Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 27 septembre 2017, n° 16-04829

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prestations et Management (SARL)

Défendeur :

Nexity Property Management (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mme Mouthon Vidilles, M. Thomas

Avocats :

Mes Simonet, Guizard, Sarfati

T. com. Paris, du 28 sept. 2015

28 septembre 2015

Faits et procédure

Entre 2002 et 2009, la société Prestations et Management exerçant une activité de services d'accueil physiques et téléphoniques externalisés a signé avec le groupe UFG Property Managers (UFG PM), spécialisé dans l'acquisition et la gestion d'immeubles et aux droits duquel vient la société Nexity Property Management cinq contrats de prestations de services concernant l'accueil d'immeubles gérés par ce groupe et situés à Montrouge (décembre 2002 et avenant du 10 décembre 2008), Bagneux (septembre 2005 et avenant en décembre 208), Nanterre (décembre 2008), La Défense (décembre 2008) et Saint-Denis (14 décembre 2009).

A l'exception du contrat de l'immeuble de Saint-Denis conclu pour une durée d'un an ferme à compter du 1er janvier 2010, ces contrats ont été souscrits pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction et étaient résiliables trois mois avant la date anniversaire par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf résiliation immédiate en cas de vente de l'immeuble.

Par courrier du 17 mai 2010, la société UFG PM a informé la société Prestations et Management de la mise en place d'une maintenance technique par une autre société pour une partie des immeubles qu'elle gère pour les SCPI, sous la forme de " Facility Management ", en lui indiquant le nom de la société ayant une mission de pilotage des prestations pour chacun des contrats.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 1er juillet 2010 et 25 août 2010, la société UFG PM a notifié, " en notre qualité de mandataire ", à la société Prestations et Management la résiliation des contrats au 31 décembre 2010.

Par exploit du 22 août 2011, la société Prestations et Management a assigné la société UFG Property Managers devant le Tribunal de commerce de Paris en indemnisation pour non-respect de la clause de non-sollicitation du personnel, pour violation des droits de propriété intellectuelle et pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 28 septembre 2015, le Tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré le tribunal incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris pour traiter des litiges de propriété intellectuelle,

- dit qu'à défaut de contredit dans le délai prescrit par l'article 82 du Code de procédure civile, le dossier de la présente affaire sera transmis par le greffier de ce tribunal à la juridiction ci-après désignée et ce, en application de l'article 97 du Code de procédure civile,

- débouté la SARL Prestations et Management de l'ensemble de ses autres demandes,

- débouté la SA Nexity Property Management venant aux droits de la SAS UFG Property Managers de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,

- condamné la SARL Prestations et Management à payer à la SA Nexity Property Management venant aux droit de la SAS UFG Property Managers la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Prestations et Management aux dépens.

LA COUR

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 2 juin 2017 par la société SARL Prestations et Management appelante, par lesquelles il est demandé à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 28 septembre 2015,

- dire recevable et bien-fondé les demandes de la société Prestations et Management

- condamner la société Nexity Property Management (aux droits de la société UFG Property Managers), sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, à indemniser le préjudice subi par la société Prestations et Management du fait du non-respect de la clause de non-sollicitation, à hauteur de 71 947,10 euros, plus intérêts de droits à compter de la demande,

- condamner la société Nexity Property Management (aux droits de la société UFG Property Managers), sur le fondement des articles 1382 du Code civil et L. 442-6 du Code de commerce à indemniser le préjudice subi par la société Prestations et Management du fait de la rupture brutale des relations établies, à hauteur de 261 492, 44 euros,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1154 du Code civil,

- condamner la société Nexity Property Management venant aux droits de la société UFG Property Managers à payer à la demanderesse la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Nexity Property Management venant aux droits de la société UFG Property Managers aux entiers dépens

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 12 juin 2017 par la société SA Nexity Property Management intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de :

vu l'article 9 du Code de procédure civile,

vu la carence totale de la société Prestation et Management dans l'administration de la preuve des faits qu'elle allègue,

- déclarer la société Prestation et Management irrecevable en toutes ses demandes telles que dirigées à l'encontre de la société UFG PM mandataire des SCPI, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Nexity Property Management

très subsidiairement,

vu l'article 1382 du Code civil sur lequel la société Prestation et Management fonde ses demandes,

vu l'article L. 442-6 du Code de commerce,

- constater que la société Prestation et Management n'apporte aucune preuve de la rupture brutale invoquée, pas plus que d'un quelconque préjudice directement lié à la prétendue brutalité de la rupture ainsi que l'exige la jurisprudence constante en la matière

vu la règle dite " una via electa " ou encore celle dite du " non-cumul "

- déclarer la société Prestation et Management irrecevable en toutes ses demandes fondées sur de prétendues violations contractuelles, comme la clause de non-sollicitation,

très subsidiairement,

- constater que la société Prestation et Management n'apporte aucune preuve de ces prétendues violations par la société Nexity Property et Management venant aux droits de la société UFG Property Managers

en conséquence,

- déclarer mal fondée la société Prestation et Management en toutes ses demandes,

