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Décisions

ADLC, 25 juillet 2017, n° 17-DCC-118

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle conjoint d'un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Sesyclau aux côtés d'ITM Entreprises

ADLC n° 17-DCC-118

25 juillet 2017

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 29 juin 2017, relatif à la prise de contrôle conjoint d'un magasin de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Sesyclau aux côtés d'ITM Entreprises, formalisée par une promesse synallagmatique de vente en date du 2 juin 2017 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. ITM Entreprises, société contrôlée à 100 % par la société civile des Mousquetaires, elle-même détenue par plus de 1 400 personnes physiques dits " adhérents associés " et une personne morale, conduit et anime le réseau de commerçants indépendants connu sous le nom de "Groupement des Mousquetaires". En sa qualité de franchiseur, la société ITM Entreprises a comme activité principale l'animation d'un réseau de points de vente, alimentaires et non alimentaires, exploités par des commerçants indépendants sous les enseignes suivantes : Intermarché, Netto, Poivre Rouge, Brico Marché, Brico Cash et Roady. Cette gestion s'effectue notamment au travers de la signature et du suivi de contrats d'enseigne avec les sociétés exploitant ces points de vente. ITM Entreprises met également à la disposition de ses franchisés divers services de prospection, de conseil, de formation, etc. Enfin, ITM Entreprises offre aux franchisés la possibilité de bénéficier de conditions d'approvisionnement avantageuses auprès de ses filiales nationales et régionales mais également de fournisseurs référencés extérieurs au "Groupement des Mousquetaires".

2. Sesyclau est la société holding des consorts [confidentiel]. Elle détient plusieurs sociétés qui exploitent des points de vente de commerce de détail à dominante alimentaire sous enseigne2 Intermarché et Netto dans les villes de Saint-Amand-Montrond (18), La Chatre (36), Châteauroux (36), Chateaumeillant (18), et Aigurande (36).

3. Le fonds de commerce cible est un point de vente de commerce de détail à dominante alimentaire d'une surface de 950 m² sous enseigne Simply Market, situé dans la ville de Saint-Amand-Montrond (18).

4. Au terme de l'opération, le fonds de commerce cible sera exploité sous enseigne Intermarché par la société Express Amand, en cours de constitution, qui sera détenue conjointement par Sesyclau et ITM Entreprises. La réalisation du projet notifié entraînera une prise de contrôle conjoint du fonds de commerce cible par les sociétés Sesyclau et ITM Entreprises et constitue donc une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euros (ITM Entreprises : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 ; Sesyclau: [...] d'euros pour le même exercice). Au moins de deux des entreprises concernées ont réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euros (ITM Entreprises : [...] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 ; Sesyclau: [...] d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2016). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au point II de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Selon la pratique constante des autorités nationale et européenne de concurrence1, deux catégories de marchés peuvent être délimitées2 dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant européenne que nationales3, ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés: (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs et (vi) la vente par correspondance.

8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2500 m², les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m2 et supérieure à 40 m2et les supérettes comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente4 inférieure à 400m² et supérieure à 120m². Il convient cependant de rappeler que ces seuils doivent être utilisés avec précaution, et peuvent être adaptés au cas d'espèce, dans la mesure où des magasins dont la surface est située à proximité d'un seuil (en-dessous ou au-dessus), peuvent se trouver en concurrence directe5.

9. Les autorités de concurrence considèrent par ailleurs que, si chaque catégorie de magasin conserve sa spécificité, il existe une concurrence asymétrique entre certaines de ces catégories. En effet, un hypermarché peut être habituellement utilisé par certains consommateurs comme un magasin de proximité, en substitution d'un supermarché. En revanche, la réciproque n'est presque jamais vérifiée et l'est d'autant moins que la taille de l'hypermarché en question est importante. En conséquence, si le magasin cible est un hypermarché, l'analyse est effectuée sur un marché comprenant uniquement les hypermarchés, d'une part, et sur un marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes (hypermarchés, hard discount et magasins populaires) hormis le petit commerce de détail (moins de 400 m²), d'autres part. Si le magasin cible est un supermarché, l'analyse n'est effectuée que sur le deuxième type de marché précité.

