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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 31 octobre 2017, n° 16-20116

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Zuccolo Rochet France (SAS)

Défendeur :

La société Gemstar (SAS), La société LC Import (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

Cour de cass. du 7 juin 2016

7 juin 2016

Exposé des faits

La société par actions simplifiée Zuccolo Rochet France (ci-dessous, société ZRF), implantée près d'Annecy depuis le début du 20ème siècle, indique être spécialisée dans la création et la fabrication de bijoux et de bracelets de montres qu'elle commercialise en France et à l'étranger.

Au mois de décembre 2001, la société ZRF a créé un modèle de bracelet pour homme dénommé " Magnum ".

Elle a déposé, le 5 février 2002, un modèle international, désignant la France, sous le numéro DM/059 089 auprès de l'OMPI.

Elle a fait évoluer le bracelet 'Magnum' en 2004, qui existe plusieurs versions et en différents coloris.

La société par action simplifiée Gemstar, exerçant sous l'enseigne Phébus Création depuis le 16 novembre 1992 et la société à responsabilité limitée LC Import, créée en 2004, ont pour activité le commerce d'horlogerie, bijouterie, orfèvrerie et métaux précieux. Monsieur Alain L. est le président de la société Gemstar et le gérant de la société LC Import.

Au mois d'octobre 2010, la société ZRF a constaté que la société Gemstar offrait à la vente et commercialisait cinq modèles de bracelet qui, selon elle, reproduisaient les caractéristiques du modèle lui appartenant.

Le 22 octobre 2010, la société ZRF a fait établir, par huissier de justice, un procès-verbal de constat sur le site internet www.phebuscreations.com appartenant à la société Gemstar ainsi que sur le site internet www.bijouterie-stepec.com offrant à la vente et commercialisant des modèles de bracelet de la société Gemstar sous la dénomination " Phebus " et a repéré des bracelets qu'elle considérait contrefaisants.

La société ZRF a fait procéder à une saisie-contrefaçon le 10 novembre 2010 au siège de la société Gemstar. Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon que les modèles référencés 34/0262, 35/0580, 34/0249-R, 34/0247-R et 34/0176 se trouvaient au siège de la société Gemstar et que la société Gemstar aurait acheté les références 34/0262, 35/0580, 34/0247-R et 34/0176 à une société Treasure Bright située à Hong-Kong et la référence 34/0249-R à la société LC Import.

Le 23 novembre 2010, la société ZRF a saisi le Tribunal de grande instance de Paris en sollicitant la cessation des actes de contrefaçon de ses droits d'auteur et de son modèle, en concurrence déloyale et parasitaire, et en indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 12 décembre 2013, le tribunal de grande instance a :

déclaré réguliers le procès-verbal de constat d'huissier du 22 octobre 2010 et les opérations de saisie-contrefaçon des 10 et 15 novembre 2010 et les procès-verbaux correspondants ;

déclaré nulle la partie française du modèle DM/059 089 déposée par la société ZRF le 5 février 2002 ;

dit que la décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l'INPI pour inscription sur le registre des marques à la requête de la partie la plus diligente ;

dit irrecevable la société ZRF dans ses demandes en contrefaçon de droit d'auteur ;

débouté la société ZRF de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire ;

rejeté les demandes de la société ZRF tendant à la communication de pièces comptables et de publication du jugement ;

condamné la société ZRF à payer à la société Gemstar et à la société LC Import la somme globale de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision ;

condamné la société ZRF aux dépens.

Le 22 janvier 2014, la société ZRF a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt du 10 octobre 2014, la Cour d'appel de Paris a :

rejeté l'ensemble des demandes de la société appelante ;

rejeté l'appel incident des sociétés intimées ;

confirmé le jugement déféré ;

y ajoutant

condamné la société appelante à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamné la société appelante aux entiers dépens.

