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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 12 octobre 2017, n° 16-04794

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Amélie Factory (SARL)

Défendeur :

Crepet Le Chignon (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Devalette

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

T. com Lyon, du 19 avr. 2016

19 avril 2016

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Courant mai 2013, l'EURL Crep'et le Chignon (Crepet) représentée par sa gérante Claire R., a signé avec la SARL Amélie Factory (Amélie) un contrat de franchise ayant pour objet le droit d'exploitation d'un établissement " Amélie Crêpes " sur un territoire exclusif, d'utiliser les marques associées, les méthodes du franchiseur et commercialiser les produits mis au point et fabriqués par celui-ci, dans le cadre de l'exploitation d'un fonds de commerce de restauration situé [...].

Les chiffres d'affaires réalisés en 2013 et 2014 ayant été estimés inférieurs aux prévisions établies, la société Crepet a notifié la résiliation de son contrat de franchise le 24 février 2015.

Par acte du 20 avril 2015, la société Crepet et Claire R. ont assigné la société Amélie aux fins de remboursement des sommes engagées pour le lancement et le fonctionnement de cette entreprise.

Par jugement en date du 19 avril 2016, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le Tribunal de commerce de Lyon a statué ainsi :

" Annule le contrat de franchise liant la société Crep'et le Chignon et la société Amélie Factory,

Ordonne à la société Amélie Factory de payer la somme de 29 012 € à la société Crep'et le Chignon outre intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,

Condamne la société Amélie Factory à payer la somme de 10 000€ à la société Crep'et le Chignon à titre de dommages et intérêts,

Rejette les autres demandes financières de la société Crep'et le Chignon,

Condamne la société Amélie Factory à payer la somme de 1 000 € à Madame R. à titre de dommages et intérêts,

Rejette les autres demandes financières de Madame R.,

Rejette toutes les demandes reconventionnelles de la société Amélie Factory,

Condamne la société Amélie Factory à verser la somme de 1 500 € à la société Crep'et le Chignon et 1 500 € à Mme R. au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

Rejette la demande d'exécution provisoire du présent jugement,

Condamne la société Amélie Factory aux entiers dépens de l'instance."

Par déclaration reçue le 20 juin 2016, la société Amélie a relevé appel de ce jugement.

Dans le dernier état de ses conclusions (récapitulatives) déposées le 27 mars 2017, la société Amélie demande à la cour de:

- à titre principal, juger que la société Amélie Factory n'a pas manqué à son obligation d'information précontractuelle,

- juger que la société Amélie Factory n'a pas manqué à son obligation d'assistance,

- juger que le contrat de franchise de la société Amélie Factory n'est pas dénué de cause,

- en conséquence, réformer le jugement entrepris qui a déclaré nul le contrat de franchise,

- débouter la société Crep'et le Chignon et Claire R. de l'ensemble de leur demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire, sur les demandes de la société Crep'et le Chignon

- limiter la condamnation de la société Amélie Factory au titre du remboursement du droit d'entrée et des redevances mensuelles aux sommes hors taxes que la société Crep'et le Chignon démontre avoir payées à la société Amélie Factory,

- juger que la demande de la société Crep'et le Chignon de voir condamner la société Amélie Factory à lui rembourser les frais de formation à hauteur de 6 000 € est infondée et débouter la société Crep'et le Chignon de sa demande de condamnation,

- juger que la demande de la société Crep'et le Chignon de voir condamner la société Amélie Factory à lui rembourser 220 000 € au titre de son prêt bancaire est infondée et débouter la société Crep'et le Chignon de sa demande de condamnation,

- juger que la demande de la société Crep'et le Chignon de voir condamner la société Amélie Factory à lui rembourser 69 321 € au titre des loyers commerciaux est infondée et débouter la société Crep'et le Chignon de sa demande de condamnation,

- juger que la demande de la société Crep'et le Chignon de voir condamner la société Amélie Factory à lui payer 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour publicité mensongère et débouter la société Crep'et le Chignon de sa demande de condamnation,

