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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 14 novembre 2017, n° 16-01436

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Prestige International Diffusion (SARL)

Défendeur :

Saint Hilaire Développement (SAEM)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chassard

Conseillers :

M. Orsini, Mme Verrier

Avocats :

Mes Misserey, Clerc, Dominault

T. com. La Roche-sur-Yon, du 9 févr. 201…

9 février 2016

La SAEM Saint Hilaire Développement (ci-après SAEM SHD) est une société d'économie mixte créée en 1995 ayant pour objet l'exploitation de plusieurs campings situés sur le territoire de la commune de Saint-Hilaire de Riez :

- le camping de Sion

- le camping de la plage de Riez

- le camping du lieudit Les Demoiselles.

La société Prestige International Diffusion (ci-après société PID), fondée en 1991, exerce une activité d'agent commercial pour l'achat et la vente de mobil-homes à destination des campings, mais également une activité d'exploitation des mobil-homes dont elle est propriétaire pour son propre compte.

Un litige est survenu courant 2012 ce qui avait conduit la société Prestige International Diffusion à assigner la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement afin d'obtenir réparation de la rupture abusive de son contrat d'agence. Elle a été déboutée de sa demande par jugement du 25 novembre 2014 dont elle a fait appel.

Par arrêt en date du 29 avril 2016 la Cour d'appel de Poitiers a infirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société PID à payer à la SAEM St Hilaire Développement une somme de 3 411,89 euros et a constaté qu'en l'état de l'irrecevabilité des conclusions de la SAEM, la cour n'est saisie d'aucune demande en paiement de cette somme au titre d'un solde de loyers.

Les parties au présent litige déclarent qu'un pourvoi est en cours.

La société PID a ensuite fait valoir que si elle avait perdu tous les avantages résultant desdits contrats en tant qu'agent commercial, elle demeurait propriétaire de mobil-homes et était, à ce titre, fondée à être considérée comme tous les autres propriétaires de mobil-homes.

Reprochant à la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement de l'empêcher d'exploiter, commettant pour ce faire une accumulation de fautes ayant conduit à la perte du chiffre d'affaires réalisé avec la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement mais aussi à la perte du chiffre d'affaire pour le client Krusoe, elle a argué d'un préjudice global de 91 242€.

Elle a notamment invoqué le fait que la SAEM Saint Hilaire Développement (SAEM SHD) s'est immiscée dans ses propres relations contractuelles avec la société exerçant sous l'enseigne Krusoe en l'informant de la rupture des relations contractuelles SAEM Saint Hilaire/PID, ce qui a conduit la société Krusoe à interrompre la location de ses mobil-homes au bénéfice de la société.

C'est dans ces conditions que la société PID a attrait, par acte d'huissier du 16/12/2014, devant le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement au visa de l'article 1382 du Code civil pour la condamner au paiement de la somme de 77 728 € en réparation du préjudice subi au titre de la perte de marge commerciale sur la saison 2014 sauf à déduire par voie de compensation le montant des loyers sur la saison 2014 soit 22 908,73 euros.

Devant le premier juge, la SAEM Saint Hilaire a conclu au débouté contestant la réalité des différentes fautes qui lui étaient reprochées.

Par jugement en date du 09/02/2016, le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a statué comme suit :

" Déboute la société Prestige International Diffusion de ses demandes, fins et conclusions.

Condamne la société Prestige International Diffusion à payer à la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement la somme de trois mille euros (3 000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne la société Prestige International Diffusion aux entiers frais et dépens de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de soixante-dix euros et vingt cents (70,20 €). "

Le premier juge a notamment retenu que :

- les parties ont signé un contrat de location d'emplacements à durée déterminée signé le 29 janvier 2013 pour une durée de 12 mois, prenant effet le 1er avril 2013 jusqu'au 31 mars 2014, contrat qui n'a pas fait l'objet d'une reconduction expresse,

- elles ont signé également un mandat de gestion saison 2013 pour les 21 mobil-homes propriété de la société Prestige International Diffusion, le mandat de gestion couvrant la période du 1er avril 2013 au 15 Octobre 2013, contrat dont le terme était irrévocable et qui n'a pas été suivi d'une nouvelle convention

- un contrat de partenariat, de 2002 dans le cadre duquel sont intervenus les deux contrats ci-avant, conclu pour une durée de 5 ans et renouvelable par tacite reconduction pour des durées d'une année n'a pas été renouvelé par la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement à compter de mars 2014, ainsi qu'elle l'a fait savoir à son co-contractant par courrier du 30 septembre 2013. Le litige né de cette rupture a fait l'objet d'une autre instance, d'un jugement en date du 25 novembre 2014 la déboutant de ses demandes.

