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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 15 septembre 2017, n° 15-06723

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sidiese (SARL)

Défendeur :

Colas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mmes Lefièvre, Lauer

TGI Nanterre, du 2 Juill. 2015

2 juillet 2015

FAITS ET PROCÉDURE

La société Sidiese est une agence de communication spécialisée en conseil, conception et mise en œuvre de stratégies de communication à partir d'une analyse des tendances de la société.

La société Colas exerce une activité spécialisée dans la construction et l'entretien de routes ainsi que de toute autre forme d'infrastructures de transport (aérien, ferroviaire, maritime), d'aménagements urbains et de loisirs, à travers deux pôles d'activités, la route, et des spécialités telles que l'étanchéité et la signalisation routière.

Au cours de l'été 2012, la société Colas a organisé une consultation d'agences pour une campagne internationale de prévention pour la sécurité à partir de 2013 et consulté à cet effet, en juillet 2012, deux agences dont la société Sidiese. Une réunion s'est tenue le 19 juillet 2012 pour définir le 'brief' de campagne souhaité par l'annonceur. Le 5 septembre suivant, la société Sidiese a présenté à la société Colas sa proposition, dont l'un des axes préconisait l'adoption d'une communication basée sur le geste de la main 'OK' en ces termes :

'Un accident, pas d'accident, cela tient à quoi ' ... souvent à un petit rien. Une simple précaution, une présence d'esprit, un regard en plus ou en moins, ... un geste',

'Pour que cette simple précaution, cette présence d'esprit gagne un cran dans le quotidien, dans les situations concrètes, il faudrait un " mot international ", ou, plus simple qu'un mot, quelque chose qui rappelle en quelques seconde la précaution, la présence d'esprit ... un geste'

'Et si on apportait aux équipes plus qu'une campagne de communication ' Et si on leur apportait un outil pour communiquer entre eux, chaque fois que le danger rôde ... un geste'

'Pendant la guerre, les pilotes anglais avaient un code pour se dire que tout s'était bien passé, que leur mission s'était déroulée sans pertes, qu'ils revenaient sains et saufs ... un geste O K O Killed'

'Et si on reliait ce geste positif de 'OK' à votre objectif de sécurité ... le geste 'Objectif ZERO ACCIDENT'.

Cette note de recommandation intégrait notamment deux portraits d'ouvriers réalisant, en situation sur un chantier, le signe 'OK' de la main, ainsi qu'une représentation stylisée de ce geste en dessous duquel était inscrit le message de prévention pour la sécurité 'Objectif zéro accident'.

Le rendez-vous programmé pour l'examen de la proposition de la société Sidiese, fixé au 27 septembre 2012, a été annulé par la société Colas deux jours auparavant au motif d'un comportement inadmissible d'un salarié de la société Sidiese rompant tout climat relationnel de confiance. Le 2 novembre 2012, la société Colas a confirmé par écrit la fin de toute perspective de collaboration.

A l'issue d'une seconde consultation, lancée début octobre 2012 auprès de deux agences, la société Colas a retenu la proposition présentée le 25 octobre 2012 par l'agence Nouvelle Cour organisée autour du concept de 'Safety attitude' en y associant notamment le geste 'OK' de la main. En janvier 2013, la société Colas lançait ainsi sa campagne de sécurité mondiale.

Par acte du 21 juin 2013, la société Sidiese a fait constater par huissier de justice la diffusion, sur le site internet www.colas.com,d'un dossier de presse selon lequel la grande campagne de sécurité lancée en janvier 2013 et déployée durant toute l'année sur l'ensemble des implantations du groupe Colas dans le monde est fondée sur un mot d'ordre 'Safety attitude' et un geste 'o Killed', et d'un communiqué de presse intitulé 'Global safety week', lequel précise que cette campagne de sécurité, déclinée sur des supports variés tels que des affiches, newletters, vidéos, etc ..., a pour objectif de redonner un nouvel élan à sa politique de prévention en sensibilisant à la 'safety attitude' les 63 000 collaborateurs du groupe Colas. Ces communiqués et dossier de presse reproduisent un logo représentant sur fond jaune en forme de losange une main stylisée de couleur blanche effectuant le signe 'OK', surmontant la mention 'safety attitude'.

