Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-14.664
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Septodont (SAS)
Défendeur :
Bouhanna
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Frouin
Rapporteur :
Mme Ducloz
Avocat général :
M. Liffran
Avocats :
SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Bouhanna a été engagé le 1 février er 1990 par la société Septodont en qualité de VRP ; que le contrat de travail contenait une clause prévoyant que le représentant percevrait à titre de rémunération " une commission de 10 % sur le chiffre d'affaires hors taxes direct ou indirect, et ce, tous frais inclus (déplacement et séjour) " ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture ;
Sur les premier et deuxième moyens réunis : - Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme au titre du remboursement des frais professionnels et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail alors, selon le moyen : 1°) que les frais qu'un voyageur-représentant-placier justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire ; que le contrat de travail peut stipuler expressément que le taux de commissionnement versé au salarié inclut le remboursement des frais professionnels engagés par le représentant ; que lorsque le contrat prévoit le principe de prise en compte des frais professionnels dans le taux de commissionnement sans préciser la part de commissionnement correspondant à ces frais, cette part forfaitaire de commissionnement versée à titre de remboursement des frais professionnels représente par usage 30 % du montant des commissions correspondant à la déduction forfaitaire admise par les pouvoirs publics pour la détermination de l'assiette de cotisations sociales ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que le contrat de travail et les avenants conclus par l'employeur et le salarié stipulent que le taux de commissionnement convenu inclut les frais professionnels, que par ailleurs l'ensemble des bulletins de paie mentionnent un abattement de 30 % au titre des frais professionnels et, enfin, que les rémunérations annuelles du salarié ont toujours été supérieures à la rémunération minimum garantie ; qu'en jugeant néanmoins que l'employeur avait commis un manquement grave en ne prévoyant pas la prise en charge des frais professionnels " moyennant le versement d'une somme forfaitaire versée à l'avance " et en la condamnant à verser au salarié une somme à titre de remboursement de frais professionnels, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 7113-7 du Code du travail, 1134 du Code civil et 5 de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975 ; 2°) que constituent des frais professionnels les dépenses exposées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur et que seuls les frais que le salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être remboursés par ce dernier ; qu'en conséquence, il appartient au voyageur représentant placier qui sollicite le remboursement par l'employeur des frais de déplacements de justifier de la réalité des déplacements professionnels effectués et du montant de ces frais engagés ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que le salarié ne produisait aucun justificatif relatif aux déplacements effectués ni au montant des frais réellement engagés à ce titre au cours de la période courant de 2005 à 2010 ; que la cour d'appel s'est néanmoins fondée sur une unique attestation établie par l'employeur, le 16 février 1995, soit plus de dix ans avant la période litigieuse, pour estimer les déplacements professionnels du salarié à 65 000 kilomètres par an et les frais corrélatifs à la somme de 109 160 euros entre 2005 et 2010 ; qu'en statuant de la sorte sans relever le moindre élément relatif à l'activité effectivement déployée et aux déplacements effectués au cours de la période pour laquelle elle était saisie d'une demande de remboursement de frais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 7113-7 du Code du travail, 1134 et 1315 du Code civil et 5 de l'accord interprofessionnel du 3 octobre 1975 ; 3°) que l'employeur faisait valoir en produisant aux débats des éléments relatifs au secteur d'activité, aux résultats et aux commandes passées par le salarié que l'activité commerciale déployée par ce dernier au cours de la période litigieuse ne pouvait pas justifier les frais kilométriques que le représentant prétendait avoir engagés entre 2005 et 2010 ; qu'elle rappelait, à ce titre, que le juge départiteur avait, en première instance, souligné le caractère invraisemblable du montant des frais professionnels au regard du secteur d'activité et des résultats du salarié ; qu'en s'estimant en mesure de procéder à un calcul des frais exposés entre 2005 et 2010 en se fondant sur une attestation établie le 16 février 1995, sans répondre aux moyens développés par l'employeur dans ses écritures relativement à l'absence de corrélation entre les indemnités kilométriques demandées et l'activité réellement déployée entre 2005 et 2010 par le salarié, la cour d'appel a méconnu les exigences des articles 455 et 458 du Code de procédure civile ; 4°) que la cassation à intervenir sur le remboursement de frais professionnels entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la censure de l'arrêt en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, compte tenu du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux chefs de l'arrêt ;
Mais attendu que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d'autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC ;
Et attendu que la cour d'appel, après avoir déterminé la part des commissions correspondant aux frais professionnels, a, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, retenu que la somme remboursée par l'employeur était manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés par le salarié ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, dont la quatrième branche est rendue sans portée par le rejet des trois premières, n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen, qui est recevable : - Vu l'article 4 du Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de paiement de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que la contrepartie financière à la clause de non-concurrence doit être fixée par référence au statut de VRP peu important que ce mode de calcul ne soit pas répété dans le contrat de travail, que cette clause n'est pas nulle mais qu'il convient d'allouer au salarié, au regard de ce qu'il pouvait prétendre, la somme réclamée ;
Qu'en statuant, ainsi, alors que, dans ses conclusions, le salarié ne demandait pas la condamnation de l'employeur à lui verser une somme au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il condamne la société Septodont à payer à M. Bouhanna la somme de 30 485 euros à titre de paiement de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 3 février 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.