- le Juge des Référés a ordonné la prorogation des effets de la résiliation du contrat de location d'emplacement à durée déterminée, et ce, jusqu'au 30 octobre 2014, et par une autre Ordonnance en date du 16 juin 2014, a ordonné à la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement à fournir l'électricité pour les mobil-homes Prestige International Diffusion

- la société PID est responsable de la fin du partenariat avec la société Krusoe décidée par celle-ci le 13/06/2014 faute de l'avoir elle-même informée des difficultés avec la SAEM SHD

- elle ne peut opposer à la SAEM SHD une faute à cet égard alors qu'elle-même avait initié les différentes procédures

- la société PID a tardé à signer les mandats de gestion proposés en janvier 2014 puisqu'elle ne les a signés qu'en juillet 2014

- la société Prestige International Diffusion n'avait pas exécuté ses propres obligations, étant débitrice de la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement.

LA COUR

Vu l'appel général en date du 13/04/2016 interjeté par la SARL Prestige International Diffusion,

Par arrêt du 29 avril 2016, la Cour d'appel de Poitiers a statué sur l'appel du jugement rendu le 25/11/2014.

La société PID a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon en date du 11 mai 2016. Me Pelletier est intervenu à la procédure aux côtés de l'appelante.

Vu l'article 954 du Code de procédure civile

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 20/04/2017, la SARL Prestige International Diffusion a présenté les demandes suivantes :

" Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Vu l'article 1382 du Code civil (dans sa numérotation antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) ;

Vu les divers éléments communiqués au débat et notamment la notification de rupture adressée le 30 septembre 2013 par la SAEM SHD à la société PID ;

Dire et juger recevable et bien fondé l'appel de la société Prestige International Diffusion dirigé du jugement du Tribunal de commerce de La Roche-Sur-Yon en date du 9 février 2016 ;

L'infirmer dans son intégralité ;

Ce faisant, statuant à nouveau :

1. A titre principal :

Constater l'existence d'une relation commerciale établie depuis près de douze années entre les sociétés SAEM Saint-Hilaire Développement et Prestige International Diffusion ;

Constater l'état de dépendance juridique et économique de la société Prestige International Diffusion à l'égard de la SAEM Saint-Hilaire Développement dans le cadre de ladite relation ;

Constater l'existence d'une obligation de loyauté renforcée entre la SAEM Saint-Hilaire Développement et la société Prestige International Diffusion ;

Constater la forte saisonnalité de l'activité objet de ladite relation ;

Constater la rupture de la relation à l'initiative de la SAEM Saint-Hilaire Développement, par notification écrite en date du 30 septembre 2013 et à l'issue d'un préavis de 6 mois.

Dire et juger que la durée effective du préavis de rupture, en raison des spécificités de l'activité objet de la relation, n'aura été que de 3 mois ;

Dire et juger déraisonnable un tel préavis en raison de sa brièveté ;

Dire et juger que la durée du préavis raisonnable doit être fixée à 13 mois ;

En conséquence,

Dire et juger brutale la rupture de relations commerciales établies notifiée par la SAEM Saint-Hilaire Développement à la société Prestige International Diffusion;

Condamner la SAEM Saint-Hilaire Développement au versement d'une indemnité d'un montant de 91 242 euros en réparation du préjudice subi par la société Prestige International Diffusion ;

2. A titre subsidiaire :

Constater l'immixtion fautive de la SAEM Saint-Hilaire Développement dans la relation entre la société Prestige International Diffusion et la société La Compagnie de Vacances ;

Constater l'inexécution par la SAEM Saint-Hilaire Développement de l'ordonnance de référé rendue par Monsieur le président du Tribunal de commerce de La Roche-Sur-Yon le 22 avril 2014 ;

En conséquence,

Condamner la SAEM Saint-Hilaire Développement au versement d'une indemnité d'un montant de 78 003 euros en réparation desdites fautes ;

3. En toute hypothèse :

Condamner la SAEM Saint-Hilaire Développement aux entiers dépens ainsi qu'au versement à la société Prestige International Diffusion d'une indemnité d'un montant de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ".