Une vidéo diffusée sur ce site, également accessible sur le site Youtube, reproduit des images d'ouvriers sur un chantier effectuant la gestuelle 'OK'sous le slogan 'safety attitude, la démarche sécurité du groupe'.

La société Sidiese, après avoir vainement mis en demeure la société Colas aux fins de cessation d'utilisation des créations publicitaires intégrant la gestuelle 'OK' par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 juin 2013, l'a assignée devant le Tribunal de grande instance de Nanterre par acte du 13 novembre 2013.

Par le jugement dont appel, elle a été déboutée de ses demandes.

SUR CE, LA COUR

Sur la titularité des droits

Considérant que la SA Colas a formé appel incident à l'encontre des dispositions du jugement ayant reconnu que la SARL Sidiese était titulaire de droits sur les visuels communiqués lors de la note de recommandation du 5 septembre 2012 ; qu'elle fait valoir que si l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée, seule la personne physique bénéficie toutefois de cette présomption à l'exclusion des personnes morales ; que si la jurisprudence reconnaît que l'exploitation non équivoque d'une œuvre par une personne physique ou morale, sous son nom et en l'absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l'égard du tiers recherché pour contrefaçon que cette personne est titulaire des droits d'auteur, cette présomption n'opère néanmoins qu'un déplacement de l'objet de la preuve et non pas une dispense de preuve ; qu'ainsi, la présomption n'est acquise qu'à condition que le demandeur en contrefaçon justifie d'une exploitation non équivoque ; qu'il convient donc de rapporter la preuve d'actes d'exploitation, d'identifier précisément l'œuvre revendiquée et de justifier de la date de début de la commercialisation ; que si ces actes d'exploitation sont équivoques, la personne qui les revendique doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie de droits patrimoniaux de l'auteur ; que l'exploitation ne peut donc être symbolique et doit procéder d'un usage commercial effectif ; que cette preuve est également nécessaire pour que soit constatée l'absence de revendication par un ou les auteurs de l'œuvre ; qu'en l'espèce, la SARL Sidiese, qui ne bénéficie pas de la présomption légale, ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la présomption prétorienne en l'absence d'exploitation non équivoque de l'œuvre revendiquée ; qu'en effet, soumettre une note de recommandation à son entête à un client potentiel est insuffisant ; que l'envoi d'une note de recommandation pour un projet de campagne implique un échange confidentiel pour préserver la nouveauté ou la singularité du projet destiné à l'annonceur ; que la seule présentation d'un projet à un client potentiel n'assure aucunement que ce projet sera retenu et exploité par le client ; que la participation à une consultation est une prise de risque assumée par l'agence y participant ;

Considérant que la SARL Sidiese fait siens les motifs du tribunal sur ce point ; qu'elle souligne que la campagne qu'elle a développée a été adressée à la SA Colas ; que cette transmission caractérise un acte de divulgation au sens de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle ; qu'aucune revendication n'a d'ailleurs été soulevée par des tiers ;

Mais considérant que, par d'exacts motifs que la cour fait siens, le tribunal a justement retenu que la présentation à un client potentiel de la note de recommandation à l'en-tête de l'agence Sidiese constituait une exploitation commerciale non équivoque, sous le nom de la requérante, des trois visuels contenus dans la note de présentation ; qu'il suffit d'ajouter qu'aucun autre acte d'exploitation n'était possible dès lors que cette note de présentation n'était destinée qu'à la SA Colas qui l'avait consultée dans le cadre d'un concours d'agences ; qu'il convient surtout de rappeler que la finalité de la présomption de titularité des droits est de lutter contre la contrefaçon ; qu'or, comme le rappelle justement la SARL Sidiese, aucune réclamation n'a été soulevée par des tiers ; que le présent litige n'oppose pas deux auteurs concurrents ; qu'en effet, la SA Colas n'émet aucune prétention à ce titre ; que, pour bénéficier de cette présomption, celui qui la revendique doit justifier d'actes d'exploitation crédibles au regard de la présomption ; que tel est bien le cas de la note présentant notamment les visuels en litige, dont elle constitue la divulgation, et qui a été transmise à la SA Colas le 5 septembre 2012 ; qu'au surplus, admettre le raisonnement de la SA Colas reviendrait à exclure du bénéfice de la protection au titre du droit d'auteur tout projet qui, bien que divulgué, n'a pas fait l'objet d'une commercialisation effective alors que l'œuvre de l'esprit n'en existe pas moins et, comme telle, mérite protection ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