- en conséquence, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Prestations et Management de toutes ses demandes,

- condamner la société Prestation et Management à verser à la société Nexity Property et Management venant aux droits de la société UFG Property Managers la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

- condamner la société Prestation et Management au paiement de la somme supplémentaire de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Prestation et Management aux entiers dépens ;

SUR CE

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La société Prestations et Management produit aux débats :

- un contrat du 23 décembre 2002 par lequel la société ATBG a confié à la société Prestations et Management les prestations d'accueil d'un bâtiment situé à Montrouge,

- un contrat du 15 septembre 2005, signé par la société Adyal PM Capitale par lequel la société Selectinvest 1 a confié à la société Prestations et Management les prestations d'accueil d'un bâtiment situé à Bagneux,

- un contrat du 10 décembre 2008, signé par la société UFG PM par lequel la société Selectinvest a confié à la société Prestations et Management une prestation d'accueil d'un bâtiment Sud Affaire situé Montrouge,

- un contrat du 10 décembre 2008, signé par la société UFG PM par lequel la société Selectinvest a confié à la société Prestations et Management une prestation d'accueil d'un bâtiment Le Nautile situé à Bagneux,

- un contrat du 10 décembre 2008, signé par la société UFG PM par lequel la société Selectinvest a confié à la société Prestations et Management une prestation d'accueil d'un bâtiment Le Carillon situé à Nanterre,

- un contrat du 14 décembre 2009, signé par la société UFG PM par lequel la société Crédit Mutuel Pierre 1 a confié à la société Prestations et Management une prestation d'accueil d'un bâtiment Le Plaine Espace situé à Saint-Denis.

Elle a formé une demande d'indemnisation à l'encontre de la société UFG PM au titre de la rupture brutale des relations commerciales qu'elles ont établies dans ces différents contrats. Les premiers juges l'ont déboutée de cette demande aux motifs que la société UFG PM avait signé la quasi-totalité des contrats en qualité de mandataire des sociétés propriétaires des immeubles concernés par les prestations de nettoyage et que la société Prestations et Management ne démontrait pas que la société UFG PM ait commis des fautes détachables de ces contrats.

La société Prestations et Management sollicite l'infirmation du jugement de ce chef en soutenant que la preuve que la société UFG PM ait agi en qualité de mandataire des propriétaires de l'immeuble n'est pas rapportée, compte tenu des liens entretenus entre les sociétés propriétaires et la société UFG PM Elle souligne que la société Frem est gérante de la société Selctinvest 1 et de la société Crédit Mutuel Pierre 1 et président de la société UFG PM et que ces sociétés sont toutes domiciliées à la même adresse. Elle en conclut qu'il apparaît simplement l'existence d'un montage contractuel complexe visant à camoufler une situation simple, à savoir qu'elle n'avait qu'un seul interlocuteur et qu'un seul contractant de fait, la société UFG PM

Elle affirme que la relation commerciale s'est étendue sur une période de huit ans entre 2002 et 2010, durant laquelle la société UFG PM a elle-même été le signataire de ces contrats, et a été brutalement rompue à la suite de la résiliation unilatérale des contrats par la société UFG PM en juillet 2010. Elle soutient que la mise en place d'une " Facility Management " atteste de la volonté de la société UFG PM de signer de nouveaux contrats pour l'année 2011 et qu'elle lui a donc laissé entendre la continuité de la relation commerciale et non l'existence d'une rupture certaine.

La société UFG PM soutient l'absence d'une relation commerciale établie dès lors qu'elle n'a joué le rôle que de simple mandataire dans l'exécution de l'ensemble de ces contrats. Elle précise que sa qualité de mandataire est confirmée en ce que les contrats conclus le 10 décembre 2008 et concernant les immeubles de Courbevoie, Bagneux, Nanterre et Montrouge, ont été libellés au nom de la société Selectinvest c/o Colliers UFG PM ainsi que les factures. Elle en conclut qu'en tant que simple mandataire des SCPI propriétaires des immeubles, elle ne peut être responsable d'une rupture des relations commerciales.

La société Prestations et Management entend rechercher la responsabilité de la société UFG PM pour rupture brutale des relations commerciales, établies dans les différents contrats, en ce que celle-ci les aurait rompus unilatéralement sans préavis le 10 juillet 2010. Il en ressort qu'elle ne se prévaut à l'égard de la société UFG PM que de l'existence de relations commerciales contractuelles issues des contrats en cause. Il lui appartient donc de démontrer à tout le moins que la société UFG PM est bien l'auteur de la rupture de ces relations contractuelles.

