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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 19 octobre 2017, n° 16-02894

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

JPH Distribution (EURL)

Défendeur :

Express Küchen GmbH (Sté), Express Küchen GmbH & CO. KG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mmes Vercruysse, Aldigé

T. com. Douai, du 13 avr. 2016

13 avril 2016

Par acte du 30 juin 2015, la société JPH Distribution, a assigné les sociétés de droit allemand Express Küchen GmbH et Express Küchen GmbH et CO. KG devant le Tribunal de commerce de Douai aux fins d'obtenir leur condamnation en paiement de commissions et d'une indemnité de rupture en exécution d'un contrat qu'elle estime être un contrat d'agent commercial.

Aux termes d'un jugement du 13 avril 2016, le Tribunal de commerce de Douai a :

• débouté l'EURL JPH Distribution de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés Express Küchen GmbH et Express Küchen GmbH et CO. KG,

• condamné l'EURL JPH Distribution à payer aux société Express Küchen GmbH et Express Küchen GmbH et CO. KG à l'une ou à l'autre, la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

Le 11 mai 2016, l'EURL JPH Distribution a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de conclusions signifiées le 3 août 2016, l'EURL JPH Distribution demande à la cour de réformer la décision déférée en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

• constater qu'elle apporte la preuve de l'existence d'un contrat d'agence commerciale conclu avec la société Express Küchen,

• constater que la société Express Küchen ne lui pas communiqué les chiffres d'affaires réalisés permettant de calculer son droit à commission ;

• constater la résiliation du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société Express Küchen,

• condamner la société Express Küchen GmbH et la société Express Küchen GmbH et CO. KG à lui payer les sommes suivantes :

• 100 000 euros au titre des commissions dues et à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la perte de commissions dues,

• 100 000 euros à titre d'indemnité de perte de clientèle,

• 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 5 décembre 2016, les sociétés Express Küchen GmbH et Express Küchen GmbH et CO. KG demandent à la cour de " débouter " l'appelante de son appel, et :

Sur l'action dirigée à l'encontre d'Express Küchen GmbH:

• de juger JPH Distribution irrecevable en ses demandes,

Sur l'action dirigée à l'encontre de la société Express Küchen GmbH et CO. KG :

• de juger qu'il n'existe aucun contrat d'agent commercial,

• en conséquence débouter la société JPH Distribution de ses demandes,

En tout état de cause :

• vu l'absence de démonstration de la réalité d'un quelconque préjudice, de débouter JPH Distribution de ses demandes et de sa demande d'expertise.

En toute hypothèse :

• de condamner JPH Distribution à payer à chacune des concluantes la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamner aux dépens de la présente procédure.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.

Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que la société JPH Distribution soutient essentiellement :

- qu'elle était liée avec la société Express Küchen GmbH et CO. KG par un contrat d'agence commerciale pour la commercialisation des cuisines de marque Express Küchen; que ce contrat était verbal à la différence du contrat d'agent commercial qui la liait précédemment avec la société Nolte Küchen GmbH et CO. KG pour les cuisines de marque Nolte Küchen ; que l'existence de ce contrat se déduit des échanges de courriels entre lui et les préposés de la société Nolte Küchen GmbH et CO. KG " dont M. Robert H. " démontrant l'existence de relations commerciales, et notamment d'instructions données par la société Nolte Küchen GmbH et CO. KG sur les conditions de paiement, de l'envoi par cette dernière de son catalogue commercial et des conditions de vente, et de la souscription par son intermédiaire de bons de commande souscrits par des clients revendeurs auprès de qui elle était chargée de développer la marque ;

- que la société Express Küchen GmbH et CO. KG ayant manqué à son obligation de lui payer ses commissions, il a le droit au paiement de ses commissions au titre des ventes réalisées grâce à lui ainsi qu'au paiement d'une indemnité de rupture.

Pour sa part, les sociétés Express Küchen GmbH et Express Küchen GmbH et CO. KG soutiennent essentiellement que :

- elles constituent en droit allemand des sociétés distinctes et aucun des courriels produits par l'appelante ne concerne la société Express Küchen GmbH de sorte que l'appelante doit être déboutée de ses demandes formées à l'encontre de cette dernière ;

- les pièces produites par l'appelante ne permettent pas de démontrer l'existence d'un contrat d'agent commercial entre la société société JPH Distribution et la société Express Küchen GmbH et CO. KG ;

- la société Express Küchen GmbH et CO. KG avait conclu un accord commercial de conseil, d'étude du marché et de suivi de contact avec M. Robert H..

Motivation

Sur la fin de non-recevoir soulevée à l'encontre des demandes formulées contre la Express Küchen GmbH

Conformément à l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.

Sur ce

En l'espèce, la société JPH Distribution qui soutient être liée par un contrat d'agence commerciale avec la société Express Küchen sollicite des dommages et intérêts à l'encontre de cette société mais également à l'encontre de la société Express Küchen GmbH et CO. KG sans expliciter à quel titre.

Pour autant, l'existence d'une obligation indemnitaire à la charge de cette société n'est pas une condition de recevabilité de l'action en responsabilité mais du succès de celle-ci.

En conséquence, statuant à nouveau dans la mesure où le tribunal de commerce n'a pas répondu à cette fin de non-recevoir, il y a lieu de déclarer recevable l'action formée par la société JPH Distribution contre la société Express Küchen GmbH et CO. KG.

