TUE, 7e ch., 17 novembre 2017, n° T-263/15
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPĂENNE
ArrĂȘt
PARTIES
Demandeur :
Gmina Miasto Gdynia, Port Lotniczy Gdynia Kosakowo sp. zo.o.
Défendeur :
République de Pologne, Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Tomljenovic
Juges :
M. Bieliunas, Mme Marcoulli (Rapporteur)
Avocats :
Mes Koncewicz, Gruszecka-Spychala, le Berre, Rosiak
LE TRIBUNAL (septiĂšme chambre),
Antécédents du litige
1 En juillet 2007, la premiÚre requérante, la Gmina Miasto Gdynia (ci-aprÚs la " commune de Gdynia "), et la Gmina Kosakowo (ci-aprÚs la " commune de Kosakowo ") ont créé la seconde requérante, Port Lotniczy Gdynia Kosakowo sp. z o.o. (ci-aprÚs la " société PLGK "), qui appartient à 100 % à ces deux communes polonaises, dans le but de reconvertir à des fins civiles l'aéroport militaire de Gdynia-Oksywie. Cet aéroport est situé sur le territoire de la commune de Kosakowo en Poméranie, dans le nord de la Pologne. Ce nouvel aéroport civil, dont la gestion était confiée à la société PLGK, devait devenir le deuxiÚme aéroport le plus important de Poméranie et servir principalement au trafic aérien général, aux lignes à bas coûts et aux compagnies charters.
[omissis]
5 Par décision du 2 juillet 2013, la Commission a ouvert la procédure formelle d'examen concernant la mesure en cause, aux termes de l'article 108, paragraphe 2, TFUE, et a invité les intéressés à présenter leurs observations [décision C(2013) 4045 final, du 2 juillet 2013, relative à la mesure SA.35388 (2013/C) (ex 2013/NN et ex 2012/N) - Pologne - Reconversion de l'aéroport de Gdynia-Kosakowo (JO 2013, C 243, p. 25, ci-aprÚs la " décision d'ouverture ")]. La Commission n'a reçu aucune observation de la part des intéressés.
[omissis]
7 Le 11 fĂ©vrier 2014, la Commission a adoptĂ© la dĂ©cision 2014/883/UE, relative Ă la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) - Pologne - CrĂ©ation de l'aĂ©roport de Gdynia-Kosakowo (JO 2014, L 357, p. 51), dans laquelle elle a constatĂ© que le projet de financement envisagĂ© constituait une aide d'Ătat au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE, notamment en raison du fait que, grĂące au financement public de la commune de Gdynia et de la commune de Kosakowo, la sociĂ©tĂ© PLGK avait obtenu un avantage Ă©conomique dont elle n'aurait pas bĂ©nĂ©ficiĂ© dans des conditions normales de marchĂ©. Par cette dĂ©cision, la Commission a ordonnĂ© aux autoritĂ©s polonaises de rĂ©cupĂ©rer l'aide d'Ătat versĂ©e Ă la sociĂ©tĂ© PLGK.
[omissis]
10 Le 26 fĂ©vrier 2015, la Commission a procĂ©dĂ©, dans le mĂȘme acte, au retrait de la dĂ©cision 2014/883 et Ă son remplacement par la dĂ©cision (UE) 2015/1586, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) - Pologne - Reconversion de l'aĂ©roport de Gdynia-Kosakowo (JO 2015, L 250, p. 165, ci-aprĂšs la " dĂ©cision attaquĂ©e ").
11 S'agissant du retrait de la dĂ©cision 2014/883, la Commission a indiquĂ© que, au cours de la procĂ©dure devant le Tribunal, il Ă©tait apparu que l'aide d'Ătat dĂ©clarĂ©e incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur par la dĂ©cision 2014/883 comprenait certains investissements qui, selon la dĂ©cision d'ouverture, ne constituaient pas des aides d'Ătat dans la mesure oĂč ils relevaient d'une tĂąche d'intĂ©rĂȘt public. Ces investissements couvraient la construction de bĂątiments pour une unitĂ© de pompiers, les fonctionnaires des douanes, les agents de sĂ©curitĂ© de l'aĂ©roport ainsi que les fonctionnaires de police et de surveillance des frontiĂšres et leur Ă©quipement (considĂ©rants 15 et 16 de la dĂ©cision attaquĂ©e). Sur cette base, la Commission a dĂ©cidĂ© qu'il convenait d'abroger la dĂ©cision 2014/883 et de la remplacer par la dĂ©cision attaquĂ©e. Par ailleurs, la Commission a considĂ©rĂ© qu'il n'Ă©tait pas nĂ©cessaire d'ouvrir une nouvelle procĂ©dure d'examen dans la mesure oĂč le dossier contenait tous les Ă©lĂ©ments nĂ©cessaires Ă l'apprĂ©ciation de la mesure en cause (considĂ©rant 18 de la dĂ©cision attaquĂ©e).
