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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 10 octobre 2017, n° 15-05475

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Labosud OC Biologie (SAS)

Défendeur :

Descartes (ès qual.), Labco Midi (Selas)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Olive, M. Bertrand

TGI Montpellier, du 3 juill. 2015

3 juillet 2015

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Par acte du 9 janvier 2012, la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Oc Biologie, qui a changé de forme sociale et de dénomination sociale et est devenue une société d'exercice libéral par actions simplifiée Labosud Oc Biologie, et se dénomme à ce jour Labosud depuis la modification de sa dénomination publiée au BODACC le 23 juin 2017, a acquis le fonds libéral de laboratoire de biologie médicale de Monsieur Jean-Frédéric C., pharmacien biologiste. Ce dernier exploitait son activité dans les locaux situés [...] appartenant à la SCI Descartes, dont il est associé et son épouse gérante. Le prix de cession a été de 1 230 000 euros, dont 1 228 900 euro au titre des éléments corporels.

Le droit au bail, dont l'échéance était fixée au 30 septembre 2019, figurait dans les éléments du fonds libéral qui ont été cédés.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 juillet 2012, la société Oc Biologie a notifié à la SCI Descartes la résiliation du bail avec effet au 31 janvier 2013.

La SCI Descartes a alors loué les locaux devenus vacants à la SAS Labco Midi laquelle avait été autorisée par arrêté de l'Agence régionale de santé du 14 janvier 2013, à ouvrir un laboratoire dans lesdits locaux, dans le cadre d'un transfert d'un laboratoire situé à [...].

Par actes des 11 mars 2013, la SELAS Labosud Oc Biologie a introduit une procédure de référé devant le président du Tribunal de grande instance de Montpellier à l'encontre de Monsieur C., la SCI Descartes et la SELAS Labco Midi afin d'interdire la SCI Descartes de relouer le local à un autre laboratoire d'analyses de biologie médicale.

Par ordonnance de référé du 4 avril 2013, le président du Tribunal de grande instance de Montpellier a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SELAS Labco Midi, a rejeté les demandes de la société Labosud Oc Biologie, a condamné la société Labosud Oc Biologie à payer à Monsieur Jean Frédéric C., à la SCI Descartes et à la SELAS Labco Midi la somme de 2000 euro chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, a rejeté toutes autres demandes, et a condamné la société Labosud Oc Biologie aux dépens.

Sur appel de la SELAS Labosud Oc Biologie, par arrêt du 7 novembre 2013, la Cour d'appel de Montpellier a confirmé cette ordonnance de référé, a condamné la SELAS Labosud Oc Biologie à payer la somme complémentaire de 2000 euro à chacun des trois intimés sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par acte des 18 et 19 décembre 2013, la SELAS Labosud Oc Biologie a assigné au fond Monsieur C., la SCI Descartes et la SELAS Labco Midi devant le Tribunal de grande instance de Montpellier en paiement de dommages-intérêts pour actes de concurrence déloyale et pour non-respect des obligations contractuelles du vendeur du fonds.

Par jugement en date du 3 juillet 2015, le Tribunal de grande instance de Montpellier a :

- débouté la SELAS Labosud Oc Biologie de ses demandes ;

- débouté la SELAS Labco Midi de sa demande de dommages et intérêts ;

- condamné la SELAS Labosud Oc Biologie aux dépens ;

- condamné la SELAS Labosud Oc Biologie à payer à Monsieur C. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la SELAS Labosud Oc Biologie à payer à la SELAS Labco Midi la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 20 juillet 2015, la SELAS Labosud Oc Biologie a relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 10 octobre 2016, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SAS Labosud Oc Biologie demande à la cour de :

" Vu les articles 1147, 1145, 1626, 1382 du Code civil,

Infirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Montpellier du 3 juillet 2015 en toutes ses dispositions ;

Déclarer la SAS Labosud Oc Biologie recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes pour l'ensemble des motifs exposés ;

En conséquence,

A titre principal :