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 11/04/2017, la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement (la SAEM Saint Hilaire) a présenté les demandes suivantes :

" Vu les pièces

Se déclarer incompétent au profit de la Cour d'appel de Rennes en application des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce et de l'article 442-3 du Code de commerce

A titre principale

- Débouter purement t simplement la SARL PID en ses demandes indemnitaires sur le fondement de la rupture brutale et imprévisible de la convention de partenariat

A titre subsidiaire

- Débouter la SARL PID en ses demandes indemnitaires au titre des fautes commises par la SARL SHD

- Débouter la SARL PID en sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- Déclarer recevable et bien fondé la SARL SHD en sa demande reconventionnelle et condamner la SARL PID à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ".

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 9 mai 2017.

SUR CE

Sur l'étendue du litige

La SARL PID invoque pour la première fois en cause d'appel l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce au vu de la notification de rupture adressée le 30 septembre 2013 par la SAEM SHD à la société PID.

Elle argue également et à titre subsidiaire, des dispositions de l'article 1382 du Code civil ainsi qu'elle l'avait fait en première instance.

La LRAR adressée à la SAEM SHD à la société PID le 30/09/2013 énonce :

" J'entends par la présente vous faire part de la décision du conseil d'administration du 17 juin 2013 de résilier l'ensemble des contrats conclus entre la SAEM Saint Hilaire Développement et la société Prestige International Diffusion. "

Ce courrier précisait les contrats concernés par cette résiliation :

- non-renouvellement du contrat de partenariat du 02/04/2002 venant à échéance au 01/04/2014

- non-renouvellement du contrat de location d'emplacements à durée déterminée conclu le 29/01/2013 venant à échéance le 31/03/2014

- non-renouvellement du mandat de gestion 2013 pour la location des mobil-homes mis à disposition, conclu le 29/01/2013 cessant de plein droit le 15/10/2013.

Le contrat de partenariat du 02/04/2002 concerne l'activité d'achat et de vente de mobil-homes et prévoit en outre que la SEM peut acheter pour son propre compte 10 mobil-homes par an à un tarif privilégié (tarif professionnel) et que la société PID peut en faire de même et bénéficier d'un tarif privilégié de location de parcelles (inférieur à 50 % du prix public), la société PID signant un contrat de mise à disposition des mobil-homes au même titre qu'un propriétaire.

> Ce contrat de partenariat est au cœur du litige traité par l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers en date du 29/04/2016. Un pourvoi a été interjeté par la SARL PID et Me Pelletier le 24/08/2016 (pièce 35 appelants).

L'appel concernait un jugement rendu le 25/11/2014 sur une assignation délivrée le 28/02/2013 par la société PID tendant à la résolution du contrat du partenariat aux torts de la SAEM SHD et poursuivant des demandes d'indemnités au titre du préavis (16 913,12 euros) et pour rupture abusive (135 305 euros).

L'arrêt rendu traitait de la rupture du contrat de partenariat décidée à la suite de la délibération du conseil d'administration du 17/06/2013 (pièce 12) et acté par un courrier de la SAEM SHD en date du 30/09/2013.

Pour autant, l'arrêt précisait que la société PID avait formulé une demande de dommages et intérêts au titre de la " déloyauté contractuelle de la SAEM St Hilaire dans les deux autres contrats " c'est à dire précisément :

- contrat de location d'emplacement d'une durée de 12 mois, la cour constatant que la société PID qui avait indiqué avoir vendu son parc de mobil-homes ne formulait pas de demande

- contrat de gestion de 11 mobil-homes, la société PID reprochant, selon l'arrêt susvisé à la SAEM SHD de privilégier depuis 2007 la location de ses propres mobil homes au détriment de ceux qui sont la propriété de la société PID.

La cour avait également traité d'une demande en paiement d'un solde de loyer réclamé par la SAEM SHD à la société PID (3 411,89 euros) sur la base du contrat de location de parcelles.

Il importe également de relever que devant le tribunal de commerce et dans le cadre de cette première procédure, la société PID avait indiqué que " dans le cadre de ce contrat de partenariat, ont également été conclus entre les parties, un contrat d'emplacement de mobil homes et un contrat de mandat de gestion conclus le 29 janvier 2013 pour une durée de 12 mois ".

> Une quinzaine de jours après le débouté rendu par la juridiction de première instance dans le litige précédent (jugement du 25/11/2014) la société PID a assigné de nouveau la SAEM SHD en présentant des demandes fondées sur le non-respect de sa qualité de propriétaire au-delà du fait qu'elle ait perdu les avantages résultant des contrats issus du partenariat. Elle a reproché à la SAEM SHD des comportements fautifs de la SAEM SHD générateurs d'une perte du chiffre d'affaires. Elle plaçait alors ses prétentions sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (ancien).

La SAEM SHD avait opposé le fait qu'elle ne pouvait être considérée comme responsable puisqu'aucun contrat de location n'avait été signé pour 2014.

Le litige soumis au premier juge était donc clairement placé sur le fondement de la responsabilité délictuelle en dehors de la question de la rupture même du contrat de partenariat.

Devant la cour, la société PID invoque désormais la rupture abusive des conventions conclues entre les parties sur le fondement de la LRAR du 30/09/2013 sus-énoncée et ce sur le fondement de l'article 442-6 du Code de commerce.

Il résulte donc de ces éléments procéduraux que si en première instance et dans le cadre de la présente procédure, la société PID avait mis à l'écart le fait que par le contrat de partenariat incluant toutes les dispositions avantageuses qui y étaient convenues, pour traiter sur le plan délictuel, des préjudices induits par le non-respect de son statut de propriétaire, le changement de fondement juridique en cause d'appel, replace le débat sur la question de la rupture du contrat de partenariat .

Sur les demandes de la société PID en tant que présentées sur le fondement de l'article 442-6 du Code de commerce :

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce interdit à tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métiers de : " rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels " (Art. L. 442-6, I, 5° C. com.).

L'article D. 442-3 du Code de commerce, dont les dispositions fixent les modalités d'application de l'article L. 442-6 du même Code relatif aux pratiques restrictives de concurrence prohibées (incluant la rupture brutale de relations commerciales établies), dispose :

" Pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre- mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre. La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. "

En l'espèce, la société PID toujours demanderesse, n'a pas présenté ses demandes indemnitaires sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce dans la première procédure ayant abouti à l'arrêt du 29/04/2016. Elle n'a pas fait non plus devant le premier juge dans le cadre de la seconde procédure, objet du présent litige. C'est pour la première fois devant la cour que ce fondement juridique est soulevé.

Les parties ont clairement placé dans le débat la question de la compétence de la présente Cour pour statuer sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce. Ainsi, la société PID a soutenu (page 19 de ses conclusions) que la question du pouvoir juridictionnel devait être soulevé d'office, lorsque cette difficulté n'avait pas été soulevée par les parties et a également soutenu que la Cour d'appel de Rennes n'avait au vu des textes aucune compétence en la matière.

Il s'agit donc, en l'espèce, d'apprécier si la Cour d'appel de Poitiers, territorialement compétente pour statuer en appel d'une décision rendue par une juridiction de son ressort et matériellement compétente pour statuer sur une prétention fondée sur le droit commun de la responsabilité civile, est également compétente pour connaître d'une demande nouvelle fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce.

Les dispositions des articles L. 442-6, I, alinéa 5, et D. 442-3 du Code de commerce ont pour conséquence de priver toute cour d'appel autre que celle de Paris du pouvoir de connaître des demandes fondées sur les dispositions du premier de ces textes.

Pour autant, la Cour d'appel de Poitiers, qui est bien la juridiction d'appel des décisions rendues par le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon reste compétente pour statuer sur les autres fondements juridiques de droit commun dont le premier juge avait été exclusivement saisi soit en l'espèce le fondement délictuel.

Dès lors, la présente juridiction ne peut se prononcer que sur la demande fondée sur le droit commun de la responsabilité et doit constater l'irrecevabilité faute de compétence de la demande fondée sur l'article L. 442-6 du Code de commerce (cf Cass. com., 07/10/2014, n° 13-21.086).

En conséquence, l'exception d'incompétence soulevée au profit de la Cour d'appel de Rennes doit être rejetée et l'irrecevabilité ci-dessus énoncée prononcée.

Sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 1382 du Code civil :

La société PID demande la condamnation de la SAEM Saint-Hilaire Développement au versement d'une indemnité d'un montant de 78 003 euros en réparation des fautes commises.

La somme réclamée correspond à :

- 54 039 euros au titre du manque à gagner relatif au chiffre d'affaires

- 23 964 euros correspondant aux pénalités imposées par la société La Compagnie de Vacances (Krusoe).

Le contrat de location d'emplacement de parcelles convenu entre la SAEM SHD et la société PID fait partie des contrats dont le renouvellement n'a pas été accordé (lettre du 30/09/2013 + pièce 6 intimée).

La société PID a assigné la SAEM devant le juge des référés aux fin d'obtenir la prolongation de la convention de location de parcelles de mobil-homes du 29/01/2013 jusqu'au 30/10/2014 date de la fin de la période estivale. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 22/04/2014.

La société PID a assigné de nouveau la SAEM afin qu'il soit ordonné à la SAEM d'alimenter les mobil homes de la société PID. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 16/06/2014.

Faisant valoir qu'elle avait procédé au relogement de 43 clients faute d'avoir pu bénéficier des modèles objets des conventions, la société LCV résiliait la convention par courrier du 13/06/2014. Elle réclamait un surcoût de 15 899 euros outre le remboursement de l'échéance garantie de 8 064,60 euros.

La société PID invoque deux fautes :

- l'immixtion fautive de la SAEM Saint-Hilaire Développement dans la relation entre la société Prestige International Diffusion et la société La Compagnie de Vacances qui exerce sous l'enseigne Krusoe

- l'inexécution par la SAEM Saint-Hilaire Développement de l'ordonnance de référé rendue par Monsieur le président du Tribunal de commerce de La Roche-Sur-Yon le 22 avril 2014

1- Sur l'immixtion fautive

Par courrier en date du 10/12/2013 (pièce 15 appelante), la société PID a fait connaître à la compagnie de vacances Octopode exerçant sous l'enseigne Krusoe (société LCV) de la teneur du conseil d'administration du 17/06/2013 à la suite duquel elle a décidé de ne pas renouveler les contrats conclus avec la société PID à partir de 2014.

La SAEM ajoutait : " ce partenaire est un partenaire de Resa Krusoe avec lequel nous demandons de prendre vos dispositions ".

A la suite de ce courrier, la société La Compagnie de Vacances (marque Krusoe) a sollicité, le 20/01/2014, les informations utiles auprès de son co-contractant la société PID, avec laquelle elle était liée par une convention de partenariat relative à la mise en location de mobil-homes au sein du camping municipal La Plage du Riez à Saint Hilaire du Riez, site géré par la SAEM SHD (pièce 16).

Elle précisait que lors d'un entretien téléphonique du 17/01/2014, la société PID avait affirmé que le contrat avec la SAEM était toujours valide pour 2014.

Il est établi que la société PID et la société LCV entretenaient des relations commerciales directes pour la location de mobil-homes appartenant à la société PID sur la période litigieuse.

Le courrier de la société LCV en date du 13/06/2014 montre que la convention a été signée pour 10 mobil-homes pour une saison s'étalant du 5 avril au 20 septembre de chaque année.

Cette société ne remet nullement en question le fait que la convention ait été considérée comme applicable pour la saison estivale 2014 ainsi que la société PID lui avait affirmé le 17/01/2014 ce qui à cette date était inexact puisque le camping n'ouvrait que le 05/04/2014 soit postérieurement à la date d'effet du non-renouvellement de contrat.

En effet, le fait de critiquer la qualité du service fourni et l'inexécution pour 43 clients qui ont dû être relogés et de conclure à une résiliation rétroactive à la date d'ouverture du camping, démontre que la société LCV n'avait pas pris en considération la lettre du 10/12/2013.

Le courrier susvisé du 20/01/2014 en explique la raison, elle a poursuivi son activité en relation avec la société PID.

Il résulte du procès-verbal du conseil d'administration du 10/02/2014 que :

- la société PID était dûment informée à cette date que la SAEM SHD exigeait le paiement de la somme de 3 411 euros et qu'à défaut la fourniture d'électricité, d'eau etc... seraient interrompue et que l'expulsion de la société PID serait sollicitée.

- M. Feuillatre Alain, a alors annoncé " son souhait de quitter la SAEM mais qu'aucune proposition sérieuse ne lui a été faite ". M. Vintenat, Président s'opposait à une solution négociée.

- Si M. Feuillatre tentait dans un premier temps de gagner du temps en sollicitant une solution négociée " pour un an " au motif que la PID sera rentable en 2015, force est de constater qu'en fait (sur question du M. Dubin) il a ensuite indiqué qu'il souhaitait vendre ses actions pour 90 K€ et obtenir une indemnité de fin de contrat de 135 K€ (demande déjà formulée dans l'assignation sus-évoquée du 28/02/2013).

Il est donc établi que la société PID n'entendait pas poursuivre le contrat de partenariat dès lors que " PID ne gagne pas d'argent avec la SAEM " mais qu'elle tenait à quitter cette relation partenariale avec une somme de 135 000 euros en sus du prix de vente de ses actions.

Ce n'est que le 13/03/2014 que la société PID a sollicité du juge des référés la prolongation du contrat d'emplacement de parcelles alors qu'elle avait indiqué deux mois plus tôt à la société LCV que les contrats étaient en vigueur pour 2014 et qu'il est établi que des locations avaient été réservées dès janvier 2014. Rien n'empêchait la société PID de présenter les demandes dont elle a saisi à deux reprises le juge de référés le 13/03/2014 puis sur assignation d'heure à heure le 22/05/2014 autorisée par ordonnance du 20/05/2014.

La SAEM démontre en outre par un constat d'huissier que les mobil-homes n'étaient pas en état d'être loués au 28/04/2014.

Si la société Prestige International Diffusion a perdu son partenariat avec la société Krusoe pour l'exploitation et la commercialisation de 10 mobil-homes, ce n'est pas le fait de la Société Anonyme d'Economie Mixte Saint Hilaire Développement mais bien celui de la société Prestige International Diffusion.

En effet, cette dernière, après avoir menti à son cocontractant, a tardé à présenter les demandes judiciaires utiles (référé) pour pouvoir continuer d'exploiter les mobil-homes pour l'été 2014 alors que :

- elle savait être débitrice de la SAEM SHD qui l'avait assigné à cette fin devant le juge de proximité (somme de 3 411 euros)

- elle savait depuis le 30/09/2013 que les contrats n'étaient pas renouvelés au 01/04/2014 soit pour la saison 2014, le camping ouvrant le 05/04/2014.

- elle savait depuis le 10/02/2014, la SAEM SHD s'opposait à une solution négociée pour une durée d'un an

Les différents échanges entre la société PID et la société LCV démontrent que cette dernière n'a pas tenu compte du courrier du 10/12/2013 et que c'est le manque de diligences de la société PID et le non règlement de la somme de 3 411 euros qui n'a pas permis de disposer en temps utile c'est à dire à l'ouverture de la saison au 05/04/2014.

Il ne peut donc être tenu compte du reproche d'une immixtion malveillante de la SAEM dans des relations contractuelles à l'égard desquelles elle est un tiers.

2- Sur le préjudice relatif aux sommes dues réclamées la société PID à la société LCV (23 964 euros)

La société LCV justifie de sa demande par un courrier du 13/06/2014 comme suit :

" Depuis l'ouverture du camping le 5 avril dernier, nous n'avons pas pu bénéficier desdits modèles objets des conventions. Nous avons dû effectuer le relogement de 43 clients générant un surcoût global de 15 899 euros (...) Nous avons le regret de vous informer que nous mettons fin à notre collaboration sur ces deux conventions à compter de ce jour avec effet rétractif au 5 avril. "

L'ordonnance du 22/04/2014 ordonnait la prorogation des effets de la convention de location de parcelles de mobil-homes à titre conservatoire jusqu'au 30 octobre 2014.

Il en résulte donc qu'aucune faute ne peut être reprochée à la SAEM SHD pour la période comprise entre le 01/04/2014 et le 22/04/2014.

L'appelante démontre par un constat d'huissier du 16/05/2014 que les 10 mobil-homes concernés appartenant à la société PID sont aménagés et prêts sauf qu'ils ne sont pas alimentés en électricité. Il constate également qu'un autre mobil-home n'appartenant pas à la société PID est occupé. (pièce 21).

Mais l'intimée démontre aussi que les mobil-homes n'étaient pas prêts au 28/04/2014.

Or rien n'empêchait la société PID de préparer les mobil-homes avant la date de non-renouvellement des contrats dès lors qu'elle avait affirmé à la société LCV que les contrats étaient en cours pour 2014.

La société PID ne démontre donc pas que la société LCV (Krusoe) ait résilié le contrat en raison des difficultés postérieures au 22/04/2014 étant observé qu'aucun élément n'est produit concernant les dates des réservations concernées et que l'ordonnance de référé du 22/04/2014 n'avait pas pour objet de contraindre la SAEM SHD d'empêcher de faire valoir une exception d'inexécution liée au non-paiement de la somme de 3411 euros. Or la société PID était clairement informée depuis le conseil d'administration du 10/02/2014 que la SAEM faisait valoir une telle exception d'inexécution.

Il en résulte donc que les événements relatifs à l'accès à l'électricité et au branchement des mobil-homes, en mai 2014, sont inopérants. Ils ne peuvent en effet caractériser un lien de causalité entre ceux-ci et la résiliation du contrat par la société LCV.

Cette rupture est donc, ainsi que l'a considéré le premier juge, imputable :

- au non règlement des sommes dues à la SAEM SHD

- au mensonge tenu le 17/01/2014 à son cocontractant,

Ainsi qu'au fait que la société PID, après avoir envisagé de se retirer de la SAEM n'a choisi de ne maintenir une activité non rentable que pour la saison estivale et non pour la période antérieure à la résiliation du 13/06/2014.

Il sera de plus relevé que la société PID ne justifie pas avoir réglé la somme réclamée à la société LCV. Le rapport d'enquête d'AJIRE (dans le cadre de la procédure collective) montre même que la créance de LCV ne fera pas l'objet d'une relance de sa part (cf courrier BDO à AJIRE du 05/02/2016).

3- Sur la perte de chiffre d'affaires :

La société PID justifie sa réclamation à hauteur de la somme de 54 039 euros en retenant 27/31 du chiffre d'affaires annuel moyen sur les années précédentes afin de tenir compte de la période du 01/04/2014 à 22/04/2014 pendant laquelle elle ne peut présenter de réclamation.

La SAEM SHD conteste la valeur du tableau présentant les bases de calcul du préjudice réclamé (pièce 31 appelant). Elle souligne que ce tableau n'a pas été certifiée par un expert-comptable. Elle émet des doutes sur les chiffres y figurant.

Ce moyen est pertinent.

Pour autant, est produit aux débats, le compte de résultat de la SARL PID au 31/12/2014 établi par l'expert-comptable BDO. (pièce 84).

Même en tenant compte du compte de résultat susvisé, la société PID reste défaillante dans la justification de son préjudice au titre de la saison 2014 puisqu'aucun élément n'est produit sur la part des produits d'exploitation (services) hors locations passées via la société LCV.

De plus, il est constant que les mobil-homes étaient exploitables depuis le 18/06/2017 et pouvaient être mis en location.

La société PID affirme purement et simplement qu'après les difficultés rencontrées, le règlement des différents problèmes " s'est évidemment avéré bien trop tardif, la rupture soudaine et les obstructions commises par la SAEM SHD ayant d'ores et déjà ruiné la saison locative de PID ".

Ce moyen ne peut être retenu dès lors qu'il résulte des motifs qui précèdent que la société PID a tardé à solliciter une autorisation judiciaire aux fins de pouvoir, nonobstant la non-reconduction du contrat de location annoncée le 30/09/2013, exploiter quand même les mobil-homes pour la saison estivale 2014.

La société PID savait dès le 30/09/2013 qu'elle ne pourrait exploiter à partir du 01/04/2014, ne s'est préoccupée d'obtenir une autorisation judiciaire conservatoire qu'en mars 2014.

Enfin, la société PID savait que son fonctionnement n'était pas rentable.

Le compte de résultat démontre que cette perte de rentabilité trouve son origine de la chute des produits d'exploitation correspondant aux ventes de marchandises (108 271 euros en 2013 pour 3 108 euros en 2014). Le procès-verbal du conseil d'administration du 10/02/2014 démontre que la société PID en avait parfaitement conscience.

Si ce compte de résultat démontre également une perte des produits d'exploitation de 47 318 euros (83 780 euros pour 2013 pour 36 462 euros en 2014), cette perte d'un peu plus de la moitié est imputable à la tardiveté de son action pour être autorisée judiciairement à exploiter.

4- Conclusion :

La société PID ne justifie donc pas d'un préjudice indemnisable qui puisse être corrélé avec les fautes reprochées (immixtion malveillante et non-respect de l'ordonnance de référé du 22/04/2014) dès lors qu'il résulte des motifs qui précèdent que :

- ce préjudice ne peut être rattaché à la rupture du contrat de partenariat, les demandes en tant que présentées sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce étant jugées irrecevables

- ce préjudice ne peut être rattaché aux prétentions émises dans le cadre de la première procédure ayant abouti à un arrêt du 29/04/2016 de la présente cour.

- aucune faute ne peut être reprochée à la SAEM SHD pour la période du 05/04/2014 au 22/04/2014, le contrat étant non renouvelé par l'effet de la LRAR du 30/09/2013.

- le préjudice résultant de la rupture du contrat de partenariat avec la société LCV fondé sur le relogement de 43 clients et de la non fourniture de mobil-homes (dates concernées non justifiées) ne peut être rattaché aux fautes reprochées postérieures à l'ordonnance du 22/04/2014 compte tenu de l'absence de justification des dates concernées

- ce préjudice trouve en outre son origine dans l'affirmation inexacte donnée à la société LCV que les contrats conclus avec la SAEM SHD étaient en cours pour 2014 ainsi que dans la tardiveté de la saisine du juge des référés par elle pour que tout puisse être normalement prêt pour le 05/04/2014 alors qu'elle connaissait la situation juridique et factuelle depuis plusieurs mois

- elle ne peut reprocher une faute liée à l'absence de fourniture d'électricité aux mobil-homes de PID dès lors qu'elle était informée depuis plusieurs mois qu'une facture restait en souffrance et que dès le 10/02/2014, la SAEM SHD avait fermement annoncé qu'elle faisait valoir une exception d'inexécution à ce titre.

En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'application de l'article 699 du Code de procédure civile

Il résulte de l'article 696 du Code de procédure civile que " La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie (...). "

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société PID et de Me Pelletier, mandataire judiciaire.

Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Il est équitable de condamner la société PID à payer à la SAEM SHD la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Rejette l'exception d'incompétence soulevée au profit de la Cour d'appel de Rennes ; Déclare irrecevables les prétentions de la société PID et de Me Pelletier son mandataire judiciaire en tant que fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant : Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne in solidum la société PID et Me Pelletier ès-qualités à payer à la SAEM SHD la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum la société PID et Me Pelletier ès-qualités aux dépens d'appel étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.