Or, il ressort clairement des contrats en cause que pour les deux premiers, ils ont été signés par les propriétaires respectifs des bâtiments concernés (23 décembre 2002 bâtiment situé à Bagneux) et que pour les quatre autres, ils ont été signés par la société UFG PM dans le cadre du mandat de gestion que lui ont confié les propriétaires des immeubles, lieux d'exécution des prestations de sorte que la société Prestations et Management ne pouvait se méprendre ni sur l'identité des personnes avec lesquelles elle a lié, par la conclusion de ces contrats, des relations commerciales et ni sur la nature de l'intervention de la société UFG PM qui a signé en qualité de mandataire chargé de la gestion des immeubles. De surcroît, il est établi par la production de factures qu'elles étaient émises par la société Prestations et Management au nom de chaque propriétaire des immeubles concernés. La société UFG PM a donc entretenu des relations commerciales avec la société UFG PM agissant pour le compte de ses mandants, personnalités juridiques distinctes, peu important à cet égard l'existence d'éventuels liens capitalistiques ou d'une identité de dirigeants entre eux. Il ne ressort d'aucun élément que la société UFG PM ait entendu reprendre pour son compte les engagements souscrits par les propriétaires des immeubles en cause envers la société Prestations et Management. Par ailleurs, la société Prestations et Management n'invoque aucune faute personnelle de la société UFG PM. Contrairement à ce qu'elle prétend, le fait qu'en cours d'exécution des contrats, la société UFG PM ait mis en place, dans le cadre de la gestion des immeubles, une procédure de " Facility Management " n'atteste nullement de la volonté de cette dernière de poursuivre les relations commerciales pour le compte de ses mandants et ce d'autant, qu'elle a perdu à cette occasion la gestion des immeubles en cause. La société Prestations et Management ne justifie donc pas avoir été entretenue par la société UFG PM dans l'illusion de la poursuite des relations contractuelles avec les propriétaires respectifs des immeubles. Par suite, la société UFG PM ne peut être l'auteur d'une rupture brutale des relations commerciales issues de contrats souscrits pour le compte de tiers et sa responsabilité personnelle ne peut pas être recherchée sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef en ce qu'il a débouté la société Prestations et Management de sa demande d'indemnisation formée à l'encontre de la société UFG PM.

Sur le non-respect de la clause de non sollicitation du personnel

La société Prestation et Management soutient que la société UFG Property Managers qui se serait engagée dans l'ensemble des contrats à ne pas solliciter son personnel pendant un délai de 12 mois, n'a pas respecté son engagement. Elle lui reproche précisément d'avoir, par l'intermédiaire des sociétés ISGI et ISS fait embaucher trois de ses salariées (Madame A, Madame B et Madame C) par des entreprises (les sociétés ISGI et ISS avec laquelle elle était en relation d'affaires et sollicité, sans succès, deux autres salariées (Madame D et Madame E). Elle considère qu'elle a donc perdu une chance d'obtenir la marge qu'elle aurait dû percevoir sur le chiffre d'affaires généré par les trois premières salariées (184 790,56 euros TTC). Elle reproche au tribunal de commerce d'avoir considéré qu'elle ne rapportait pas la preuve que les sociétés ISGI et ISS étaient en relation d'affaires avec la société UFG PM.

La société UFG PM relève la carence totale de la société Prestations et Management dans l'administration de la preuve des faits qu'elle allègue dès lors qu'il résulte des propres pièces de l'appelante que la société UFG PM est étrangère à ces faits, à les supposer établis.

Il est constant que la société Prestations et Management sollicite la condamnation de la société UFG PM du fait du non-respect de la clause de non-sollicitation sur le fondement de l'article 1147 du Code civil (dans sa rédaction alors applicable).

Les contrats en cause contiennent une clause de non-sollicitation du personnel aux termes de laquelle chacune des parties renonçaient à engager ou à faire travailler directement ou par personne interposée tout collaborateur de l'autre partie pendant la durée du contrat et pendant une " période de douze mois à compter de son expiration ".

La société Prestations et Management soutient que les sociétés ISS et ISGI qui ont repris la gestion des immeubles gérés auparavant par la société UFG PM et étaient en relation d'affaires avec cette dernière, ont sollicité son personnel de sorte que la société UFG PM a violé la clause de non-sollicitation par le biais de ces entreprises.

Il a été vu ci-dessus que les contrats avaient été conclus entre la société Prestations et Management et les propriétaires des immeubles et que la société UFG PM n'était intervenue qu'en qualité de mandataire. Par suite, étant tiers aux contrats renfermant la clause de non-sollicitation, il ne peut lui être reproché une faute contractuelle consistant dans le non-respect de cette clause, que ce soit directement ou indirectement. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société Prestations et Management de sa demande en dommages et intérêts formée à ce titre.

Sur les autres demandes

La société UFG PM qui ne démontre pas que la société Prestations et Management ait abusé de son droit d'exercer une voie de recours qui lui était légalement ouverte, sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

En définitive, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions en ce compris la condamnation de la société Prestations et Management qui succombe, aux dépens et à verser à la société UFG PM la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. La société Prestations et Management qui succombe également en appel, en supportera les dépens et devra verser à la société Nexity Property Management venant aux droits de la société UFG PM la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : la cour, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; et y ajoutant, Condamne la société Prestations et Management aux dépens de l'appel ; Condamne la société Prestations et Management à verser à la société Nexity Property Management venant aux droits de la société UFG PM la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.