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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 26 septembre 2017, n° 15-02684

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

HB Esthétique (SARL)

Défendeur :

Laboratoires de Biologie Végétale Yves Rocher (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

President :

M. Calloch

Conseillers :

Mmes André, Emily

T. com. Vanves, du 7 nov. 2014

7 novembre 2014

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 20 mai 2003, la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (la société Yves Rocher) a dénoncé le contrat de location-gérance conclu le 12 juillet 2000 avec la société à associé unique HB Esthétique, la dénonciation prenant effet le 30 septembre 2003. Ayant refusé de consentir un avenant à compter du 28 juin 2003 après travaux d'agrandissement, la société HB Esthétique a cessé son activité à cette date en accord avec le bailleur qui a repris l'exploitation du fonds. Le 21 juin 2004, la société Yves Rocher a mis en demeure la société HB Esthétique d'avoir à payer la somme de 100 786,04 euros outre des intérêts d'un montant de 4 815,14 euros.

Le 11 avril 2005, la société Yves Rocher a fait assigner la SARL HB Esthétique en paiement de la somme de 100 786,04 euros outre les intérêts échus au 6 septembre 2004 pour un montant de 5 947,32 euros.

A la suite de la demande formée le 4 mai 2007 par la société défenderesse, le Tribunal de commerce de Vannes a, par jugement du 16 avril 2010, sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Rennes sur le contredit de compétence formé par Mme X, gérante, à l'encontre du jugement du Conseil des prud'hommes de Vannes du 28 octobre 2008.

Le 7 janvier 2011, la Cour d'appel de Rennes a accueilli le contredit et, évoquant le fond, a condamné la société Yves Rocher à verser à Mme X les sommes suivantes :

- 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non-application des dispositions du Code du travail,

- 2 953,59 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 973,44 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 23 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par conclusions soutenues pour la première fois à l'audience du 9 mai 2014, la société HB Esthétique a, sur le fondement des articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce, demandé la condamnation de la société Yves Rocher à lui payer la somme de 139 040,26 euros correspondant à une créance de 219 083 euros (marge brute annuelle de 169 083 euros + 50 000 euros en réparation de son préjudice moral) déduction faite de sa dette de 80 042,74 euros.

Le 7 novembre 2014, le Tribunal de commerce de Vannes :

- a condamné la société HB Esthétique à payer à la société Yves Rocher la somme de 100 786,04 euros, celle de 5 947,32 euros au titre des intérêts arrêtés au 6 septembre 2004 outre les intérêts au taux légal postérieurs à cette date ;

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande reconventionnelle formée sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce au profit du Tribunal de commerce de Rennes ;

- a débouté la société HB Esthétique du surplus de sa demande ;

- l'a condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et a débouté la société Yves Rocher de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

La société HB Esthétique a relevé appel de ce jugement, demandant à la cour, vu les articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce, L. 313-2 du Code monétaire et financier, 1289 et 1290 du Code civil et le décret du 11 novembre 2009 :

- de débouter la société Yves Rocher de ses demandes ou, subsidiairement, de dire que sa créance n'est pas supérieure à 80 042,74 euros ;

- de la condamner à lui payer la somme de 219 083 euros outre intérêts au taux légal à compter des conclusions signifiées à l'audience du 3 avril 2006 et celle de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- à titre subsidiaire, vu l'article D. 442-4 du Code de commerce, de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de Rennes s'agissant des demandes fondées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.

La société Yves Rocher demande à la cour :

- à titre principal, de déclarer irrecevable l'appel formé par la société HB Esthétique faute par elle de justifier de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc ;

- à titre subsidiaire, de confirmer le jugement critiqué sauf à y ajouter la capitalisation des intérêts ;

- voir dire que le dossier sera renvoyé après disjonction devant le Tribunal de commerce de Rennes sur la demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

- à titre subsidiaire, constater la prescription de cette demande ;

- condamner la société HB Esthétique au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusive et de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par la société appelante le 15 octobre 2015 et par la société intimée le 15 mai 2017.

A l'audience, la cour a invité les parties à s'expliquer sur l'absence de pouvoir juridictionnel des premiers juges, et de la cour statuant sur appel de leur jugement, d'examiner la demande et les moyens fondés sur les articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce. La société Yves Rocher s'en remet à l'appréciation de la cour tandis que la société HB Esthétique n'a formé aucune observation.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la recevabilité de l'appel

La société Yves Rocher demande à la cour de constater l'irrecevabilité de l'appel au motif que la société HB Esthétique ne justifie pas de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc à la suite du transfert de son siège social. Mais le grief n'est pas fondé, la société HB Esthétique communiquant en pièce 18 l'extrait Kbis de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc, le 4 septembre 2007.