La société ZRF a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La Cour de cassation, par un arrêt du 7 juin 2016, a cassé et annulé l'arrêt du 10 octobre 2014, mais seulement en ce qu'il avait rejeté l'action en concurrence déloyale et parasitaire au titre des quatre modèles référencés 34/0176, 34/0247-R, 34/0249-R et 35/0537, et renvoyé devant la Cour d'appel de Paris ;

la Cour de cassation a relevé que la cour d'appel avait rejeté la demande de la société ZRF au titre de son action en concurrence déloyale en retenant que les faits incriminés à ce titre ne se distinguaient pas de ceux invoqués au titre de la contrefaçon pour les quatre modèles références 34/016, 34/0247-R, 34/0249-R et 35/0537 et ne pouvaient qu'en constituer une aggravation ; elle a précisé " qu'en statuant ainsi, alors que l'action en concurrence déloyale, qui est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif, peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, dès lors qu'il est justifié d'un comportement fautif, la cour d'appel avait violé " l'article 1382 du Code civil.

Le 28 juillet 2016, la société ZRF a saisi la Cour d'appel de Paris sur renvoi après cassation de l'arrêt du 10 octobre 2014.

Par conclusions du 7 juin 2017, la société ZRF demande à la cour de :

infirmer le jugement du 12 décembre 2013 ;

Et statuant à nouveau,

juger que les sociétés Gemstar et LC Import se sont livrées au préjudice de la société ZRF à des agissements de concurrence déloyale et parasitaire en important d'Asie et en commercialisant en France quatre bracelets référencés 34/0249, 34/0247, 34/0176 et 34/0249 qui reproduisent quasiment à l'identique le bracelet qu'a mis au point la société ZRF et qu'elle commercialise sous la dénomination Magnum ;

En conséquence,

interdire sous astreinte de 200 euros par infraction constatée aux sociétés Gemstar et LC Import de poursuivre l'importation et la commercialisation desdits produits ;

condamner in solidum les sociétés Gemstar et LC Import à payer à la société ZRF la somme de 200 000 euros (dans la limite de 50 000 euros pour LC Import) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre ;

ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la société ZRF et aux frais in solidum et avancés des sociétés Gemstar et LC Import ;

juger que le coût de chacune de ces publications sera de 5 000 euros HT ;

condamner in solidum les sociétés Gemstar et LC Import à payer à la société ZRF la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner in solidum les sociétés Gemstar et LC Import en tous les dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 26 mai 2017, les sociétés Gemstar et LC Import demandent à la cour de :

confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 12 décembre 2013 en ce qu'il a :

débouté la société ZRF de sa demande fondée sur la concurrence déloyale et parasitaire,

condamné la société ZRF à verser à la société Gemstar et la société LC Import la somme globale de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

déclarer les sociétés Gemstar et LC Import recevables et bien fondées en leur appel incident et en leur demande de réparation de l'omission de statuer ;

Y faisant droit,

déclarer la société ZRF mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ; l'en débouter;

condamner la société ZRF à verser à chacune des sociétés Gemstar et LC Import, la somme de 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;

ordonner, à titre de complément de dommages intérêts, la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou périodiques, au choix des sociétés Gemstar et LC Import et aux frais avancés de la société ZRF, dans la limite de 5 000 euros HT par insertion ;

condamner la société ZRF à verser à chacune des sociétés Gemstar et LC Import la somme complémentaire de 15 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner la société ZRF en tous les dépens, dont le recouvrement pourra être poursuivi directement par Maître Stéphanie L., Avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 juin 2017.

MOTIVATION

Sur la concurrence déloyale

La société ZRF soutient que les sociétés Gemstar et LC Import ont commercialisé quatre bracelets imitant sans nécessité son bracelet Magnum, en ce qu'ils reprennent à l'identique, selon la même composition et le même rythme, les caractéristiques définies de son bracelet. Elle relève ainsi qu'ont été notamment reproduits par les intimées l'aspect satiné de la maille longue et l'aspect poli miroir de la maille courte ainsi que la combinaison des couleurs, soit l'alternance de godrons en caoutchouc noir (ou orange) et de godrons chromés, et que cette reprise est de nature à créer la confusion dans l'esprit du consommateur.

Selon elle, les différences sont minimes et insusceptibles d'écarter l'impression d'ensemble, au vu de l'identité des caractéristiques, les intimées ayant notamment repris la couleur orange d'une série limitée de son bracelet. Elle indique que le fait que les marques soient apposées sur les produits est sans incidence sur l'appréciation du risque de confusion.

