CA Poitiers, 1re ch. civ., 12 septembre 2017, n° 16-01332
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Duo (SCI)
Défendeur :
Nationale des Eaux (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chassard
Conseillers :
M. Orsini, Mme Verrier
Procédure, prétentions et moyens des parties
Suivant devis en date du 28 février 2012, la SCI Duo a commandé à la SARL Nationale des Eaux un affineur d'eau et un SPA Urban 5. Ce devis n'incluait pas le levage du spa. Ces matériels ont été livrés et facturés les 20 novembre 2012 et 15 mai 2013. Le levage du spa a été facturé le 14 décembre suivant.
La SCI Duo, bien que mise en demeure par courrier recommandé en date du 29 juillet 2013, ne s'est pas acquittée du paiement des factures de l'affineur et de levage du spa.
Par ordonnance du 27 août 2013, le président du Tribunal de commerce de Saintes a enjoint à la SCI Duo de payer à la SARL Nationale des Eaux la somme en principal de 1 273,58 euros. La SCI Duo a formé le 16 octobre 2013 opposition à cette ordonnance, qui lui avait été signifiée le 18 septembre précédent. Par jugement du 15 janvier 2015, le Tribunal de commerce de Saintes s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Saintes.
La SARL Nationale des Eaux a maintenu devant cette juridiction sa demande en paiement. La SCI Duo a conclu au rejet de celle-ci et sollicité reconventionnellement la résolution de la vente, l'installateur ayant selon elle manqué à son obligation de délivrance conforme et de conseil, le spa n'étant accessible que par un côté et la couverture de celui-ci ne pouvant être mise en place qu'en pénétrant à l'intérieur, et usé de manœuvres dolosives.
Par jugement contradictoire du 26 février 2016, le Tribunal de grande instance de Saintes a statué en ces termes :
" Dit recevable l'opposition de la SCI Duo à l'ordonnance d'injonction de payer qui lui a été signifiée à domicile le 18 septembre 2013,
L'y déclare mal fondée,
Déboute le SCI Duo de ses demandes reconventionnelles,
Condamne la SCI Duo à payer à la SARL Nationale des Eaux la somme de mille deux cent soixante-treize euros et cinquante-huit centimes (1 273,58 euros), avec intérêts au taux légal à dater de ce jour,
Déboute le SARL Nationale des Eaux du surplus et de ses autres demandes,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,
Condamne la SCI Duo aux dépens de la présente procédure devant le tribunal de grande instance,
Dit n'y avoir lieu à la condamner au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ".
Il a retenu l'absence de preuve de manœuvres dolosives, et que la couverture du spa, changée courant mai 2013, bien que peu pratique d'emploi, ne faisait pas obstacle à l'utilisation de celui-ci.
Par déclaration reçue au greffe le 7 avril 2016, la SCI Duo a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions
Par écritures notifiées par voie électronique le 12 mai 2017, elle a demandé de :
" Vu les articles L. 211-4, L. 211-5, L. 111-1 du Code de la consommation,
Vu les articles 1110, 1116, 1604, 1615, 1134, 1135, 1147 et 1184 du Code civil,
Déclarer recevable et bien fondé l'appel de la SCI Duo ;
Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Saintes, en date du 26 février 2016 ;
Statuant à nouveau :
Prononcer la résolution de la vente ;
Condamner la SARL Nationale des Eaux à restituer à la SCI Duo l'intégralité du prix déjà payé ;
Condamner la SARL Nationale des Eaux à procéder à ses frais à l'enlèvement du spa en cause, dans le mois de la décision à intervenir, et sous astreinte de 100 euro par jour de retard ;
Condamner la SARL Nationale des Eaux à payer à la SCI Duo la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice de jouissance subi ;
Condamner la SARL Nationale des Eaux à payer la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la SARL Nationale des Eaux aux entiers dépens en ce compris le coût des procès- verbaux de constat dressé le 11 avril 2014 et 7 avril 2016 dont distraction au profit de Maître François M., Avocat inscrit au Barreau de Saintes ".
Elle a soutenu que la société Nationale des Eaux avait manqué d'une part à son obligation de délivrance conforme (articles L. 211-4 et L. 211-5 du Code de la consommation, article 1604 du Code civil), la bâche du spa difficile à manipuler n'en permettant l'utilisation, d'autre part à son devoir de conseil (article L. 111-1 du Code de la consommation) en ne l'informant pas des caractéristiques du matériel, des contraintes liées à son utilisation, et en ne proposant pas un matériel adapté à l'emplacement qui lui était réservé. Ce manquement, dolosif, avait à tout le moins provoqué son erreur. Elle s'est prévalue d'un préjudice de jouissance.
