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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 10 octobre 2017, n° 16-01940

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sodimatel Fasteners (SAS)

Défendeur :

Ortelec (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meslin

Conseillers :

Mme Guillou, M. Ardisson

T. com. Versailles, du 2 mars 2016

2 mars 2016

Vu l'appel déclaré le 15 mars 2016 par la société par actions simplifiée Sodimatel Fasteners (société Sodimatel) contre le jugement prononcé le 2 mars 2016 par le Tribunal de commerce de Versailles dans l'affaire qui l'oppose à la société par actions simplifiée unipersonnelle Ortelec (société Ortelec) ;

Vu les interventions volontaires formalisées le 12 septembre 2016 par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Patrick P. prise en la personne de Maître Patrick P. en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Sodimatel placée sous un régime de redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Versailles du 1er septembre 2016 (Selarl Patrick P. ès qualités) ainsi que par la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Mars prise en la personne de Maître Philippe S. ès qualités de mandataire judiciaire à cette même procédure (Selarl Mars ès qualités) ;

Vu le jugement entrepris ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :

- 14 juin 2016 par la société Sodimatel, appelante à titre principal et intimée sur appel incident,

- 5 octobre 2016 par la société Ortelec, intimée sur appel principal et appelante sur appel incident ;

Vu l'ensemble des actes de procédure ainsi que les éléments et pièces transmises par chacune des parties.

SUR CE,

LA COUR se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. Données analytiques, factuelles et procédurales du litige

La société Sodimatel, grossiste importateur, a le 19 décembre 2011, conclu avec la société Ortelec un contrat d'agent commercial non exclusif à durée indéterminée pour la vente d'afficheurs électroniques (displays) sur le territoire français. Ce contrat, a ensuite le 30 octobre 2013, fait l'objet d'un avenant ayant pour effet de modifier la commission de la société Ortelec.

Le 1er décembre 2014, constatant la survenance de retards répétés dans la livraison de produits et la défaillance de la société Sodimatel, la société Ortelec a pris acte, de ce que le maintien du lien contractuel était impossible et a ainsi notifié à la société Sodimatel, la rupture unilatérale et immédiate du contrat d'agence commerciale.

Estimant que la société Sodimatel était par sa carence fautive à l'origine de la rupture du contrat d'agence litigieux, la société Ortelec a selon acte du 30 janvier 2015, fait assigner cette société devant le Tribunal de commerce de Versailles en paiement, sous exécution provisoire, de 217 345 € au titre de l'indemnité de cessation de contrat prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce outre, 38 370 € hors taxes de commissions dues, la taxe à valeur ajoutée sur ce montant, 10 000 € à titre de frais irrépétibles ainsi que les dépens.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Ortelec a prié le premiers juges de:

- vu les articles 1134 et 1135 du Code civil, les articles L. 134-1 et suivants et R. 134-3 et R. 134-4 du Code de commerce,

- condamner provisionnellement la SAS Sodimatel Fasteners à payer à la Sasu Ortelec à titre d'indemnité de cessation de contrat, la somme de 217 345 €,

- condamner provisionnellement la SAS Sodimatel Fasteners à payer à la Sasu Ortelec à titre de commissions la somme de 38 370 € hors taxe + TVA à 20 %,

- dire et juger que ces deux demandes seront complétées au vu des justifications à fournir par la SAS Sodimatel Fasteners en exécution du jugement à intervenir ainsi qu'il est dit ci-après.

- ordonner à la SAS Sodimatel Fasteners de produire dans la quinzaine de la signification du jugement à intervenir toutes justifications des bases des commissions revenant à la Sasu Ortelec par la production des factures émises à l'intention des clients, Bouyer, Arpeges Master-K, Eolane, Logitrade, Cipam, Gravotech, Medria, Noralsy, Systech, Syride, Electronica, Theobald, Horoquartz, autres clients en portefeuille, Finsecur, Ethylo,

- condamner la SAS Sodimatel Fasteners à verser à la Sasu Ortelec 10 000 € en application de l'article700 du Code de procédure civile,

- condamner la SAS Sodimatel Fasteners en tous dépens.

- ordonner l'exécution provisoire, nonobstant toutes voies de recours, de la décision à intervenir.