[omissis]
16 Dans la décision attaquée, la Commission a, en premier lieu, rappelé le contexte de la procédure formelle d'examen.
[omissis]
18 Le projet d'investissement était financé par des apports en capital des communes de Gdynia et de Kosakowo, qui devaient couvrir aussi bien les coûts d'investissement (ci-aprÚs l'" aide à l'investissement ") que les coûts d'exploitation liés au fonctionnement de l'aéroport au début de son exploitation (jusqu'en 2019) (ci-aprÚs l'" aide au fonctionnement "). La Commission relÚve que, avant la notification de la mesure par les autorités polonaises, les communes de Gdynia et de Kosakowo étaient déjà convenues d'un apport d'une valeur totale d'environ 207,48 millions de zlotys polonais (PLN) (environ 51,87 millions d'euros), destiné à la réalisation du projet d'investissement et à la couverture des pertes de l'aéroport au cours de ses premiÚres années d'exploitation. Sur la période 2007-2019, la ville de Gdynia devait fournir une contribution financiÚre de 142,48 millions de PLN (environ 35,62 millions d'euros). La commune de Kosakowo a versé 100 000 PLN (environ 25 000 euros) au moment de la création de la société PLGK. La Commission a également indiqué que la commune de Kosakowo, sur la période 2011-2040, devait contribuer par des apports en nature d'un montant de 64,9 millions de PLN (environ 16,2 millions d'euros), en convertissant une partie du loyer annuel des terrains loués (que l'exploitant de l'aéroport est tenu de lui verser) en actions dans la société exploitant l'aéroport (considérants 31 et 32 de la décision attaquée).
19 En deuxiĂšme lieu, la Commission a considĂ©rĂ© que les apports en capital en faveur de la sociĂ©tĂ© PLGK constituaient une aide d'Ătat au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE. Comme le financement avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© mis Ă la disposition de la sociĂ©tĂ© PLGK, la Commission a Ă©galement considĂ©rĂ© que les autoritĂ©s polonaises n'avaient pas respectĂ© l'interdiction visĂ©e Ă l'article 108, paragraphe 3, TFUE (considĂ©rant 191 de la dĂ©cision attaquĂ©e).
20 En troisiÚme lieu, la Commission a analysé si l'aide en cause était compatible avec le marché intérieur au regard, en particulier, de l'article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.
[omissis]
24 En quatriĂšme lieu, la Commission a prĂ©cisĂ© que l'aide en cause devait ĂȘtre remboursĂ©e aux autoritĂ©s polonaises dans la mesure oĂč elle avait Ă©tĂ© versĂ©e.
25 Sur cette base, la Commission a adopté la décision attaquée. Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :
" Article premier
La décision 2014/883/UE est retirée.
Article 2
1. Les apports en capital rĂ©alisĂ©s en faveur de [la sociĂ©tĂ© PLGK] entre le 28 aoĂ»t 2007 et le 17 juin 2013 constituent une aide d'Ătat illĂ©galement mise Ă exĂ©cution par la [RĂ©publique de] Pologne en violation de l'article 108, paragraphe 3, [TFUE] qui est incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur, Ă l'exception de la part des apports en capital affectĂ©e aux investissements nĂ©cessaires Ă la rĂ©alisation des activitĂ©s qui, conformĂ©ment Ă la dĂ©cision [d'ouverture], doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme relevant d'une tĂąche d'intĂ©rĂȘt public.
2. Les apports en capital en faveur de [la sociĂ©tĂ© PLGK] que la [RĂ©publique de] Pologne envisage de mettre Ă exĂ©cution aprĂšs le 17 juin 2013 en vue de la reconversion de l'aĂ©roport militaire de Gdynia-Kosakowo en aĂ©roport civil constituent une aide d'Ătat incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur. En consĂ©quence, elle ne peut ĂȘtre mise Ă exĂ©cution.
Article 3
1. La [République de] Pologne récupÚre l'aide visée à l'article 2, paragraphe 1, auprÚs du bénéficiaire.
2. Les montants Ă rĂ©cupĂ©rer sont majorĂ©s d'un intĂ©rĂȘt courant sur toute la pĂ©riode comprise entre le jour auquel l'aide a Ă©tĂ© mise Ă la disposition du bĂ©nĂ©ficiaire jusqu'Ă la date du remboursement effectif. Le taux d'intĂ©rĂȘt est calculĂ© sur une base composĂ©e, conformĂ©ment aux dispositions du chapitre V du rĂšglement (CE) n° 794/2004 de la Commission [du 21 avril 2004, concernant la mise en Ćuvre du rĂšglement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalitĂ©s d'application de l'article 93 du traitĂ© CE (JO 2004, L 140, p. 1)].
