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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 29 septembre 2017, n° 15-00215

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

MMA Iard & MMA Iard Assurances Mutuelles (SA) , Covea Risks

Défendeur :

Emballages du Val d'Authion (SAS) , Terre de France (SAS), Terre de France Beauce (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Van Gampelaere

Conseillers :

Mmes Monge, Portmann

T. com. d'Angers, du 7 janv. 2015

7 janvier 2015

Faits et procédure

La société Terre de France exploite une activité de commerce de gros en fruits et légumes tout comme sa filiale la société Terre de France Beauce.

La société Terre de France Beauce a repris en 2009, dans le cadre d'une cession de fonds de commerce une branche d'activité exploitée jusqu'alors par la société Terr'Loire portant sur la production et le stockage de pommes de terre.

Pour les besoins de son activité de stockage des pommes de terre dans des locaux réfrigérés, elle utilise des palox empilés les uns sur les autres.

Entre 2004 et 2007, la société SMC (Scierie Michel C.) depuis devenue société Emballages du Val d'Authion (la Seva) a fourni des palox à la société Terr'Loire.

En 2009 puis en 2010, deux effondrements de palox sont survenus entraînant une dégradation des locaux dans lesquels ces derniers étaient entreposés.

Statuant à la demande de la société Terre de France, le juge des référés du tribunal de commerce d'Orléans, par décision du 30 septembre, a ordonné une expertise au contradictoire de la société SMC.

L'expertise a ensuite été étendue à la société Covea risks, assureur de la société SMC.

L'expert, M. R., a déposé son rapport le 16 mai 2013.

La société Terre de France a alors fait assigner la société Seva et son assureur, la société Covea Risks, devant le tribunal de commerce d'Orléans, lequel, par jugement du 19 décembre 2013, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Angers.

Devant le tribunal de commerce d'Angers, la société Terre de France Beauce est intervenue volontairement à la cause pour s'adjoindre aux demandes de la société Terre de France.

Les sociétés Terre de France et Terre de France Beauce ont demandé au tribunal de dire que les palox vendus par la société Seva étaient atteints d'un vice de conception et de voir condamner la société Seva à leur payer diverses sommes tant au titre d'une action rédhibitoire qu'au titre d'une action estimatoire.

Par jugement du 7 janvier 2015, le tribunal de commerce d'Angers a dit que les palox vendus par la société Seva étaient affectés d'un vice caché, a condamné la société Seva à payer à la société Terre de France la somme de 164 274,90 euros à titre de dommages intérêts en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter du 23 août 2010, date de l'assignation en référé, avec capitalisation par année et la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le tribunal a en outre condamné la société Seva aux entiers dépens comprenant le coût de la procédure de référés et de l'expertise judiciaire.

Il a enfin condamné la société Covea Risks à relever et garantir la société Seva de toutes les condamnations prononcées à son encontre.

Par déclaration parvenue au greffe de la cour le 23 janvier 2015, la société Covea Risks a interjeté appel de cette décision intimant la société Seva et la société Terre de France.

En cours d'instance les sociétés MMA Iard SA et MMA assurances mutuelles, ci-après désignées les MMA, venant toutes deux aux droits de la société Covea risks, sont intervenues volontairement à la cause.

La société Terre de France Beauce qui n'avait pas été intimée est intervenue volontairement aux côtés de la société Terre de France, par voie de conclusions.

Les parties ont conclu.

Une ordonnance du 20 février 2017 a clôturé l'instruction de l'affaire.

Moyens et prétentions des parties

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 14 février 2017 pour les MMA venant aux droits de la société Covea risks,

- le 29 juin 2015 pour la société Seva,

- le 17 février 2017 pour les sociétés Terre de France et Terre de France Beauce.

Aux termes desquelles les parties forment les demandes qui suivent.

Les MMA demandent à la cour de leur donner acte de leur intervention volontaire comme venant aux droits de la société Covea risks et de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a cantonné le préjudice de la société Terre de France à la somme de 164 274,90 euros,

- dire, en tant que de besoin que la société Terre de France ne peut solliciter quoi que ce soit excédant ce montant,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Covea risks à garantir la société Seva de l'ensemble des condamnations prononcées contre elle et limiter à la seule somme de 45 474,91 euros la garantie à laquelle elles sont tenue au titre des frais de réparation des bâtiments, du matériel et des mesures conservatoires.