Sur l'existence d'un contrat d'agence commerciale entre la société JPH Distribution et société Express Küchen

L'article L. 134-1 du Code de commerce définit l'agent commercial comme le mandataire, personne physique ou morale, qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

Il en résulte que l'intermédiaire dont l'activité consiste en la promotion des produits d'une société sans pouvoir les négocier avec la clientèle ne peut bénéficier du statut d'agent commercial.

A la différence du courtier, dont l'activité consiste à mettre en relation une société avec une personne physique ou morale ayant besoin de ses services et avec laquelle une affaire est susceptible d'être conclue, l'agent commercial n'a pas la qualité de commerçant. Ainsi, l'agent commercial, simple mandataire qui n'a pas de clientèle propre ne peut être titulaire d'un fonds de commerce.

L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.

C'est à celui qui se prétend agent commercial d'en rapporter la preuve.

Sur ce

Dans la mesure où l'application du statut d'agent commercial dépend exclusivement des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, le fait que M. Jean-Pierre H. se présente comme étant l'agent commercial de la société " Express Küchen " aux termes de documents commerciaux n'est pas suffisant à justifier de l'existence d'un contrat d'agence commerciale.

Cette qualification ne saurait pas plus se déduire du fait que M. Jean-Pierre H. avait par le passé commercialisé des cuisines de la marque Nolte Küchen au bénéfice de la société Nolte Küchen GmbH et CO. KG, et que cette dernière lui reconnaissait la qualité d'agent commercial. En effet, ce ne sont pas les mêmes parties concernées puisqu'il s'agit de déterminer s'il existe un contrat d'agence commerciale entre la société JPH Distribution et non M. Jean-Pierre H. personne physique " avec la société Express Küchen " et non pas la société Nolte.

Il incombe donc à la société JPH Distribution qui revendique le statut d'agent commercial d'établir qu'elle était chargée de façon permanente de négocier au nom et pour le compte de la société Express Küchen et qu'elle agissait à titre de profession indépendante comme son mandataire.

En l'espèce, il ressort des pièces produites par la société JPH Distribution qu'elle a fait la promotion des produits de la société Express Küchen à des revendeurs.

Ainsi, par mail en date du 23 mai 2012, M. Jean-Pierre H. a adressé à M. Robert H. le programme d'une tournée prévue entre les 6 et 8 joints 2012 auprès de plusieurs clients revendeurs. M. T. atteste d'ailleurs en sa qualité de gérant de la SAS SRMC, société faisant partie de la liste des clients revendeurs Express Küchen de M. Jean-Pierre H., que ce dernier lui a présenté fin 2011 le produit " Express Küchen " par la remise de catalogues de tarifs, lors de rencontres et de déjeuners et lors de l'organisation d'une visite du show-room sur le site de l'usine Express Küchen à Melhe en Allemagne.

Par ailleurs, il est justifié de courriels aux termes desquels M. Robert H. a envoyé à plusieurs correspondants dont M. Jean-Pierre H. des formulaires de bons de commande.

Au surplus, des instructions sur les modalités de paiement par virement bancaire ont été délivrées à M. Jean-Pierre H. par courriels envoyés par M. Robert H. et M. Philippe C.Ce dernier est présenté à M. Jean-Pierre H. par le contact d'Express Küchen, aux termes d'un courrier en date du 31 juillet 2012, comme son nouveau correspondant suite à la retraite de M. Robert H. dont il est indiqué qu'il ne travaille plus pour la société. Il en résulte que, quels que soient les liens contractuels exacts entre la société Express Küchen et M. Robert H., il existait par le truchement de ce dernier une collaboration commerciale entre la société JPH Distribution et la société Express Küchen.

Pour autant, si l'ensemble de ces éléments démontre l'existence d'une collaboration commerciale entre la société JPH Distribution et la société Express Küchen, il n'est aucunement établi, ni même expressément allégué, que la société société JPH Distribution disposait d'un quelconque pouvoir de négocier au nom de la société Express Küchen, élément pourtant essentiel du contrat d'agent commercial.

Par ailleurs, seul M. Jean-Pierre H. à titre personnel est inscrit au registre spécial des agents commerciaux comme exerçant l'activité d'agent commercial en meubles d'intérieur. Il ressort de l'extrait du registre de commerce et des sociétés de la société JPH Distribution, immatriculée le 17 septembre 1996, ayant pour gérant M. Jean-Pierre H., qu'elle exerce une activité de " conception, réalisation, pose, achat et revente fabrication de meubles de cuisine et salle de bain " qui trouve son origine dans la création d'un fonds de commerce. Cette circonstance que la société JPH est titulaire d'un fonds de commerce et à la qualité de commerçant exclut celle d'agent commercial.

La société JPH Distribution échoue donc à prouver l'existence du contrat d'agent commercial qu'elle invoque et il y a lieu de la débouter de l'intégralité de ses demandes

Par ces seuls motifs, le jugement déféré sera confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il y a lieu de confirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles, et y ajoutant de condamner la société JPH Distribution au paiement des entiers dépens de l'appel et à payer à chacune des intimées la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, Réforme le jugement déféré en ce qu'il n'a pas statué sur la fin de non-recevoir, Statuant à nouveau, rejette la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir de la société JPH Distribution à l'encontre de la société Express Küchen GmbH et CO. KG ; Le confirme pour le surplus ; Y ajoutant : Condamne la société JPH Distribution aux entiers dépens de l'instance d'appel ; Condamne la société JPH Distribution à payer au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ; - la somme de 1 000 euros à la société Express Küchen GmbH et CO. KG ; - la somme de 1 000 euros à la société Express Küchen.