Condamner in solidum Monsieur C., la SCI Descartes et la SAS Labco Midi à payer à la SAS Labosud Oc Biologie la somme de 1 320 737 euros à titre de dommages et intérêts au titre des investissements réalisés ;

A titre subsidiaire :

Condamner in solidum Monsieur C., la SCI Descartes et la SAS Labco Midi à payer à la SAS Labosud Oc Biologie la somme de 660 559,96 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chiffre d'affaires ;

A titre infiniment subsidiaire :

Condamner in solidum Monsieur C., la SCI Descartes et la SAS Labco Midi à payer à la SAS Labosud Oc Biologie la somme de 406 552 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de marge brute ;

En tout état de cause :

Ordonner la capitalisation des intérêts dès que dus pour une année entière en application de l'article 1154 du Code civil ;

Prononcer l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir :

Condamner in solidum Monsieur C., la SCI Descartes et la SAS Labco Midi à payer à la SAS Labosud Oc Biologie la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner in solidum Monsieur C., la SCI Descartes et la SAS Labco Midi aux entiers dépens de la présente procédure en application de l'article 669 du Code de procédure civile ;

Débouter Monsieur C., la SCI Descartes et la SAS Labco Sud de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions.

Elle fait valoir notamment :

- que Monsieur C. a violé la clause de non-concurrence prévue au contrat de cession du fond libéral puisqu'il s'est intéressé indirectement à l'exploitation d'un laboratoire concurrent en qualité de bailleur ;

- que le choix de Labosud Oc Biologie de transférer ses activités dans d'autres locaux ne saurait constituer une faute susceptible d'exonérer les intimés de leur responsabilité, d'autant que ce choix était justifié par les nouvelles normes d'accréditation ;

- que M. C. a violé la garantie d'éviction à laquelle la loi le soumet ; l'absence de clause relative à une obligation de changement de destination du local professionnel n'a pas pour effet de l'en libérer puisque cette garantie est d'ordre public ;

- qu'en résiliant le bail, l'appelante n'entendait pas abandonner la clientèle, seulement la transférer dans un local situé à seulement 300 mètres ;

- que la conclusion du nouveau bail a entraîné au mois d'août 2013 un non-report de 45 % des dossiers du précédent local sur le nouveau site ;

- que M. C. a violé son obligation de loyauté au titre de l'article 1134 du Code civil ;

- que la SCI Descartes a engagé sa responsabilité contractuelle en violant son obligation de loyauté puisqu'elle a engagé des pourparlers avec la société Labco Midi alors que les locaux était encore loués par Labosud Oc Biologie ;

- qu'en tant que société écran ayant permis à M. C. de violer ses engagements contractuels, la SCI Descartes engage sa responsabilité délictuelle ;

- que la société Labco Midi a commis une faute en participant à la violation des obligations contractuelles de M. C. et la SCI qu'elle connaissait en tant que professionnel du secteur ;

- que les intimés ont délibérément laissé s'organiser la confusion dans l'esprit des patients en laissant croire que la société Labco Midi était le successeur de la société Labosud Oc Biologie ;

- que la société Labco Midi a maintenu l'activité au sein de son site à Montpellier et celui à Mauguio du 20 février au 4 mars 2013 alors que le transfert du site obligeait à la fermeture concomitante du premier, ce qui créé une rupture de l'égalité de la concurrence ;

- qu'elle a bénéficié d'une patientèle établie sans avoir ni à la créer ni à l'acheter, faute de laquelle résulte un préjudice économique important pour l'appelante qui doit être indemnisée ;

- que le montant du préjudice est constitué du prix d'acquisition du fond, des droits d'enregistrements, des commissions de caution et des honoraires d'avocats soit 1 320 737 euros ; ainsi que la perte du chiffre d'affaires depuis 2013 soit 660 559,96 euros ; enfin la perte de marge brute de 406 552 euros.