Elles demandent, sous déduction de cette somme, le remboursement des sommes versées par la société Covea risks en exécution du jugement entrepris qui était assorti de l'exécution provisoire.

Elles concluent en outre au débouté du surplus des demandes des sociétés Terre de France et Terre de France Beauce et Seva formées à la faveur de leurs appels incidents.

Elles sollicitent en outre la condamnation des sociétés Terre de France et Terre de France Beauce ou de tout succombant à leur payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, les derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

En substance, elles font valoir au soutien de leurs prétentions que le contrat d'assurance les liant à la société Seva exclut toute garantie au titre des frais de réparation, de déplacement et de remboursement engagés par l'assuré ou par un tiers (y compris le client) des produits ou travaux défectueux ou présumés l'être ainsi que les frais nécessaires pour mener à bien ces opérations.

Elles font reproche au premier juge d'avoir dit que cette clause n'était pas opposable à la société Seva et à la société Terre de France alors que cette clause est parfaitement claire et apparente dans le contrat d'assurances.

Elles précisent encore que le tableau des garanties auquel le tribunal s'est référé ne peut s'analyser qu'au regard des exclusions contractuelles qui figurent dans les conditions générales annexées au contrat d'assurance.

Les sociétés Terre de France et Terre de France Beauce demandent à la cour de retenir que la société Seva est responsable des vices de conception cachés qui affectent les palox qu'elle a vendus et de dire qu'elle doit seule supporter les conséquences de l'élimination des vices cachés portant sur 2 350 palox.

Elles estiment qu'elles sont fondées à exercer une action estimatoire concernant les palox déjà réparés et une action rédhibitoire concernant les palox restants.

Elles précisent que l'action rédhibitoire porte sur le prix payé à la société Seva lors des ventes initiales, à savoir 120 euros l'unité.

Elles sollicitent en conséquence la condamnation de la société Seva à leur payer :

- au titre des mesures conservatoires la somme de 10783,99 euros,

- au titre de la réparation des bâtiments et du matériel la somme de 44 618,59 euros,

- au titre de la réparation déjà réalisée sur certains palox la somme de 118 800 euros HT,

- au titre de l'action rédhibitoire portant sur les 2350 palox restants la somme de 282 000 euros HT et subsidiairement au titre de l'action estimatoire sur ces 2350 palox la somme de 94 000 euros HT,

Toutes sommes produisant intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé du 23 août 2010.

Elles font ensuite valoir que la clause d'exclusion de garantie invoquée par les MMA ne leur est pas opposable de telle sorte que ces dernières doivent être condamnées à relever et garantir Seva de toute condamnation prononcée à son encontre, en principal et intérêts.

Elles concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il aurait condamné la société Seva à leur payer une indemnité de procédure de 8 000 euros et à supporter la charge des dépens comprenant le coût du référé et de l'expertise.

Elles sollicitent enfin, in solidum, la condamnation des MMA et Seva à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais non répétibles d'appel.

La société Seva demande à la cour de constater que la société Terre de France Beauce a acquis les palox après sinistre, qu'elle n'en est plus propriétaire et qu'elle n'a donc plus d'intérêt ni de qualité pour agir.

Elle ajoute que la société Terre de France a également acquis les palox après sinistre et qu'elle est irrecevable à se prévaloir de l'existence de vices cachés les affectant.

Elle soutient que la société Terre de France est irrecevable à se prévaloir de la garantie des vices cachés pour solliciter l'indemnisation de sinistres antérieurs à la vente.

Elle ajoute que la société Terre de France ne peut, sans contradiction, demander à la fois la réduction du prix de vente et la résolution de la même vente.

Elle fait en outre observer que les causes des sinistres successifs ne sont pas déterminées ni déterminables et que ces derniers pourraient tout aussi bien être la conséquence d'une carence dans l'entretien et la conservation des palox.

En définitive, elle demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, de dire les sociétés Terre de France et Terre de France Beauce irrecevables et en tous cas mal fondées en leur demandes et appels incidents et de les en débouter.