3. La [République de] Pologne annule tous les versements en suspens de l'aide visée à l'article 2, paragraphe 2, à compter de la date de la notification de la présente décision.
Article 4
1. La rĂ©cupĂ©ration de l'aide visĂ©e Ă l'article 2, paragraphe 1, et des intĂ©rĂȘts visĂ©s Ă l'article 3, paragraphe 2, est immĂ©diate et effective.
2. La [RĂ©publique de] Pologne veille Ă ce que la prĂ©sente dĂ©cision soit mise en Ćuvre dans un dĂ©lai de quatre mois Ă compter de la date de sa notification.
Article 5
1. Dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, la [République de] Pologne communique à la Commission les informations suivantes :
a) le montant total (principal et intĂ©rĂȘts) Ă rĂ©cupĂ©rer auprĂšs du bĂ©nĂ©ficiaire ;
b) une description détaillée des mesures déjà prises et des mesures prévues pour se conformer à la présente décision ;
c) les documents confirmant qu'il a été ordonné au bénéficiaire de rembourser l'aide.
2. La [RĂ©publique de] Pologne tient la Commission informĂ©e de l'avancement des mesures nationales adoptĂ©es afin de mettre en Ćuvre la prĂ©sente dĂ©cision jusqu'Ă la rĂ©cupĂ©ration complĂšte de l'aide visĂ©e Ă l'article 2, paragraphe 1, et des intĂ©rĂȘts visĂ©s Ă l'article 3, paragraphe 2. Elle transmet immĂ©diatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures dĂ©jĂ prises et sur celles prĂ©vues pour se conformer Ă la prĂ©sente dĂ©cision. Elle fournit aussi des informations dĂ©taillĂ©es concernant les montants d'aide et d'intĂ©rĂȘts dĂ©jĂ rĂ©cupĂ©rĂ©s auprĂšs du bĂ©nĂ©ficiaire.
Article 6
La République de Pologne est destinataire de la présente décision. "
Procédure et conclusions des parties
26 Par requĂȘte dĂ©posĂ©e au greffe du Tribunal le 15 mai 2015, la commune de Gdynia et la sociĂ©tĂ© PLGK ont introduit le prĂ©sent recours.
27 Par décision du 1er décembre 2015, le président de la sixiÚme chambre du Tribunal a admis la République de Pologne à intervenir au soutien des conclusions des requérantes.
28 Par décision du 15 avril 2016, l'affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur.
29 La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l'article 27, paragraphe 5, du rÚglement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la septiÚme chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.
30 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septiÚme chambre) a décidé d'ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 89, paragraphe 3, du rÚglement de procédure, a posé des questions aux parties. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.
31 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience du 27 avril 2017.
32 Les requérantes, compte tenu des précisions apportées dans la réplique de la société PLGK et dans la réponse aux mesures d'organisation de la procédure de la commune de Gdynia, concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler les articles 2 à 5 de la décision attaquée ;
- condamner la Commission aux dépens.
33 La Commission conclut Ă ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner les requérantes aux dépens.
34 La République de Pologne soutient les conclusions des requérantes.
En droit
35 Le recours repose, en substance, sur six moyens.
[omissis]
41 Le sixiÚme moyen est tiré, en substance, de la violation des formes substantielles, de la violation des rÚgles de procédure ainsi que des principes de bonne administration, de protection de la confiance légitime et du respect des droits de la défense.
42 Le Tribunal estime opportun d'examiner, en premier lieu, le sixiĂšme moyen.
[omissis]
57 Le sixiÚme moyen repose, en substance, sur trois griefs. PremiÚrement, les requérantes contestent l'absence de publication de la décision attaquée à la date d'introduction du présent recours. DeuxiÚmement, les requérantes considÚrent que la Commission n'aurait pas pu procéder au retrait de la décision 2014/883 sur la base de l'article 9 du rÚglement n° 659/1999. TroisiÚmement, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû rouvrir la procédure formelle d'examen avant d'adopter la décision attaquée et assurer le respect de leurs droits procéduraux ou de ceux de la République de Pologne.
