CA Colmar, 3e ch. civ. A, 3 juillet 2017, n° 16-02629
COLMAR
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Socar (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Conseillers :
Mme Fabreguettes, M. Regis
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Selon bon de commande du 21 février 2013, la SAS Socar a vendu à M. Christian B. un véhicule Audi Roadster 2.0 TFSI 200B V6 au prix de 23 434 euros.
Alléguant que la société Socar avait manqué à son obligation de délivrance conforme en mentionnant une date de mise en circulation du 15 juin 2010, alors que le véhicule avait été mis en circulation le 19 décembre 2008, M. B. a saisi le Tribunal d'instance de Mulhouse et demandé la condamnation de cette société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut de conformité, 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'information et de conseil et 1 000 euros pour résistance abusive.
Par jugement du 22 avril 2016, le tribunal a condamné la société Socar à payer à M. B. la somme de 5 000 euros pour manquement à son obligation de délivrance, 300 euros au titre du manquement à son obligation d'information et de conseil, 500 euros pour résistance abusive et 1 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le tribunal a retenu que le véhicule avait été fabriqué le 16 avril 2008 et mis en circulation le 15 juin 2010 ; que le millésime de fabrication constitue une caractéristique essentielle de la chose vendue, eu égard à son incidence déterminante sur la valeur marchande ; que M. B. a pu croire que le véhicule proposé avait été fabriqué dans le courant de l'année 2010 ; que la société Socar a manqué de ce fait à son obligation de délivrance.
Le tribunal a également retenu un manquement de la société Socar à son obligation d'information, de conseil et de loyauté, et l'a condamnée à payer la somme de 300 euro en réparation du préjudice moral de M. B.
Par acte du 25 mai 2016, la société Socar a interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions du 16 août 2016, la société Socar demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter M. B. de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1 000 euros pour procédure abusive et celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les deux instances.
La société Socar soutient que le véhicule vendu à M. B. a des caractéristiques qui correspondent à celles indiquées par le bon de commande ; que ce bon de commande prévoit bien qu'il s'agit d'un véhicule d'occasion ; qu'il mentionne un kilométrage de 22 051 km ; qu'il indique que la mise en circulation date de juin 2010 ; que M. B. a obtenu la délivrance du véhicule qui correspond très exactement à ce qui est mentionné sur le bon de commande ; que la notion de millésime, qui était une spécificité française, a disparu en 2002 et n'est pas mentionnée sur les bons de commande ; que ce n'est pas la date de fabrication qui est à prendre en compte pour le contrôle technique mais la date de mise en circulation ; que cette date est la base de toute cotation, notamment par l'Argus. La société Socar prétend ensuite que la date du 10 décembre 2008 ne correspond pas à la date de mise en circulation du véhicule mais à la date de livraison du véhicule neuf à un distributeur concessionnaire et qu'elle ne correspond pas à sa mise en circulation ; que par ailleurs le véhicule est techniquement conforme à la commande comme cela a été relevé par l'expert.
Dans ses conclusions du 7 octobre 2016, M. B. demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société Socar à lui payer 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
M. B. expose que le 12 novembre 2013, il a confié le véhicule à un garage à Sausheim qui lui a indiqué que son véhicule devait être présenté au contrôle technique dans la mesure où il a été mis en circulation le 19 décembre 2008, alors que la facture qui avait été établie par la société Socar indiquait une mise en circulation au 15 juin 2010. Il indique ensuite qu'une expertise a été diligentée par son assureur protection juridique ; que l'expert a constaté que le véhicule avait été fabriqué le 16 avril 2008 et livré au concessionnaire le 19 décembre 2008 ; que le carnet d'entretien livré avec le véhicule n'était pas celui d'origine ; qu'il ne comportait aucune mention des caractéristiques du véhicule ; qu'il a été remis à M. B. un carnet d'entretien neutre ; que la plaque constructeur apposée sur le passage de roue avant gauche reprenait les caractéristiques du véhicule, dont l'année de fabrication en 2008 ; que les vitrages du véhicule portaient également la date de fabrication en 2008 ; que ces informations sont contrôlées par tout professionnel lors d'une transaction ; que la remise d'un carnet d'entretien vierge devait interroger le professionnel ; que les caractéristiques complètes du véhicule étaient accessibles sur la base de données du groupe Wolkswagen France par simple consultation ; que l'expert a évalué le différentiel de prix à 5 000 euros.