Par conclusions du 1er décembre 2015, qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur C. et la SCI Descartes demandent à la cour de :

Vu le jugement du 3 juillet 2015,

Vu l'appel interjeté par la SELARL Labosud Oc Biologie,

Faire droit à l'ensemble des demandes formulées par Monsieur C. et la SCI Descartes,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance du 3 juillet 2015,

Constater que la clientèle n'est pas attachée aux locaux faisant l'objet du bail précédemment occupé par la société Oc Biologie puisqu'une cession de clientèle médicale ne peut être licite que si la liberté de choix du patient est sauvegardée, c'est-à dire si ce dernier a la possibilité de transférer son dossier médical au praticien qu'il peut désigner sans aucune réserve ;

Constater par ailleurs, qu'il appartenait à la société Labosud Oc Biologie de ne pas résilier le bail en cause pour éviter qu'un concurrent ne puisse s'installer dans les mêmes lieux ;

Constater qu'aucune clause de non relocation à un laboratoire ne figure dans le bail souscrit par la SCI Descartes et n'a d'ailleurs jamais été sollicitée à la date de réitération des actes par la société Oc Biologie, la SCI Descartes étant un tiers par rapport aux accords qui ont pu intervenir entre Monsieur C. et elle-même ;

Constater que la réalisation de l'objet social de la SCI Descartes ne saurait être modifiée par le simple vœu de la société Labosud Oc Biologie et être assimilée à un acte de concurrence déloyale ;

Constater que Monsieur C. n'a jamais enfreint une quelconque clause de non concurrence et ne s'est jamais réinstallé en tant que pharmacien biologiste directement ou indirectement au sens de la clause rappelée ci-dessus dans un autre laboratoire ;

Constater que l'action en justice régularisée par la société Labosud Oc Biologie est elle-même un instrument de concurrence déloyale puisqu'elle tente, via une demande, de nuire aux concluants en ayant ainsi recours à des procédés contraires aux usages, tant du commerce que des professions médicales ;

Constater le caractère abusif de l'action régularisée par la société Labosud Oc Biologie ;

En conséquence :

Débouter purement et simplement la SELARL Labosud Oc Biologie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

La condamner au paiement d'une somme de 10 000 euros à chacun des concluants, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Ils invoquent notamment :

- que M. C. a respecté son engagement de ne plus exercer la profession de directeur de laboratoire, ni de s'intéresser directement ou indirectement à l'exploitation d'un laboratoire ; la SCI Descartes a une activité immobilière et aucune activité médicale ; aucun manquement à la garantie d'éviction ne saurait être constaté dès lors que M. C. n'a pas exploité de laboratoire à titre individuel ;

- que M. C. n'a pas violé la clause de non-concurrence puisqu'il ne s'est pas réinstallé et n'a pas pris part à l'exploitation d'un nouveau laboratoire ;

- que la société Labco Midi avait tout à fait le droit de s'établir sur les locaux disponibles de la SCI puisqu'aucun monopole public n'existe, ni aucune clause de non-concurrence n'avait été conclue ;

- que la cause de la prétendue éviction n'est pas imputable aux conditions dans lesquelles M. C. a cédé le fonds mais à la négligence dont a fait preuve la société Labosud en résiliant le bail dont il connaissait l'unique destination des locaux ;

- que la cause de l'éviction doit être née antérieurement à la vente pour être acquise, ce qui n'est pas le cas ;

- qu'aucune clause de relocation n'a été conclue ni avec M. C. ni avec la SCI qui est tiers au contrat ;

- que l'action en justice de l'appelante est elle-même un acte de concurrence déloyale ; que cette action est abusive au vu de l'inanité du dossier ; que les arguments sont fallacieux et ne visent qu'à intimider le concurrent pour être en situation de monopole.

Par conclusions du 23 octobre 2015, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SELAS Labco Midi demande à la cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu les articles 32-1 et 700 du Code de procédure civile,

Débouter la SELAS Labosud Oc Biologie de son appel du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Montpellier le 3 juillet 2015 ;

La débouter par confirmation dudit jugement de son action, de son instance et de toutes ses demandes, fins et conclusions qui sont injustes et mal fondées ;

Condamner la SELAS Labosud Oc Biologie à payer à la SELAS Labco Midi la somme de 7 500 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et de mauvaise foi ;

Condamner la SELAS Labosud Oc Biologie à payer à la SELAS Labco Midi la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La condamner aux entiers frais et dépens de l'instance.

