virement ".
Ces éléments corroborent la thèse soutenue par l'appelante suivant laquelle la commande passée le 2 août 2008 par la Conserverie St Christophe à son endroit a été détournée au profit de la SARL MCM Emballages en deux temps, le premier temps consistant pour la SARL MCM Emballages, avec la complicité de la société WECK, à avoir fait traiter ladite commande par cette dernière, directement avec la Conserverie Saint Christophe. La société WECK a ensuite établi sa facturation adressé à la Conserverie St Christophe suivant les tarifs revendeur, non suivant les tarifs fournisseur, la somme recalculée de 14 086, 58 euro, mentionnée manuscritement sur la facture, correspondant au prix fournisseur, et celle de 8 404,54 euro correspondant à la marge qui aurait été réalisée par le revendeur s'il n'y avait pas eu vente directe entre la société WECK et la Conserverie Saint Christophe.
Cette thèse est confortée par le fait qu'à l'occasion du paiement de deux factures ultérieures adressées par la société WECK à la SARL MCM Emballages (factures n° 127207 et 127208 du 7 novembre 2007 figurant également en annexe du constat de Me D.), cette dernière a déduit du montant total représenté par ces factures la somme de 8 404,54 euro, correspondant à la marge qu'elle aurait réalisé sur la commande du 2 août 2007 si elle était passée par son intermédiaire et qui avait, à cette occasion, été versée par le client à la société WECK dans le cadre du montant facturé à celui-ci.
La SARL MCM Emballages a ainsi récupéré la marge qu'elle n'avait pas effectuée en mettant la société WECK et la Conserverie Saint Christophe en relation directe pour le traitement de la commande du 2 août 2007.
Ce montage est totalement démontré par l'existence d'un décompte, agrafé à la facture 127207, lequel fait la somme des factures 127207 et 127208, totalisant 17 375,60 euro, de laquelle est déduit la somme de 8 404,54, mentionnée comme " avoir conserverie St Christophe ", pour aboutir au total de 8 971,06 euro, somme qui a effectivement été réglée à la société WECK en paiement des factures 127207 et 127208, par ordre de virement délivré par la SARL MCM Emballages le 5 décembre 2007 (ordre de virement figurant aux pièces annexées au constat de Me D. pièce 34 Techna).
Il est donc ainsi établi que le préjudice résultant pour la SAS Techna du détournement de la commande par la SARL MCM Emballages équivaut à la perte de la marge réalisée sur l'opération, soit 8 404,54 euro.
- Sur le montant total du préjudice
En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, il convient de condamner la SARL MCM Emballages à verser à la SAS Techna, en indemnisation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale commis par celle-ci, la somme de :
12 401,34 euro
+ 8. 404,54 euro
soit 20 805,88 euro
Sur l'appel incident
Par courriers des 24 et 29 janvier 2008, la SAS Techna a fait parvenir à ses clients une lettre circulaire de son président par laquelle il exposait que: " ...en réalité, Madame LE C. avait prévu de substituer sa propre entité de vente après avoir débauché le personnel de l'Entreprise.
Devant la concurrence acharnée mise en place par Madame Maryvonne LE C. et sa nouvelle structure, la Société MCM Emballages, nous avons été rapidement convaincus que cette dernière, qui avait quasiment été à la tête de l'Entreprise Techna pendant les longs mois de la maladie de Monsieur Jean-Claude J., s'était accaparée le fichier client de l'Entreprise, ainsi que des données confidentielles lui permettant de démarcher la clientèle de la Société Techna et ce, sans aucune retenue.
[...] La démonstration vient d'en être faite, puisque, avec l'autorisation du Président du Tribunal de Strasbourg, nous avons pu constater par un Expert Informaticien, en présence d'un Huissier de Justice et des représentants de la Force publique, qu'en réalité la Société MCM Emballages travaillait sur le fichier clients de la Société Techna.
La Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de Strasbourg vient d'être saisie, par nos soins, d'une action en concurrence déloyale car la Société Techna se devait de réagir et de se faire rétablir dans ses droits "
Ces envois ne sont pas contestés par la SAS Techna.
C'est à juste titre que le juge des référés du Tribunal de grande instance de Strasbourg dans son ordonnance du 8 avril 2008 et la Cour d'appel de Colmar du 17 février 2009 , statuant sur appel de cette ordonnance puis les premiers juges dans le jugement entrepris, ont jugé que l'annonce à la clientèle commune d'une action en justice engagée par un concurrent est fautive et constitue un acte de dénigrement en l'absence de toute décision rendue sur les faits dénoncés.
Il est sans incidence dans l'appréciation de l'existence de cet acte de concurrence déloyale que les faits dénoncés aient ou non été retenus comme fautifs par la juridiction ayant eu à les qualifier.
Il convient dès lors de prendre en considération, dans la détermination du préjudice causé à la SARL MCM Emballages par l'envoi de ce communiqué, le fait que, en exécution de l'ordonnance de référé précitée du 8 avril 2008, la SAS Techna a envoyé aux clients destinataires du courrier du 24 janvier 2008 un communiqué judiciaire exposant que celui-ci constituait un acte de dénigrement de la SARL MCM Emballages alors que les juridictions saisies des faits invoqués ne s'étaient pas encore prononcées sur ceux-ci.
En outre, la SARL MCM Emballages ne produit ni n'invoque d'éléments permettant à la cour de déterminer le montant du préjudice commercial subi par elle causé par ces actes de dénigrement mais évoque un préjudice causé à sa réputation, lequel peut être justement évalué, comme l'a fait le premier juge, à la somme de 5 000 euro.
En conséquence de ce qui précède, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a condamné la SAS Techna à verser à la SARL MCM Emballages la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Il y a lieu également de confirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné la SAS Techna à verser à la SARL MCM Emballages la somme de 136,32 euro correspondant aux frais d'huissier engagés par cette dernière pour exécuter l'ordonnance précitée du 8 avril 2008 (pièce 30 MCM).
Sur les demandes accessoires
En application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Pour se déterminer, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, pour ces motifs, même d'office, dire n'y avoir lieu à ces condamnations.
Aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, les dépens sont laissés à la charge de la partie perdante.
La SARL MCM Emballages succombant pour l'essentiel, l'équité commande de condamner la SARL MCM Emballages à verser à la SAS Techna la somme 5 000 euros de au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande de celle-ci au même titre.
Par ailleurs, il y a lieu de condamner la SARL MCM Emballages aux dépens exposés en première instance, en appel devant la Cour d'appel de Colmar et la présente cour d'appel.
Par ces motifs : Vu l'arrêt du 27 novembre 2013 de la Cour d'appel de Colmar, rectifié par arrêt de la même cour du 4 juin 2014 ; Vu l'arrêt du 9 juin 2015 de la Cour de Cassation ; La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire rendue en dernier ressort, dans les limites de la cassation prononcée, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Techna à verser à la SARL MCM Emballages la somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale commis par celle-ci ; Confirme ledit jugement en ce qu'il a condamné la SAS Techna à verser à la SARL MCM Emballages la somme de 136,32 euro correspondant aux frais d'huissier engagés par cette dernière pour exécuter l'ordonnance précitée du 8 avril 2008 ; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes indemnitaires formées par la SAS Techna et en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ; Et, statuant à nouveau, Condamne la SARL MCM Emballages à verser à la SAS Techna la somme de 20 805,88 euro en indemnisation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale commis par celle-ci ; Condamne la SARL MCM Emballages à verser à la SAS Techna la somme 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SARL MCM Emballages aux dépens exposés en première instance, en appel devant la Cour d'appel de Colmar et la présente cour d'appel.