CA Pau, 2e ch. sect. 1, 29 septembre 2017, n° 17-3753
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Simplehuman (Sté)
Défendeur :
Patxelorri (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Diximier
Conseillers :
Mmes Morillon, Janson
Faits et procédure
La société Simplehuman, domiciliée en Grande-Bretagne, a pour objet la commercialisation de produits de type poubelle destinée à un public de professionnels et de particuliers. Elle collabore avec divers agents commerciaux pour vendre ses produits en Grande-Bretagne et en France.
Elle a confié à la SARL patxelorri des contrats de vente de ses produits, sans qu'aucun contrat d'agent commercial n'ait été établi.
Par courrier du 16 septembre 2013, la société Simplehuman a annoncé à la SARL patxelorri qu'elle résiliait le contrat à compter du 13 octobre 2013, en raison de son " désintéressement total vis-à-vis de sa marque ".
Par acte du 5 mai 2014, la SARL Patxelorri a assigné la société Simplehuman devant le Tribunal de commerce de Tarbes aux fins de la voir condamner à lui payer diverses sommes au titre de la résiliation du contrat.
Par jugement du 14 décembre 2015, le tribunal a :
- condamné la société Simplehuman à payer à la SARL Patxelorri les sommes suivantes :
. 609,33 au titre du préavis,
. 7 312 au titre des indemnités de rupture,
. 1 symbolique à titre de dommages-intérêts suite à la rupture déloyale du mandat,
- condamné la société Simplehuman aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 13 janvier 2016, la société Simplehuman a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 18 janvier 2017, le magistrat de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 9 juin 2016 par la SARL Patxelorri, comme hors du délai de l'article 909 du Code de procédure civile,
- dit que la recevabilité des pièces communiquées ou déposées par la SARL Patxelorri relève de la compétence de la cour saisie au fond,
- débouté par conséquent la société Simplehuman de cette demande,
- dit que les dépens de l'incident suivront l'instance au fond.
Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 15 mars 2017, la clôture de l'instruction de l'affaire a été déclarée.
Prétentions et moyens des parties
Il convient à titre liminaire de statuer sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par la société Simplehuman in limine litis, dans ses conclusions du 24 mars 2017.
L'appelante fait valoir que la SARL Patxelorri a conclu tardivement le 14 mars 2017, soit la veille de la clôture. Elle demande que l'ordonnance de clôture soit révoquée pour lui permettre de répondre à ces écritures.
En application des articles 783 et 784 du Code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.
Dès lors qu'il n'est justifié d'aucune cause grave, et que la SARL Patxelorri s'oppose à la demande de révocation, il convient de débouter l'appelante de sa demande à ce titre et de rejeter ses conclusions du 24 mars 2017, ainsi que les conclusions de l'intimée du 14 mars 2017, et ce en ce application du principe du contradictoire.
Selon dernières conclusions du 24 février 2017, la société Simplehuman demande à la cour de :
In limine litis,
- déclarer irrecevables les pièces n° 1 à 16 communiquées par la SARL Patxelorri,
- vu les articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce,
A titre principal,
- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Par conséquent,
- débouter la SARL Patxelorri de l'intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- constater que la SARL Patxelorri a bénéficié d'un préavis d'un mois,
Par conséquent,
- la débouter de sa demande d'indemnité à ce titre,
A titre infiniment subsidiaire,
- allouer à la SARL Patxelorri une indemnité complémentaire de préavis de 190,28 ,
En tout état de cause,
- condamner la SARL Patxelorri aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante fait valoir que :
In limine litis : les pièces de l'intimée doivent être écartées car elles ne peuvent plus se rattacher ou venir au soutien d'une quelconque prétention recevable,
Sur le fond :
- le contrat précédemment noué entre la société Fun Design et M. Jean-Paul X n'a aucun lien avec le présent litige, et c'est à tort que le jugement déféré a considéré que les relations commerciales avaient débuté en avril 2011, alors qu'elles ont réellement commencé en juillet 2012,
- la SARL Patxelorri a commis une faute grave en s'abstenant de prospecter ses clients et en refusant de représenter la société Simplehuman lors d'un salon durant cinq jours au mois de septembre 2013, et alors même que M. X, gérant de la SARL Patxelorri, était présent pour d'autres mandats,
- à titre subsidiaire, si la faute grave n'était pas reconnue, les indemnités dues à la SARL Patxelorri doivent être calculées sur la période de juillet 2012 à septembre 2013.
MOTIVATION
Sur la demande de la société Simplehuman de voir écarter les pièces produites par la SARL Patxelorri
Aux termes de l'article 909 du Code de procédure civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'art 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident.
