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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 21 août 2017, n° 15-03248

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Look Cycle International (SA) , Cycles Passion (SARL) , CPAM

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Forcade

Conseillers :

Mm. Moulis, Muller

TGI Foix, du 6 mai 2015

6 mai 2015

Faits et procédure

Philippe Y. a acquis le 11 décembre 2001, une fourche de vélo de la marque Look auprès de la SARL Cycles Passion.

Le 10 mai 2012, Philippe Y., alors qu'il circulait à vélo sur une portion de ligne droite sur la commune de Roquefixade a chuté, sa chute ayant entraîné un polytraumatisme avec hospitalisation jusqu'au 23 mai 2012 et une incapacité totale de travail de 30 jours initialement prolongée de 4 mois. Le procès-verbal de gendarmerie établi le 5 juillet 2012 précisait que le pivot de fourche supportant le guidon du vélo de course avait cédé entraînant la chute de Philippe Y.. L'enquête pénale a été classée sans suite.

La société Look procédait à un examen de la fourche.

Dans un courrier du 18/07/2012 adressé à Philippe Y. elle indiquait avoir constaté la rupture du fourreau gauche et du tube pivot.

Elle considérait que la rupture provenait d'un choc avant la rupture et non l'inverse.

Dans un autre courrier du 28/11/2012 elle indiquait qu'elle ne pouvait considérer que la fourche était défectueuse et responsable de l'accident.

Par actes d'huissier datés des 8, 9 et 11 avril 2014, Philippe Y. assignait la société Look Cycle International, la SARL Cycles Passion et la CPAM de Foix devant le Tribunal de Grande Instance de Foix, aux fins de voir, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil et 1641 du même code , dire et juger que la SA Look Cycles et la SARL Cycles Passion sont responsables des dommages causés du fait de la rupture de la fourche du vélo, condamner en conséquence la SA Look Cycles et la SARL Cycle Passion solidairement à l'entière réparation des préjudices subis, ordonner une expertise médicale avec mission classique en la matière et déterminant l'ensemble des postes de préjudices, déclarer commune et opposable la décision à intervenir à la CPAM de Foix, condamner la SA Look Cycles et la SARL Cycles Passion au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 6 Mai 2015, le Tribunal de grande instance de Foix a :

- Déclaré irrecevables les demandes de Philippe Y. à l'encontre de la SA Look Cycles et de la SARL Cycles Passion tant sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil que les articles 1641 et suivants du Code civil,

- Débouté Philippe Y. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SA Look Cycles International et de la SARL Cycles Passion,

- Débouté la caisse primaire d'assurance maladie de Foix dont les dossiers recours sont gérés par la caisse primaire d'assurance maladie du Lot de ses demandes au titre de ses débours à l'encontre de la SA Look Cycles International et de la SARL Cycles Passion,

- Condamné Philippe Y. à payer à la SA Look Cycles International la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné Philippe Y. à payer à la SARL Cycles Passion la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné Philippe Y. aux dépens de l'instance.

Le 3 juillet 2015, Monsieur Y. a interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture est en date du 2/11/2016.

Prétentions et moyens des parties

Au terme de conclusions de procédure en date du 8/11/2016Philippe Y. fait valoir que les conclusions récapitulatives de la société Cycles Passion en date du 26/10/2016 sont tardives et qu'elles violent le principe du contradictoire et il demande en conséquence à la cour de les rejeter.

Au terme de ses conclusions d'appelant n°2 du 6/01/2016 Philippe Y. demande à la cour de :

Vu les articles 1386 et suivants, 1641 et suivants du Code civil et 145 du Code de procédure civile

- Dire et juger recevable l'appel de Philippe Y.,

A titre principal

- Déclarer la SA Look Cycles International responsable du fait des produits défectueux envers Monsieur Philippe Y.,

En conséquence, réformer le jugement dont appel

- Condamner la SA Look Cycles International à réparer l'intégralité du préjudice de Monsieur Philippe Y.,

A titre subsidiaire

- Déclarer la SA Look Cycles International et la SARL Cycles Passion responsables pour vices cachés,

En conséquence, réformer le jugement dont appel

- Condamner la SA Look Cycles International et la SARL Cycles Passion à réparer l'intégralité du préjudice subi par Philippe Y.,

Par conséquent,

- Ordonner une expertise afin d'évaluer le préjudice de Monsieur Y. consécutif à l'accident ;

- Commettre pour y procéder un expert au choix de la Cour de céans avec mission de :

- Procéder à l'examen médical de Monsieur Y. ;

- Se faire communiquer par le demandeur ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé tous documents utiles à sa mission ;

- Indiquer son état antérieur à la survenance de l'accident ;

- Rappeler les soins, traitements, opérations et autres interventions à fins curatives, thérapeutiques, de restauration ou de rééducation nécessités par l'accident et ses suites ;

- Décrire les lésions en relation directe et certaine avec l'accident litigieux.

