CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 24 octobre 2017, n° 16-07089
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Les Artisans de France (SARL)
Défendeur :
Garage de l'avenir (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vidal
Conseillers :
Mmes Dampfhoffer, Demont
Faits, procédure et prétentions
La société Garage de l'Avenir, concessionnaire Volkswagen dans la région d'Arles, a vendu le 8 décembre 2011 à la société Les Artisans de France Sarl un véhicule automobile neuf de marque Volkswagen modèle Golf au prix de 16 674,59 euro ht, soit 19 953,88 euro ttc.
La société Les Artisans de France faisait cette acquisition à des fins professionnelles, comme véhicule deux places, mais ajoutait l'option dite 'pack réversible' permettant de rendre le véhicule utilisable en usage mixte.
La société Les Artisans de France a ensuite récupéré le montant de la TVA payée sur ce véhicule à l'occasion de sa déclaration de TVA de mars 2012.
Mais le 15 avril 2014 la Direction des Finances Publiques a adressé à la société Les Artisans de France une proposition de rectification sur ce point considérant qu'un véhicule à usage mixte ne permettait pas cette déduction limitée aux véhicules utilitaires et qu'elle était par ailleurs assujettie à la taxe sur les véhicules de société. Le redressement était de 8 740 euro plus 78 euro d'intérêts de retard.
La société Les Artisans de France, estimant avoir été mal conseillée par la société Garage de l'Avenir, l'a faite assigner le 4 décembre 2014 devant le Tribunal de grande instance de Tarascon aux fins de voir prononcer la résolution de la vente, voir condamner la société Garage de l'Avenir à lui payer la somme de 8 826 euro versée à l'administration fiscale plus 2 000 euro pour préjudice moral.
Par jugement en date du 3 mars 2016, prononcé de manière contradictoire, le Tribunal de grande instance de Tarascon a :
-débouté la Sarl Artisans de France de toutes ses demandes,
-condamné la Sarl Artisans de France à payer à la société Garage de l'Avenir la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamné la Sarl Artisans de France aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses motifs, le tribunal a dit que le véhicule vendu correspondait au véhicule commandé, qu'il appartenait à la société Les Artisans de France de se renseigner avant de faire son choix et qu'elle n'avait même pas tenté de former une contestation de la rectification fiscale pour s'assurer du bien fondé de celle-ci.
Par déclaration de Me Corinne S., avocat au barreau d'Aix-en-Provence, en date du 18 avril 2016, la société Artisans de France Sarl a relevé appel général de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, déposées et signifiées par voie électronique le 13 juillet 2016, la société Artisans de France Sarl demande à la cour, au visa des articles 1135, 1147 et 1162 du code civil, de :
-déclarer la Sarl Artisans de France recevable en son appel,
-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
-rejeter tous moyens, fins ou conclusions contraires,
-prononcer la résolution de la vente conclue le 8 décembre 2011,
-ordonner en conséquence la restitution du véhicule par la Sarl Les Artisans de France et le remboursement du prix de vente par la Sas Garage de l'Avenir, soit 19 953,88 euro,
-condamner la Sas Garage de l'Avenir à payer à la Sarl Les Artisans de France la somme de 8 826 euro au titre du redressement fiscal dont elle a fait l'objet,
-condamner la Sas Garage de l'Avenir à payer à la Sarl Les Artisans de France la somme de 2 000 euro au titre de son préjudice moral,
-condamner la Sas Garage de l'Avenir à payer à la Sarl Les Artisans de France la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la Sas Garage de l'Avenir aux entiers dépens,
-et dire que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l'exécution forcée devra être utilisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Les Artisans de France estime que la société Garage de l'Avenir a manqué à son égard à son obligation d'information et de conseil. Elle expose que cette société lui a vendu un véhicule de tourisme aménagé avec kit de réversibilité et non un véhicule utilitaire. Elle considère qu'elle aurait dû attirer son attention sur les conséquences financières d'un tel choix, notamment quant à l'absence de droit à déduction de TVA et à l'assujettissement à la taxe sur les véhicules de société. Elle fait observer que, sur son site Internet, la société Garage de l'Avenir se prévaut de son expérience pour conseiller les clients sur les véhicules à usage professionnel.
La société Les Artisans de France fait observer que c'est le caractère irréversible de l'aménagement qui est déterminant pour l'administration fiscale et qu'un véhicule de tourisme transformable ne permet pas d'obtenir une déduction de TVA. Elle fait remarquer qu'elle devait en conséquence payer la taxe sur les véhicules de société. La société Les Artisans de France expose n'avoir pas formé de contestation de la décision de l'administration fiscale, reconnaissant son bien fondé et préférant ne pas s'exposer à payer des frais supplémentaires pour recours abusif.
Par ses dernières conclusions, déposées et signifiées par voie électronique le 11 août 2016, la société Garage de l'Avenir Sa demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
-y ajoutant, condamner la Sarl Artisans de France à payer à la société Garage de l'Avenir la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens, de première instance et d'appel.