Sur la protection par le droit d'auteur

Considérant que la SARL Sidiese sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il n'a pas reconnu comme protégeables au titre du droit d'auteur les deux photographies contenues dans la note de présentation ; qu'elle fait valoir que sont protégeables les œuvres dès lors que l'idée qu'elles expriment est déclinée avec une précision suffisante pour se concrétiser dans une forme originale perceptible aux sens ; qu'elle rappelle que les trois visuels représentaient une prise de vue rapprochée d'un ouvrier portant un casque, réalisant le signe OK de la main avec, en arrière-plan sur la gauche, le paysage d'un chantier afin de symboliser l'objectif de vigilance (i.e zéro accident) des professionnels, une représentation stylisée du geste de la main " OK " qui surmonte un cadre dans lequel est inséré un message de prévention, à la manière d'un logo de signalétique destiné à rappeler à chacun les règles de bonne conduite en matière sécuritaire ; qu'ainsi, elle a illustré le concept selon lequel la survenance d'accidents sur les chantiers ne tient parfois qu'à un manque de précaution élémentaire, un simple geste ; qu'elle reproche au tribunal d'avoir considéré que les éléments revendiqués n'étaient pas suffisants à caractériser l'originalité de l'œuvre revendiquée ; qu'il importe peu en effet selon elle que l'idée, à savoir la sécurité sur un chantier, soit originale ou non ; que ce qui compte, c'est que le visuel fige avec une précision suffisante l'idée qu'elle exprime (en l'espèce la sécurité sur le chantier) dans une forme perceptible aux sens (en l'espèce, la vue) ; que l'originalité est caractérisée par la représentation qui est faite de l'ouvrier, en situation sur un chantier, l'ouvrier étant représenté en premier plan et le chantier en arrière-plan sur le centre et la gauche des visuels, l'ouvrier lui-même faisant le signe " OK " ; que l'originalité est constituée par la combinaison de ces éléments et leur agencement particulier ; que c'est d'ailleurs bien en raison de leur originalité que ces visuels avaient été retenus par la SA Colas aux termes de la compétition d'agence organisée ;

Considérant que la SA Colas réplique que la SARL Sidiese opère une confusion entre les conditions de réalisation d'une œuvre et celle de sa protection ; qu'il ne suffit toutefois pas que l'idée s'incarne dans une forme perceptible aux sens ; qu'encore convient-il que cette forme présente un caractère original, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que la notion d'originalité ne se confond pas avec celle de nouveauté ; que l'appréciation de la protection d'une œuvre par le droit d'auteur doit nécessairement porter sur l'existence de choix arbitraires dans la conception et la réalisation de l'œuvre, portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur de l'œuvre ; qu'or la SARL Sidiese ne parvient pas à caractériser l'originalité des trois visuels dont elle revendique la protection par le droit d'auteur ; qu'elle réplique qu'en aucun cas, elle n'a reconnu cette originalité ; qu'en effet, elle n'a choisi aucune des deux agences sollicitées lors de la première consultation ; que le geste de la main " OK " constitue un signe universel, connu de très longue date pour indiquer que tout va bien dans une situation où il y a un risque de sécurité ; que ce signe fait donc partie d'un fonds universel, d'un domaine public de la signalétique sur lequel un droit d'auteur ne saurait être revendiqué ; que les clichés de travailleurs sur des chantiers illustrent une idée banale ; que de telles représentations sont fréquentes et proposées par plusieurs banques d'images ; que les plans rapprochés ne traduisent aucune originalité particulière ;

Considérant que l'article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous ; que l'article L. 112-2 ajoute que sont protégeables les droits d'auteur sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ; qu'il appartient à celui qui prétend bénéficier de la protection du droit d'auteur de rapporter l'existence d'un apport original ;

Considérant qu'aux termes de justes motifs qui sont adoptés par la cour, le tribunal a exactement retenu que le portrait d'ouvrier sur un chantier photographié en gros plan et réalisant la gestuelle " OK " de la main était un signe universel, notamment en matière de sécurité ; qu'en effet, les nombreuses pièces produites par la SA Colas démontrent que ce signe est répandu ; qu'en outre, il est également exact que les plans rapprochés sont d'usage courant dans le domaine publicitaire et que la représentation de chantiers et d'ouvriers au titre d'une campagne de prévention de la sécurité est banale ; que cette banalité est également prouvée par les pièces produites par la SA Colas ; qu'il suffit d'ajouter que le choix du sujet, à savoir un ouvrier sur un chantier, s'imposait de lui-même compte tenu de la nature de l'activité du client alors que la SARL Sidiese se borne à affirmer, sans le démontrer, que l'originalité est constituée par la combinaison de ces éléments et leur agencement particulier ; qu'il n'est en effet nullement démontré, ni même expliqué, en quoi cette combinaison d'éléments, en soi banals, porterait l'empreinte de la personnalité d'un auteur ;

Considérant qu'il en est de même de la photographie représentant le portrait d'un ouvrier photographié en gros plan et réalisant la gestuelle " OK " de la main, auquel est associée la mention " objectif zéro accident " ; que la recherche sur le moteur " Google " renvoie à de multiples occurrences, ce qui démontre que cette expression est d'usage courant dans le domaine de la sécurité ; que le premier juge a également relevé de manière pertinente que la SARL Sidiese ne contestait pas que les employés du groupe Colas qu'elle a consultés au titre de l'élaboration de sa recommandation, lui auraient notamment mentionné l'expression " zéro accident " de sorte qu'elle est mal venue à revendiquer une quelconque paternité sur celle-ci alors que, de plus, elle ne démontre nullement l'originalité de l'association " objectif zéro accident ", évoqué par la SA Colas elle-même lors des réunions préalables, à la gestuelle de la main " OK " ;

Considérant que c'est donc à juste titre que le tribunal a considéré que les éléments revendiqués par la SARL Sidiese même en considérant leur agencement n'étaient pas suffisants à caractériser l'originalité de l'œuvre revendiquée ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point ;

Considérant que la SA Colas sollicite par ailleurs l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu l'originalité du visuel " arbre magique " ; qu'elle fait valoir à juste titre que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, pour reconnaître l'originalité de ce visuel, il ne lui appartient pas à elle de rapporter la preuve du caractère courant de ce visuel mais à la SARL Sidiese, demandeur à la protection au titre du droit d'auteur, de rapporter la preuve de son originalité ;

Considérant qu'il s'agit cette fois d'une représentation stylisée du geste de la main " OK " qui surmonte un cadre dans lequel est inséré un message de prévention " objectif zéro accident ", à la manière d'un logo de signalétique destiné à rappeler à chacun les règles de bonne conduite en matière sécuritaire ; que la SARL Sidiese nomme ce visuel " arbre magique " ; qu'elle prétend que l'originalité est constituée par la combinaison de ce signe avec le slogan " objectif zéro accident " ; que la SA Colas réplique qu'il s'agit d'un produit dérivé proposé par la SARL Sidiese pour être suspendu à un rétroviseur de voiture qui a une forme banale, répandue pour ce type de gadgets ; que la représentation stylisée du signe de la main ne témoigne pas d'une activité créative exprimant la personnalité de l'auteur et est courante pour l'utilisation de produits dérivés ;

Considérant que la SARL Sidiese ne démontre pas en quoi ce visuel, ni sur le graphisme ni sur l'association des deux éléments de la main et de l'expression " objectif zéro accident ", porterait l'empreinte de la personnalité d'un auteur ; qu'en outre, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la SA Colas justifie que l'idée de l'illustration d'une main dans un cadre signalétique pour indiquer un danger est répandue (sa pièce n°4) ;

Considérant ainsi qu'aucun des visuels en litige n'étant protégeable au titre du droit d'auteur, la SARL Sidiese sera déboutée de ses demandes relatives à la contrefaçon de droits d'auteur ; que le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions correspondantes ;

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire

Considérant qu'à l'appui de cette demande, la SARL Sidiese fait valoir qu'il ne fait pas de doute que ses créations, consistant à mettre en image la gestuelle de la main " OK " n'étaient pas nécessaires en soi pour communiquer sur un objectif de sécurité ; qu'au contraire, elles présentaient une spécificité et une valeur économique indéniable comme cela résulte de l'absence de critiques de la SA Colas, du fait qu'elle avait emporté son choix sur l'agence concurrente, du choix définitif de la SA Colas d'axer sa campagne de prévention sur le geste de la main " OK " et de l'aveu même de celle-ci par lequel une campagne basée sur le geste " 0 killed " permet de donner un nouvel élan à sa politique de prévention ; qu'il s'en déduit que son travail représentait bien une valeur économique comme l'a retenu le tribunal ; que si le premier juge l'a néanmoins déboutée de cette demande, la SA Colas a bien choisi également d'illustrer sa campagne de sécurité sur les résultats ainsi que le montre sa propre utilisation du signe " OK " alors que de plus, elle s'est contentée de " retravailler " les visuels de la SARL Sidiese ; que si la SA Colas avait voulu développer une campagne différente de celle que la SARL Sidiese a imaginée, elle aurait produit les instructions transmises à cet égard à sa nouvelle agence de communication, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'elle invoque par ailleurs des agissements déloyaux distincts en ce que après avoir retenu son travail, la SA Colas a mis fin à la collaboration sans justification rationnelle pour finalement imiter sa campagne ; que ce sont ces manœuvres, contraires aux bonnes pratiques en vigueur, qui justifient sa demande au titre de la concurrence déloyale, le fait que la campagne de la SA Colas soit identique à la sienne ne faisant qu'aggraver la faute ;

Considérant que la SA Colas conteste tout acte de parasitisme à l'encontre de la SARL Sidiese ; qu'elle fait valoir que si la SARL Sidiese a incontestablement effectué un travail, il ne constitue pas cependant une valeur économique particulière puisque le signe de la main est largement exploité aux mêmes fins par d'autres et ailleurs ; qu'en particulier la substance de son travail contient beaucoup d'éléments qui ne lui sont pas propres ; qu'en effet le signe " 0 killed " associé au message de sécurité est inappropriable et universellement reconnu dans la dialectique sécurité/protection ; que le recours à ce signe ainsi qu'à l'expression " zéro accident " figure dans plusieurs campagnes de publicité et notamment dans la vidéo de Colas North America ; que cet objectif est rappelé dans le volumineux brief remis le 5 octobre 2012 aux deux nouvelles agences en concours ; qu'elle observe en outre que la SARL Sidiese est incapable de définir de manière positive ce qui fait la valeur économique de son travail alors qu'elle-même n'a pas imité les créations publicitaires de la SARL Sidiese ; qu'au contraire, la SA Colas promeut une démarche sécurité et non un objectif, ceci au moyen de visuels différents ; qu'en outre, elle n'a pas communiqué d'instruction à l'agence finalement choisie, le brief étant identique à celui remis en juillet 2012 aux premiers candidats ; que ceci démontre qu'elle n'a nullement demandé aux nouveaux candidats de reprendre la campagne Sidiese ; qu'en d'autres termes, le travail de la SARL Sidiese ne présente pas une spécificité intellectuelle et économique particulière induisant que tout autre interprétation de ce signe " 0 killed " serait nécessairement un détournement de son travail ; que, par ailleurs, contrairement à ce qu'elle prétend, la SARL Sidiese n'a nuls agissements déloyaux distincts à faire valoir à l'encontre de la SA Colas ; qu'en effet, la SARL Sidiese s'est elle-même disqualifiée du concours d'agences ; que les bonnes pratiques invoquées par la SARL Sidiese n'ont nullement été méconnues ;

Considérant que le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir-faire en s'appropriant une valeur économique individualisée procurant un avantage concurrentiel, fruit d'une recherche et d'un travail de conception spécifique ; qu'il est sanctionné sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil dans sa rédaction applicable au présent litige ; qu'il incombe donc à celui qui s'en prévaut de démontrer l'existence d'une faute ;

Considérant que la cour rappelle en préambule que ce sont ces actes de parasitisme qui peuvent fonder une action en concurrence déloyale ; que les faits distincts invoqués par la SARL Sidiese n'ont toutefois rien à voir puisqu'il est en fait reproché à la SA Colas d'avoir mis fin à la collaboration sans justification rationnelle ; qu'en tout état de cause, la cour observe que les raisons invoquées par la SA Colas pour avoir mis fin à la collaboration ne sont pas contestées ;

Considérant que s'agissant des faits de parasitisme et de concurrence déloyale à proprement parler, le tribunal, par motifs adoptés, a retenu que la SARL Sidiese arguait des mêmes faits sur un double fondement, l'un pour parasitisme, l'autre pour un comportement déloyal prétendument distinct ; que dans les deux cas, il était reproché à la SA Colas de s'être approprié le travail de la SA Colas, ce qui relèverait du parasitisme ;

Considérant néanmoins qu'il n'est pas établi que la SA Colas se soit immiscé dans le sillage de la SARL Sidiese pour s'approprier la valeur économique de ses visuels ; qu'en effet, il a été démontré ci-dessus que la communication proposée par la SARL Sidiese reposait sur des items universels provenant du fonds commun de la communication sécuritaire ; qu'en outre, la campagne choisie par la SA Colas en 2013 est d'un esprit totalement différent de celle proposée par la SARL Sidiese ; que son accroche est constituée par la légende " Safety attitude, la démarche de sécurité du groupe " ; qu'elle s'appuie ainsi sur un état d'esprit ; que celle de la SARL Sidiese repose quant à elle sur un objectif à atteindre, l'objectif " zéro accident " ; que les faits de parasitisme ne sont donc nullement établis ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Sidiese de ses demandes sur ce fondement ;

Sur la demande reconventionnelle de la SA Colas

Considérant que la SA Colas fait valoir que, confrontée à une proposition qui ne lui convenait pas et à une autre qui s'est trouvée sabordée par son promoteur, elle a dû reprendre une procédure de consultation dans l'urgence ; qu'elle invoque un préjudice moral résultant du fait d'avoir déjà été publiquement dénigrée par un salarié de la SARL Sidiese ; qu'en outre, elle voit à nouveau son image et sa réputation attaquées par la présente action en justice ; que la SARL Sidiese détourne son propre manquement professionnel qui a contraint la SA Colas à refaire une seconde consultation pour présenter celle-ci comme une manœuvre déloyale ; qu'elle invoque également un préjudice matériel ; qu'ainsi pour éviter le dérapage du planning à la suite de la première consultation infructueuse, elle a dû exposer des frais afin de tenir un calendrier très serré puisque le lancement de la campagne restait maintenu pour janvier 2013 ; qu'il a fallu, au bas mot, 35 heures de temps de la responsable de la direction communication ainsi que d'une collaboratrice sans compter le suivi de l'approbation en interne de la campagne proposée et sa validation par le Président ; la communication et de 225 euros pour sa collaboratrice, le montant atteint 35 X 550 euros, soit 19 250 euros ; qu'à ce préjudice économique, il convient d'ajouter le préjudice d'atteinte à l'image évalué à 20 000 euros, de sorte que son préjudice sera évalué à un montant arrondi de 40 000 euros ;

Considérant que la SARL Sidiese réplique qu'il est parfaitement fantaisiste d'affirmer que l'introduction du présent litige cause un préjudice moral sérieux à la SA Colas ; que la SARL Sidiese s'est contentée de saisir la justice pour faire valoir ses droits sans communiquer d'une quelconque manière autour ; que, s'agissant du préjudice matériel, elle lui oppose qu'elle est elle-même à l'origine de l'éviction de la SARL Sidiese et donc du préjudice allégué qu'elle ne saurait donc lui imputer ;

Considérant que chacun, et en particulier la SARL Sidiese, pouvant se méprendre sur l'étendue de ses droits, la SA Colas ne démontre aucun abus de son droit d'agir en justice qu'aurait commis la SARL Sidiese ; qu'en outre, par motifs adoptés, le tribunal a justement retenu que l'atteinte à l'image invoquée par la SA Colas n'était nullement établie ; qu'en outre, afin de justifier les faits de dénigrement, la SA Colas produit une lettre du 2 novembre 2012 par laquelle elle a mis un terme à la collaboration suite à la déconvenue qu'elle aurait subie du fait du comportement inadmissible d'un collaborateur de la SARL Sidiese, sans plus d'explications ; que la cour n'est ainsi en mesure d'apprécier ni si les fait reprochés à la SARL Sidiese sont fautifs, ni leur gravité ; qu'il s'ensuit que la SA Colas ne rapporte pas la preuve d'une faute de la SARL Sidiese de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la SA Colas de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

Sur les demandes accessoires

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que sur les dépens ; qu'en cause d'appel, chaque partie succombe en ses demandes et conservera donc la charge de ses propres dépens d'appel ; qu'aucune considération d'équité ne justifie par conséquent de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, statuant contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe de la cour, confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 juillet 2015 par le Tribunal de grande instance de Nanterre, et, y ajoutant, déboute la SARL Sidiese et la SA Colas de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.