Sur les préjudices temporaires (avant consolidation) :

- Déterminer la durée et le degré du déficit fonctionnel temporaire DFT (soit la durée l'incapacité temporaire totale ITT, et celle pendant laquelle sa capacité à mener une activité professionnelle a été réduite ainsi que la proportion dans laquelle elle a été réduite ITP) ;

- Décrire l'aptitude à la réalisation des actes quotidiens et essentiels de la vie ;

- Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées du fait des blessures subies, dans la mesure où elles n'entraînent pas de déficit fonctionnel proprement dit, les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;

- Dire s'il existe un préjudice esthétique (ou autre) temporaire ;

- Préciser la nécessité et la durée d'une aide à domicile avant la consolidation ;

- Fixer la date de consolidation.

Sur les préjudices permanents (après consolidation) :

- Chiffrer, par référence au "Barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun", le déficit fonctionnel permanent DFP (soit le taux d'IPP imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions) ;

- Lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues ;

- Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique permanent, l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés;

Lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de loisirs ou encore un préjudice sexuel, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif ;

- Le cas échéant, donner un avis sur l'aptitude à mener un projet de vie autonome ;

- Dire si des soins futurs sont nécessaires, en indiquer la nature, la quantité ;

- Préciser la nécessité, la durée et la qualification d'une tierce personne après la consolidation ;

- Dire s'il existe un préjudice permanent exceptionnel et un préjudice lié à une pathologie évolutive ;

- Le cas échéant, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et évaluer les seuls chefs de préjudice qui peuvent l'être en l'état ;

- Se faire communiquer le relevé des débours de l'organisme social de la victime et indiquer si les frais qui y sont inclus sont bien en relation directe, certaine et exclusive avec l'événement à l'origine du litige.

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour s'estime insuffisamment éclairée :

- Voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire confiée à Monsieur Jean G. expert près la Cour d'appel d'Aix en Provence, avec pour mission de :

- Convoquer les parties,

- Se faire remettre la fourche de la marque Look HSC 2 litigieuse,

- Procéder à toutes les mesures d'analyse utile à la découverte de la cause de la casse de ladite fourche,

- Dire si celle-ci était affectée d'un défaut ou d'un vice caché,

- Dire si le producteur a commis une ou plusieurs fautes dans la conception ou la fabrication du produit,

- Dans l'affirmative, le décrire, et indiquer les conséquences de celui-ci sur l'accident intervenu le 10 mai 2012,

- Dire si le défaut ou le vice qui affectait la chose vendue la rendait impropre à son usage ou s'il la privait de la sécurité qu'il était

- Répondre à toute question des parties ;

- Voir fixer le montant de la consignation nécessaire aux opérations d'expertise mis à la charge de Monsieur Philippe Y.

- Condamner solidairement la SA Look Cycles International et la SARL Cycles Passion à payer à Monsieur Philippe Y. la somme de 3000euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au terme de ses conclusions du 26/10/2016 la société Cycles Passion demande à la cour de :

- débouter Monsieur Y. de ses demandes en condamnation solidaire tant en principal qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens,

- mettre hors de cause la société Cycles Passion,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à y rajouter condamnation de Monsieur Y. ou de tout succombant à verser à la société Cycles Passion la somme de 4000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur Philippe Y. ou tout succombant aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

La SA Look Cycle International demande à la cour au terme de ses conclusions du 30/11/2015 de :

- Confirmer le jugement prononcé le 6 mai 2015 par le Tribunal de Grande Instance de Foix en toutes ses dispositions.

Ce faisant,

- Dire et juger que l'action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux est forclose, à défaut d'une action intentée dans le délai de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit,

- Dire et juger que l'action fondée sur le vice caché est prescrite, à défaut d'une action intentée dans un bref délai à compter de la connaissance supposée du vice allégué.

En conséquence,

- Déclarer irrecevable l'action de M. Y., fondée tant sur l'article 1386-1 que sur l'article 1641 du Code Civil, et partant celle de la caisse primaire d'assurance maladie.

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que M. Y. est défaillant dans l'administration de la preuve d'un défaut ou d'un vice caché antérieur à la vente affectant le produit litigieux.

- Débouter M. Y. de l'intégralité de ses demandes, et partant celles de la caisse primaire d'assurance maladie

En toute hypothèse,

- Condamner M. Y. à payer à la Sté Look Cycle International la somme de 1.000,00 euro au titre des frais irrépétibles de première instance et 2.000,00 euro au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens

Au terme de ses conclusions modificatives du 6/10/2015 la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Ariège demande à la cour de :

- Donner acte à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Ariège dont les dossiers recours sont gérés par la CPAM du LOT de son intervention recevable en la forme et justifiée au fond ;

- Condamner qui de droit à payer à ladite caisse la somme de 25 885,13 euros en remboursement des prestations servies avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, outre celle de 1 037 euros à titre d'indemnité forfaitaire (article 9 et 10 de l'ordonnance 96.51 du 24.01.1996) ;

- Réserver en outre les droits de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Ariège dont les dossiers recours sont gérés par la CPAM du Lot, quant aux prestations ultérieures qu'elle pourrait être amenée à servir ;

- Condamner qui de droit aux entiers dépens.