Au demeurant les articles 58 et 901 du Code de procédure civile, ne prévoient pas au rang des mentions obligatoires à peine de nullité (et non d'irrecevabilité) de la déclaration d'appel l'indication, dans la déclaration d'appel, du numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la personne morale appelante.

En tout état de cause, seul le conseiller de la mise en état a compétence en application de l'article 914 du Code de procédure civile pour déclarer l'appel irrecevable de sorte que ce moyen, présenté devant la cour alors qu'il était connu avant le dessaisissement du conseiller de la mise en état, est lui-même irrecevable.

Sur la demande en paiement des factures

La société HB Esthétique conclut à la nullité du contrat de gérance libre sur le fondement de l'article L. 7321-2 du Code du travail et en déduit que les factures de fournitures n'étaient pas justifiées. Mais la reconnaissance au profit de la gérante de la société HB Esthétique du statut de gérante de succursale et l'application à son profit de l'article L. 7321-2 du Code du travail ne constituent pas une cause de nullité du contrat de location-gérance conclu entre cette société et la société Yves Rocher et laissent subsister, entre ces deux personnes morales, l'existence de relations commerciales.

La société HB Esthétique ne conteste pas le montant des factures qui lui sont réclamées et reconnaît d'ailleurs devoir à ce titre une somme de 80 042,74 euros. Elle se prévaut uniquement de sa compensation partielle avec une créance de 14 732,33 euros mais ne justifie pas détenir une créance supplémentaire de ce montant s'ajoutant à la remise commerciale du même montant déjà accordée. En outre, n'ayant pas résilié le contrat de location-gérance au mois de mai 2003, elle restait tenue de la charge des heures supplémentaires et des congés payés calculés sur la période antérieure à la rupture du contrat.

En revanche, la société Yves Rocher ne justifie pas de son droit à intérêts pour la période antérieure à la mise en demeure reçue le 21 juin 2004. Le jugement sera en conséquence réformé de ce chef, seuls les intérêts au taux légal étant justifiés à compter de la mise en demeure de payer. La capitalisation des intérêts sera accordée à compter du présent arrêt, cette demande n'ayant pas été présentée devant les premiers juges.

Sur la demande reconventionnelle

Les pièces de la procédure révèlent que la première demande en paiement d'indemnité fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce a été formée par conclusions déposées pour l'audience du 13 mai 2013, le tribunal de commerce n'ayant été précédemment saisi que d'une demande de sursis à statuer. A cette date, en application de l'article D. 442-4 du Code de commerce, le Tribunal de commerce de Vannes n'avait plus le pouvoir juridictionnel d'examiner une telle demande. Aussi c'est à tort que cette juridiction a statué sur sa compétence, ce qui supposait que la demande était jugée recevable, alors que la violation des dispositions d'ordre public invoquées est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

De même c'est à tort que les premiers juges ont examiné le moyen fondé sur l'article L. 420-2 du Code de commerce alors qu'en application de l'article L. 420-7 du même Code dans sa version modifiée par l'ordonnance du 4 novembre 2004, l'examen de ce contentieux est attribué lui aussi à des juridictions spécialisées dont le siège et le ressort sont fixés conformément à l'article R. 921-6 du Code de l'organisation judiciaire et du tableau XI annexé au dit code. La demande reconventionnelle est dès lors irrecevable également sur ce fondement.

Il convient en conséquence, les parties ayant été appelées à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office à l'audience, de réformer le jugement de ce chef et de déclarer la demande reconventionnelle irrecevable.

La demande n'ayant été accueillie que partiellement, la société Yves Rocher ne démontre ni une résistance abusive à son action, ni une utilisation abusive de la voie de l'appel. Sa demande de dommages-intérêts sera en conséquence rejetée.

Par ces motifs, LA COUR : Dit irrecevable le moyen tenant à l'irrecevabilité de l'appel ; Confirme le jugement rendu le 7 novembre 2014 par le Tribunal de commerce de Vannes en ce qu'il a condamné la SARL HB Esthétique à payer à la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher la somme de 100 786,04 euros et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher pour résistance abusive ; Le réformant pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant, Condamne la SARL HB Esthétique à payer à la SA Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher les intérêts au taux légal sur la somme de 100 786,04 euros à compter du 21 juin 2004 ; Autorise à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts dûs au moins pour une année entière ; Dit irrecevable la demande formée par la société HB Esthétique sur le fondement des articles L. 420-2 et L. 442-6 du Code de commerce ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toute autre demande plus ample ou contraire ; Condamne la société HB Esthétique aux entiers dépens de première instance et d'appel.