Elle fait valoir notamment :

- que l'appelante tente de créer une situation de monopole alors qu'elle ne prouve aucune faute délictuelle ni préjudice ni lien de causalité, et qu'elle s'oppose au principe à valeur constitutionnelle de liberté du commerce et de l'industrie ;

- que la SELAS Labco Sud n'a aucune raison valable de rembourser à l'appelante le prix de son fonds alors qu'elle admet elle-même qu'elle a conservé plus de la moitié de la patientèle ; que les demandes constituent une entrave à la liberté d'établissement ;

- que la société Labosud Oc Biologie n'a aucun droit légitime à vouloir être seule à exploiter un laboratoire d'analyses à Mauguio alors même qu'avant qu'elle ne rachète le fonds de M. C., il y en avait deux ;

- que la prétendue confusion opérée dans l'esprit des clients n'est absolument pas le fait de la Selas Labco Midi et cette accusation n'est d'ailleurs pas suffisamment justifiée ;

- que la prétendue obligation de fermeture concomitante d'un laboratoire en cas de transfert n'existe pas et cet argument ne présente aucun lien avec la prétendue perte de clientèle de l'appelant ;

- que le fait de s'installer dans la même ville qu'un autre laboratoire ne suffit pas à accuser de parasitisme.

L'instruction a été close par ordonnance du 16 août 2017.

Motifs

A. Sur les demandes de la société Labosud dirigées à l'encontre de Monsieur Jean Frédéric C.

Sur la violation de la clause de non-concurrence

L'acte de cession du 9 janvier 2012 du fonds libéral de biologie médicale conclu entre Monsieur Jean Frédéric C. et la société Labosud, dans son article 12, stipule que les soussignés déclarent que la présente cession reste soumise à l'ensemble des conditions et stipulations énoncées dans la promesse du 29 mars 2011, lesquelles ne sont pas toutes rappelées aux présentes.

L'article 2 de la promesse synallagmatique de cession de fonds libéral de biologie médicale du 29 mars 2011 est ainsi libellé :

" Le cédant ne pourra à compter de la date de transfert de propriété du laboratoire, s'intéresser directement ou indirectement à l'exploitation d'un ou plusieurs laboratoires d'analyse de biologie médicale situés dans un rayon de 30 km à vol d'oiseau du fonds cédé et ce, pendant une durée de cinq années.

On entend notamment par les termes s'intéresser directement ou indirectement :

L'exploitation d'un ou plusieurs laboratoires d'analyses de biologie médicale, à titre individuel, à travers une indivision (société en participation notamment) à travers une personne morale que ce soit en qualité d'associé professionnel ou de non professionnel (simple apporteur de capitaux), que cette personne morale soit propriétaire d'un ou de plusieurs fonds libéraux ou titulaires des parts ou actions de la société propriétaire du ou des fonds libéraux.

La qualité de salarié au sein d'un ou de plusieurs laboratoires d'analyses de biologie médicale que ce ou ces laboratoires soient exploités sous la forme individuelle, à travers une indivision ou à travers une personne morale de droit public ou de droit privé. "

En l'espèce, Monsieur Jean Frédéric C. est associé de la SCI Descartes dont son épouse est la gérante. D'après l'extrait du registre du commerce communiqué, cette SCI familiale a pour objet social l'acquisition, administration, entretien, exploitation par bail ou autrement de tout immeuble et ensemble immobilier à usage commercial, libéral, industriel, artisanal, professionnel ou d'habitation.

Il s'agit donc d'une société civile et non d'une société de laboratoire d'analyses de biologie médicale, même si les locaux dont elle est propriétaire à Mauguio peuvent accueillir un laboratoire de biologie médicale. C'est ainsi que la SCI Descartes a loué les locaux anciennement occupés par la société Labosud à la société Labco Midi qui exerce l'activité de laboratoire d'analyses de biologie médicale.