Par jugement contradictoire du 2 mars 2016, le Tribunal de commerce de Versailles a tranché le litige en ces termes :

- condamne la SA Sodimatel Fasteners à payer à la Sasu Ortelec 109 000 € au titre de l'indemnité en réparation du préjudice subi par la cessation du contrat d'agent commercial ;

- condamne la Sasu Ortelec à payer à la SA Sodimatel Fasteners 17 630 € à titre de dommages et intérêts en compensation du préavis non exécuté ;

- fait injonction à la SA Sodimatel Fasteners de communiquer à la Sasu Ortelec un état complet des facturations émises et des règlements reçus pour les commandes conclus grâce à son intermediation depuis 1er août 2014 jusqu'au 1er décembre 2014 date de la cessation du contrat, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement ;

- déboute la Sasu Ortelec de ses autres demandes ;

- déboute la SA S Sodimatel Fasteners de ses autres demandes ;

- ordonne la compensation entre les créances réciproques ;

- condamne la SA Sodimatel Fasteners à payer à la Sasu Ortelec 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonne l'exécution provisoire ;

- condamne la SA Sodimatel Fasteners aux dépens dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 81,12 euros.

Les points essentiels de cette décision sont les suivants : - la société Ortelec produit aux débats à l'appui de sa décision de rupture, plusieurs courriels échangés avec la société Sodimatel sur une période comprise entre février et novembre 2014, l'informant de retards de livraison de nombre de ses clients ; - ces retards ont d'évidence perturbé l'activité commerciale de la société Ortelec qui s'est ainsi trouvée, dans l'impossibilité d'exécuter son mandat ; - en affectant ses ressources financières à d'autres activités que celle de la vente de display, la société Sodimatel a en effet entravé l'activité de son agent commercial qui a subi une perte de chiffre d'affaires et partant, une perte de crédibilité dans ses rapports avec ses clients ; - il existe suffisamment d'éléments probants démontrant l'impossibilité pour la société Ortelec d'accomplir son mandat et la cessation du contrat est justifiée par des circonstances imputables à faute de la société Sodimatel ; - les conditions de l'article L. 134-13 du Code de commerce ouvrant droit à l'indemnité pour réparation du préjudice subi, sont remplies ; - si l'indemnité allouée relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, elle est selon l'usage, calculée sur la base de deux années de commissions ; - prenant en compte la durée des relations contractuelles entre les parties et de ce que la société Ortelec était en capacité de poursuivre un courant d'affaires avec ses clients au vu des éléments portés aux débats, l'indemnité en réparation du préjudice consécutif à la cessation du contrat d'agent commercial doit ainsi être à fixée à 109 000 € ; - si la société Ortelec justifie l'absence de respect du délai de préavis par le comportement de la société Sodimatel dans les retards de livraison ainsi que dans le refus de prendre des commandes, ces manquements ne présentaient cependant pas, un caractère de gravité suffisant pour justifier l'absence de préavis et la société Ortelec a, en privant la société Sodimatel du délai nécessaire à la mise en place d'une nouvelle organisation commerciale, occasionné à celle-ci un préjudice pouvant être raisonnablement évalué à 17 630 €. La société Sodimatel sera cependant et enfin déboutée de la demande de dommages-intérêts pour réparation de son préjudice commercial dès lors que la rupture du contrat est due à des circonstances qui lui sont bien imputables et dès lors qu'aucune caractère déloyal du comportement de la société adverse n'est établi.

La société Sodimatel a déclaré appel de cette décision. Le Tribunal de commerce de Versailles l'ayant selon jugement du 1er septembre 2016, admise au bénéfice du redressement judiciaire, la société Ortelec a le 21 septembre 2016, déclaré sa créance à hauteur de 255 785, 88 € et a modifié cette déclaration le 5 octobre suivant, pour un montant de 257 785, 88 €. Les Selarl Patrick P. et Mars étaient ès qualités d'administrateur et de mandataire judiciaires, intervenus volontairement à cette procédure selon conclusions du 12 septembre 2016. La clôture de l'instruction a finalement été ordonnée le 15 novembre suivant et l'affaire, a été renvoyée à l'audience du 13 juin 2017 tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été renvoyée à l'audience de ce jour pour plus ample délibéré.

2. Dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 455 et 954 du Code de procédure civile ;

La société Sodimatel demande qu'il plaise à la cour de :

- vu les dispositions du contrat d'agence

- vu les dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce,

- vu les dispositions des articles 1147 et 1149 du Code civil,

- recevoir la société Sodimatel Fasteners en ses conclusions,

- confirmer le jugement entrepris s'agissant du principe de l'indemnisation du préjudice subi par la société Sodimatel Fasteners à raison de la rupture brutale et le défaut d'exécution du préavis,

- infirmer celui-ci s'agissant du quantum de l'indemnisation du préjudice subi par la société Sodimatel Fasteners à raison de la rupture brutale et le défaut d'exécution du préavis.

- statuant à nouveau,

- condamner la société Ortelec au paiement de la somme de 33 156 € à titre de dommages et intérêts en compensation du préavis non exécuté,

- condamner la société Ortelec au paiement de la somme de 265 250 € à titre de dommages et intérêts en compensation du préjudice commercial occasionné à la société Sodimatel Fasteners.

- infirmer le jugement entrepris s'agissant de la condamnation prononcée au titre du versement d'une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial,

- statuant à nouveau,

- constater l'absence de toute mise en demeure préalable à la rupture,

- constater la conclusion concomitante à la rupture d'un nouveau contrat d'agent commercial avec un nouveau partenaire, pour la même gamme de produits,

- constater l'absence de perte de clientèle,

- subsidiairement,

- constater l'absence de circonstances imputables au mandant, justificatives de la rupture du contrat,

- débouter la société Ortelec de la totalité de ses demandes.

- condamner la société Ortelec au paiement la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la société Ortelec aux entiers dépens.

Les sociétés Patrick P. et Mars ès qualités, intervenants volontaires, demandent à la Cour de :

- vu les dispositions du contrat d'agence

- vu les dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce,

- vu les dispositions des articles 1147 et 1149 du Code civil,

- constater l'intervention volontaire la Selarl Patrick P. prise en la personne de Maître Patrick P. a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire, et la Selarl Mars prise en la personne de Maître Philippe S., en qualité de mandataire judiciaire de la SAS Sodimatel Fasteners.

- recevoir la société Sodimatel Fasteners en ses conclusions,

- confirmer le jugement entrepris s'agissant du principe de l'indemnisation du préjudice subi par la société Sodimatel Fasteners à raison de la rupture brutale et le défaut d'exécution du préavis,

- infirmer celui-ci s'agissant du quantum de l'indemnisation du préjudice subi par la société Sodimatel Fasteners à raison de la rupture brutale et le défaut d'exécution du préavis.

- Statuant à nouveau,

- condamner la société Ortelec au paiement de la somme de 33 156 € à titre de dommages et intérêts en compensation du préavis non exécuté,

- condamner la société Ortelec au paiement de la somme de 265 250 € à titre de dommages et intérêts en compensation du préjudice commercial occasionné à la société Sodimatel Fasteners

- infirmer le jugement entrepris s'agissant de la condamnation prononcée au titre du versement d'une indemnité de rupture du contrat d'agent commercial,

- Statuant à nouveau,

- constater l'absence de toute mise en demeure préalable à la rupture,

- constater la conclusion concomitante à la rupture d'un nouveau contrat d'agent commercial avec un nouveau partenaire, pour la même gamme de produits,

- constater l'absence de perte de clientèle,

- Subsidiairement,

- constater l'absence de circonstances imputables au mandant, justificatives de la rupture du contrat,

- débouter la société Ortelec de la totalité de ses demandes.

- condamner la société Ortelec au paiement la somme de 10 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la société Ortelec aux entiers dépens.

La société Ortelec prie la Cour de :

- vu les articles 1134 et 1135 du Code civil, L. 134-1 à L. 134-16, R. 134-3 et R. 134-4 du Code de commerce, 133, 134 et 700 du Code de procédure civile

- ordonner à la SAS Sodimatel Fasteners assistée de la Selarl Patrick P., de procéder à une communication régulière des pièces qu'elle verse aux débats en listant ces pièces avec une numérotation précise pour chaque document communiqué et mention sur chaque document du numéro qui lui est affecté,

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Versailles du 2 mars 2016 en ce qu'il a :

- reconnu à la Sasu Ortelec le principe du droit à indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale,

- fait injonction à la SAS Sodimatel Fasteners désormais assistée de la Selarl Patrick P., de communiquer les documents comptables indiqués à son dispositif,

- condamné la SAS Sodimatel Fasteners au paiement d'une indemnité de 2 000 € au visa de l'art 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