Elle ajoute être la seule à commercialiser en France son bracelet, qui a connu un grand succès, dont ont profité les intimées en important d'Asie des copies " quasi serviles " et en les distribuant aussi sur le territoire français.

Les sociétés Gemstar et LC Import déclarent qu'un produit non protégé peut être reproduit, sous réserve de l'absence de faute tenant à la création d'un risque de confusion chez le consommateur sur l'origine du produit, et que n'est pas fautive la reprise de caractéristiques banales d'un produit. Elles soutiennent que les quatre articles incriminés se distinguent du bracelet Magnum par de nombreuses caractéristiques de forme, couleurs et décors qui constituent autant de différences, ce qui exclut tout risque de confusion ou d'association dans l'esprit du public, ce d'autant que les articles en cause se distinguent par la présence de la marque Phébus sur le fermoir et/ou l'étiquetage des bracelets incriminés, alors que les bracelets de la société ZRF portent la marque Rochet ou Motoop.

Sur ce

Il convient de constater que dans le dispositif de ses conclusions la société ZRF a visé " quatre bracelets référencés 34/0249, 34/0247, 34/0176 et 34/0249 " en répétant la référence 34/0249, mais il ressort des développements qu'il s'agit d'une erreur et que les quatre bracelets en cause sont 34/0249, 34/0247, 34/0176 et 34/0537, les sociétés Gemstar et LC Import répondant du reste aux arguments sur le bracelet portant cette dernière référence.

En l'occurrence, la société ZRF reproche aux bracelets des intimées de reprendre la combinaison des caractéristiques de son modèle Magnum, soit

- vue de dessus :

/ une maille longue incurvée, de forme rectangulaire, découpée en ses extrémités,

/ une maille courte en forme de croix stylisée, dont la partie horizontale, beaucoup plus large, est constituée de deux motifs proéminents en caoutchouc ayant la forme de godrons (bombés sur le dessus), ces deux motifs étant séparés et entourés par trois godrons en acier beaucoup plus fins également bombés sur le dessus ; de part et d'autre des deux godrons latéraux en acier, sont situés, dans l'axe vertical, deux petits éléments rectangulaires en acier, très légèrement bombés, ces deux éléments venant s'insérer entre les cornes des mailles longues,

/ la maille longue présente un aspect satiné, la maille courte ayant un aspect poli-miroir et combinant plusieurs couleurs avec des godrons en caoutchouc noir ou orange et des godrons chromés en acier,

- vue de dessous :

/ un assemblage de godrons en caoutchouc et de godrons en acier, selon le même rythme, la même configuration et la même combinaison de couleurs ;

/ apparaissent également quatre points d'ancrage des godrons en caoutchouc combinés aux éléments en acier ;

/ le caractère bombé de la maille la plus longue est au surplus très perceptible tandis que la maille courte est plate,

- vue de profil : elle fait également apparaître le caractère bombé des mailles de connexion, lesquelles sont reliées par une pièce en métal de forme rectangulaire ; sur le dessus apparaît le décor formé par les godrons en caoutchouc.

Les bracelets magnum de la société ZRF ne font l'objet d'aucune protection, ni au titre du droit d'auteur que du modèle.

Les mailles du bracelet magnum et des bracelets offerts à la vente par les sociétés Gemstar et LC Import présentent ainsi en alternance une maille longue incurvée et une maille courte en forme de croix stylisée, présentant dans le sens du bracelet deux godrons en caoutchouc, ou en ayant l'aspect. Ces godrons sont de couleur noir, sauf s'agissant de la version céramique du bracelet magnum et 34/0249R, sur lesquels ils sont de couleur orange.

Néanmoins, l'incurvation de la maille longue peut s'expliquer par la destination du bracelet, devant s'enrouler autour du poignet.

Les sociétés Gemstar et LC Import justifient qu'en 1998, étaient proposés à la vente des montres dont les bracelets en métal présentaient, comme le bracelet magnum, une alternance de mailles longues présentant un aspect satiné et de mailles courtes en forme de croix stylisée avec des motifs en relief, soit dans le sens du bracelet soit dans le sens perpendiculaire.

