CA Lyon, 3e ch. A, 14 septembre 2017, n° 16-05691
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Eco Energy System (SAS)
Défendeur :
Energia (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Devalette
Conseillers :
Mme Homs, M. Bardoux
Faits, procédure, moyens et prétentions des parties
La SAS Eco Energy System (EES) ayant pour activité la vente et l'installation de matériel photovoltaïque a conclu le 12 août 2014 avec la SAS Energia GDF Suez (Energia) un contrat de partenariat selon lequel la société EES s'engageait à commercialiser des produits et solutions de la société Energia.
Le contrat a prévu que la société Energia devait encaisser les règlements de clients, le montant total de la commission versée à la société EES étant fixé à 90 % hors taxes du montant total de la commande effectivement encaissée.
Le financement des solutions proposées chez le consommateur devait être assuré par la société Sofinco.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 janvier 2015, la société Energia a notifié à la société EES la cessation de la période d'essai en cours et la résiliation du contrat de partenariat.
Dix-sept bons de commandes ont été obtenus par la société EES au cours du mois de janvier 2015, deux d'entre eux (M. et H.) ayant donné lieu à une autorisation du partenaire financier Sofinco et à la présentation au paiement deux factures pour un montant total de 48 109,10 TTC que la société Energia n'a pas honorées.
Par acte du 26 mars 2015, la société EES a assigné la société Energia en paiement notamment d'une somme de 440 000 au titre de l'indemnité de rupture et d'une somme de 722 000 au titre de la rupture brutale du contrat d'agence commerciale.
Par jugement en date du 28 avril 2016, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le Tribunal de commerce de Lyon a statué ainsi :
" Déboute la société Eco Energy System de l'intégralité de ses demandes,
Déboute la société Energia de sa demande de dommages et intérêts,
Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires des parties,
Condamne la société Eco Energy System à payer à la société Energia la somme de 1 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne à la société Eco Energy System aux dépens de l'instance."
Par déclaration reçue le 21 juillet 2016, la société EES a interjeté appel de ce jugement.
Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 19 octobre 2016, la société EES demande à la cour de:
- condamner la société Energia à payer à la société Eco Energy System la somme de 441 000 à titre de commissions, somme comprenant les dossiers "M." et "H." objet des factures n° 045/2015 du 11 mars 2015 et n° 055/2015 du 19 mars 2015,
- condamner la société Energia à payer à la société Eco Energy System une indemnité de rupture équivalente à un mois de commission, soit au paiement de la somme de 441 000 ,
- condamner la société Energia à payer à la société Eco Energy System une indemnité de 722 000 à titre de réparation pour rupture brutale du contrat, l'absence de bonne foi dans la relation contractuelle, l'absence de respect de préavis et de la période d'essai,
- condamner la société Energia à payer à Eco Energy System 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société EES excipe des articles L. 134-1, L. 134-5, L. 134-12 et L. 134-16 du Code de commerce et soutient la qualification des relations contractuelles comme caractérisant une agence commerciale car les missions qui lui ont été conférées étaient de commercialiser des produits et solutions Energia, de démarcher des clients et effectuer des démarches et formalités administratives au nom et pour le compte de sa mandante.
Elle indique que sa rémunération était typique d'un agent commercial étant une commission à hauteur de 90 % HT du montant total de la commande encaissée effectivement.
Elle allègue que l'article 8 du contrat prévoyant une période d'essai de 6 mois à compter du 3 juillet 2014, la résiliation du contrat du 26 janvier 2015 est intervenue hors délai.
Elle affirme qu'elle a droit au montant de la commission générée en l'espace d'un mois soit 441 000 à titre d'indemnité compensatrice alors que s'agissant des dossiers affirmés comme signés postérieurement à la rupture des relations contractuelles, elle estime que la société Energia ne démontre pas en quoi l'activité de l'agent commercial ne devrait pas faire l'objet d'une rémunération et de la perception d'une indemnité eu égard à la période d'essai.
Elle ajoute que, pour d'autres prospects ou clients, le tableau produit par la société Energia pour démontrer une demande de nouvelle signature des dossiers par Sofinco n'est pas valable comme ayant été établi unilatéralement alors qu'elle n'en a découvert l'existence pour la première fois qu'au cours de la procédure.
S'agissant des demandes portant sur les dossiers " M. " et " H. ", la société appelante prétend que l'ensemble des formalités administratives de pose ont été réalisées de sorte que la société Energia est dans l'obligation de lui régler les commissions.