La société Garage de l'Avenir estime qu'elle n'est pas tenue à une obligation de conseil de nature fiscale. Elle fait observer que le certificat de conformité du véhicule acquis mentionnait une neutralisation de l'ancrage des sièges arrières et qu'il s'agissait manifestement d'un véhicule utilitaire. La société Garage de l'Avenir rappelle que la société Les Artisans de France a ajouté un " pack réversibilité " ce qui permettait de rendre le véhicule utilisable en usage mixte et non plus seulement utilitaire, mais à condition de modifier le certificat d'immatriculation. Elle observe que cette possibilité a amené l'administration fiscale à opérer un redressement, ce qui était contestable selon elle, puisque, selon la doctrine fiscale, un véhicule dit " dérivé VP " avec seulement deux places bénéficie de la déduction, de même qu'un véhicule avec banquette pour transporter le personnel. La société Garage de l'Avenir considère que la société Les Artisans de France aurait dû contester la décision de l'administration fiscale et ajoute que, dans ce cas, elle aurait pu s'associer à la contestation. Elle fait valoir que la société Les Artisans de France ne se prévaut pas d'une perte de chance d'avoir pu exercer ce recours.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 5 septembre 2017.
MOTIFS
La société Les Artisans de France demande la résolution de la vente conclue le 9 décembre 2011 avec la société Garage de l'Avenir au motif de ce que la société venderesse n'aurait pas respecté son obligation de renseignement et de conseil à son égard.
La société Garage de l'Avenir est une société qui vend des véhicules. Son obligation de renseignement et de conseil porte sur les caractéristiques techniques des véhicules vendus.
La société Les Artisans de France a commandé auprès de la société Garage de l'Avenir un véhicule utilitaire.
Elle a fait le choix d'un véhicule de marque Volkswagen, transformé en véhicule utilitaire deux places à partir du modèle Golf, véhicule de tourisme.
C'est ainsi qu'elle a acquis, le 9 décembre 2011, auprès de la société Garage de l'Avenir un véhicule de marque Volkswagen modèle Golf Entreprise 1.6 TDI 105 ch confortline au prix hors taxe de 16 674,58 euro plus 3 279,30 euro de TVA, soit un prix de 19 953,88 euro toutes taxes comprises.
Ce véhicule était bien un véhicule équipé en utilitaire sur la base d'un véhicule de tourisme.
Le certificat de conformité de cette voiture mentionne un nombre de places limité à deux et un changement de genre, du genre 'VP' véhicule de tourisme, en genre " CTTE ", soit véhicule utilitaire ou de société. Il précise : " démontage de la banquette arrière et neutralisation des ancrages. Démontage des ceintures de sécurité...prolongation du plancher du coffre arrière par un plancher bois vissé... "
Ce véhicule correspondait à la commande de la société Les Artisans de France.
Mais cette société a sollicité l'ajout d'une possibilité de transformer le véhicule pour lui redonner sa vocation initiale de véhicule de tourisme, par un système intitulé " pack réversibilité ".
Ce pack réversibilité, acquis en plus par la société Les Artisans de France, permettait au propriétaire du véhicule de revenir, le cas échéant, à sa version initiale de véhicule de tourisme, mais après un remontage technique qui ne devait en principe être effectué que par un professionnel.
La société Les Artisans de France a fait immatriculer le véhicule comme " Deriv VP " c'est à dire véhicule utilitaire ou de société dérivé d'un véhicule de tourisme.
Cette commande de " pack réversibilité " est à l'origine du litige, puisque l'administration fiscale locale a considéré, à l'occasion d'un contrôle plus général portant sur divers aspects de la société Les Artisans de France, que cette possibilité de revenir à un usage de véhicule de tourisme devait faire considérer le véhicule comme véhicule mixte, en dehors de toute preuve de transformation de ce véhicule pour revenir à un usage de véhicule de tourisme. La société Les Artisans de France n'a pas cru devoir contester sur ce point la décision de l'administration fiscale.
La société venderesse avait une obligation de renseignement et de conseil sur l'usage possible du véhicule.
Il n'est pas prétendu que des explications techniques n'aient pas été données par la société venderesse à propos de ce véhicule.
La discussion juridique quant à la nature de ce véhicule, non plus du point de vue technique mais du point de vue fiscal, permettant éventuellement de le considérer, sous prétexte du " pack réversibilité " soit comme véhicule utilitaire, soit comme véhicule mixte, selon les interprétations des textes fiscaux faites par l'administration, dépassait le cadre de l'obligation de renseignement et de conseil de la société Garage de l'Avenir, non spécialiste en matière fiscale.
Il appartenait à la société Les Artisans de France de se renseigner clairement auprès de l'administration fiscale pour éviter tout contentieux. Par ailleurs, elle a accepté la proposition de rectification de l'administration, préférant mettre en jeu la responsabilité de la société Garage de l'Avenir plutôt que de présenter une contestation sur ce point, de sorte qu'une incertitude subsiste sur la nature fiscale de ce véhicule, en dehors d'une décision administrative contentieuse ou d'une décision juridictionnelle à cet égard.
Le jugement sera en conséquence confirmé.
Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement rendu le 3 mars 2016 par le Tribunal de grande instance de Tarascon en toutes ses dispositions, Condamne la société Les Artisans de France à payer à la société Garage de l'Avenir une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, Condamne la société Les Artisans de France aux dépens d'appel.