Étaient également commercialisés avant la sortie du bracelet magnum des bracelets de montre présentant cette alternance maille longue polie incurvée / maille courte en forme de croix ; un produit présentait notamment trois godrons dans le sens du bracelet sur la maille courte, même si ces godrons étaient de la même couleur que le reste des autres pièces du bracelet ; outre un bracelet de montre identique, un bijou bracelet présentant une même alternance de maille polie incurvée et de maille avec des godrons existait aussi, même si sa maille présentant les godrons n'avait pas une forme de croix et que les godrons étaient disposés perpendiculairement au bracelet.

Ainsi les pièces 7 à 10 des intimées établissent que de tels bracelets de montre en métal étaient vendus avant la sortie du bracelet magnum, que le recours à une telle alternance était connu, comme la présence de godrons sur la maille courte placée dans le sens du bracelet, ou l'utilisation pour les mailles en forme de croix d'une couleur différente des autres mailles.

S'agissant des produits 24/0249R, 34/0247R et 34/0176, la cour observe que la maille longue est d'une longueur légèrement inférieure à celle des bracelets de la société ZRF, ce qui ne donne pas la même impression d'alternance d'une maille longue et d'une maille courte, ce d'autant que la maille longue est agrémentée de décorations sur les bracelets des intimées, alors qu'elle ne l'est pas sur le bracelet magnum.

En effet et surtout, alors que cette maille longue a, sur les bracelets magnum, un aspect lisse et mat (sauf s'agissant du bracelet céramique/orange sur lequel un trait central est marqué perpendiculairement au sens du bracelet), les produits 24/0249R, 34/0247R et 34/0176 présentent sur cette maille une forme rectangulaire en relief dont les bords latéraux viennent en continuité avec les godrons extérieurs se trouvant sur l'autre type de maille, ce qui ne se retrouve pas sur les bracelets magnum.

La cour relève que cet embossage a une dimension proche de celle des godrons en caoutchouc, ce qui crée un certain rythme ; il présente en son centre, sur les trois produits 24/0249R, 34/0247R et 34/0176, une tête de vis de couleur dorée, sur une maille longue sur deux, qui est également absente du bracelet magnum.

En outre, sur le produit 34/0247R, cet embossage est, sur une maille sur deux, réalisé dans une couleur de cuivre ou d'or rose, ce qui produit un effet visible d'alternance de couleurs dont est dépourvu le bracelet magnum.

Sur le modèle 34/0249R cet embossage présente un aspect brossé, alors que les parties extérieures de cette maille longue ont un aspect miroir, soit un effet de contraste que ne présente pas le bracelet magnum.

Concernant le bracelet 34/0249R, outre la présence de cet embossage et de cette tête de vis dorée sur les mailles dépourvues de godrons, celles-ci ne portent pas une marque perpendiculaire comme le bracelet magnum en céramique.

Même si ce bracelet comme le bracelet magnum en céramique présente des godrons de couleur orange disposés de la même façon, les mailles longues du bracelet magnum sont en céramique noire, alors que celles du bracelet 34/249R sont toutes en métal argenté, et cette différence de couleur apparaît prégnante.

S'agissant du bracelet référencé 35/0537, ses mailles longues, disposées en alternance avec les mailles en croix présentant des godrons, sont découpées afin de présenter une clé grecque, que le consommateur relève immédiatement car elle en constitue un élément prédominant, et qui est absent des bracelets magnum, avec lesquels il ne saurait de ce fait être confondu.

Au surplus, il sera relevé que les produits des sociétés Gemstar et LC Import présentent sur le fermoir la marque Phebus, alors que ceux de la société ZRF sont gravés Rochet ou Motogp à cet endroit.

Au vu de ce qui précède, l'imitation reprochée aux sociétés Gemstar et LC Import n'apparaît pas fautive, et il n'existe pas de risque de confusion entre ses bracelets incriminés et le bracelet magnum, qui s'inscrit dans un style de bracelet connu antérieurement essentiellement pour des bracelets de montres.