À titre subsidiaire elle conclut à l'irrecevabilité de l'appel incident de la société Covea risks et demande à la cour de confirmer la décision entreprise mais seulement en ce que la société Covea risks a été condamnée à relever indemne et garantir la société Seva de toutes condamnations en principal, frais et intérêts.

Elle demande également à la cour de limiter à de plus justes proportions les sommes à revenir à la société Terre de France et Terre de France Beauce, de limiter à 50 euros l'indemnisation par palox au titre du prix de vente suite à la résolution, de dire que les sociétés Terre de France et Terre de France Beauce devront procéder, sous astreinte, à la restitution des palox donnant lieu à résolution et de rejeter le surplus des demandes.

En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation in solidum de toutes parties succombantes à lui payer la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité de procédure et condamner les mêmes aux entiers dépens comprenant le coût de la procédure de référés et de l'expertise, les dépens de première instance tant devant le tribunal de commerce d'Orléans que devant le tribunal de commerce d'Angers et les dépens d'appel.

Motifs de la décision

Il sera donné acte aux sociétés MMA Iard SA et MMA Assurances Mutuelles de leur intervention volontaire aux lieux et place de la société Covea risks.

Il sera également donné acte à la société Terre de France Beauce de son intervention volontaire :

- sur l'action en garantie des vices cachés

Il est notable que les sociétés Terre de France Beauce et Terre de France sollicitent toutes deux, conjointement, l'allocation des mêmes sommes précisant qu'elles fondent leurs prétentions sur la garantie des vices cachés en exerçant une action rédhibitoire pour une partie des palox et une action estimatoire pour le surplus des palox.

Elles sollicitent par ailleurs l'indemnisation, complémentaire, de préjudices ayant résulté pour elles du vice allégué des palox vendus par la société SMC.

I - sur les fins de non-recevoir opposées à la société Terre de France Beauce

Pour conclure à l'irrecevabilité des demandes de la société Terre de France Beauce, la société Seva fait valoir :

- d'une part que celle-ci n'était pas encore propriétaire des palox litigieux lorsque les sinistres sont survenus dès lors qu'elle n'en était que crédit preneur,

- d'autre part qu'elle a depuis, en décembre 2010 et novembre 2011, revendu les palox en cause à la société Terre de France,

de sorte qu'elle n'aurait pas qualité à agir.

Il résulte de l'expertise que la société SMC a fourni à la société Terr'Loire :

- 1500 palox au prix unitaire de 120 HT selon devis du 21 juin 2004,

- 2 720 palox au prix unitaire de 117 euros HT selon commande du 17 mars 2005 (commande initiale de 3 000 palox réduite à 2 720 unités dans le cadre du crédit-bail),

- 600 palox au prix unitaire de 124 euros HT suivant devis du 11 septembre 2006,

- 500 palox au prix unitaire de 144 euros HT suivant devis du 6 juin 2007,

soit, au total, 5 320 palox tous d'un format 2400 X 1200 X 1500.

Par jugement du 14 août 2009, confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Orléans le 29 octobre 2009, le Tribunal de commerce d'Orléans a adopté un plan de cession de l'activité " Pomme de terre, activité 1ère gamme " de la société Terr'Loire au profit de la société Terre de France Beauce.

En exécution du jugement du 14 août 2009, l'acte de cession a été signé le 12 février 2010.

L'acte de cession prévoit que les palox entraient dans le périmètre de la cession.

Au vu des pièces produites il apparaît que :

- les 600 palox visés dans le devis du 11 septembre 2006 ont fait l'objet d'un contrat de crédit-bail consenti, pour 60 mois, par la société Sodelem à la société Terr'Loire et le bénéfice du contrat de crédit-bail a été transféré, le 14 août 2009, pour les 27 mois restant, à la société Terre de France Beauce, le contrat étant donc venu à terme en novembre 2011

- les 2720 palox livrés en 2005 ont fait l'objet d'un contrat de crédit-bail, consenti, pour 48 mois, par la société Ucabail Unimat à la société Terr'Loire. Le crédit preneur (devenu le Crédit agricole Leasing) a cédé ces palox à la société Terre de France Beauce le 15 mars 2010.

C'est à la date de la saisine du tribunal que s'apprécie la qualité pour agir d'une partie.