Monsieur Jean Frédéric C. n'a aucune participation, ni aucune activité dans la société Labco Midi, et la société Labosud ne produit aucun justificatif démontrant qu'il aurait un quelconque intéressement, directement ou indirectement dans cette société.

Monsieur Jean Frédéric C. n'a donc pas violé l'obligation de non-concurrence qui était mise à sa charge. La société Labosud sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts sur ce fondement.

Sur la garantie d'éviction

L'article 1626 du Code civil emporte pour le vendeur d'un fonds de commerce le devoir de s'abstenir de tout acte de nature à diminuer l'achalandage et à détourner la clientèle du fonds cédé.

La société Labosud reproche à Monsieur Jean Frédéric C. d'avoir facilité l'installation de sa concurrente, la société Labco Midi, ce qui aurait entraîné une perte de 45 % de la patientèle qui été attachée au fonds professionnel qu'elle a acheté.

Il a déjà été indiqué que les locaux loués à la société Labco Midi appartiennent à la SCI Descartes dont Monsieur Jean Frédéric C. est associé, mais dont il n'est pas le gérant. La SCI Descartes et Monsieur Jean Frédéric C. étant deux personnes distinctes, le bail professionnel consenti par la SCI Descartes à la société Labco Midi n'est pas un acte pouvant être reproché à Monsieur Jean Frédéric C..

Ainsi, la société Labosud ne rapporte pas la preuve d'un acte d'éviction imputable à Monsieur Jean Frédéric C..

De plus, la garantie d'éviction n'est pas due par le cédant lorsqu'il est établi que le cessionnaire a participé aux actes qui ont conduit à son éviction.

En l'espèce, alors qu'en vertu de l'acte de cession du 9 janvier 2012, la société Labosud était titulaire du bail professionnel jusqu'au 30 septembre 2019, l'appelante a pris l'initiative de résilier ce contrat. Elle soutient qu'elle a décidé de s'installer dans d'autres locaux distants de quelques centaines de mètres, pour exploiter la patientèle cédée dans des conditions plus optimales, et pour répondre aux nouvelles règles d'accréditation obligatoires de par la réforme de la biologie.

La société Labosud ne justifie pas dans ses pièces de ces nouvelles règles d'accréditation, dont on peut douter dès lors que la SELAS Labco Midi a obtenu l'autorisation de l'ARS d'exploiter les locaux situés [...]. Ainsi elle ne justifie pas qu'elle était contrainte de déménager pour se conformer à une obligation légale.

La société Labosud qui a pris l'initiative de rompre le bail commercial dont elle était titulaire, a donc concouru à sa propre éviction.

Elle sera donc déboutée de sa demande d'indemnisation sur le fondement de la garantie d'éviction.

Sur l'obligation de loyauté

De l'obligation contractuelle de bonne foi, découlent deux obligations : le devoir de loyauté et le devoir de coopération.

Cette obligation de loyauté s'applique donc réciproquement aux contractants d'une même convention.

En l'espèce, la société Labosud avait pour contractant dans la cession du fonds professionnel de laboratoire d'analyses de biologie médicale Monsieur Jean Frédéric C., et dans le bail professionnel la SCI Descartes.

Il ne reposait donc sur Monsieur Jean Frédéric C. aucune obligation de prévenir la société Labosud de ce que les locaux appartenant à la SCI Descartes allaient être reloués à une autre société de laboratoire d'analyses de biologie médicale.

En conséquence, la société Labosud sera déboutée de toutes ses demandes dirigées à l'encontre de Monsieur Jean Frédéric C..

B. Sur les demandes de la société Labosud à l'encontre de la SCI Descartes

Selon l'acte de cession du 9 janvier 2012, la SCI Descartes a seulement pris l'engagement à l'égard de la société Labosud de poursuivre le bail professionnel consenti le 1er octobre 2010 à Monsieur Jean Frédéric C..

Ni le bail professionnel du 4 octobre 2010 avec effet au 1er octobre 2010, dont était titulaire la société Labosud ensuite de la cession par Monsieur Jean Frédéric C. de son fonds de laboratoire d'analyses de biologie médicale, ni l'acte de cession du 9 janvier 2012 auquel la SCI Descartes a été appelée, ne restreint la liberté de la SCI Descartes de remplir son objet social qui est la location desdits locaux situés [...].