Dans le dernier état de ses écritures (récapitulatives) déposées le 16 décembre 2016, la société Energia demande à la cour de:
- confirmer le jugement entrepris, en rejetant les demandes de la société Eco Energy System,
- très subsidiairement limiter le montant du par la société Energia à la société Eco Energy System au montant du matériel fourni pour les dossiers H. et M. s'il en est justifié de façon vérifiable,
- encore plus subsidiairement, donner acte à la société Energia de son offre de régler pour les dossiers H. et M. le montant de 10 000 à titre de commissions,
- condamner la société Eco Energy System à régler à la société Energia le montant de 5 000 à titre d'article 700 du Code de procédure civile.
La société Energia fait valoir que la cessation de la période d'essai a été notifiée à l'appelante par lettre recommandée du 26 janvier 2015 délivrée le 28 janvier 2015 soit à la date d'expiration du contrat.
Elle indique que cette résiliation s'explique par l'activité désastreuse de la société EES, son non-respect des règles des Codes de la consommation et de l'urbanisme ainsi que celles du contrat, seuls deux bons de commandes sur 17 ayant donné lieu à une autorisation de la société Sofinco, les autres ayant été rejetés au vu des irrégularités apparentes.
Elle ajoute que les irrégularités découvertes n'ont pas été résolues alors que la prestation de la société EES n'a pas été achevée de sorte, que le déblocage des fonds n'a pas été effectué par la société Sofinco.
Elle répond que les autres dossiers ne sont pas commissionnables eu égard à la rupture des relations commerciales, à la rétractation de certains clients, à l'absence d'autorisation de financement de Sofinco.
Elle soutient que s'agissant des deux commandes dont deux factures sont revendiquées, la société EES ne justifie pas l'accomplissement de ces missions, et n'a pas effectué ses prestations.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2017.
Saisi par la société Energia de conclusions tendant à la révocation de la clôture, le conseiller de la mise en état, dans son ordonnance du 9 mars 2017, a dit n'y avoir lieu d'y faire droit en l'absence de justification d'une cause grave.
Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.
Motifs de la décision
Attendu qu'aux termes de l'article 954 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions émises par les parties dans le dispositif de leurs dernières écritures récapitulatives et " les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées " ;
Sur le contrat signé entre les parties
Attendu qu'aux termes de l'article 1134 ancien du Code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Attendu que la qualification mise en avant par l'appelante, retenant celle de l'agence commerciale, n'est critiquée qu'en ce qu'elle ne peut être appliquée au regard de la fin prématurée du contrat au cours de la période d'essai ;
Attendu que le contrat de partenariat signé le 12 août 2014, pour viser les termes des articles 1984 et suivants du Code civil, régissant le mandat, confère à la société EES l'autonomie et la faculté de contracter, directement prévues par l'article L. 134-1 du Code de commerce, caractérisant que les parties se sont entendues pour lui confier un tel mandat d'agent commercial ;
Attendu que l'article 8.1 du contrat prévoyant une période d'essai courant dès la signature d'une durée de 6 mois est libellé ainsi :
" L'Accord prend effet à compter du jour de sa signature pour expirer à sa date anniversaire, soit pour une durée d'une année; cependant une période de six mois qui s'imputera sur l'année ci-dessus définie est convenue à titre d'essai, et si l'essai est décidé concluant par les parties, le contrat se continuera sans modification jusqu'à l'expiration de l'année à compter du jour de la signature de l'Accord; dans le cas contraire, l'Accord expirera automatiquement à l'issue de la période de six mois ou à date, sans délai, par courrier recommandé. " ;
Attendu que la société Energia dans son courrier du 26 janvier 2015 (sa pièce 16) a clairement manifesté son absence de satisfaction sur les prestations déployées par la société EES, les stipulations ci-dessus rappelées supposant par nature que les parties conviennent, dès avant l'échéance des 6 mois de la période d'essai, de leur caractère concluant ;
Que cette période ayant expiré le 12 février 2015, la société EES, qui ne justifie en rien de ce constat commun de succès, ne peut d'une part se prévaloir d'une pérennité ni d'une mise en œuvre du contrat signé qui a pris fin automatiquement à cette date ;
Attendu que la question même d'une faute contractuelle de nature selon la société appelante à engager la responsabilité de la société Energia n'est en rien susceptible de modifier la loi des parties sur l'écoulement des durées convenues ;