- réformer le jugement entrepris et débouter Claire R. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- en tout état de cause, juger que la société Crep'et le Chignon a manqué à ses obligations contractuelles en résiliant le contrat de franchise avant son terme,

- juger que la société Crep'et le Chignon a manqué à ses obligations contractuelles en ne respectant pas son obligation de non-concurrence post-contractuelle, et réformer le jugement entrepris et condamner la société Crep'et le Chignon à payer à la société Amélie Factory la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,

- juger que la société Crep'et le Chignon reste à devoir la somme de 27 339,95 € au titre des sommes dues au titre du contrat de franchise et réformer le jugement entrepris et condamner la société Crep'et le Chignon à payer à la société Amélie Factory la somme de 27 339,95 € au titre des sommes dues au titre du contrat de franchise,

- condamner Claire R. à payer à la société Amélie Factory la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- condamner la société Crep'et le Chignon à payer à la société Amélie Factory la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A titre principal, la société Amélie conteste la nullité du contrat de franchise prononcée sur le fondement des articles L. 330-3, R. 330-1 du Code de Commerce et 1116 du Code Civil.

Elle soutient que le document d'information précontractuelle a été remis 7 mois avant la signature du contrat de franchise, de sorte que Claire R. a pu prendre connaissance des possibilités et exigences du partenariat et apprécier la rentabilité de celui-ci, la présentation du réseau ayant été complète et sincère.

Elle précise que les sociétés qui n'étaient pas franchisées n'avaient pas à figurer sur le document précontractuel d'information alors que Claire R. a participé à l'élaboration du prévisionnel de manière active, cette dernière souhaitant même augmenter le chiffre d'affaires afin d'augmenter le financement de la banque.

Elle estime que ce prévisionnel n'a pas provoqué l'erreur de Claire R. qui avait tout le temps nécessaire de s'informer sur les potentialités économiques du fonds.

Elle prétend que l'attestation produite en pièce 13 doit être écartée, comme non conforme à l'article 202 du Code de Procédure Civile et ne permet de certifier l'auteur et de vérifier son authenticité.

Elle ajoute que le contrat de franchise est causé même si la marque n'était pas notoire eu égard à l'existence du droit de marque valide qui a été mis à la disposition des intimées.

A titre subsidiaire, elle discute le préjudice invoqué par la société Crepet, en l'absence d'éléments comptables, et en ce que les montants hors taxes des factures payées peuvent être réclamés.

Elle indique que le remboursement des frais de formation correspondent à des prestations effectivement fournies et avec une contrepartie réelle alors que même en cas d'annulation du contrat, le fonds de commerce restera la propriété de la société Crepet qui pourra continuer à être exploité.

Elle souligne qu'en cédant ses parts, Claire R. se retrouve désintéressée de toute demande relative au fonctionnement de la société Crepet, celle-ci ayant eu connaissance de l'absence de rémunération dans les débuts de son activité de sorte qu'elle ne peut s'en prévaloir pour demander une indemnisation à ce titre, alors que le contrat de franchise ne le garantissait pas.

Elle fait valoir que la formation sur l'hygiène ne peut pas être remboursée à Claire R. mais seulement à la société Crepet qui l'a elle-même payée,

Elle insiste sur le caractère infondé de la demande portant sur les loyers de la résidence personnelle de Claire R. comme au titre d'un préjudice moral

Elle reproche à la société Crepet de n'avoir pas respecté l'obligation de non concurrence post-contractuelle eu égard à sa nouvelle activité similaire dans le même établissement.

Dans le dernier état de leurs écritures (récapitulatives) déposées le 17 janvier 2017, Claire R. et la société Crepet demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce déféré en ce qu'il a :

annulé le contrat de franchise,

condamné la société Amélie Factory à payer à la société Crep'et le Chignon 29 012 € en remboursement des redevances et frais de formation et 10 000 € à titre de dommages intérêts,

condamné la société Amélie Factory à payer 1 000 € à Claire R. à titre de dommages intérêts, et 3 000 € au visa de l'article 700 du CPC,

- y ajoutant, condamner la société Amélie Factory à payer à la société Crep'et le Chignon les sommes suivantes outre intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de la présente instance :