La SCI Descartes n'a donc pas engagé sa responsabilité contractuelle en louant à une autre société les locaux laissés vacants par la société Labosud.

Or la société Labosud savait que les lieux qu'elle quittait seraient d'évidence loués à nouveau à un laboratoire d'analyses médicales dès lors que l'article 3 du bail professionnel intitulé " Destination des lieux ", stipule : " Les lieux loués sont destinés à usage d'exploitation d'un laboratoire d'analyses médicales. D'une façon générale, le preneur ne devra exercer aucune activité susceptible de remettre en cause l'affectation ou la nature des locaux qui lui sont loués, à l'exception de celles qui pourraient être considérées comme accessoires, telle par exemple l'activité de toilettage. Toute activité supplémentaire devra être autorisée préalablement par le bailleur. "

La société Labosud qui a pris l'initiative de rompre le bail professionnel qui la liait à la SCI Descartes, ne peut faire grief à la SCI Descartes d'avoir poursuivi son objet social, et d'avoir cherché un autre preneur dès la réception de sa lettre de résiliation du 19 juillet 2012.

La SCI Descartes n'a pas non plus engagé sa responsabilité délictuelle.

C'est pourquoi la société Labosud qui ne démontre pas que la SCI Descartes aurait commis une faute, contractuelle ou délictuelle, qui serait à l'origine du préjudice qu'elle allègue, sera déboutée de sa demande d'indemnisation dirigée à l'encontre de la SCI Descartes.

C. Sur les demandes de la société Labosud à l'encontre de la société Labco Midi

La société Labosud fonde ses demandes à l'égard de la société Labco Midi sur la concurrence déloyale et le parasitisme.

Sur la concurrence déloyale

La société Labosud reproche à la société Labco Midi de s'être accaparée sans bourse délier d'une partie de la patientèle qu'elle avait achetée à Monsieur Jean Frédéric C., ce dernier ayant entretenu une confusion en ce qui concernait l'identité de son repreneur.

Dès lors qu'il n'est retenu aucun grief à l'encontre de Monsieur Jean Frédéric C. et de la SCI Descartes, il ne peut être reproché à la société Labco Midi d'avoir commis une faute en participant à la violation de leurs obligations par ceux-ci.

La concurrence déloyale est constituée par des actes positifs.

En premier lieu, la société Labosud reproche à la SCI Descartes de ne pas lui avoir restitué son enseigne.

Ce premier grief est donc dirigé contre la SCI Descartes et non contre la société Labco Midi.

Mais surtout, il appartenait à la société Labosud de démonter son enseigne lorsqu'elle a quitté les locaux situés [...]. D'évidence, l'appelante a été négligente, à moins qu'elle n'ait entendu se servir de cette enseigne comme d'une publicité.

Cette interprétation est confirmée par les explications de la SAS Labco Midi. Elle indique que l'absence de changement d'enseigne n'est pas de nature à porter préjudice à la SAS Labosud dans la mesure où le numéro de téléphone qui y est mentionné est celui de la société Labosud, ce que l'appelante ne conteste pas et est démontré par les photographies jointes au constat de l'huissier qu'elle a fait établir.

Le défaut de dépose de l'enseigne n'est donc pas un acte de concurrence déloyale pouvant être reproché à la société Labco Midi.

En second lieu, la société Labosud se plaint de la confusion que l'ouverture d'un deuxième laboratoire dans les locaux antérieurement occupés par Monsieur Jean Frédéric C. a entraînée dans l'esprit des patients qui ne savaient pas à qui ils s'adressaient.

Quatre des six attestations produites ont été établies par des employées de la société Labosud, ce qui réduit notablement leur portée. Toutefois, elles expliquent que très souvent les patients qui appellent demandent s'il s'agit du laboratoire C. qui a rouvert Grand-Rue. Les patients entendaient donc bien s'adresser au successeur de Monsieur C..