En l'espèce la société Terre de France Beauce, qui n'était pas présente à l'instance engagée initialement devant le Tribunal de commerce d'Orléans, est intervenue à la cause devant le tribunal de commerce d'Angers, juridiction de renvoi.

L'intervention volontaire de la société Terre de France Beauce est donc, a minima, postérieure au jugement d'incompétence du tribunal de commerce d'Orléans du 13 décembre 2013.

Il ressort des pièces produites aux débats que la société Terre de France Beauce a cédé à la société Terre de France :

- le 31 décembre 2010 : 6134 palox type 2400 X 1200 X 1500,

- le 10 novembre 2011 : 600 palox type 2400 X 1200 X 1500.

Les sociétés Terre de France et Terre de France Beauce indiquent que les palox fournis par la société SMC qui font l'objet du présent litige se comptent au nombre des palox cédés en 2010 et 2011 par la société Terre de France Beauce.

Cette cession a emporté transfert partiel de la qualité pour agir de la société Terre de France Beauce au profit de la société Terre de France.

En effet, la société Terre de France Beauce n'était donc plus propriétaire des palox lorsqu'elle est intervenue volontairement à la cause devant le tribunal de commerce et elle n'était donc pas recevable à saisir la juridiction consulaire pour exercer, à son profit, l'action rédhibitoire qui consiste à solliciter la restitution du prix moyennant, en contrepartie restitutions des palox vendus.

Elle reste néanmoins recevable à exercer l'action estimatoire dès lors que la demande qu'elle forme tant à obtenir une réduction du prix, à hauteur du coût des réparations auxquelles elle indique avoir fait procéder, selon factures Barbarie des 30 juillet 2010 et 30 août 2010, avant la cession à la société Terre de France, pour remédier au vice qu'elle allègue étant observé que :

- il n'est pas établi que les palox qu'elle a acquis en 2004 et 2007 auprès de la société SMC auraient fait l'objet d'un quelconque contrat de crédit-bail (l'acte de cession Terr'Loire ne comportant aucune mention expresse en ce sens et la cour observant que les factures correspondant à ces deux cessions prévoient des règlements par traite),

- les deux contrats de crédits bail relatifs aux ventes de 2005 et 2006 étaient arrivés à terme respectivement en mars 2010 et novembre 2011, la cour observant que la société Terre de France Beauce établit qu'elle a levé l'option le 10 mars 2010 s'agissant du contrat de crédit-bail Unimat et qu'il n'est pas soutenu que l'option n'aurait pas également été levée s'agissant du contrat Sodelem.

Elle est également recevable à agir en ce que sa demande porte sur les dommages intérêts destinés à réparer les préjudices qu'elle a personnellement supportés et qu'elle impute au vice allégué des palox vendus par la société SMC (mesures conservatoires et réparations des bâtiments et du matériel endommagé par la chute des palox).

II - Sur les fins de non-recevoir opposées à la société Terre de France

Pour conclure à l'irrecevabilité de l'action de la société Terre de France, la société Seva fait valoir, en premier lieu, que cette dernière connaissait le vice allégué lorsqu'elle a fait l'acquisition des palox en décembre 2010 et novembre 2011 puisqu'elle avait eu connaissance du sinistre de 2009 et que dans son assignation en référé du 23 août 2010, délivrée aux fins d'expertise, elle énonçait elle-même que les palox étaient atteints d'un vice.

Cependant, il convient de rappeler qu'en sa qualité de sous acquéreur, l'acheteur reste recevable pour exercer l'action en garantie des vices cachés qui accompagne le bien vendu, en tant qu'accessoire, nonobstant la connaissance qu'il a pu avoir du vice lors de son acquisition.

En outre si la société Terre de France qui n'était pas encore propriétaire des palox lorsqu'elle a fait assigner la société Seva en référé en août 2010, a pu évoquer l'existence d'un vice affectant les palox litigieux et qu'il est incontestable que le sinistre s'est manifesté en 2009, il reste que ce n'est qu'au jour du dépôt du rapport d'expertise que la société Terre de France et son auteur la société Terre de France Beauce ont pu apprendre que le défaut de conception des palox dont la hauteur de 1,50 m est, selon l'expert, trop importante, eu égard à la faiblesse des dispositifs de stabilité constituées par les diagonales des petits côtés de section de plus en plus en plus faibles, ce vice de conception, par sa nature, ne présentant aucun caractère apparent au jour de la vente originaire.