[omissis]
Sur le troisiÚme grief, tiré de l'absence d'ouverture de la procédure formelle d'examen et de la violation des droits procéduraux des intéressés
62 S'agissant de l'argument selon lequel la Commission aurait dĂ» ouvrir la procĂ©dure formelle d'examen avant d'adopter la dĂ©cision attaquĂ©e et assurer le respect des droits procĂ©duraux des intĂ©ressĂ©s, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la procĂ©dure visant Ă remplacer un acte illĂ©gal peut ĂȘtre reprise au point prĂ©cis auquel l'illĂ©galitĂ© est intervenue, sans que la Commission soit tenue de recommencer la procĂ©dure en remontant au-delĂ de ce point prĂ©cis (voir, en ce sens, arrĂȘts du 12 novembre 1998, Espagne/Commission, C 415/96, EU:C:1998:533, point 31 ; du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphĂ©riques/Conseil, C 458/98 P, EU:C:2000:531, point 82, et du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission, T 301/01, EU:T:2008:262, points 99 et 142). Cette jurisprudence relative au remplacement d'un acte annulĂ© par le juge de l'Union s'applique Ă©galement, en l'absence de toute annulation de l'acte en cause par le juge, lors du retrait et du remplacement d'un acte illĂ©gal par son auteur (arrĂȘt du 16 mars 2016, Frucona KoÂice/Commission, T 103/14, EU:T:2016:152, point 61 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘt du 12 mai 2011, RĂ©gion Nord-Pas-de-Calais et CommunautĂ© d'agglomĂ©ration du Douaisis/Commission, T 267/08 et T 279/08, EU:T:2011:209, point 83).
63 Néanmoins, le fait que la Commission ne soit pas tenue de recommencer la procédure en remontant au-delà du point précis auquel l'illégalité est intervenue ne signifie pas pour autant qu'elle ne doive pas, par principe, mettre en demeure les intéressés de présenter des observations avant l'adoption d'une nouvelle décision.
64 Il est, certes, exact qu'aucune disposition de la procĂ©dure de contrĂŽle des aides d'Ătat ne rĂ©serve, parmi les intĂ©ressĂ©s, un rĂŽle particulier au bĂ©nĂ©ficiaire de l'aide (arrĂȘt du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C 74/00 P et C 75/00 P, EU:C:2002:524, point 83) ou Ă l'entitĂ© infra-Ă©tatique qui a octroyĂ© l'aide (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2016, DiputaciĂłn Foral de Bizkaia/Commission, C 426/15 P, non publiĂ©e, EU:C:2016:757, point 45, et arrĂȘt du 12 mai 2011, RĂ©gion Nord-Pas-de-Calais et CommunautĂ© d'agglomĂ©ration du Douaisis/Commission, T 267/08 et T 279/08, EU:T:2011:209, point 71) qui impliquerait que ceux-ci puissent se prĂ©valoir de droits aussi Ă©tendus que les droits de la dĂ©fense en tant que tels.
65 Toutefois, il rĂ©sulte de l'article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l'article 1er, sous h), du rĂšglement n° 659/1999 que, lors de la phase d'examen, la Commission a le devoir de mettre les intĂ©ressĂ©s, au nombre desquels la ou les entreprises concernĂ©es et l'entitĂ© infra-Ă©tatique qui a octroyĂ© l'aide, en demeure de prĂ©senter leurs observations (voir, en ce sens, arrĂȘts du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C 49/05 P, non publiĂ©, EU:C:2008:259, point 68, et du 11 dĂ©cembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C 334/07 P, EU:C:2008:709, point 55). Cette rĂšgle a le caractĂšre d'une formalitĂ© substantielle (arrĂȘts du 11 dĂ©cembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C 334/07 P, EU:C:2008:709, point 55, et du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T 68/03, EU:T:2007:253, point 42). Elle doit permettre aux intĂ©ressĂ©s d'ĂȘtre associĂ©s Ă la procĂ©dure dans une mesure adĂ©quate tenant compte des circonstances du cas d'espĂšce (voir, en ce sens, arrĂȘt du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T 371/94 et T 394/94, EU:T:1998:140, point 60). Dans ce cadre, il a notamment dĂ©jĂ Ă©tĂ© retenu que la Commission devait, le cas Ă©chĂ©ant, demander leurs observations aux intĂ©ressĂ©s lorsque le rĂ©gime juridique venait Ă changer avant que la Commission ne prenne sa dĂ©cision sur la base des nouvelles rĂšgles, sauf si le nouveau rĂ©gime juridique ne comportait pas de modification substantielle par rapport Ă celui prĂ©cĂ©demment en vigueur (voir arrĂȘt du 11 dĂ©cembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C 334/07 P, EU:C:2008:709, point 56 et jurisprudence citĂ©e).