220 000 € au titre du prêt bancaire,

69 321 € au titre des loyers commerciaux,

60 000 € à titre de dommages intérêts pour publicité mensongère,

- condamner la société Amélie Factory à payer à Claire R. les sommes suivantes outre intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif de la présente instance :

70 782 € au titre du solde du compte courant d'associé,

31 500 € au titre de la perte de rémunération,

12 180 € au titre des loyers personnels,

1 068,60 € au titre de la formation permis d'exploitation,

5 000 € au titre du préjudice moral,

- subsidiairement, confirmer en tous points le jugement déféré, dans tous les cas, débouter la société Amélie Factory de toutes prétentions plus amples ou contraires,

- condamner la société Amélie Factory au paiement d'une somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Claire R. et la société Crepet font valoir que le contrat de franchise en cause est nul sur le fondement des articles 1137 nouveau du Code Civil, L. 330-3 et R. 330-1 du Code de Commerce, le document d'information pré-contractuelle étant mensonger sur la consistance du réseau comme ne mentionnant pas que certaines sociétés n'étaient pas franchisées mais étaient des succursales, et en ce que plusieurs sociétés avaient été placées en liquidation judiciaire ou étaient fermées.

Elles ajoutent que les résultats financiers du réseau n'étaient pas sincères ou ont été dissimulés dans le but de convaincre la société Crepet de la rentabilité du concept.

Elles indiquent que le prévisionnel établi par le franchiseur était mensonger eu égard aux résultats réellement réalisés.

Elles soutiennent que le franchiseur a manqué à son obligation d'assistance car la société Crepet n'a bénéficié d'aucune action de promotion ou de publicité contrairement à ce qui était prévu contractuellement, mais a imposé un changement de carte avec des menus qui ont nécessité des corrections, avec une diminution progressive de produits proposés.

Elles indiquent également sur le fondement de l'article 1131 du Code Civil que le contrat de franchise était dépourvu de cause du fait des changements de concept, de logo, de décoration, de couleurs, comme du passage en réseau d'affiliation et non en réseau de franchise.

Elles prétendent que l'annulation du contrat engendre la restitution des frais de formation, des droits d'entrée, des redevances mensuelles payées, comme le remboursement du prêt qui a été souscrit pour la réalisation du contrat de franchise qui est nul, tout comme les loyers pour son local commercial issu d'un bail commercial conclu pour la seule exploitation d'une franchise nulle.

Claire R. souligne avoir également subi un préjudice du fait des manquements du franchiseur eu égard à l'absence de salaire pourtant prévu dans le contrat de franchise, au défaut de récupération de la somme composant son compte courant d'associé, à l'absence de remboursement de la formation d'hygiène entreprise, du loyer réglé issu de son contrat de bail d'habitation sur Lyon, et du fait de son préjudice moral fondé sur les propos mensongers du franchiseur.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.

Motifs de la décision

Attendu qu'aux termes de l'article 954 de ce code, " les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. " ;

Sur la nullité invoquée du contrat de franchise

Attendu qu'aux termes de l'article L. 330-3 du Code de Commerce " Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. "

Que l'article R. 330-1 du même code prévoit :

Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :

1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;

2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ou le numéro d'inscription au répertoire des métiers ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;

3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;

4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du Code monétaire et financier ;

5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;

b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;

Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;

d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;

6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.

Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation.' ;

Attendu que la société franchisée invoque pour soutenir la nullité du contrat le dol au sens de l'article 1116 ancien du Code Civil, qui suppose qu'elle établisse l'existence de manœuvres dolosives qui l'ont déterminée à contracter, et en l'espèce en ce qu'elles résultent particulièrement du document d'information précontractuelle, de ses mentions ou de ses carences ;

Attendu que, s'agissant tout d'abord du réseau devant nécessairement être détaillé dans ce document, il résulte du texte susvisé que doit être mentionnée la liste des entreprises qui en font partie, avec l'indication du mode d'exploitation, comme celles des franchises d'ores et déjà accordées ;