M. B. soutient que le millésime de fabrication constitue implicitement et nécessairement une caractéristique essentielle de la chose vendue eu égard à son incidence sur la valeur marchande ; qu'il n'aurait pas acheté le véhicule ou en aurait offert un prix moindre s'il avait connu son âge réel.
Sur quoi
Il résulte en l'espèce du bon de commande du 21 février 2013 que l'achat litigieux portait sur un véhicule automobile Audi Roadster 2.0 TFSI 200 BV6 mis en circulation le 15 juin 2010.
Il n'est pas contesté que la fabrication du véhicule date du 16 avril 2008 et que ce véhicule a été livré au concessionnaire le 19 décembre 2008.
La société Socar ne démontre pas avoir informé M. B. de ces dates de fabrication et de livraison du véhicule. Il ressort au contraire du rapport d'expertise (page 4), produit par M. B. et diligenté par son assureur juridique, que le carnet d'entretien d'origine, sur lequel figurent ces informations, n'a pas été remis à l'intimé, ce qui n'est pas contesté par la société Socar.
Il convient également de relever que la date de mise en circulation d'un véhicule automobile correspond à la date de la première immatriculation de ce véhicule. Cette date est indiquée au titre de la mention B de la carte grise du véhicule concerné.
Il résulte de la carte grise du véhicule en cause que la date de mise en circulation de ce véhicule est le 15 juin 2010.
Il n'y a donc pas de défaut de conformité du véhicule vendu. Les caractéristiques annoncées par le vendeur, bien qu'incomplètes, correspondent aux caractéristiques réelles du véhicule.
En revanche, la date de fabrication du véhicule est l'une de ses caractéristiques essentielles qui doit être communiquée à l'acheteur par application de l'article L. 111-1 du Code de la consommation.
Partant, la société Socar a manqué à son obligation légale d'information à l'égard de l'intimé.
Ce défaut d'information a privé M. B. d'une chance de négocier à moindre prix l'achat du véhicule en cause.
L'expert relève, qu'au moment de la vente, un véhicule du même modèle de 2008 se négociait à hauteur de 18 000 euros, alors qu'un véhicule de 2010 se négociait à hauteur de 23 000 euros.
Le prix auquel le véhicule a été vendu est de 22 900 euros (déduction faite des frais d'immatriculation), et ce alors qu'il affichait un kilométrage de 22 051 km.
Au terme d'une démonstration convaincante et applicable au véhicule en cause compte tenu du prix retenu et de son kilométrage, le rapport d'expertise évalue la différence de prix entre un modèle de 2008 et un modèle de 2010 à la somme de 5 000 euros.
Toutefois, la perte de chance ne donne droit à indemnisation qu'à hauteur d'un pourcentage sur la différence de prix.
Le préjudice subi par M. B. à ce titre sera dès lors parfaitement évalué à la somme de 3 000 euros.
En revanche, M. B. ne fait pas la démonstration de l'existence d'un préjudice moral.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Socar au titre d'un défaut de conformité, retenu l'existence d'un préjudice moral et fixé le préjudice subi par M. B. au titre du défaut d'information à la somme de 300 euros.
Par ailleurs, aucune résistance abusive de la société Socar n'est caractérisée. Le jugement entrepris sera donc également infirmé de ce chef.
La société Socar sera condamnée à payer à M. B. la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'information.
Le jugement sera confirmé pour le surplus.
La société Socar, qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.
L'équité commande d'allouer à M. B. la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande faite de ce chef par la société.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, Infirme le jugement mais seulement en ce qu'il a condamné la SAS Socar au titre d'un défaut de conformité, retenu l'existence d'un préjudice moral, fixé le préjudice subi par M. Christian B. au titre du défaut d'information à la somme de 300 euros (trois cents euros) et condamné la SAS Socar au titre d'une résistance abusive, Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés : Condamne la SAS Socar à payer à M. Christian B. la somme de 3 000 euros (trois mille euros) à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation d'information, Déboute M. Christian B. de ses demandes de dommages-intérêts faites au titre du défaut de conformité du véhicule et de la résistance abusive de la SAS Socar, Confirme le jugement pour le surplus, Y ajoutant, Condamne la SAS Socar aux dépens de la procédure d'appel, Condamne la SAS Socar à payer à M. Christian B. la somme 1 200 euros (mille deux cents euros) par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette la demande faite par la SAS Socar au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.