Attendu qu'elle ne peut ainsi revendiquer l'application des termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce en ce que le contrat d'agent commercial n'a ainsi pas été définitivement conclu, la stipulation d'une période d'essai dans une telle convention n'étant en rien contraire aux termes de l'article L. 134-16 du même code, en ce qu'il a été régulièrement mis fin à la période d'essai ;
Que la prétention tendant au paiement d'une indemnité au titre du premier des textes qui viennent d'être visés ne pouvait qu'être rejetée ;
Attendu que s'agissant des commissions réclamées par la société EES, leur mode de calcul n'est pas contesté et l'article 7 du contrat prévoit que seule la société Energia est destinée à encaisser le règlement des clients, événement défini comme étant, en cas de financement " lors de la réception des travaux et sur signature par le client des documents y afférents " et pour les commandes au comptant " un acompte de 30 % de la commande lors du rapport de contrôle technique positif " et le solde lors de la signature par le client du procès-verbal de réception des travaux ;
Que les commissions étaient prévues pour être versées au fur et à mesure des encaissements dont la société EES doit rapporter les éléments de leur intervention, comme étant seule au contact avec les clients et informée de l'avancement de l'installation commandée ;
Attendu que la stigmatisation d'une mauvaise foi contractuelle de la société Energia, à laquelle son adversaire reproche de n'avoir pas sollicité le déblocage des fonds pour deux clients (H. et M.), suppose que préalablement l'appelante démontre que les conditions de ce déblocage étaient acquises, et entraînant la délivrance des fonds par la société Sofinco ;
Que le courriel produit en pièce 5 par l'appelante établit que la pose des matériels a été réalisée pour Guillaume M. le 20 février 2015 et pour Richard H. le 23 février 2015, soit postérieurement à la fin de la période d'essai ;
Attendu que la société EES ne rapporte en rien la preuve de ce qu'elle a transmis, comme l'ont souligné les premiers juges, les documents constituant le dossier technique du chantier nécessaires à la bonne fin et au déblocage des fonds sur cette période où les relations contractuelles avaient déjà cessé ;
Attendu qu'en l'état de cette carence probatoire, le jugement entrepris a rejeté à bon droit la demande en paiement de commissions pour ces deux commandes ;
Sur la responsabilité contractuelle recherchée par la société EES
Attendu que cette société stigmatise la mauvaise foi contractuelle consistant dans la résistance de la société Energia à lui transmettre les documents nécessaires d'abord pour procéder à la prospection de clients et ensuite pour mener à bien les commandes enregistrées, et ensuite dans sa décision de mettre fin au contrat ;
Que s'agissant des difficultés qu'elle met en avant pour débuter son activité, elle reproche à sa mandante de n'avoir pas validé en temps utile ses bons de commande, en ne visant dans ses écritures qu'un échange de correspondance s'étant déroulé le 25 novembre 2014 où la société Energia a validé l'opération " rectifiée " en un peu moins de deux heures alors que les seules commandes ensuite mises en avant datent d'entre le 13 janvier et le 29 janvier 2015 ;
Attendu que le ton du courriel du 16 janvier 2015 émis par la société Energia ne conforte en rien l'existence de difficultés de communication entre les parties, alors qu'aucun élément n'est visé pour expliquer un démarrage de l'activité commerciale effectif au début de l'année 2015 ;
Attendu qu'il a déjà été motivé plus haut que la société appelante ne peut invoquer un quelconque délai de préavis en l'état de ce que la période d'essai n'a pas permis de dégager un constat de succès dans le partenariat entre les parties, alors qu'aucune brutalité n'est caractérisée en ce que seule la fin prévue de cette première période est survenue, le courrier émis le 26 janvier 2015 ayant été sans incidence sur l'impossibilité alors constatée de conclure définitivement ce contrat de partenariat ;
Attendu que la décision entreprise doit, en conséquence, être confirmée en ce qu'elle a débouté la société EES de toutes ses demandes ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu que la société EES succombe totalement en son appel et doit en supporter les dépens ;
Que l'équité commande de décharger la société Energia des frais irrépétibles engagés devant la cour et de condamner la société EES à lui verser une indemnité de 5 000 ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris, Condamne la SAS Eco Energy System à verser à la SAS Energia GDF Suez une indemnité de 5 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des frais irrépétibles d'appel, Condamne la SAS Eco Energy System aux dépens d'appel.