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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 19 septembre 2017, n° 15-02498

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Auto Controle Mordelais (SARL)

Défendeur :

Controle Technique de Mordelles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pierre Calloch

Conseillers :

Mmes Andre, Emily

T. com. Rennes du 6 févr. 2015

6 février 2015

Exposé du litige

Le 1er septembre 2007, M. René Le D. a été embauché par la société Auto contrôle mordelais, exerçant sous l'enseigne " Autovision " du nom du réseau auquel elle est affiliée. Le 30 janvier 2013, il a demandé la résiliation de son contrat de travail qui ne comportait pas de clause de non-concurrence. Les négociations aux fins de rupture conventionnelle du contrat ayant échoué, il a saisi le conseil des prud'hommes le 27 mars 2013 puis a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 19 avril 2013, la procédure étant toujours en cours.

Le 18 septembre 2013, M. Le D. a fait immatriculer au registre du commerce et des sociétés de Rennes, la SARL à associé unique Auto sécurité mordellaise, laquelle déclarait adopter l'enseigne " Auto sécurité mordelaise ", cette société exerçant une activité de contrôle technique de véhicules automobiles identique à celle de la société Auto contrôle mordelais.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 novembre 2013, la société Auto contrôle mordelais a mis en demeure la nouvelle société de retirer son panneau publicitaire, source selon elle d'un risque de confusion entre les deux sociétés. La société Auto sécurité mordelaise a alors adopté le nom commercial " Contrôle technique de Mordelles " et a utilisé l'enseigne " Auto Sécurité ", enseigne du réseau " Auto Sécurité France " auquel elle a adhéré le 23 novembre 2013.

Saisi par assignation en date du 25 juin 2014, le Tribunal de commerce de Rennes a débouté la société Auto contrôle mordelais de son action en concurrence déloyale à l'encontre de la société Auto sécurité mordelaise et l'a condamnée à payer à celle-ci la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Auto contrôle mordelais a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour de :

- condamner la société Auto sécurité mordelaise à lui payer la somme de 50 000 euros à valoir sur son préjudice à déterminer par expertise,

- ordonner une expertise comptable ;

- condamner la société Auto sécurité mordelaise sous astreinte à changer de dénomination sociale et commerciale et à ôter toute référence à cette dénomination dans ses documents commerciaux ;

- ordonner la publication de l'arrêt ;

- condamner la société Auto sécurité mordelaise à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens et les frais du procès-verbal de constat.

La société Auto sécurité mordellaise conclut à la confirmation du jugement critiqué sauf en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle indemnitaire. Elle réclame à ce titre une somme de 20 000 euros outre celle de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par la société Auto contrôle mordelais le 7 octobre 2015 et à celles notifiées par la société Auto sécurité mordelaise le 26 juillet 2015.

Exposé des motifs

Le constat d'huissier qu'a fait établir la SARL Auto contrôle mordelais, le 6 mars 2014, révèle qu'un certain nombre de ses clients professionnels sont devenus également clients de la nouvelle société. Ceci explique la baisse de son chiffre d'affaire au cours de l'exercice 2014 -l'évolution ultérieure n'étant pas précisée- dès lors que les deux sociétés installées dans une petite localité de 7.000 habitants doivent se partager une clientèle de proximité. En effet, elles s'adressent à une clientèle implantée dans le même secteur géographique, constituée principalement de professionnels intervenant pour leur compte ou de garagistes agissant pour le compte des particuliers propriétaires de véhicules. Au regard du contexte rural d'exercice de l'activité, ces interlocuteurs entretenaient avec les représentants des parties, dès avant la constitution de la nouvelle société, des relations personnelles, professionnelles, familiales ou amicales de sorte que le transfert ou le partage de l'activité est intervenu sans qu'un prétendu détournement de fichier clients ne soit nécessaire. Aucun acte de démarchage de clients potentiels de la part de la nouvelle société n'est d'ailleurs démontré, son absence étant au contraire attestée par plusieurs clients ayant choisi d'y avoir exclusivement ou concomitamment recours pour des motifs variés. Dans ce contexte, le partage de la clientèle entre les deux sociétés concurrentes ne traduit, comme le soulignaient exactement les premiers juges, que l'exercice normal du jeu de la concurrence.

L'ouverture du nouvel établissement, certes à proximité mais dans une rue différente de celle où est implantée la société Auto contrôle mordelais, ne révèle pas davantage une manœuvre déloyale dès lors qu'elle n'a eu ni pour objet, ni pour effet de susciter une confusion entre les deux entreprises. En effet, le regroupement d'activités de même nature dans l'unique zone d'activité d'une commune de 7 000 habitants était normal et se justifiait d'autant plus que les locaux dans lesquels s'est installée la société Auto sécurité mordelaise étaient déjà disponibles.

Chacune des deux sociétés est affiliée à un réseau professionnel différent qui a développé ses propres signes attractifs de la clientèle lesquels ne présentent pas de similitudes susceptibles de créer une confusion entre eux dans l'esprit du public intéressé. Ces signes nettement distinctifs sont utilisés et mis en exergue, seuls ou de manière prépondérante, par chacune des deux sociétés dans son enseigne et ses documents commerciaux ou publicitaires de sorte que la relative proximité de leur dénomination sociale -qui s'explique par l'usage commun de termes descriptifs qu'elles ne pouvaient s'approprier- ne peut être source de confusion. En effet cette dénomination sociale n'apparaît pas immédiatement dans les relations avec la clientèle et n'est pas utilisée aux fins d'identification auprès du public susceptible de recourir aux services offerts à la différence de l'enseigne et du logo propres à leur réseau respectif.

Il n'est d'ailleurs justifié d'aucune méprise de la part d'un client entre les deux sociétés, l'unique erreur de facturation invoquée étant imputable à un fournisseur qui s'est trompé dans la saisie du client concerné par le dit document sans pour autant commettre de confusion entre les deux sociétés.

La SARL Auto contrôle mordelais reproche enfin au gérant de la nouvelle société d'avoir, lorsqu'il était son salarié, abusé de la pratique qui ne lui était pas propre, de réalisation de prestations gratuites. Mais comme l'ont exactement relevé les premiers juges par des motifs que la cour adopte, ces prestations offertes de manière régulière et constante depuis au moins le début de l'année 2008 sont sans relation avec une prétendue volonté d'attirer déloyalement la clientèle vers la nouvelle société constituée en septembre 2013. Rien n'établit qu'elles ont pu avoir, fût-ce marginalement, un tel effet et qu'elles s'adressaient à des clients ciblés dans ce but. C'est ainsi que sur les 170 (ou 164 selon les conclusions) prestations recensées depuis le mois de janvier 2008, seules 9 ont été réalisées pendant l'année 2013 au rang desquelles figurent un contrôle au profit de la société Auto contrôle mordelais, employeur, et un second au profit du salarié contrôleur lui-même. Ces prestations dont il appartiendra à la juridiction prud'homale saisie concurremment d'apprécier le caractère ou non fautif ne constituent pas des manœuvres déloyales imputables à la société Auto sécurité mordelaise et n'ont eu aucun effet sur le développement de son activité.

Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé.

La société Auto sécurité mordelaise ne démontre pas avoir subi un préjudice d'image ou de réputation professionnelle du fait de la présente procédure qui n'avait pas de raison d'être portée à la connaissance du public et ne portait pas atteinte à son attractivité envers la clientèle. Sa demande reconventionnelle sera en conséquence rejetée.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 6 février 2015 par le Tribunal de commerce de Rennes ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ; Condamne la société la SARL Auto contrôle mordelais aux dépens.