Attendu que ce document d'information précontractuelle mentionne dans son paragraphe " présentation du réseau Amélie " trois restaurants situés à Montpellier, Lyon et Poitiers, alors que le paragraphe " Principales étapes du Réseau Amélie " faisant son historique comme la date de la licence de marque exclusive n'a été déposée que le 6 mai 2011 ("3 Marque et Licence") révèlent qu'ils ont été ouverts, pour les deux premiers, avant qu'une franchise puisse être concédée ;

Que Claire R. dans un SMS du 14 février 2013 (pièce 57) évoque elle-même des tests effectués " dans les 2 succursales " manifestant ainsi sa pleine connaissance de l'absence de franchise concernant deux des trois établissements cités dans le document d'information précontractuelle ;

Attendu que seul l'établissement de Poitiers est reconnu comme ayant connu une franchise dès l'origine, mais a été repris par le franchiseur, par l'intermédiaire sa filiale Amélie Odysseum dès le printemps 2012 (pièces 24 et 39 de l'appelante), la liquidation judiciaire de la société franchisée ne concernant en fait plus l'état de cet établissement au jour de l'information, mais uniquement son passé ;

Qu'il est même précisé le concernant qu'une nouvelle franchise est prévue pour être concédée " sous 23 mois " ;

Attendu que les autres établissements invoqués par les intimées, situés à Aulnay-Sous-Bois et Cabries, correspondent pour le premier à un commerce de détail sans mention particulière d'une activité ou d'une enseigne ayant un rapport avec la franchise litigieuse, et pour le second à une activité de crêperie ouverte antérieurement à la création de la marque et radiée dès le 16 janvier 2012 ;

Que l'absence de mention d'un autre établissement indiqué comme situé dans le centre commercial de Marseille Grand Littoral en 2010, et indiquée comme fermée depuis, à une époque antérieure à l'obtention de la marque et de l'ouverture d'une franchise, suppose que soit établie sa persistance au jour de la diffusion du document d'information précontractuelle ;

Attendu que ces autres exploitants n'avaient pas nécessairement à être listés dans cette information, leur sort antérieur n'ayant pas plus à être rappelé ;

Attendu que les textes susvisés n'obligeant en effet le franchiseur à communiquer des données précises sur l'historique que concernant les autres franchisés du réseau, il appartient à la société franchisée de caractériser en quoi l'absence de mention de la liquidation judiciaire du précédent franchisé de Poitiers était de nature à modifier, d'une part, son appréciation sur la santé du réseau et l'a déterminée d'autre part, à signer le contrat ;

Attendu que la société Crepet ne tente en rien de décrire en quoi cette absence d'information sur l'insuccès du premier des franchisés (Poitiers) était de nature à lui faire changer d'opinion sur sa propre adhésion, cette omission du franchiseur ne pouvant être considérée par nature comme déterminante à son consentement ;

Attendu qu'antérieurement à son assignation, elle n'a aucun moment fait grief à son franchiseur de ne l'avoir pas correctement informée sur la santé financière des autres entreprises liées à la franchise concédée, son courrier de résiliation du 24 février 2015 étant pourtant motivé sur l'absence de réalisation de résultats permettant de dégager le bénéfice minimal prévu contractuellement pour permettre cette fin prématurée ;

Attendu que le prospectus (pièce 20 des intimées) remis aux candidats à la franchise leur indiquait d'ailleurs clairement qu'ils étaient destinés à constituer véritablement le réseau de franchise ;

Que, de même, aucune doléance n'a été émise par la franchisée sur une absence de notoriété du réseau ou sur une éventuelle insuffisance des apports de la franchise, alors que la description de l'état local du marché comme ses perspectives ne sont pas plus argués comme ayant déterminé son consentement ;

Attendu que les témoignages de Mikel S. (pièces 13 et 44 des intimées) sont à apprécier au regard du conflit ouvert qu'il a connu avec le franchiseur, au travers de sa filiale Amélie Odysseum, suite à la saisine des juridictions prud'homales dont la société appelante justifie ;

Qu'en ce que le litige oppose principalement deux commerçantes, les règles de l'article 202 du Code de Procédure Civile sont inopérantes, seule sa valeur probante devant être ici déterminée ;