10. En l'espèce, le fonds de commerce cible à une surface de 950 m². Il entre donc dans la catégorie des supermarchés.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

11. Dans ses décisions relatives à des opérations concernant des hypermarchés ou des supermarchés, l'Autorité de la concurrence a rappelé que deux types de marchés sont usuellement distingués, sur la base des zones de chalandise7:

-un premier marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux;

-un second marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes, situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs.

12. D'autres critères peuvent néanmoins être pris en compte pour évaluer l'impact d'une concentration sur la situation de la concurrence sur les marchés de la distribution de détail, ce qui peut conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

13. Au cas d'espèce, le fonds de commerce cible entrant dans la catégorie des supermarchés, l'analyse concurrentielle sera menée sur un marché incluant les hypermarchés, les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans un rayon de 15 minutes en voiture autour du fonds de commerce cible.

B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

14. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence ont retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits.

15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

16. Sur le marché aval de la distribution alimentaire, comprenant les supermarchés et formes de commerce équivalentes situés dans une zone de 15 minutes en voiture autour du fonds de commerce cible situé à Saint-Amand-Montrond (18), l'enseigne Intermarché détiendra [30-40] % des surfaces de vente de la zone ( [5-10] % pour le fonds de commerce cible).

17. Les magasins sous enseigne Intermarché dans la zone de chalandise feront toutefois face à la concurrence de plusieurs autres points de vente, notamment sous enseignes Leclerc ([20-30] %), Carrefour ([10-20] %) et Lidl ([5-10] %).

18. Sur les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, qui concerne le changement de contrôle d'un seul magasin sous enseigne concurrente, n'est pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe ITM Entreprises, tous produits confondus, comme par grands groupes de produits.

19. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés en cause.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-132 est autorisée.

La présidente,

Isabelle de Silva

NOTES :

1 Voir notamment les décisions de la commission M.946 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997 et M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000. Voir également l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodèset les avis du Conseil de la concurrence n° 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, n° 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et n° 00 -A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.

2 Décisions de la Commission dans les affaires M.1221 Rewe/Meinl du 3 février 1999, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000. Voir également la décision du ministre chargé de l'économie C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005.

3 Décisions du ministre chargé de l'économie C.2008-32 Amidis SAGC du 9 juillet 2008, C.2007-172 Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008, C.2007-154 Système U Vergali du 3 décembre 2007, C.2007-05 Carrefour Sofodis du 26 mars 2007, C.2006-15 Amidis Hamon du 14 avril 2006, C 2005-98 Carrefour Penny Market du 10 novembre 2005.

4 Voir la décision de l'Autorité de la concurrence n°12 -DCC-112 du 3 août 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNC Schlecker par la société Système U Centrale Régionale Sud.

5 Voir notamment l'avis du Conseil de la Concurrence n° 00-A-06 du 3 mai 2000 relatif à l'acquisition par la société Carrefour de la société Promodès.

6 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 12 -DCC-48 du 6 avril 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sofides par la société ITM Entreprises, n°12 -DCC-63 du 9 mai 2012 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Guyenne et Gascogne SA par la société Carrefour SA, et n° 13 -DCC-90 du 11 juillet 2013, relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix par la société Casino Guichard-Perrachon

7 Voir les décisions n° 09 -DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/C.S.F, n° 09 -DCC- du 28 mai 2009 Frandis/Financière Perdis, n° 09 -DCC-06 du 20 mai 2009 Evolis/ITM, et n° 09-DCC-04 du 29 avril 2009 Carrefour/Noukat.

8 Voir les décisions M.1684 et M.2115 précitées

9 Voir notamment les décisions du ministre précitées.