Le rapport d'expertise a été déposé le 13 mars 2013.

La société Terre de France a saisi le Tribunal de commerce d'Orléans le 5 septembre 2013 ainsi qu'il résulte du jugement du 19 décembre 2013.

Si le jugement du tribunal de commerce ne précise pas à quelle date la société Terre de France Beauce est intervenue devant lui, il est notable qu'il ressort des conclusions échangées devant la juridiction consulaire, que la société est à minima intervenue à la cause par conclusions du 1er avril 2014.

La société Terre de France et la société Terre de France Beauce ont donc agi à bref délai s'agissant de la vente de 2004 et dans le délai légal de deux ans pour les ventes postérieures.

Pour conclure en second lieu à l'irrecevabilité des demandes de la société Terre de France, la société Seva fait valoir que cette dernière ne peut solliciter une indemnisation correspondant à des faits survenus avant la vente.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, c'est la société Terre de France Beauce qui a subi le sinistre lié à l'effondrement des palox en 2009.

Par ailleurs c'est également la société Terre de France Beauce qui a supporté les frais de reprise des palox en juillet et août 2010, soit là aussi, avant la vente au profit de la société Terre de France, frais sur lesquels elle se fonde pour calculer la diminution du prix dans le cadre de son action estimatoire.

La société Seva est donc fondée à soutenir que la société Terre de France, dont il sera rappelé qu'elle est simplement cessionnaire des palox, n'est pas recevable à solliciter pour son propre compte la réparation des dommages causés aux locaux et matériels de la société Terre de France Beauce pas plus que la diminution du prix des Palox ayant fait l'objet de la prestation de la société Barbarie dont elle n'a personnellement supporté le coût.

III - Sur le fond

Il sera observé, à titre liminaire, que les palox litigieux ont fait l'objet de plusieurs ventes distinctes, que si les commandes portaient chacune sur plusieurs palox, il n'en demeure pas moins qu'ils ont été facturés et vendus à l'unité de sorte que les sociétés Terre de France Beauce et Terre de France sont en droit, s'agissant de l'option entre action estimatoire et action rédhibitoire, de leur réserver des sorts différents.

A - sur la demande de réduction du prix

Il ressort des termes du rapport d'expertise que les palox livrés par la société SMC au titre des années 2004 à 2007 sont affectés d'un défaut de conception, la hauteur des palox étant trop importante au regard de la faiblesse des dispositifs de stabilité constitué par les diagonales des petits côtés de section.

L'expert énonce encore qu'à raison de cette fragilité l'empilage des caisses génèrent un effet " de site " par déplacement des palox supérieurs ce qui génère par suite des contraintes de rupture sur les parois verticales inférieures qui ne sont plus à l'aplomb des autres.

Par nature même, les palox ont vocation à pouvoir être empilés les uns sur les autres dans les locaux de stockage et de manutention.

Leur fragilité telle que révélée par l'expertise, les rend impropres à cette destination.

La société Terre de France Beauce est donc fondée en son action estimatoire et elle est légitime à solliciter une réfaction du prix de vente qu'elle évalue justement, par référence aux factures de la société Barbarie qui est intervenue en juin et juillet 2010, non pas pour entretenir, mais bien pour réparer 2970 palox soit une somme totale de 118 800 euros HT qui sera allouée à la société Terre de France au titre de la réduction du prix de vente.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la demande présentée par la société Terre de France Beauce devant le tribunal de commerce d'Angers, soit à compter de ses conclusions à cette fin du 1er avril 2014.

Il sera, pour ces intérêts, fait application du principe de capitalisation des intérêts prévu par l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause, les conditions légales étant remplies.

B - sur l'action rédhibitoire

Pour le surplus des palox soit 2350 unités, l'expert a relevé que l'ensemble des palox est affecté du même défaut de conception dont il a, plus haut, été retenu qu'il rendait les palox impropres à leur destination.

La société Terre de France est en droit de choisir d'exercer à titre principal l'action rédhibitoire de l'acquéreur originaire et le jugement sera infirmé qui l'a déboutée de sa demande de ce chef.