Attendu que l'intervention de Mikel S. en sa qualité de formateur pour le franchiseur, soit postérieurement à la signature du contrat de franchise, ne peut en tout état de cause caractériser qu'il ait personnellement participé à des manœuvres frauduleuses ayant conduit à ce que la société Crepet consente à s'engager ;

Attendu que la santé financière des succursales dont seule l'une d'entre elles est justifiée comme ayant connu une perte en 2013 (Amélie Confluence), ces comptes correspondant à une période postérieure au document d'information précontractuelle communiqué le 16 octobre 2012, n'est pas plus étayée et même mis en relation avec les résultats obtenus par la société Crepet ;

Que les déclarations de Mikel S. ne peuvent donc être retenues comme pouvant établir la mauvaise santé financière du réseau alors présenté à la société Crepet ;

Attendu que s'agissant du prévisionnel reconnu comme ayant été fourni par le franchiseur, il ressort des propres messages de la franchisée (pièces 32 de l'appelante) qu'elle en a réalisé une analyse critique, avec l'appui d'un professionnel du chiffre, pour en majorer les indicateurs pour tenter d'obtenir un financement plus important ;

Qu'il appartient, en effet, au futur franchisé de procéder à cette analyse nécessaire à la création de son entreprise et surtout d'établir que le prévisionnel fourni est dépourvu de tout sérieux et l'a déterminé à s'engager ;

Attendu que l'examen du sérieux d'un tel document n'est pas réductible à l'examen simpliste des résultats ensuite réalisés par le franchisé, qui dépendent tant de la structure choisie par lui que de ses propres qualités et atouts ;

Que la société Crepet se limite à cette comparaison mathématique sans même tenter de déterminer les éléments manquants à l'accomplissement d'un prévisionnel estimé comme trop pessimiste pour séduire les banquiers ;

Attendu que si une assistance est affirmée comme devant être fournie par le franchiseur pour l'ouverture de la crêperie, elle n'en dispense en rien la franchisée de réaliser par elle-même, notamment pour asseoir la crédibilité de ses demandes aux financeurs, une analyse concrète des risques et bénéfices escomptés dans l'opération ;

Attendu que la société Crepet n'ayant pas démontré l'existence de manœuvres frauduleuses l'ayant déterminée à contracter, devait être déboutée de sa prétention tendant à la nullité du contrat de franchise pour dol ;

Attendu que s'agissant de l'absence de cause, au sens de l'article 1131 ancien du Code Civil, il vient d'être retenu que la société Crepet avait conscience d'être dans les premières entreprises franchisées, la notoriété du réseau ne pouvant par nature en cet état la constituer, alors que le concept lui-même supposait que l'intérêt essentiel de la franchise se trouvait dans la fourniture d'un produit destiné à être réchauffé et dans l'économie sur les charges d'exploitation que cette solution induisait ;

Que, de même, aucune doléance n'a été émise à un quelconque moment par la société franchisée sur la question de la notoriété d'une franchise débutant son expansion en France, alors que les éléments mis en avant concernent une période postérieure à la conclusion du contrat, inopérante dans ce débat ;

Attendu qu'aucune nullité ne peut s'évincer au titre de la cause de la convention ;

Que la décision entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a prononcé la nullité de ce contrat de franchise, toutes les prétentions émises par la société Crepet et Claire R. au titre de ses suites ne pouvant qu'être rejetées, y compris celles émises par cette dernière sur le fondement de la responsabilité délictuelle ;

Sur le non-respect par la société Amélie de son obligation d'assistance

Attendu qu'aux termes de l'article 1147 ancien du Code Civil, il appartient à la société Crepet de faire la démonstration de l'irrespect par sa cocontractante de ses propres obligations ;

Qu'elle ne verse aux débats que plusieurs menus fournis par le franchiseur, affectés de fautes d'orthographes, et déplore les investissements imposés par ce dernier, sans pour autant caractériser qu'ils constituent la preuve d'une telle inexécution, et qu'ils aient motivé de sa part une réaction, aucun courrier ou aucune mise en demeure en ce sens n'étant versé aux débats ;