Le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 12 décembre 2013 qui a débouté la société ZRF de sa demande au titre de la concurrence déloyale sera confirmé.

Sur le parasitisme

La société ZRF déduit de l'ensemble des ressemblances existant entre les bracelets que les sociétés Gemstar et LC Import et le bracelet magnum que les intimées se sont placées dans son sillage en profitant indûment de ses efforts créatifs, de son succès et de ses investissements, et ont ainsi commis à son encontre des actes de concurrence parasitaire.

Les sociétés Gemstar et LC Import soutiennent que la société ZRF ne justifie pas de la notoriété alléguée du modèle magnum, ni des montants des frais de création et de promotion effectivement consacrés aux produits magnum et n'apporte ainsi pas la preuve du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaires.

Sur ce

Le parasitisme économique est le fait, pour un agent économique, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

En l'espèce, et au vu des différences relevées entre les produits querellés et le bracelet magnum, il n'est pas établi que les sociétés Gemstar et LC Import aient détourné les clients de la société ZRF -dont la notoriété n'est pas démontrée auprès des consommateurs- de ce bracelet.

Si, entre 2002 et la fin du mois de septembre 2010 - soit avant la constatation de la vente des produits incriminés - la société ZRF avait vendu plus de 61000 bracelets magnum, en prenant en compte toutes ses déclinaisons, depuis 2007 les chiffres de vente ont baissé très nettement, et cette baisse était déjà notable avant la constatation de la vente des produits des sociétés intimées, puisque 12233 bracelets magnum avaient été vendus en 2007, 9938 en 2008, 5723 en 2009 et 3418 pour les 9 premiers mois de l'année 2010, ce mouvement baissier continuant au cours des années suivantes.

Ainsi le déclin des ventes d'un bracelet s'inscrivant dans un style connu antérieurement ayant commencé plusieurs années avant l'apparition sur le marché des produits en cause, la poursuite de ce mouvement ne saurait révéler un détournement de clientèle par les sociétés Gemstar et LC Import.

Enfin, les frais dont la société ZRF fait état portent sur l'édition de brochures et catalogues présentant l'intégralité de la gamme de ses produits, et non le seul bracelet magnum, lequel représentait, sur les années 2002 à 2009, en moyenne 7,16% de son chiffre d'affaires. Il en est aussi des frais de création et de développement du bracelet magnum, le personnel et les équipements informatiques de la société ZRF n'étant pas consacrés au seul produit magnum.

De même, la société ZRF fait état d'un contrat de licence conclu avec un pilote champion du monde de moto pour l'édition céramique / orange du bracelet magnum, mais ce contrat ne prévoit pas de revenu initial, et la société ZRF ne justifie pas des sommes qu'elle aurait été amenée à verser à son cocontractant dans le cadre de ce contrat de licence.

Ces éléments ne permettent pas d'apprécier la réalité et le montant des investissements que la société ZRF aurait consacrés au développement du bracelet magnum.

Dès lors, les conditions d'une concurrence parasitaire, soit le fait pour les sociétés Gemstar et LC Import de profiter des efforts créatifs et des investissements de la société ZRF sur son bracelet magnum, n'apparaissent pas réunis en l'espèce.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles

L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'exercer une voie de recours en justice légalement ouverte, est susceptible de constituer un abus.

En l'espèce, les sociétés Gemstar et LC Import ne démontre pas que l'appel interjeté par la société ZRF ait été abusif. Elles seront donc déboutées de leur demande à ce titre.

Il ne sera pas fait droit à leur demande de publication judiciaire.

Sur les autres demandes

la société ZRF succombant au principal, sera condamnée au paiement des dépens.

Etant condamnée aux dépens, elle sera également condamnée au paiement de la somme de 2500 euros à chacune des sociétés Gemstar et LC Import, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 12 décembre 2013 en ce qu'il a débouté la société ZRF de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; Y ajoutant, Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ; Condamne la société ZRF à verser à chacune des sociétés Gemstar et LC Import la somme complémentaire de 2500 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société ZRF en tous les dépens, dont le recouvrement pourra être poursuivi directement par Maître Stéphanie L., Avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.