66 Par ailleurs, mĂȘme si la dĂ©cision d'ouverture peut se limiter Ă rĂ©capituler les Ă©lĂ©ments pertinents de fait et de droit, Ă inclure une Ă©valuation provisoire de la mesure Ă©tatique en cause visant Ă dĂ©terminer si elle prĂ©sente le caractĂšre d'une aide et Ă exposer les raisons qui incitent Ă douter de sa compatibilitĂ© avec le marchĂ© intĂ©rieur, elle doit mettre les parties intĂ©ressĂ©es en mesure de participer de maniĂšre efficace Ă la procĂ©dure formelle d'examen lors de laquelle elles auront la possibilitĂ© de faire valoir leurs arguments (voir, en ce sens, arrĂȘt du 12 mai 2011, RĂ©gion Nord-Pas-de-Calais et CommunautĂ© d'agglomĂ©ration du Douaisis/Commission, T 267/08 et T 279/08, EU:T:2011:209, points 80 et 81). Il est, en particulier, nĂ©cessaire que la Commission dĂ©finisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intĂ©ressĂ©s de prĂ©senter leurs observations (voir arrĂȘt du 1er juillet 2009, Operator ARP/Commission, T 291/06, EU:T:2009:235, point 38 et jurisprudence citĂ©e).
67 En l'espĂšce, il y a lieu de relever que, dans la dĂ©cision d'ouverture, la Commission a apprĂ©ciĂ©, Ă titre provisoire, la compatibilitĂ© de l'aide au fonctionnement au regard des lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale, compte tenu du renvoi opĂ©rĂ© Ă cet Ă©gard par les paragraphes 27 et 63 des lignes directrices de 2005. En particulier, la Commission a relevĂ© que l'aĂ©roport de Gdynia-Kosakowo se situait dans une rĂ©gion se trouvant dans une situation Ă©conomique difficile, couverte par la dĂ©rogation visĂ©e Ă l'article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE, et qu'il convenait de vĂ©rifier si les conditions prĂ©vues au paragraphe 76 des lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale Ă©taient rĂ©unies (considĂ©rants 64 et 65 de la dĂ©cision d'ouverture).
68 Dans la dĂ©cision 2014/883, la Commission a indiquĂ© que " l'aĂ©roport de Gdynia se situe dans une rĂ©gion dĂ©favorisĂ©e, relevant de la dĂ©rogation prĂ©vue Ă l'article 107, paragraphe 3, [sous] a), du TFUE ", et que, " en consĂ©quence, la Commission doit juger si l'aide au fonctionnement en question peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme conforme aux lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale " (considĂ©rant 221 de la dĂ©cision 2014/883). Appliquant le paragraphe 76 desdites lignes directrices au cas d'espĂšce, la Commission a conclu que l'aide au fonctionnement ne respectait pas les " critĂšres prĂ©vus dans les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale " (considĂ©rant 228 de la dĂ©cision 2014/883).
69 Or, comme le relÚve à juste titre la société PLGK, rejointe en cela par la République de Pologne et la commune de Gdynia dans leurs réponses aux mesures d'organisation de la procédure, la Commission a opéré, dans la décision attaquée, un changement de régime juridique s'agissant de l'analyse de la compatibilité de l'aide au fonctionnement.
70 Ă cet Ă©gard, en premier lieu, il y a lieu de rejeter l'argument de la Commission selon lequel la modification du fondement juridique utilisĂ© dans la dĂ©cision attaquĂ©e constituerait un moyen nouveau avancĂ© pour la premiĂšre fois par la sociĂ©tĂ© PLGK au stade de la rĂ©plique. En effet, il rĂ©sulte de la jurisprudence qu'un moyen qui constitue une amplification d'un moyen Ă©noncĂ© antĂ©rieurement, directement ou implicitement, dans la requĂȘte introductive d'instance doit ĂȘtre considĂ©rĂ© comme recevable (arrĂȘt du 19 mai 1983, Verros/Parlement, 306/81, EU:C:1983:143, point 9 ; voir Ă©galement, en ce sens, arrĂȘts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C 412/05 P, EU:C:2007:252, points 38 Ă 40, et du 17 juillet 2008, Campoli/Commission, C 71/07 P, EU:C:2008:424, point 63). Or, en l'espĂšce, les requĂ©rantes ont indiquĂ© dans leur requĂȘte qu'elles auraient dĂ» avoir la possibilitĂ© de s'exprimer sur les nouveaux arguments et la nouvelle analyse de la Commission et que le manquement invoquĂ© sur ce point constituerait, en tant que tel, une violation des formes substantielles. Plus prĂ©cisĂ©ment, le point II.14 de la requĂȘte, qui synthĂ©tise les moyens avancĂ©s au soutien du recours, s'intitule notamment : " Violation des formes substantielles sous la forme du droit des requĂ©rants Ă prĂ©senter leurs observations et Ă prendre position ". L'argument soulevĂ© dans la rĂ©plique de la sociĂ©tĂ© PLGK, qui vise prĂ©cisĂ©ment la nouvelle analyse de la Commission menĂ©e dans la dĂ©cision attaquĂ©e, constitue donc l'ampliation du moyen soulevĂ© dans la requĂȘte tirĂ© d'une violation des formes substantielles relatives au droit des requĂ©rantes d'ĂȘtre en mesure de prĂ©senter leurs observations. En outre, et en tout Ă©tat de cause, il y a lieu de rappeler que la rĂšgle selon laquelle la Commission doit mettre les intĂ©ressĂ©s en mesure de prĂ©senter leurs observations a le caractĂšre d'une formalitĂ© substantielle. DĂšs lors, la violation de cette formalitĂ© substantielle, qui constitue un moyen d'ordre public, peut ĂȘtre soulevĂ©e d'office par le Tribunal (voir, en ce sens, arrĂȘts du 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C 291/89, EU:C:1991:189, point 14 ; du 4 avril 2017, MĂ©diateur/Staelen, C 337/15 P, EU:C:2017:256, point 85, et du 16 mars 2016, Frucona KoÂice/Commission, T 103/14, EU:T:2016:152, point 84).