- réformant pour le surplus et accueillant comme recevable et bien-fondé l'appel incident de la Sasu Ortelec :

a) dire et juger que la Sasu Ortelec était en droit le 1er décembre 2014 de prendre acte de la rupture du contrat d'agence commerciale la liant à Sodimatel Fasteners du fait de cette dernière, en raison de l'inexécution par celle-ci du contrat depuis plusieurs mois et de l'article 8 in fine de ce contrat.

b) fixer à 217 345 € (deux cent dix-sept mille trois cent quarante-cinq euros) la créance de la Sasu Ortelec sur la SAS Sodimatel Fasteners, assistée de la Selarl Patrick P., à titre d'indemnité de cessation de contrat

c) fixer à 34 535 € (trente-quatre mille cinq cent trente-cinq euros) hors taxes, plus la TVA, la créance de la Sasu Ortelec sur la SAS Sodimatel Fasteners assistée de la Selarl Patrick P. à titre de commissions arriérées avec intérêts de droit du jour de l'assignation.

- en conséquence dire et juger que la Sasu Ortelec doit être inscrite à l'état des créances pour 217 345 € + 34 535 € + 2 000 € = 253 900 € en sus les intérêts du jour de l'assignation au jour du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, dépens de 1ère instance en sus.

- débouter la SAS Sodimatel Fasteners assistée de la Selarl Patrick P. de toutes ses demandes, fins et conclusions; les rejeter.

- condamner la SAS Sodimatel Fasteners assistée de la Selarl Patrick P. en la personne de Maître P. ès qualités aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 12 000 € au titre des frais non répétibles exposés par la société Ortelec en cause d'appel.

LA COUR renvoie à chacune de ces écritures pour une synthèse argumentative de la position de chaque partie dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

Cela étant exposé,

1. LA COUR est saisie du bien fondé de demandes croisées se rapportant d'une part, à l'attribution d'une indemnité de rupture d'un contrat d'agence commerciale en faveur de la société mandataire (société Ortelec) outre le paiement d'arriérés de commissions prétendument dues à cette dernière et à front renversé, d'une demande d'indemnisation du préjudice subi par la société mandante (société Sodimatel) pour non-respect par l'auteur de la rupture, du délai de préavis conventionnellement convenu entre les parties ainsi que d'une demande d'indemnisation du préjudice commercial que cette rupture lui a occasionné.

2. Il est préalablement pris acte de l'intervention volontaire de la Selarl Patrick P. prise en la personne de Maître Patrick P. en qualité d'administrateur judiciaire, et de celle de la Selarl Mars prise en la personne de Maître Philippe S., en qualité de mandataire judiciaire de la SAS Sodimatel Fasteners.

3. Compte tenu de la procédure collective ouverte au nom de la société Sodimatel, les demandes de condamnation au paiement de cette société sont aujourd'hui des demandes de fixation de créances au passif de celle-ci.

4. La société Sodimatel soutient en substance à l'appui de sa demande de réformation partielle, que les premiers juges ne pouvaient sans se contredire, considérer que la rupture du contrat d'agence commerciale dont l'exécution lui avait été confiée, était intervenue dans des conditions brutales à l'initiative de la société Ortelec, sur des motifs ne présentant pas un motif de gravité suffisant, justifiant ainsi le versement d'une indemnité à sa charge et considérer par ailleurs, qu'elle était débitrice envers la société Ortelec, de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial.

Sur l'indemnité due par la société Ortelec pour non-respect du délai de préavis

5. La société Sodimatel expose que : - le contrat d'agence litigieux étant ancien de plus de deux ans, la société Ortelec était tenue au respect d'un délai de préavis de trois mois en application des stipulations initialement convenues ; - la lettre du 1er décembre 2014, marque cependant une volonté de rupture à effet immédiat pour faute grave ou hypothèse de force majeure au sens de l'article 8 du dit contrat ; - en prenant une telle initiative sans justification, la société Ortelec qui était pour l'activité considérée (activité Display), son seul agent commercial, s'est comportée envers elle de manière fautive et déloyale et s'est en réalité, abstenue de respecter le délai de préavis pour pouvoir immédiatement, mieux entreprendre dans cette branche d'activité des relations commerciales avec un autre partenaire (société Prorep).