L'exercice de l'action rédhibitoire au titre de la garantie des vices cachés emporte résolution de vente et la société Seva est tenue à restitution du prix de vente sans diminution liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure en résultant.

Même si elle-même a payé les palox à un prix moindre, elle est fondée à solliciter la restitution du prix réglé par l'acquéreur originaire.

Il est notable que le prix des palox facturés par la société SMC a évolué au fil du temps (de 120 euros à 144 euros HT).

La société Terre de France se référant au plus faible de ces tarifs est fondée à solliciter, au titre de son action rédhibitoire, l'allocation d'une somme de 282 000 euros HT (120 X 2350).

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt qui consacre le principe de la résolution de la vente au titre des 2350 palox.

Les intérêts au taux légal se capitaliseront dans les termes de l'article 1154 du Code civil.

Ainsi qu'elle le fait justement observer, la société Terre de France, propriétaire des palox qui lui ont été vendus par la société Terre de France Beauce, qui prospère en son action rédhibitoire, est pour sa part tenue à restitution des palox remboursés.

Il sera fait droit à la demande de restitution formée à son encontre dans les termes du dispositif de la présente décision

La société Terre de France Beauce qui a été déclarée irrecevable en son action rédhibitoire, faute d'être propriétaire des palox litigieux, ne saurait être personnellement tenue à restitution.

Le prononcé d'une astreinte ne s'impose pas en l'état, rien ne permettant de suspecter que la société Terre de France n'exécutera pas spontanément son obligation de restitution, la cour rappelant que le juge de l'exécution restera compétent pour assortir, le cas échéant, la condamnation à restitution si la société Terre de France n'y défère pas dans le délai imparti par la cour.

C - sur la demande indemnitaire

La société SMC, en sa qualité de vendeur professionnel est réputée avoir connu le vice de conception dont étaient affectés les palox vendus et qu'elle est donc tenue de réparer le préjudice ayant résulté de ce vice pour l'acquéreur ou sous acquéreur, à charge pour ce dernier de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre le vice caché et le dommage.

Il ressort des pièces produites, constats d'huissier et expertise que la société Terre de France Beauce a subi un sinistre en novembre 2009, des palox vendus par la société SMC, qui étaient empilés les uns sur les autres, s'étant effondrés et qu'un sinistre du même ordre s'est à nouveau produit dans ses locaux en 2010.

La société Seva fait valoir que la société Terre de France Beauce qui a la charge de la preuve ne rapporte pas à suffisance la preuve que le sinistre trouve son origine dans le défaut affectant les palox vendus par la société.

Elle soutient ainsi que l'expert n'a pas été mis en mesure de faire de constatation sur les palox concernés par les sinistres qui pourraient tout aussi bien, selon elle, trouver leur origine dans un défaut d'entretien voire dans un incident de manipulation.

Cependant l'expertise établit la fragilité des palox vendus par la société SMC, cette fragilité, qui trouve sa cause dans l'insuffisance des dispositifs de stabilité générant, à l'empilement, un déplacement des palox supérieurs qui viennent eux-mêmes générer des contraintes de rupture sur les palox inférieurs, les parois verticales des palox n'étant plus à l'aplomb des autres.

Il peut être regrettable qu'en réponse à un dire du conseil de la société Seva, qui l'interrogeait spécialement sur les origines possibles du sinistre, l'expert ait simplement répondu que la cause du sinistre n'était plus remise en cause.

Cependant, il convient de relever que les effondrements des palox, le premier en 2009 et le second en 2010, sont précisément caractéristiques des effets de leur fragilité à l'empilement tel que révélée par l'expertise, une photographie versée aux débats, dont il n'est pas discuté qu'elle illustre un des sinistres, faisant clairement apparaître que, conformément au diagnostic de l'expert, c'est bien un palox inférieur qui s'est effondré sous la pression des palox supérieurs.

La répétition des sinistres elle-même corrobore les conclusions de l'expert, rien ne militant en faveur d'un défaut d'entretien, que l'expert n'a pas relevé, ou encore d'un défaut de manipulation.