71 En deuxiĂšme lieu, dans le cadre de la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission a indiquĂ© qu'elle appliquerait les principes Ă©noncĂ©s dans les lignes directrices de 2005 aux aides Ă l'investissement illĂ©gales octroyĂ©es Ă des aĂ©roports avant le 4 avril 2014 - Ă savoir la date d'application des lignes directrices de 2014 - et " les principes Ă©noncĂ©s dans les lignes directrices de 2014 [...] Ă toutes les affaires portant sur des aides au fonctionnement [...] accordĂ©es Ă des aĂ©roports, mĂȘme si l'aide a Ă©tĂ© octroyĂ©e avant le 4 avril 2014 " (considĂ©rant 196 de la dĂ©cision attaquĂ©e), ce qui Ă©tait le cas en l'espĂšce (considĂ©rant 197 et article 2 de la dĂ©cision attaquĂ©e). Il en rĂ©sulte que la Commission ne s'est plus fondĂ©e, comme elle l'avait fait dans le cadre de la dĂ©cision d'ouverture et de la dĂ©cision 2014/883, sur les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale pour analyser si l'aide au fonctionnement Ă©tait compatible avec le marchĂ© intĂ©rieur, mais sur les principes Ă©noncĂ©s dans les lignes directrices de 2014.
72 En troisiĂšme lieu, ainsi qu'il ressort des lignes directrices de 2014, la Commission a indiquĂ© expressĂ©ment qu'elle " n'appliquer[ait] pas les principes Ă©noncĂ©s dans les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale pour la pĂ©riode 2007-2013 " et que " les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale pour la pĂ©riode 2014-2020 ou les futures lignes directrices Ă©ventuelles en la matiĂšre ne s'appliquer[aient] pas aux aides d'Ătat octroyĂ©es aux infrastructures aĂ©roportuaires " (paragraphe 23 des lignes directrices de 2014).
73 En quatriĂšme lieu, outre le changement opĂ©rĂ© entre les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale et les lignes directrices de 2014, la Commission a Ă©galement opĂ©rĂ© un changement dans la dĂ©rogation analysĂ©e au regard de l'article 107, paragraphe 3, TFUE. En effet, ainsi qu'il rĂ©sulte de la dĂ©cision d'ouverture et de la dĂ©cision 2014/883, la Commission s'Ă©tait placĂ©e dans le cadre de la " dĂ©rogation prĂ©vue Ă l'article 107, paragraphe 3, [sous] a), du TFUE ". Le paragraphe 76 des lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale prĂ©cise d'ailleurs que les aides au fonctionnement peuvent ĂȘtre octroyĂ©es exceptionnellement dans les rĂ©gions bĂ©nĂ©ficiant de la dĂ©rogation prĂ©vue Ă l'article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE. Or, ainsi qu'il rĂ©sulte du paragraphe 112 des lignes directrices de 2014, dont les principes ont Ă©tĂ© appliquĂ©s par la Commission dans la dĂ©cision attaquĂ©e, la compatibilitĂ© des aides au fonctionnement est analysĂ©e, dans ce cadre, " conformĂ©ment Ă l'article 107, paragraphe 3, [sous] c), [TFUE] ".
74 En cinquiĂšme lieu, les lignes directrices de 2014 introduisent de " nouvelles modalitĂ©s d'apprĂ©ciation " de la compatibilitĂ© des aides octroyĂ©es aux aĂ©roports s'agissant, notamment, des " aides au fonctionnement en faveur des aĂ©roports rĂ©gionaux " [paragraphe 17, sous d), des lignes directrices de 2014]. Ces nouvelles modalitĂ©s d'apprĂ©ciation figurent au point 5.1.2 des lignes directrices de 2014. Elles prĂ©voient six critĂšres cumulatifs, parmi lesquelles le premier critĂšre analysĂ© par la Commission au considĂ©rant 246 de la dĂ©cision attaquĂ©e, Ă savoir le fait de dĂ©terminer si l'aide au fonctionnement contribue Ă la rĂ©alisation d'un objectif commun bien dĂ©fini. Ce premier critĂšre repose lui-mĂȘme sur trois conditions alternatives, Ă savoir le fait que l'aide au fonctionnement amĂ©liore la mobilitĂ© des citoyens de l'Union et la connectivitĂ© des rĂ©gions grĂące Ă la mise en place de points d'accĂšs pour les vols intra-Union, ou qu'elle lutte contre la congestion du trafic aĂ©rien sur les principales plates-formes aĂ©roportuaires de l'Union, ou qu'elle facilite le dĂ©veloppement rĂ©gional. Deux de ces trois conditions alternatives ont Ă©tĂ© mentionnĂ©es par la Commission au considĂ©rant 246 de la dĂ©cision attaquĂ©e.
75 Les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale prĂ©voient, quant Ă elles, que les aides au fonctionnement peuvent ĂȘtre octroyĂ©es " [si] elles so[nt] justifiĂ©es par leur contribution au dĂ©veloppement rĂ©gional et leur nature et [si] leur niveau [est] proportionnel aux handicaps qu'elles visent Ă pallier ", ce que la Commission a d'ailleurs relevĂ© au considĂ©rant 222 de la dĂ©cision 2014/883.
76 Si certains critĂšres prĂ©vus par les lignes directrices de 2014 et les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale peuvent converger, notamment sur la contribution de l'aide au dĂ©veloppement rĂ©gional, ces critĂšres sont toutefois, d'une part, plus dĂ©veloppĂ©s dans les lignes directrices de 2014 et, d'autre part, diffĂ©rents par nature puisque les lignes directrices de 2014 visent spĂ©cifiquement les aides accordĂ©es aux aĂ©roports et aux compagnies aĂ©riennes. En outre, il y a lieu de relever que, si la contribution au dĂ©veloppement rĂ©gional est une condition essentielle dans les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale, elle n'est qu'une condition alternative dans les lignes directrices de 2014, comme le montre l'emploi de la conjonction " ou " au paragraphe 113 de ces derniĂšres lignes directrices.
77 En sixiÚme lieu, il convient de souligner que les nouvelles modalités d'appréciation des aides au fonctionnement prévues par les lignes directrices de 2014 visent notamment à octroyer une période transitoire de dix ans durant laquelle les aéroports, en particulier régionaux, peuvent bénéficier de ces aides, sous réserve de respecter les conditions prévues par lesdites lignes directrices (voir, notamment, paragraphes 13, 14 et 112 des lignes directrices de 2014).
78 Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que le nouveau régime juridique appliqué par la Commission dans la décision attaquée comportait des modifications substantielles par rapport à celui précédemment en vigueur et pris en compte dans la décision d'ouverture et dans la décision 2014/883.
79 Par ailleurs, Ă supposer que le retrait de la dĂ©cision 2014/883 ait eu pour effet, comme le soutient la Commission, de laisser ouverte la procĂ©dure formelle d'examen, les intĂ©ressĂ©s n'ont pas Ă©tĂ© en mesure de prĂ©senter leurs observations dĂšs lors que ladite procĂ©dure a de nouveau Ă©tĂ© clĂŽturĂ©e, concomitamment, par l'adoption de la dĂ©cision attaquĂ©e. Il y a Ă©galement lieu de relever que les lignes directrices de 2014 ont Ă©tĂ© publiĂ©es le 4 avril 2014, soit aprĂšs l'adoption de la dĂ©cision 2014/883 et, donc, aprĂšs la clĂŽture initiale de la procĂ©dure d'examen. Il s'ensuit que, entre le moment de la publication des lignes directrices de 2014 et l'adoption de la dĂ©cision attaquĂ©e, les intĂ©ressĂ©s n'ont pas Ă©tĂ© mis en mesure de prĂ©senter utilement leurs observations sur l'applicabilitĂ© et l'incidence Ă©ventuelle desdites lignes directrices, alors mĂȘme que ces lignes directrices constituaient un changement de rĂ©gime juridique que la Commission a dĂ©cidĂ© d'appliquer au cas d'espĂšce.