Elle précise que : - la lettre de rupture n'a été précédée, d'aucune lettre de mise en demeure préalable ; - l'ayant privée, du bénéfice d'un délai de préavis de trois mois, la société Ortelec est redevable envers elle, de l'équivalent de la marge qu'elle aurait réalisée sur la période correspondante et partant, de 33 156 € à titre de dommages-intérêts ; - du fait de la déloyauté de la partie adverse, elle a en effet, immédiatement perdu l'ensemble de ses clients dans la branche d'activité correspondante ; - le comportement de la société Ortelec, délibéré, a permis à celle-ci de reprendre à son compte, l'intégralité de la clientèle ; - la gravité de ce comportement est d'autant plus avérée, que la société Ortelec savait qu'elle rencontrait des difficultés de trésorerie liées à une chute d'activité ; - il y a dans ce contexte, lieu de valoriser le préjudice sur la base de deux années de perte de marge, en reprenant les chiffres transmis par la société Ortelec dans sa lettre du 1er décembre 2014.

6. Les Selarl Patrick P. et Mars, intervenants volontaires en qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires de la société Sodimatel, ont précisé reprendre à leur compte les écritures de cette dernière.

7. La société Ortelec répond à la partie adverse que : - elle a le 1er décembre 2014, en réalité pris acte de ce que, la société Sodimatel ne la mettait plus en mesure d'accomplir le mandat d'agence qu'elle lui avait confié, en l'absence de paiement des commissions dues et des fournisseurs ; - faute d'être livrés, les clients annulaient ainsi leur commande ; - du fait des carences multiples de la société Sodimatel, l'exécution du préavis n'était plus possible ; - la société Sodimatel n'exécutait plus le contrat depuis au moins huit mois ainsi qu'en attestent, plusieurs preuves documentaires produites aux débats ;- elle ne pouvait en poursuivant l'exécution du contrat d'agence, que tromper l'attente des clients qui n'auraient pas été livrés au risque d'engager la responsablité de son mandant et de détruire sa propre crédibilité ; - la rupture du contrat litigieux est donc imputable au seul mandant puisque, en l'absence de contrat, aucun préavis n'était nécessaire ; - on ne peut lui faire grief de s'être adressé à un autre partenaire, en l'absence de toute clause de non-concurrence post-contractuelle.

8. Vu l'article 8 du contrat d'agence litigieux dont il ressort d'une part, que le contrat étant un contrat à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin par lettre recommandée avec accusé de réception sous réserve du respect d'un préavis (..) et d'autre part, qu'aucun délai de préavis n'est dû en cas de faute grave ou de cas de force majeure;

9. Il est constant que selon lettre du 1er décembre 2014, la société Ortelec a fait état, de ce que la société Sodimatel n'étant plus en situation d'accomplir ses obligations de mandant, elle en prenait " acte " tandis que " le contrat prend fin ce jour par le comportement de Sodimatel " en ajoutant, " l'attitude de Sodimatel ne justifie aucun préavis à son égard ".

10. Les motifs précisément allégués par la société Ortelec dans la lettre de rupture à l'appui de sa position sont notamment, l'existence de difficultés de trésorerie entravant les règlements dûs aux fournisseurs, le blocage des livraisons par ces derniers, l'impossibilité de livrer des commandes fermes, la fuite du personnel non remplacé, l'annulation de commandes par les clients et l'aveu par le comptable de la société Sodimatel, ayant courant novembre 2014, rappelé ne plus avoir de trésorerie et ne plus pouvoir payer les clients.

11. Cette réalité, avérée puisque non contestée, ne saurait cependant caractériser une faute grave de la société Sodimatel, dont il est établi que les clients ne lui accordaient pas d'encours, ni une situation de force majeure au sens de l'article 8 précité. La société Ortelec reste dans ces conditions, redevable envers son partenaire commercial, de dommages-intérêts pour non-respect du délai de préavis de trois mois.