Attendu qu'en l'état de cette carence probatoire, et au regard de ce qu'aucune prétention chiffrée n'est clairement formée à ce titre, un débouté doit être prononcé ;

Sur la publicité mensongère invoquée par la société Crepet

Attendu que cette dernière ne fournit aucun élément et ne fonde pas juridiquement cette prétention et n'y consacre aucun développement dans ses écritures, le rejet prononcé en première instance ne pouvant qu'être maintenu ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Amélie

Attendu qu'elle reproche d'abord à sa franchisée d'avoir résilié le contrat prévu pour durer 7 années, alors même qu'il a déjà été souligné plus haut que la société Crepet se prévalait dans son courrier du 24 février 2015 de la clause lui permettant de se prévaloir d'une impossibilité pendant deux années consécutives de réaliser des bénéfices pour mettre fin à la franchise sans indemnité ;

Attendu que suite à ce courrier de résiliation, ainsi motivé, la société Amélie est réputée avoir émis le 27 suivant un courrier, qui n'est pas versé aux débats, relaté par son conseil dans son courrier du 25 mars 2015 (sa pièce 21),qui a manifesté son refus de cette résiliation, dans un contexte où les parties s'opposent en fait sur la cession du fonds de commerce par la société franchisée ou celle des parts de ses associés ;

Que ce litige ne pouvait que conduire à la fin anticipée des relations contractuelles ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la société Crepet se soit alors trouvée dans les conditions contractuelles qui viennent d'être rappelées pour une durée de 18 mois, aucun élément ne peut conduire, en l'état de la fin alors consommée des rapports contractuels franchiseur/franchisée, à considérer que les 6 mois suivants doivent conduire à la réalisation d'un tel bénéfice ;

Que la facturation émise à hauteur de 27 339,95 € est considérée comme arrêtée à " la date de rupture du contrat ", confirmant que le franchiseur avait pris acte de cette fin anticipée des relations, la demande indemnitaire ne conduisant qu'à en stigmatiser l'intervention ;

Attendu qu'aucune demande indemnitaire n'est présentée au titre d'un non-respect de l'obligation de non-concurrence post-contractuelle, pour laquelle la société appelante ne verse aux débats aucun élément concret susceptible de la caractériser ;

Attendu que la demande à hauteur de 30 000 € au titre de cette résiliation doit donc être rejetée en ce que cet événement est intervenu du fait des positions respectives de chacune des parties et que l'autre alternative ouverte à Claire R. se tenait dans une déclaration de cessation des paiements, la décision entreprise devant être confirmée sur ce point ;

Attendu que la pièce 56 visée par la société Amélie ne correspond en rien à la facturation du montant réclamé par elle, alors qu'une mise en demeure du 4 novembre 2014 est imprécise sur le montant réclamé, celle du 3 décembre suivant visant uniquement un montant de droit d'entrée de 8 460 € TTC, et celles émises par son conseil les 2 février et 25 mars 2015 évoquant à leur tour des montants de 20 643,28 € et de 24 395,24 € ;

Attendu qu'en l'état de ce que la société Crepet ne s'en est pas reconnue redevable, il n'est pas possible à la lecture de la pièce susvisée d'identifier les montants ainsi réclamés successivement et pour des montants aléatoires, notamment en ce qui concerne le droit d'entrée, dont aucun élément ne permet de vérifier un paiement total ou partiel ;

Attendu que cette demande doit, en conséquence, être rejetée, les premiers juges ne l'ayant pas examinée, logiquement au regard de la nullité qu'ils avaient retenue ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Attendu que chaque partie succombe totalement dans le cadre de leurs appels respectifs ;

Qu'en l'état de l'infirmation prononcée, elles doivent chacune garder la charge de leurs propres dépens d'appel et de première instance ;

Attendu que les termes des articles 699 et 700 du Code de Procédure Civile n'ont ainsi pas à recevoir application ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau comme y ajoutant : Déboute les parties de toutes leurs demandes, Dit que chaque partie garde la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.