Motifs de la décision

Sur la procédure

Au terme de conclusions de procédure en date du 8/11/2016 Philippe Y. fait valoir que les conclusions récapitulatives de la société Cycles Passion en date du 26/10/2016 sont tardives et qu'elles violent le principe du contradictoire et il demande en conséquence à la cour de les rejeter.

La société Cycles et Passion a répliqué à l'audience que ses conclusions sont intervenues dans les délais et qu'elles ne font que clarifier le débat sans apporter de nouvelles demandes. Elle conclut au rejet de la demande de Philippe Y..

Aux termes de l'article 783 du Code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque les dernières conclusions de la SARL Cycles Passion ont été notifiées le 26/10/2016 donc antérieurement à l'ordonnance de clôture du 2/11/2016.

Il n'y a donc pas lieu de les déclarer irrecevables d'autant que Philippe Y. ne prétend nullement que celles-ci contiennent des demandes nouvelles ou qu'elles s'appuient sur des moyens nouveaux, éléments qui auraient pu justifier une réponse de sa part et une demande de délai, donc un rabat de l'ordonnance de clôture, pour y répondre.

La demande de Philippe Y. sera dès lors rejetée.

Sur le fond

Philippe Y. recherche la responsabilité de la société Look Cycle International en invoquant la défectuosité du produit fabriqué.

L'article 1386-1 du Code civil dispose que "Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime".

Aux termes de l'article 1386-16 du Code civil "Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci, fondée sur les dispositions du présent titre, est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice".

En l'espèce la faute de la société Look Cycle International n'est pas établie ni même invoquée par le demandeur.

Philippe Y. établit en produisant la facture avoir acquis la fourche le 11/12/2001 auprès de la société Cycles Passion située à Pamiers. Cette date équivaut à celle de la mise en circulation du produit qui a causé le dommage de telle sorte que la responsabilité de la société fabricante était éteinte le 12/12/2011, donc avant la survenance de l'accident.

L'action exercée par Philippe Y. sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil (version en vigueur antérieurement au 1/10/2016) est donc irrecevable.

Subsidiairement Philippe Y. recherche la responsabilité de la SA Look Cycles International et de la SARL Cycles Passion sur le fondement des vices cachés.

Aux termes de l'article 1648 du Code civil "L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice".

Toutefois cette nouvelle rédaction de l'article 1648 issue de l'ordonnance du 17/02 /2005 ne s'applique pas au cas d'espèce puisque les dispositions de cette ordonnance s'appliquent aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur.

Or l'achat de la fourche a eu lieu antérieurement à l'ordonnance du 17/02/2005 et dès lors c'est la version précédente de l'article 1648 du Code civil qui s'applique à savoir que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite.

La découverte du vice allégué daterait du jour de l'accident, soit le 10/05/2012 selon le demandeur.

Or la bicyclette était utilisée depuis plus de dix ans au moment de l'accident et son état, à cette date, n'était pas connu.

Le prix d'achat de la fourche (1 184 F en décembre 2001) ne permet pas de considérer qu'il s'agit d'un matériel haut de gamme et donc d'une particulière résistance aux chocs surtout au bout de dix ans d'utilisation.

Seul un simple examen du matériel par le fabricant a été pratiqué.

Compte tenu de tous ces éléments il aurait été nécessaire que Philippe Y. sollicite rapidement du juge des référés la désignation d'un expert afin de rechercher si la rupture de la fourche pouvait être la conséquence d'un vice. Il aurait convenu à tout le moins que Philippe Y. demande l'avis d'un expert amiable.

En effet des constatations précises et détaillées sur l'état du matériel au moment de l'accident et des recherches techniques sur la cause de la rupture de la fourche auraient dû être effectuées à une date très rapprochée de celle de l'accident.

Or Philippe Y. ne fournit aucun élément en ce sens de telle sorte que l'action au fond introduite en justice le 8/04/2014 apparaît tardive au sens des dispositions sus énoncées.

Il en ressort que la demande fondée sur les vices cachés est dès lors également irrecevable.

La décision du tribunal sera dans ces conditions confirmée.

Philippe Y. qui succombe supportera les dépens d'appel.

Par ces motifs, LA COUR, rejette la demande de Philippe Y. visant à voir déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives de la société Cycles Passion en date du 26/10/2016, confirme en son entier la décision entreprise, y ajoutant, condamne Philippe Y. à payer à la société Look Cycle International et la société Cycles passion la somme de 1000 euro à chacune pour les frais irrépétibles exposés devant la cour, condamne Philippe Y. à supporter les dépens d'appel.