Il est encore notable que lors du second sinistre l'huissier de justice, Maître L., a pu constater le 15 juin 2010 que plusieurs palox défectueux menaçaient de céder voire de faire écrouler la pile sur laquelle sont entreposés d'autres palox, ce qui corrobore encore une fois les conclusions de l'expert.

La société Terre de France Beauce qui rapporte ainsi la preuve d'un lien de causalité entre le défaut de conception des palox vendus et les sinistres dont elle a été victime est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice en ayant résulté pour elle.

Le coût des travaux de reprise pour réparer les dégâts matériels sur les deux bâtiments endommagés en 2009 et 2010 à la suite de l'effondrement des palox sera indemnisé à hauteur de la somme de 44 618,59 euros HT vérifiée par l'expert en conformité avec les devis produits aux débats.

La société Terre de France Beauce est également fondée à solliciter le coût des mesures conservatoires qu'elle a été amenée à prendre lors de la survenance des sinistres, soit une somme de 856,32 euros correspondant au coût de location de d'élévateurs pour procéder à l'enlèvement des palox effondrés.

S'il est demandé paiement de la location d'une nacelle selon facture Lesage de 1 514 euros HT, l'expert a retenu que la manipulation de palox ne se faisant pas au moyen d'une nacelle, il n'y avait pas lieu, sauf explication circonstanciée, qui n'est pas apportée devant la cour, de faire supporter à la société Seva le coût de location de ce matériel.

La société Terre de France Beauce n'explicite pas le mode calcul de la somme de 9 269,99 euros qu'elle sollicite au titre du travail supplémentaire pour ses salariés occasionnés par les sinistres.

Sa demande de ce chef sera rejetée.

En définitive, la société Seva sera condamnée à payer à la société Terre de France Beauce, les sommes de 44 618,59 euros HT et 856,32 euros HT, le jugement devant être infirmé en ce qu'il a alloué ces sommes à la société Terre de France.

A titre de dommages intérêts complémentaires, ces sommes produiront intérêts au taux légal au profit de la société Terre de France Beauce, à compter de sa demande devant le tribunal de commerce soit à compter du 1er avril 2014.

Ces intérêts se capitaliseront dans les termes de l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause.

D - sur la garantie des sociétés MMA venant aux droits de la société Covea risks

Lors de la survenance des deux sinistres la société Covéa Risks aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA garantissait la société SMC au titre d'un contrat de responsabilité civile.

Il ressort des conditions particulières du contrat et plus particulièrement du tableau des garanties, qu'après livraison, elle garantissait les dommages corporels, matériels et immatériels.

La mise en jeu de cette garantie prévue dans les conditions particulières est néanmoins, sans la contradiction relevée par les premiers juges, assujettie aux conditions générales annexées aux conditions particulières du contrat qui viennent en définir les modalités.

Or les conditions générales du contrat d'assurance précisent en page 5, s'agissant de la responsabilité civile après livraison, sous un paragraphe intitulé " Exclusions spécifiques à la responsabilité civile après livraison ou achèvement des travaux " :

(...) la société ne garantit pas

2-2-2 une réclamation fondée sur le fait que les produits livrés ou travaux effectués par l'assuré ne remplissent pas les fonctions ou ne satisfont pas aux besoins auxquels ils sont destinés, toutefois la garantie reste acquise pour les dommages directement entraînés par la défaillance ou l'altération fortuite des produits ou des travaux,

2-2-3 les frais de réparations, de remplacement ou de remboursements engagés par l'assuré ou par un tiers (y compris clients), des produits ou travaux défectueux ou présumés l'être ainsi que les frais nécessaires pour mener à bien ces opérations.

En application de ces clauses d'exclusion de garantie, l'assurance ne garantit donc pas le remboursement du prix de vente à intervenir suite de la résolution du contrat au titre de la garantie des vices cachés, pas plus que la réduction du prix dans le cadre de l'action estimatoire.

La garantie de l'assureur ne porte donc que sur les dommages intérêts qui ont été mis à la charge de la société Seva en principal et intérêts alloués en indemnisation du préjudice matériel subi par la société Terre de France Beauce à la suite des sinistres dont cette dernière a été victime et dont il a plus haut été jugé qu'ils étaient imputables au vice de conception des palox.

