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Décisions

ADLC, 4 août 2017, n° 17-DCC-122

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société Eurosic par la société Gecina

ADLC n° 17-DCC-122

4 août 2017

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 3 juillet 2017, relatif à la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société Eurosic par la société Gecina, formalisée par un protocole d'accord relatif au rapprochement entre Gecina et Eurosic en date du 20 juin 2017 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Gecina est une société anonyme à la tête du groupe Gecina. Ce dernier est actif dans le secteur des services immobiliers, en particulier la gestion d'actifs immobiliers, quasi-exclusivement en Île-de-France. Gecina est détenue à hauteur de 22,91 % par le groupe Invanhoé Cambridge, de 13,29 % par Crédit agricole Assurance Predica, de 9,7 % par Norges Bank ainsi que par de nombreux autres actionnaires qui détiennent chacun moins de 5 % du capital de Gecina.

Il ressort de cette répartition du capital et des statuts de Gecina que celle-ci n'est contrôlée, au sens du contrôle des concentrations, par aucun de ses actionnaires.

2. Eurosic est une société d'investissement immobilier cotée sur le marché Eurolist d'Euronext Paris. Elle détient et gère un patrimoine d'actifs immobiliers, composé principalement de bureaux situés à Paris, en région parisienne et dans les grandes métropoles régionales. Eurosic détient également des actifs dans le secteur des loisirs, des entrepôts et des logements.

3. L'opération envisagée consiste en trois phases successives, juridiquement liées, dont seules les deux premières ont une incidence sur sa qualification au titre du contrôle des concentrations.

4. Dans un premier temps, par un protocole d'accord et six contrats d'achat d'actions en date du 20 juin 2017, Gecina acquerra 77,16 % du capital et 80,71 % des droits de vote d'Eurosic.

5. Dans un deuxième temps, Gecina cèdera à Batipart l'intégralité de ses parts dans quatre filiales d'Eurosic qui ne sont pas en ligne avec sa stratégie1(ci-après les " actifs de diversification ").

Cette cession interviendra dès la réalisation définitive de la première phase de l'opération.

6. Une opération de concentration n'est réputée réalisée que si celle-ci entraîne une modification durable du contrôle de l'entreprise concernée. En l'espèce, le caractère transitoire de la prise de contrôle exclusif par Gecina des actifs de diversification est convenu entre les parties de manière juridiquement contraignante dès la première phase2. Ainsi, outre le caractère distinct des deux premières phases de l'opération qui n'impliquent pas les mêmes acquéreurs3, le contrôle exercé par Gecina sur les actifs de diversification est purement transitoire. À ce titre, les actifs de diversification doivent être exclus du périmètre de l'opération.

7. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d'actifs de la société Eurosic par la société Gecina, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce4.

8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxes sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Gecina : 540 millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2016 ; actifs d'Eurosic cédés : [...] d'euros pour le même exercice). Elles réalisent en France un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Gecina : 540 millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2016 ; actifs d'Eurosic cédés : [...] d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne relève pas de la compétence de l'Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

9. Les autorités de concurrence nationale 5 et européenne 6 ont envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur des services immobiliers selon (i) les destinataires des services, les biens étant destinés soit aux particuliers, les immeubles concernés étant alors à usage résidentiel, soit aux entreprises, les immeubles concernés étant alors à usage commercial ou professionnel, (ii) le mode de fixation des prix (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d'activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d'activités comme par exemple les entrepôts ou les hôtels) et (iv) la nature des services ou biens offerts.

10. Pour cette dernière segmentation, les services suivants ont été identifiés :

(i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ;

(ii) la gestion d'actifs immobiliers pour compte propre ;

(iii) la gestion d'actifs immobiliers pour compte de tiers (des investisseurs institutionnels, principalement des banques et des compagnies d'assurances) qui recouvre le conseil et la gestion de portefeuille immobilier (arbitrage et valorisation d'actifs), le montage des opérations d'investissement immobilier et la gestion d'actifs immobiliers et de véhicules d'investissements spécialisés (notamment les sociétés civiles immobilières) ;

(iv) l'administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ;

(v) l'expertise immobilière ;

(vi) le conseil immobilier ;

(vii) l'intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l'intermédiation dans les opérations d'achat/vente est distinguée de l'intermédiation dans les opérations de location.

11. En l'espèce, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la détention et gestion pour compte propre d'actifs immobilier s à destination des particuliers (logements, à l'exclusion des actifs résidentiels à usage social) et des entreprises (des bureaux et des commerces) .

12. S'agissant des actifs immobiliers à usage de commerce, la pratique décisionnelle7, tout en laissant la question ouverte, a envisagé une segmentation entre centres commerciaux et locaux commerciaux en pieds d'immeubles. En l'espèce, seul le segment des locaux commerciaux situés en pieds d'immeubles est concerné par l'opération.