12. En reprenant les chiffres cités par la société Ortelec elle-même dans sa lettre de rupture du 1er décembre 2014 et non contestés, le préjudice de la société Sodimatel sera donc fixé à 132 625 € / 12 x 3 = 33 156 €.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice commercial réclamés par la société Sodimatel

13. La société Sodimatel observe que : - en la mettant brutalement devant le fait accompli de la rupture de leurs relations contractuelles, la société Ortelec l'a privée de la faculté de se réorganiser pour être en mesure de poursuivre l'exploitation de la branche d'activité Display et lui a fait perdre le contact avec l'ensemble de ses clients à telle enseigne qu'elle n'a plus reçu aucune commande à partir du 1er décembre 2014 ; - la société Ortelec a sciemment organisé cette rupture dans le but de reprendre à son compte l'intégralité de la clientèle ; - ce comportement est d'autant plus inacceptable, que cette société savait que son partenaire rencontrait à l'époque des difficultés de trésorerie liée à une chute temporaire d'activité ; - alors que le chiffre d'affaires développé par la société Ortelec était en progression constante depuis 2009, une régression sensible a ainsi pu être constatée sur 2014 ; - cette baisse de 50 % du chiffre d'affaires de l'année précédente est suffisamment sensible, pour traduire une intention manifeste préalable à la rupture ; - cette circonstance justifie que le préjudice commercial qui en est résulté pour elle, soit indemnisé.

14. Les Selarl Patrick P. et Mars, intervenants volontaires en qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires de la société Sodimatel, ont précisé reprendre à leur compte les écritures de cette dernière.

15. La société Otelec ne répond pas précisément sur ce chef de demande mais objecte qu'elle n'a aucunement prémédité la rupture brutale des relations contractuelles et n'a simplement pas pu soutenir un mandant qui s'abandonnait lui-même ainsi qu'en attestent les pièces et notamment les nombreux échanges de courriel qu'elle verse aux débats.

16. Rien ne permet d'affirmer que, ainsi que le soutient la société Sodimatel dans ses écritures, le fait pour la société Ortelec d'avoir admis par courriel adressé à l'un de ses clients le 5 novembre 2015, ne plus travailler pour la société Sodimatel depuis novembre 2014 - voir cote 17 du dossier de la société Sodimatel (" depuis 1 an, je ne travaille plus pour Sodimatel mais pour mon nouveau partenaire Prorep. Info jointe "), caractérise à lui seul, la malice et la déloyauré de la société Ortelec qui aurait organisé et prémédité la rupture dont elle a pris l'initiative le 1er décembre 2014.

17. Il ne saurait pour cette raison, être fait droit à la réclamation de la société Sodimatel qui apparaît, au travers des preuves documentaires présentées par la partie adverse - voir cotes 8 à 38, avoir rencontré tout au long de l'année 2014 d'importantes difficultés liées à l'état de sa trésorerie et de son personnel pour des raisons extérieures à la position de son agent commercial et ce alors même que ce dernier ne dénie pas avoir conclu à la même période, un contrat d'agence en remplacement de celui dénoncé.

18. Le jugement entrepris sera donc sur ce point confirmé,

Sur l'indemnité de cessation de contrat réclamée par la société Ortelec

19. La société Ortelec se prévaut des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce et observe que son adversaire n'établit à son encontre aucune faute grave rendant impossible le maintien du lien contractuel.

Elle fait grief aux premiers juges d'avoir limité le montant de cette indemnité qui lui est manifestement due à 109 000 € sans aucune justification et conclut à l'application de l'usage professionnel permettant de calculer l'indemnité dont s'agit sur la base des commissions reçues sur deux ans.

20. La société Sodimatel répond que : - la rupture dont s'agit étant intervenue à l'initiative de l'agent commercial pour des raisons indépendantes des conditions d'exécution du contrat, est par application de l'article L. 134-13 du Code de commerce, privative du bénéfice de l'indemnité de rupture ; - la cause de la rupture procède en effet, non pas des difficultés de trésorerie qu'elle aurait rencontrées mais tout au contraire, de la conclusion d'un nouveau partenariat entre la partie adverse et la société Prorep ainsi qu'en témoigne l'absence au mépris de l'ancien article 1139 du Code civil, de mise en demeure préalable à la lettre de rupture du 1er décembre 2014, d'une part et la conclusion d'un nouveau contrat d'agent commercial avec un autre partenaire pour la même gamme de produits, d'autre part ; - au demeurant, la soicété Ortelec n'a subi aucune perte de clientèle.

21. Les Selarl Patrick P. et Mars, intervenants volontaires en qualité respective d'administrateur et de mandataire judiciaires, ont repris à leur compte les écritures de la société Sodimatel.

22. Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce dont il ressort que d'une part, en cas de cessation avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi et d'autre part, que cette indemnité n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou lorsque la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ;

23. En l'espèce, la société Sodimatel n'établit à l'encontre de son adversaire aucune faute grave portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun qu'est le contrat d'agence commerciale et rendant impossible le maintien de ce lien contractuel puisqu'elle échoue à démontrer le caractère prémédité de la rupture litigieuse dans le but de lui porter préjudice.