Il est constant que les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
Dès lors que le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimée notifiées le 9 juin 2016, les pièces communiquées au soutien de ces écritures doivent également être déclarées irrecevables et par conséquent écartées des débats.
Sur le fond
L'appelante soutient cependant que les relations entre les parties ont commencé en juillet 2012 et non en avril 2011.
Il résulte des pièces versées aux débats que si M. Jean-Paul X, actuel gérant de la SARL Patxelorri, a collaboré avec la société Simplehuman dès le mois d'avril 2011, cependant ce partenariat s'est effectué dans le cadre de relations contractuelles que la société Simplehuman entretenait alors avec la société Fun in Design, pour laquelle M. X travaillait, ce qu'il reconnait lui-même dans un courrier du 2 octobre 2013 adressé à la société Simplehuman (" j'ai d'abord entamé notre collaboration comme sous-agent de la société Fun in Design, société avec laquelle vous étiez liée par un contrat d'agent national " ).
Une nouvelle relation contractuelle a débuté en juillet 2012 entre la société Simplehuman et la SARL Patxelorri, laquelle constitue une entité distincte et ne peut être assimilée à la personne de M. Jean-Paul X.
Il convient par conséquent de situer à la date du 1er juillet 2012 le début de la relation contractuelle entre les parties.
Par courrier du 16 septembre 2013, la société Simplehuman a décidé de mettre fin au mandat d'agent commercial confié à la SARL Patxelorri, au motif que, à l'occasion d'un salon qui s'était tenu durant cinq jours à Villepinte (93) du 6 au 10 septembre 2013, M. Jean-Paul X n'était venu qu'une seule fois sur le stand Simplehuman, ce qui démontrait " un désintéressement total " vis-à-vis de la marque.
Aux termes de l'article L. 134-12 alinéa 1er du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Selon l'article L. 134-13 du même Code, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
Il est de principe que l'agent commercial a droit à une indemnité de rupture lors de la cessation de contrat, sauf en cas de faute grave, ou si la rupture des relations contractuelles lui est imputable.
En l'espèce, il n'est pas démontré l'existence d'une faute grave. Le seul fait que M. Jean-Paul X n'ait pas été suffisamment présent sur le stand Simplehuman à l'occasion d'un unique salon ne saurait constituer une telle faute, s'agissant d'un comportement isolé, pour lequel l'agent commercial s'est du reste excusé, dans un mail du 11 septembre 2013.
C'est donc à juste titre que le tribunal de commerce a retenu que l'agent commercial avait droit à une indemnisation au titre de la rupture du contrat.
Dans le cadre de son assignation, la SARL Patxelorri a indiqué qu'elle avait perçu au total la somme totale de 4 695,26 au titre des commissions versées de juillet 2012 à septembre 2013. La société Simplehuman estime quant à elle à 2 663,87 le montant réglé, au titre de neuf factures.
Les pièces de l'intimée ayant été écartées des débats, il n'existe aucune pièce justificative sur ce point. Il convient par conséquent de retenir le montant reconnu par l'appelante.
Il est d'usage de calculer le montant de l'indemnité de rupture sur la base de deux ans de commissions.
Il convient par conséquent d'allouer à la SARL Patxelorri la somme de 4 566,48 (190,27 x 24) à ce titre, réformant le jugement déféré de ce chef.
En application de l'article L. 134-11 du Code de commerce, il appartenait à la société Simplehuman de respecter un délai de préavis de deux mois.
Or cette dernière a annoncé à son agent commercial qu'elle résiliait le contrat à compter du 13 octobre 2013, ce qui correspond à un délai d'un mois.
Il convient par conséquent d'allouer à la SARL Patxelorri la somme de 190,27 au titre du préavis, correspondant à un mois de commissions.
Il n'y a pas lieu d'allouer d'autres dommages-intérêts.
La SARL Patxelorri sera condamnée aux dépens d'appel, en application de l'article 696 du Code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Déboute la société Simplehuman de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, Écarte des débats les conclusions respectives des parties en date des 14 et 24 mars 2017, Déclare irrecevables les pièces déposées par la SARL Patxelorri concomitamment à ses conclusions du 16 juin 2016, Infirme le jugement entrepris, sauf en sa disposition ayant condamné la société Simplehuman aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Et statuant à nouveau, Condamne la société Simplehuman à payer à la SARL Patxelorri les sommes suivantes : - 4 566,48 au titre de l'indemnité de rupture, - 190,27 au titre du préavis, Déboute la SARL Patxelorri du surplus de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la SARL Patxelorri aux dépens d'appel.