Livv
Décisions

ADLC, 25 août 2017, n° 17-DCC-139

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Terrena Grand Public et Agralys Distribution par la société InVivo Retail

ADLC n° 17-DCC-139

25 août 2017

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 1er août 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés Terrena Grand Public et Agralys Distribution par la société InVivo Retail, formalisée par des protocoles d'accord en date du 28 juillet 2017; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. InVivo Retail est une société par actions simplifiées détenue à 100 % par InVivo Group, société détenue à 100 % par Union InVivo. Union InVivo est une union de coopératives agricoles à capital variable, détenue par 220 coopératives sociétaires.

Le groupe InVivo est actif dans plusieurs secteurs agricoles (semences, nutrition et santé animale, stockage et commercialisation de grains), ainsi que dans la distribution spécialisée au grand public via les franchises Gamm Vert et Delbard.

2. Terrena Grand Public (ci-après, " TGP ") est une société par actions simplifiée détenue en intégralité par C2 Développement, filiale à 100 % de la coopérative agricole Terrena. TGP exploite des 44 fonds de commerce sous franchise Gamm Vert dans les départements de l'Ille-et-Vilaine (35), de l'Indre-et-Loire (37), de la Loire-Atlantique (44), du Maine-et-Loire (49), des Deux-Sèvres (79) et de la Vienne (86)1. Par ailleurs, TGP détient l'intégralité des actions de la société Edimag qui exerce des activités de plateforme logistique et de centrale d'achat.

3. Agralys Distribution (ci-après, " AD ") est une société par actions simplifiées détenue par Axéréal Participations, elle-même contrôlée in fine par la coopérative agricole Axéréal. AD exploite 46 fonds de commerce sous franchise Gamm Vert dans les départements du Cher (18), de l'Eure-et-Loir (28), de l'Indre (36), du Loir-et-Cher (41), du Loiret (45), de la Nièvre (58) et de l'Essonne(91)2.

4. L'opération notifiée, formalisée par une lettre d'offre ferme et deux protocoles d'accord en date du 28 juillet 2017, consiste en l'acquisition par InVivo de l'intégralité des actions des sociétés TGP, ainsi que sa filiale Edimag, et AD, et en l'acquisition de 58 biens immobiliers liés à l'activité des magasins exploités par les sociétés cibles.

5. Ces opérations ne font pas l'objet d'un lien juridique réciproque. Toutefois, conformément au point 64 des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations de l'Autorité de la concurrence et à la communication consolidée de la Commission européenne, " les opérations qui constituent un tout en fonction des objectifs économiques poursuivis par les parties doivent également être appréciées dans le cadre d'une seule et même procédure. Dans ces cas, la modification de la structure du marché est induite par l'ensemble de ces opérations mises bout à bout "3. La Commission européenne ajoute que " l'interdépendance d'opérations multiples peut apparaître au vu des déclarations faites par les parties elles-mêmes ou de la conclusion simultanée des accords en cause"4. Au cas d'espèce, les deux concentrations s'inscrivent dans un projet économique global, ainsi qu'il ressort du procès-verbal du conseil d'administration du groupe InVivo en date du 14 décembre 2016, qui présente les opérations comme faisant partie d'un même projet, intitulé " Solstice ". De plus, ces opérations ont fait l'objet d'une unique lettre d'offre ferme en date du 4 avril 2017. Il y est indiqué que "cette Offre Ferme du 4 avril 2017 est indivisible en ce sens qu'elle ne peut être acceptée que par l'ensemble des Cédants et pour la totalité du périmètre [...] et ne peut se concrétiser que par la signature concomitante de tous les projets d'accords contenus en annexe à la présente Offre Ferme".

Les protocoles d'accord portant sur chacune des opérations ont été signés le même jour, le 28 juillet 2017. Enfin, les deux opérations ont fait l'objet d'un communiqué de presse unique le 5 mai 2017. Par conséquent, ces deux concentrations mises en œuvre par un acquéreur unique, poursuivent un même objectif économique, portent sur un même secteur d'activité et ont fait l'objet d'une offre ferme unique et indivisible. Elles constituent donc une concentration unique.

6. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de TGP et d'AD par le groupe InVivo, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

7. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (groupe InVivo : 6,4 milliards d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2016 ; sociétés cibles : [...] d'euros pour leur dernier exercice clos5). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (groupe InVivo : [...] d'euros pour l'exercice clos le 30 juin 2016 ; sociétés cibles : [...] d'euros pour leur dernier exercice clos6). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS DE LA PRODUCTION ET COMMERCIALISATION

1. LA PRODUCTION ET COMMERCIALISATION D'ALIMENTS POUR ANIMAUX DOMESTIQUES

8. La pratique décisionnelle de la Commission européenne a distingué le marché des aliments pour animaux domestiques des marchés des aliments pour animaux d'élevage7. Des segmentations supplémentaires ont été retenues selon l'espèce animale et selon le type d'aliment (nourriture sèche, nourriture humide, friandises)8.