Pour tenter d'écarter l'application des clauses d'exclusion de garantie, la société Seva soutient que ces clauses, au mépris des dispositions de l'article L 112-4 du Code des assurances ne sont pas mentionnées en caractères très apparents.

Cependant, alors que les clauses des conditions générales sont typographiées en caractères normaux, il convient de constater que les clauses d'exclusion sont typographiées en caractères gras, tranchant avec les autres clauses.

Les clauses d'exclusion de garantie concernant l'assurance de responsabilité civile et plus particulièrement celles invoquées par les sociétés MMA sont, elles aussi, typographiées en caractères gras et elles sont signalées par un titre de paragraphe présenté en plus gros caractères et en gras intitulé " Exclusions spécifiques à la responsabilité civile après livraison ou achèvement des travaux ".

Par ailleurs elles sont présentées dans des paragraphes distincts, dans une présentation aérée, chaque clause étant en outre précédée d'un numéro d'article et d'un losange noir, venant l'individualiser.

Elles apparaissent ainsi en caractères très apparents et répondent par leurs présentations aux exigences de l'article L. 112-4 du Code des assurances, l'attention du lecteur, même à la faveur d'une lecture rapide, étant attirée sur les clauses spécifiques invoquées aujourd'hui par les MMA.

Les MMA sont donc fondées à opposer ces clauses d'exclusion tant à leur assurée qu'aux sociétés Terre de France et Terre de France Beauce.

Par infirmation du jugement qui avait condamné la société Covea Risks à garantir l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de la société Seva en principal, intérêts et frais, les sociétés MMA ne seront tenues à garantie qu'au titre des condamnations portant sur les sommes de 44 618,59 euros HT et 856,32 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2014, capitalisables en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil.

L'arrêt infirmatif emporte de plein droit obligation de restitution et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution, il n'y a donc pas lieu de statuer, de ce chef, sur la demande des sociétés MMA.

E - sur les dépens et les frais non répétibles

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et frais non répétibles de première instance seront confirmées.

La société Seva qui succombe largement en ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel.

Elle sera condamnée au paiement d'une indemnité de procédure au bénéfice des sociétés Terre de France et Terre de France Beauce, le surplus des demandes de ces chefs étant rejetées.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Donne acte aux sociétés MMA Iard SA et MMA assurances mutuelles de leur intervention volontaire aux lieu et place de la société Covea risks, Donne acte à la société Terre de France Beauce de son intervention volontaire, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les palox vendus par la société Seva étaient affectés d'un vice caché et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais non répétibles de première instance, L'infirme sur le surplus, Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant, Déclare la société Terre de France irrecevable en ses demandes :- au titre des frais de réparation des bâtiments et matériels endommagés et des mesures conservatoires ; - au titre de l'action estimatoire portant sur 2970 palox, Déclare la société Terre de France Beauce irrecevable en sa demande au titre de l'action rédhibitoire concernant les 2350 palox restants, Ecarte le surplus des fins de non-recevoir, Condamne la société Seva venant aux droits de la société SMC à payer à la société Terre de France Beauce les sommes de 44 618,59 euros HT et 856,32 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2014 , les intérêts se capitalisant dans les termes de l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause, Condamne les sociétés MMA IARD SA et MMA assurances mutuelles venant aux droits de la société Covéa risks à garantir la société Seva de la condamnation qui précède, Condamne la société Seva venant aux droits de la société SMC à payer à la société Terre France Beauce, au titre de l'action estimatoire portant sur 2970 palox, la somme de 118 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2014, les intérêts se capitalisant dans les termes de l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause, Condamne la société Seva venant aux droits de la société SMC à payer à la société Terre de France, au titre de l'action rédhibitoire portant sur 2350 palox la somme de 282 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, les intérêts se capitalisant dans les termes de l'article 1154 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause, Constatant en conséquence la résolution de la vente de ces 2350 palox, condamne la société Terre de France à les restituer, en leur état, à la société Seva venant aux droits de la société SMC dans les deux mois suivant la signification du présent arrêt, aux frais de la société Seva, Condamne la société Seva venant aux droits de la société SMC à payer aux sociétés Terre de France et Terre de France Beauce une indemnité de procédure de 2 000 euros, Condamne la société Seva venant aux droits de la société SMC aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes.