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Décisions

Cass. com., 27 septembre 2017, n° 16-14.309

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

DSF (SARL), Vigreux (ès qual.), Enjalbert (ès qual.)

Défendeur :

Huron-Graffenstaden (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Boullez, Me Haas

Toulouse, 3e ch., du 3 févr. 2016

3 février 2016

LA COUR : - Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 3 février 2016), que la société Huron-Fraffenstaden (la société Huron), fabricant de machines-outils, a noué une relation commerciale avec la société DSF, qui exerce l'activité de grossiste dans le secteur de la machine-outil ; qu'après l'avoir mise en demeure et lui avoir délivré une sommation de payer, la société Huron a fait part à la société DSF de sa volonté de mettre un terme à leur relation commerciale en raison des fautes qu'elle lui imputait, tandis que, par retour de courrier, la société DSF a fait valoir sa bonne foi et le caractère injustifié de cette résiliation unilatérale ; que la société Huron a assigné la société DSF devant le Tribunal de commerce de Montauban afin qu'elle soit condamnée à lui payer le montant des factures demeurées impayées ; qu'à titre reconventionnel, la société DSF a formé une demande de dommages-intérêts ;

Attendu que la société DSF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Huron la somme de 170 704,12 euros représentant le prix de vente des machines-outils et de rejeter sa demande reconventionnelle alors, selon le moyen : 1°) qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'il ressort des termes mêmes du jugement entrepris que la société DSF avait présenté une demande reconventionnelle devant le Tribunal de commerce de Montauban afin que la société Huron soit condamnée au paiement de dommages-intérêts d'un montant de 150 000 euros pour rupture des relations commerciales établies, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce qui avait été invoqué ; qu'en affirmant que la société DSF n'avait pas invoqué les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce devant les premiers juges et n'avait pas plus fait valoir l'existence d'une brusque rupture des relations commerciales sans respect d'un préavis, la cour d'appel a dénaturé les termes du jugement entrepris, en violation du principe précité et de l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'il résulte des conclusions établies par la société DSF devant le Tribunal de commerce de Montauban qu'elle a soutenu que la société Huron avait méconnu les exigences de l'article L. 442-6 du Code de commerce, en procédant à la résiliation unilatérale de leurs relations d'affaires sans que cette rupture soit justifiée par un cas de force majeure ou par l'inexécution par l'autre partie de ses obligations contractuelles ; qu'en décidant que la société DSF n'avait pas invoqué les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce devant les premiers juges et n'avait pas plus fait valoir l'existence d'une brusque rupture des relations commerciales sans respect d'un préavis, la cour d'appel a dénaturé les termes du jugement entrepris, en violation du principe précité et de l'article 4 du Code de procédure civile ; 3°) qu'il résulte de l'article D. 442-3 du Code de commerce que seules les juridictions commerciales énumérées à l'annexe 4-2-1 du même Code, sont investies du pouvoir juridictionnel de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, même dans le silence du demandeur qui s'abstient d'en citer les termes au soutien de ses prétentions ; qu'en affirmant, pour approuver le Tribunal de commerce de Montauban d'avoir statué, que la société DSF n'avait pas cité expressément l'article L. 442-6 du Code de commerce, au soutien de la demande indemnitaire qu'elle avait présentée pour rupture brutale des relations d'affaires établies, la cour d'appel a violé l'article 125 du Code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce ; 4°) qu'il résulte de l'article D. 442-3 du Code de commerce que seules les juridictions commerciales énumérées à l'annexe 4-2-1 du même Code, sont investies du pouvoir juridictionnel de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; qu'il s'ensuit que le pouvoir juridictionnel exclusif dévolu aux juridictions spécialisées s'impose à l'ensemble du litige, lorsque les règles relatives aux pratiques restrictives de concurrence sont invoquées par le défendeur à l'instance, au soutien d'une demande reconventionnelle, sans qu'il soit au pouvoir de la juridiction saisie d'en vérifier l'application ; qu'en affirmant, pour exercer son pouvoir juridictionnel, que " la rupture des relations entre les parties est motivée par l'inexécution de ses obligations contractuelles par l'appelante, et notamment le règlement des sommes dues à l'intimée ", de sorte que les conditions d'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce n'étaient pas réunies, quand la détermination du tribunal compétent n'est pas subordonnée à l'examen du bien-fondé de la demande présentée sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5e du Code de commerce, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation de l'article 125 du Code de procédure civile, ensemble les articles L. 442-6 et D. 442-3 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que dans ses conclusions tant en cause d'appel qu'en première instance, la société DSF indiquait avoir saisi le Tribunal de commerce de Montauban d'une demande " de dommages-intérêts à titre provisionnel ", en raison des différents manquements qu'elle reprochait à la société Huron, tenant aux conditions dans lesquelles le matériel lui était livré, et qui la conduisaient à réclamer, outre la résiliation du contrat, le paiement de la somme de 150 000 euros ; que le moyen, qui postule en ses trois premières branches que cette demande correspondait à l'indemnisation du caractère brutal de la rupture d'une relation commerciale établie, est incompatible avec la position adoptée devant les juges du fond et, dès lors, irrecevable ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt, par motifs propres et adoptés, condamne la société DSF à payer à la société Huron la somme représentant le prix des machines-outils qu'elle lui a vendues et rejette sa demande de dommages-intérêts, après avoir relevé que les livraisons ont été effectuées, que le quantum des facturations n'est pas contesté, et que la réalité des manquements contractuels reprochés à la société Huron dans différents dossiers n'est pas démontrée, pas plus que le préjudice qui en serait résulté ; qu'il suit de là que la cour d'appel ne s'est pas déterminée en considération des motifs critiqués par la quatrième branche du moyen, qui sont dès lors surabondants ; d'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, est inopérant pour le surplus ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.