9. La Commission européenne considère que ces marchés sont de dimension nationale9.

10. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération.

2. LA PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DE SEMENCES POUR LE GRAND PUBLIC

11. Les autorités de concurrence ont relevé que les différents types de semences ne sont pas substituables entre elles10.

Les types de semence suivants ont ainsi été distingués: blé dur, blé tendre, avoine, triticale, maïs, sorgho, colza, soja, tournesol, fourragères, semences pour l'interculture, gazons, pois et féveroles, orge d'hiver et orge de printemps.

12. Le secteur des semences peut également être segmenté à chaque étape de sa chaîne de valeur :

• L'obtention de la " semence de base " : il s'agit essentiellement d'une activité de recherche et développement et de sélection variétale réalisée en amont qui vise à obtenir de nouvelles variétés de semences.

• La production de la " semence commerciale " : la semence de base est ensuite multipliée pour obtenir la semence commerciale, les semences ainsi obtenues sont certifiées et conditionnées.

• La commercialisation des semences commerciales : les semences commerciales destinées à l'agriculture sont vendues à des distributeurs, généralement des coopératives agricoles ou des négoces agricoles. Les semences commerciales destinées aux particuliers (essentiellement des gazons) sont commercialisées à travers des réseaux de distribution dédiés ou généralistes.

13. La pratique décisionnelle nationale a considéré un marché global de l'obtention, de la production et de la commercialisation de semences11. Une segmentation selon les étapes du processus a également été envisagée, identifiant le marché de l'obtention de la semence d'une part et le marché de la production et commercialisation des semences d'autre part12.

14. L'Autorité considère, conformément à la pratique décisionnelle, que ces marchés sont de dimension au moins nationale13.

3. LA PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES POUR LE GRAND PUBLIC

15. La Commission européenne a considéré un marché des produits phytosanitaires à destination des particuliers. Une segmentation supplémentaire a été envisagée entre les herbicides, les insecticides et les fongicides14.

16. La Commission européenne a considéré que ce marché est de dimension nationale15. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération.

B. LES MARCHÉS DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS DE JARDINAGE, DE BRICOLAGE ET D'AMÉNAGEMENTS EXTÉRIEURS AUPRÈS DU GRAND PUBLIC

17. S'agissant de la distribution de produits de jardinage, bricolage, aménagements extérieurs et animalerie auprès du grand public, la pratique décisionnelle nationale retient un marché composé des libres-services agricoles (" LISA "), des jardineries, des grandes surfaces de bricolage (" GSB ") disposant d'espaces " jardinerie " et des grandes surfaces alimentaires (" GSA ") disposant également d'espaces " jardinerie "16.

18. La pratique décisionnelle nationale retient des marchés géographiques définis par une zone de chalandise d'un rayon de vingt minutes de trajet en voiture à partir des points de vente concernés17.

19. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de l'examen de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

20. Les activités des parties se chevauchent sur les marchés de la distribution de produits de jardinage, bricolage, aménagements extérieurs et animalerie auprès du grand public. Pour autant l'opération n'est pas de nature à produire des effets horizontaux pour les raisons suivantes.

21. InVivo est à la tête du réseau Gamm Vert et ne détient aucun fonds de commerce en propre. TGP et AD exploitent en franchise 90 fonds de commerce sous enseigne Gamm Vert18.

22. L'Autorité et le Conseil d'État ont rappelé que le pouvoir de marché d'un distributeur doit s'apprécier en tenant compte des magasins détenus en propre et de ceux exploités en réseau, quel que soit leur statut juridique, dès lors que leur politique commerciale n'est pas suffisamment autonome par rapport à la tête de réseau19.

23. L'Autorité a notamment considéré que les critères suivants permettaient d'inférer l'absence d'autonomie des membres d'un réseau: (i) le respect de la politique du franchiseur en matière de communication publicitaire et la participation à des campagnes promotionnelles, (ii) l'exclusivité d'approvisionnement auprès de fournisseurs référencés par le franchiseur pour une partie des achats, (iii) l'interdiction de modifier un point de vente sans l'autorisation du franchiseur, (iv) la possibilité, pour le franchiseur, de fixer un prix maximum, (v) l'obligation de référencement d'une partie des lignes de produits du franchiseur ou encore (vi) l'existence de clauses de préemption, de substitution et de préférence au profit du franchiseur en cas de cession d'un magasin franchisé20.

24. S'agissant des magasins sous enseignes Gamm Vert et Gamm Vert Village, les contrats de franchise, [confidentiel].

25. Compte tenu de ce qui précède, les 90 points de vente sous franchise Gamm Vert concernés par l'opération, ne disposent pas d'une autonomie commerciale suffisante avant l'opération pour que cette dernière modifie sensiblement la structure concurrentielle dans les zones de chalandise des magasins cibles.