Par écritures notifiées par voie électronique le 22 août 2016, la société Nationale des Eaux a demandé de :
" Déclarer recevable l'appel formé par la SCI Duo à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Saintes le 26 février 2016
Vu les dispositions de l'article 1134 du Code Civil.
Vu les éléments du dossier.
En conséquence, et statuant à nouveau,
Condamner la SCI Duo à verser à la SARL Nationale des Eaux la somme en principal de 1 273,58 euro outre intérêts au taux légal à compter du 29 Juillet 2013.
Débouter la SCI Duo de ses demandes reconventionnelles.
Condamner la SCI Duo à verser à la SARL Nationale des Eaux la somme de 4 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris, ceux relatifs à la procédure initiale en injonction de payer suivie devant le Tribunal de Commerce de Saintes ".
Elle a rappelé que les difficultés évoquées tenaient à l'exiguïté des lieux, n'étaient pas exceptionnelles et ne faisaient pas obstacle à l'utilisation du spa. Elle a observé que la SCI Duo avait tardé à en faire état.
L'ordonnance de clôture est du 16 mai 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A - Manquements de la société Nationale des Eaux
1 - Manquement au devoir de conseil
L'article L. 111-1 du Code de la consommation dans sa version applicable au litige dispose que :
" I. - Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
II. - Le fabricant ou l'importateur de biens meubles doit informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces indispensables à l'utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est obligatoirement délivrée au consommateur par le vendeur, avant la conclusion du contrat.
III. - En cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations ".
La SCI Duo soutient que lui aurait été conseillé par l'intimée un spa inadapté à l'emplacement où il devait être installé, et n'avoir pu constater cette inadaptation qu'une fois le matériel installé.
Il résulte du procès-verbal de constat en date du 7 avril 2016 dressé par Maître Frédéric N., huissier de justice associé à Royan, que la terrasse sur laquelle le spa a été installé était de 2,40 mètres de largeur. La distance entre le mur droit de celle-ci et le spa a été mesurée de 13 cm, et de 4 cm à gauche. Le devis en date du 28 février 2012 accepté le 11 avril suivant décrivait un spa de " dimensions 2,30 x 2,05 x 0,84m ". Il résultait des termes mêmes de ce devis que le spa occuperait l'intégralité de la largeur du renfoncement de la terrasse où il serait installé, que l'espace entre le spa et les murs serait réduit (35 cm au plus) et qu'il serait dès lors inévitable de l'enjamber pour rejoindre l'autre côté.
Il ne peut pour ces motifs être retenu un manquement de l'intimée à son obligation de conseil.
2 - manquement à l'obligation de délivrance
L'article 1604 du Code civil dispose que " la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ".
L'article L. 211-4 ancien du Code de la consommation dispose que " le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance " et qu'il " répond également des défauts de conformité résultant de l'emballage, des instructions de montage ou de l'installation lorsque celle-ci a été mise à sa charge par le contrat ou a été réalisée sous sa responsabilité ". L'article L. 211-5 ancien précise que " pour être conforme au contrat, le bien doit :
1° Etre propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- présenter les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou présenter les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté ".
Il n'a pas été soutenu que le spa dysfonctionne, ou ne peut être utilisé. Seul est incriminé l'usage malcommode de la bâche de protection, lequel ne rend pas le spa et sa protection non conformes.
3 - dol
L'article 1116 ancien du Code civil applicable au cas d'espèce dispose que " le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ", qu'il " ne se présume pas et doit être prouvé ". A ces manœuvres sont assimilés le mensonge et la réticence.
La SCI Duo ne rapporte pas la preuve de manœuvres frauduleuses de la société Nationale des Eaux, destinées à tromper son consentement.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé.
B - Créance de la société Nationale des Eaux
Sont demeurées impayées les factures n° 2012-166 afférente au levage du spa, en date du 14 décembre 2012 et d'un montant de 276,28 euros, et n° 2013-064 en date du 15 mai 2013 afférente à la livraison et l'installation de l'affineur, d'un montant de 997,30 euros. La réalité des prestations décrites à ces factures n'ayant pas été contestée, reste due la somme de 1 273,58 euros (montant toutes taxes comprises) retenue par le premier juge.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé.
C - Sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Le premier juge a équitablement apprécié qu'aucune indemnité n'était due sur ce fondement.
Il serait toutefois inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
D - Sur les dépens
La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.
PAR CES MOTIFS, confirme le jugement du 26 février 2016 du Tribunal de grande instance de Saintes ; condamne la SCI Duo à payer à la société Nationale des Eaux la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne la SCI Duo aux dépens d'appel.