La cour note qu'en page 17 de ses écritures, la société Labosud ajoute aux attestations de Madame Cécile B. pièce n°14 et de Madame Marie-Ange P. pièce n° 12, et leur attribue des allégations qu'elles n'ont pas écrites : aucune des deux ne mentionne dans son attestation une quelconque intervention de Monsieur Jean Frédéric C., contrairement à ce qu'écrit la société Labosud.

Les deux autres attestations émanent de deux infirmières libérales qui expliquent que leurs patients avaient été informés par leur médecin de la réouverture du laboratoire C. de la [...] et qu'ils avaient le libre choix de changer s'ils le voulaient.

La confusion n'est donc pas le fait de la société Labco Midi, ni même de Monsieur Jean Frédéric C..

Si ces attestations démontrent l'attachement de la clientèle au laboratoire C. ainsi qu'à son lieu d'exercice initial, [...], aucune ne rapporte des faits pouvant être reprochés à la société Labco Midi.

Aucune disposition légale n'interdisait à un autre laboratoire de s'installer sur Mauguio, et tout patient doit pouvoir choisir le professionnel de santé auquel il entend s'adresser. C'est pourquoi le seul fait d'avoir loué les locaux anciennement occupés par Monsieur Jean Frédéric C. et laissés vacants par la société Labosud, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale.

En troisième lieu, la société Labosud reproche à la société Labco Midi d'avoir continué à exercer son activité de laboratoire d'analyses de biologie médicale à [...], alors que depuis le 1er février 2013, selon l'arrêté de l'ARS du 14 janvier 2013, elle ne pouvait plus exercer dans ses locaux.

Si cette poursuite d'activité au-delà de la date du 1er février 2013 dans ses anciens locaux est effectivement une violation à une obligation légale et réglementaire, ce fait n'est pas de nature à avoir entraîné une quelconque rupture de l'égalité de la concurrence par rapport à la société Labosud qui exerce à Mauguio.

En conséquence, la société Labosud échoue à démontrer que la société Labco Midi a commis un quelconque acte de concurrence déloyale à son égard.

Sur le parasitisme

Le parasitisme est défini comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

La société Labosud explique que l'effort qu'elle a fait est le paiement à hauteur de 1 228 900 euro des éléments incorporels du fonds libéral qui appartenait à Monsieur Jean Frédéric C., sur un prix de 1 230 000 euro, alors que la société Labco Midi a profité de la patientèle de Monsieur Jean Frédéric C. sans bourse délier.

Mais, en faisant le choix de quitter les locaux situés [...], la société Labosud a abandonné d'elle-même la patientèle attachée à ses locaux. Ceci est démontré par les attestations que l'appelante produit.

Il ne peut être qualifié de parasitisme le seul fait de louer des locaux abandonnés par la société Labosud suite à un choix commercial qui lui est propre.

En conséquence, la société Labosud sera déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Labco Midi.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

Au surplus, dans ses écritures la société Labco Midi indique que la société Labosud vient de s'installer à Montpellier dans ses anciens locaux situés [...], ce qui est exact et ne manque pas de piquant.

D. Sur la demande de dommages intérêts de la société Labco Midi

Nonobstant les développements qui précèdent, le droit d'appel de la société Labosud n'a pas dégénéré en abus. La société Labco Midi sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif et de mauvaise foi.

E. Sur les autres demandes

L'équité commande de faire bénéficier Monsieur Jean Frédéric C., la SCI Descartes et la SAS Labco Midi des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Labosud qui succombe sera condamnée aux entiers dépens et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris, Y ajoutant, Déboute la SAS Labco Midi de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif et de mauvaise foi, Condamne la SAS Labosud Oc Biologie qui se dénomme aujourd'hui Labosud, à payer la somme de 10 000 euro, d'une part à Monsieur Jean Frédéric C. et la SCI Descartes, et d'autre part, à la SAS Labco Midi (10 000 euro x 2), Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, Condamne la SAS Labosud Oc Biologie qui se dénomme aujourd'hui Labosud aux dépens d'appel.