26. Par conséquent, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

27. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

28. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu'un risque d'effet vertical peut être écarté dès lors que la part de marché de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30% 21.

29. En l'espèce, il existe un lien vertical entre la production par InVivo de certains produits (alimentation animale, produits phytosanitaires et semences) et la distribution de ces produits au grand public via les fonds de commerce détenus par TGP (au travers notamment de sa centrale d'achat Edimag) et AD.

30. Cependant, les parts de marché des parties sont inférieures à 20% sur chacun de ces produits et par conséquent, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-114 est autorisée.

Le vice-président, Emmanuel Combe

Autorité de la concurrence

NOTES :

1 [Confidentiel]

2 Préalablement à l'opération, AD s'est engagé à fermer quatre magasins situés à Authon (41), Mer (41), Selles-sur-Cher (41) et Soings-en-Sologne (41). Ces points de vente ne sont donc pas compris dans le périmètre de la présente opération.

3 Point 40 de la communication de la Commission européenne sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) n 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.

4 Paragraphes 43 et suivants de la communication consolidée de la Commission européenne.

5 Terrrena Grand Public et Edimag ont clos leur dernier exercice le 31 décembre 2016. Agralys Distribution a clos son dernier exercice le 30 juin 2016.

6 Ibid.

7Voir la décision de la Commission européenne M.2956 CVC/Pai Europé/Provimi du 28 octobre 2002 et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 15 -DCC-34 du 23 mars 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de la SICA SA Vegam et d'un fonds de commerce de jardinerie par la coopérative agricole Agrial et n° 16 -DCC-147 du 21 septembre 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Agri-Négoce par la société Axéréal Participations.

8 Voir les décisions de la Commission européenne M.554 Dalgety PLC/ The Quaker Oats Company du 13 mars 1995, M.1127 Nestle/Dalgety du 2 avril 1998, M.2337 Nestlé/Ralston Purina du 20 juillet 2001, M.2544 Masterfoods/Royal Canin 15 février 2002 et la décision M.2956 précitée.

9 Voir les décisions M.2544 et M.2956 précitées.

10 Voir les décisions de la Commission européenne M.556 Zeneca/Vanderhave du 9 avril 1996, M.1497. Novartis/Maïsadour du 30 juin 1999, M.1512. Dupont /Pioneer Hi-Bred/International du 21 juin 1999, et M.3506 Fox Paine/Advanta du 20 août 2004, et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09 -DCC-37 du 13 août 2009 relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés Euralis Semences et Sud Céréales et n° 09-DCC-38 du 4 septembre 2009 relative à la fusion des coopératives Limagrain et Domagri.

11 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.1497, M.1512 et M.3506 précitées, et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09 -DCC-37 et n° 09 -DCC-38 précitées.

12 Voir notamment la décisionde l'Autorité de la concurrence n° 10-DCC-66 du 28 juin 2010 relative à la transformation de RAGT Semences en entreprise commune contrôlée par RAGT et CAF Grains, n° 12 -DCC-19 du 13 février 2012 relative à la fusion entre les coopératives Cohésis et Axion et n° 13-DCC-11 du 1er février 2013 relative à l'apport partiel d'actifs de la coopérative Sud Céréales à la coopérative Arterris.

13 Voir les décisions n° 09-DCC-37, n° 09-DCC-38, n° 10-DCC-66, n° 12 -DCC-19 et n° 13-DCC-11 précitées.

14 Voir les décisions de la Commission européenne M.2547 Bayer/Aventis Crop Science et M.7962. Chemchina/Syngenta du 5 avril 2017.

15 Voir la décision M.7962 précitée.

16 Voir les lettres du ministre en charge de l'économie C2007-129 du 21 janvier 2008 aux conseillers juridiques de la société Terrena relative à une concentration dans le secteur de la distribution de produits pour le jardinage, le bricolage et pour l'agriculture, C2008 -29 du 4 juin 2008 aux conseils de la société coopérative Agrial et de la société coopérative Union Set, relative à une concentration dans le secteur des coopérative agricole, C2008-94 du 2 janvier 2009 aux conseils de la société Axéréal, relative à une concentration dans le secteur des céréales et des oléoprotéagineux, et les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 09-DCC-90 du 29 décembre 2009 relative à la fusion de la coopérative agricole de la Charente et de la coopérative agricole Syntéane, n° 12-DCC-49 du 10 avril 2012 relative à la fusion entre les coopératives Charente Coop et Charentes Alliance et n° 15 -DCC-34 précitée.

17 Ibid.

18 TGP exploite un magasin et AD 35 magasins sous enseigne Gamm Vert Village. TGP exploite par ailleurs 43 magasins et AD 11 magasins sous enseigne Gamm Vert.

19 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10 -DCC-01 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Mr Bricolage de la société Passerelle et la décision du Conseil d'État du 23 décembre 2010 Mr Bricolage n° 337533 et n° 338594.

20 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 635.

21 Lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, point 4537