13. Les parties à l'opération sont par ailleurs simultanément présentes sur le marché des parcs de stationnement pour lequel les autorités de concurrence ont envisagé un marché des parcs de stationnements payants, distinct des parkings gratuits, des parkings résidentiels ainsi que des parkings d'entreprises ou privés8. Elles ont également envisagé, en laissant la question ouverte, de distinguer un marché des places de parking dans les aéroports à destination des agences de location de voitures9.

14. La question de la délimitation exacte des marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.

B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

15. La pratique décisionnelle10 considère que les marchés relatifs au secteur immobilier sont de dimension locale, tout en laissant la question ouverte. L'analyse a toutefois déjà pu être menée au niveau national pour les services immobiliers à destination des entreprises lorsque les opérations étaient réalisées par des groupes d'envergure nationale suivant une stratégie d'implantation selon une logique de maillage du territoire.

16. Pour la région Île-de-France, le ministre de l'économie a relevé que " la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l'Île-de-France, desservie par un réseau global de transport ; les habitants sont toujours en mesure d'arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une convergence au niveau des prix. Dès lors le niveau régional est le plus approprié pour l'analyse concurrentielle11. "

Pour les autres régions, les autorités de concurrence ont mené leurs analyses concurrentielles au niveau régional ou infrarégional.

17. En l'espèce, les activités des parties dans le secteur des services immobiliers se chevauchent en Île-de-France ainsi que, pour la seule activité de gestion d'actifs immobiliers à usage de bureaux, au niveau de l'agglomération de Lyon.

18. La question de la délimitation géographique exacte des marchés du secteur de l'immobilier peut toutefois être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.

III. Analyse concurrentielle

19. Dans le secteur immobilier, la partie notifiante estime qu'à l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendra une part de marché inférieure à 4,5 %, quels que soient le marché concerné et la dimension géographique retenue.

20. Sur chacun des marchés concernés, de nombreux opérateurs sont présents (sociétés foncières, compagnies d'assurances, fonds d'investissements, acteurs institutionnels...).

21. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés de la détention et de la gestion d'actifs immobiliers pour compte propre.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 17-128 est autorisée

1 Eurosic Lagune dont Eurosic détient 61% du capital, Eurosic Investment Spain Socimi dont Eurosic détient 73,4 % du capital, Eurosic Management Spain dont Eurosic détient l'intégralité du capital et SNC Nature Hébergements 1 dont Eurosic détient 50 % du capital.

2 Le protocole d'accord prévoit, en effet, la cession par Gecina à Batipart des actifs de diversification, immédiatement à la suite de la première étape.

3 Décision n° 10 -DCC-130 du 7 octobre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif d'actifs du groupe Sodictock SA par la société CAF Grains, filiale du groupe Invivo.

4 Le contrôle exclusif d'Eurosic par Gecina est acquis lors de la première étape. Le caractère certain de la deuxième étape restreint le périmètre de l'opération et la troisième étape, qui consiste pour Gecina à lancer une offre publique d'acquisition obligatoire à l'occasion de laquelle les principaux actionnaires d'Eurosic lui apporteront le solde de leurs participations, de sorte que Gecina détiendra in fine 89,59 % du capital et 93,71 % des droits de vote d'Eurosic, ne modifie pas la nature du contrôle exercé sur Eurosic par Gecina.

5 Voir notamment les décisions de l'Autorité n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d'Épargne et Banque Populaire, n° 15-DCC-156 du 7 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint d'un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Prédica, n° 14-DCC-46 du 1er avril 2014 relative à la prise de contrôle conjointe d'un actif immobilier industriel en Moselle par la Norges Bank et Prologis, n° 16-DCC-65 du 9 mai 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Foncière de Paris par la société Eurosicet n° 16 -DCC-84 du 24 juin 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Foncière de Paris par la société Gecina ainsi que la décision C2008-79 / Lettre du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l'immobilier, BOCCRF N° 8 bis du 23 octobre 2008.

6 Voir les décisions de la Commission COMP/M.2110 Deutsche Bank / SEI / JV du 25 septembre 2000, IV/M.2825 Fortis AG SA / Bernheim-Comofi SA du 9 juillet 2002 COMP/M.3370 BNP Paribas/ARI du 9 mars 2004.

7 Voir les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 11-DCC-178 du 13 décembre 2011et n° 14-DCC36 du 18 mars 2014 et la lettre du ministre de l'économie C2007-52 du 22 mai 2007.

8 Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.2825 - Fortis AG SA / Bernheim-Comofi du 9 juillet 2002.

9 Voir les décisions de la Commission européenne COMP/M.7398 - Mirael / Ferrovial / NDH1 et COMP/M.4613 - Eurazeo SA / Apcoa Parking Holdings gmbh du 20 avril 2007.

10 Voir notamment les décisions n° 09-DCC-16 précitée et C2005-108 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 25 novembre 2005 aux conseils de la société Foncière des Régions relative à une concentration dans le secteur immobilier, BOCCRF n°6 bis du 21 juin 2006 ainsi que la décision de la Commission M. 2825 précitée.

11 Voir la décision C2006-151/ Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 10 janvier 2007 au conseil du groupe Société Nationale Immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle, BOCCRF n° 3 bis du 23 mars 2007.