24. Les nombreux échanges de courriels présentés par la société Ortelec pour justifier sa position - voir les pièces 8 à 38 précitées, établissent la réalité de difficultés de trésorerie et des difficultés rencontrées par les clients pour être livrés dans les termes de leurs commandes et ce, depuis plusieurs mois. Cette situation justifie la décision de rupture prise par la société Ortelec et fonde son droit à obtenir l'attribution de l'indemnité légale de cessation de contrat.

25. Cette indemnité est équivalente à deux ans de commissions et partant, au montant non discuté des commissions perçues en 2012 et 2013 soit 217 345 €.

Sur la demande en paiement des arriérés des commissions dues

26. Il ne sera pas fait droit à la demande d'injonction de communication de pièces, devenue aujourd'hui sans objet puisque les pièces demandées ont été communiquées.

27. La société Ortelec explique qu'au vu de ces documents, tardivement communiqués par la société Sodimatel, le montant des commissions restant dues par son partenaire s'élève à 34 535 € hors taxes.

28. Il sera fait droit à ce chef de demande, non discuté par la société Sodimatel.

Sur les autres demandes

29. Vu l'article 696 du Code de procédure civile ;

30. Chaque partie succombant dans partie de ses prétentions, il sera fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés à raison des 2/3 par la société Sodimatel et d'1/3 par la société Ortelec, ceux mis à la charge de la société Sodimatel étant recouvrés conformément aux règles applicables en matière de procédure collective.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire. Constate l'intervention volontaire de la Selarl Patrick P. prise en la personne de Maître Patrick P. en qualité d'administrateur judiciaire et celle de la Selarl Mars prise en la personne de Maître Philippe S., en qualité de mandataire judiciaire de la SAS S Sodimatel Fasteners. Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a consacré le principe d'indemnisation du préjudice subi par la société par actions simplifiée Sodimatel Fasteners à raison du non-respect du délai de préavis, le droit de la société Ortelec au paiement d'une indemnité légale de cessation du contrat d'agence lipe de versement d'une indemnité de cessation du contrat d'agence et en ce qu'il a débouté la société par actions simplifiée Sodimatel Fasteners de sa demande d'indemnisation de son préjudice commercial. Statuant de nouveau du chef des dispositions réformées et y ajoutant: Fixe les créances de la société par actions simplifiée unipersonnelle Ortelec contre la société par actions simplifiée Sodimatel Fasteners, assistée de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Patrick P. prise en la personne de Maître Patrick P. en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société précitée placée sous un régime de redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Versailles du 1er septembre 2016, d'une part ainsi que de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Mars prise en la personne de Maître Philippe S. ès qualités de mandataire judiciaire à cette même procédure, d'autre part aux montants suivants : - deux cent dix-sept mille trois cent quarante-cinq euros (217 345 €) à titre d'indemnité légale de cessation de contrat d'agence avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 30 janvier 2015 jusqu'au jugement du 1er septembre 2016 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au nom de la société précitée,- trente-quatre mille cinq cent trente-cinq euros (34 535 €) hors taxes outre la taxe sur la valeur ajoutée, à titre d'arriérés de commissions d'agence, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 30 janvier 2015 jusqu'au jugement du 1er septembre 2016 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au nom de la société précitée. Condamne la société par actions simplifiée unipersonnelle Ortelec à verser à la société par actions simplifiée Sodimatel Fasteners, trente-trois mille cent cinquante-six euros (33 156 €) au titre du préavis non respecté avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 30 janvier 2015. Fait masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés à raison des 2/3 par la société par actions simplifiée Sodimatel Fasteners, assistée de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Patrick P. prise en la personne de Maître Patrick P. en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société précitée placée sous un régime de redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Versailles du 1er septembre 2016, d'une part ainsi que de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Mars prise en la personne de Maître Philippe S. ès qualités de mandataire judiciaire, d'autre part et à raison d'1/3 par la société par actions simplifiée unipersonnelle Ortelec. Rappelle que les dépens supportés par la société par actions simplifiée Sodimatel Fasteners, assistée des organes précités de la procédure collective ouverte à son nom, devront être recouvrés, conformément aux règles applicables en matière de procédure collective. Vu l'article 700 du Code de procédure civile ; dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.