80 Les autres arguments de la Commission ne sauraient remettre en cause ces constatations.
81 En particulier, doit ĂȘtre rejetĂ© l'argument de la Commission selon lequel la sociĂ©tĂ© PLGK n'aurait pas dĂ©montrĂ© dans quelle mesure le fait de ne pas l'avoir invitĂ©e Ă se prononcer sur l'application des lignes directrices de 2014 pouvait avoir eu une incidence sur sa situation juridique, ni dans quelle mesure la possibilitĂ© de se prononcer Ă cet Ă©gard aurait pu aboutir Ă un contenu diffĂ©rent de la dĂ©cision attaquĂ©e. En effet, le droit des intĂ©ressĂ©s d'ĂȘtre en mesure de prĂ©senter leurs observations a le caractĂšre d'une formalitĂ© substantielle, au sens de l'article 263 TFUE, dont la violation, constatĂ©e en l'espĂšce, entraĂźne l'annulation de l'acte viciĂ©, sans qu'il soit nĂ©cessaire d'Ă©tablir l'existence d'une incidence sur la partie qui invoque une telle violation, ni que la procĂ©dure administrative aurait pu aboutir Ă un rĂ©sultat diffĂ©rent (voir, en ce sens, arrĂȘts du 6 avril 2000, Commission/ICI, C 286/95 P, EU:C:2000:188, point 52, et du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T 54/14, EU:T:2016:455, point 47 ; conclusions de l'avocat gĂ©nĂ©ral Mengozzi dans l'affaire Bensada Benallal, C 161/15, EU:C:2016:3, point 92). En outre, et en tout Ă©tat de cause, compte tenu des changements opĂ©rĂ©s quant Ă la base juridique du traitĂ© FUE [article 107 TFUE, paragraphe 3, sous a), puis article 107 TFUE, paragraphe 3, sous c)] et quant aux lignes directrices applicables, qui modifient substantiellement le rĂ©gime juridique de l'analyse de la compatibilitĂ© de l'aide au fonctionnement, il ne saurait ĂȘtre prĂ©jugĂ© de la portĂ©e des observations que les intĂ©ressĂ©s auraient Ă©tĂ© en mesure de prĂ©senter, mĂȘme si la Commission, dans la dĂ©cision attaquĂ©e, a abouti Ă une conclusion identique Ă celle de la dĂ©cision prĂ©cĂ©demment en vigueur.
82 S'agissant du fait que les requérantes n'auraient pas présenté d'observations à la suite de la décision d'ouverture, il est inopérant aux fins de déterminer si elles étaient en mesure de présenter de telles observations à la suite du retrait de la décision 2014/883 et avant l'adoption de la décision attaquée.
83 S'agissant des arguments de la Commission dĂ©veloppĂ©s dans le cadre de sa rĂ©ponse aux mesures d'organisation de la procĂ©dure selon lesquels elle n'aurait pas appliquĂ© de " principes nouveaux " issus des lignes directrices de 2014 s'agissant de l'aide au fonctionnement, ils reposent essentiellement sur le fait que, tant dans la dĂ©cision 2014/883 que dans la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission ait considĂ©rĂ© que l'aide au fonctionnement Ă©tait incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur dans la mesure oĂč l'aide Ă l'investissement Ă©tait elle-mĂȘme incompatible avec ledit marchĂ©. Ces arguments visent toutefois, en substance, Ă soutenir que la dĂ©cision attaquĂ©e aurait eu un contenu identique si les intĂ©ressĂ©s avaient Ă©tĂ© mis en demeure de prĂ©senter des observations. Ils doivent donc ĂȘtre rejetĂ©s pour les mĂȘmes motifs que ceux repris au point 81 ci-dessus.
84 En tout Ă©tat de cause, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il ressort notamment des considĂ©rants 196 et 197 de la dĂ©cision attaquĂ©e, la Commission a prĂ©cisĂ© qu'elle appliquerait en l'espĂšce les principes Ă©noncĂ©s dans les lignes directrices de 2014 s'agissant de l'aide au fonctionnement. Dans ce cadre, la Commission a expressĂ©ment visĂ© les lignes directrices de 2014 au considĂ©rant 245 de la dĂ©cision attaquĂ©e, en indiquant que le fait que l'aide au fonctionnement Ă©tait incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur dans la mesure oĂč l'aide Ă l'investissement Ă©tait elle-mĂȘme incompatible avec ledit marchĂ© Ă©tait tout aussi pertinent " dans le contexte des lignes directrices de 2014 ". Elle a, par ailleurs, appliquĂ© le premier critĂšre des lignes directrices de 2014 au considĂ©rant 246 de la dĂ©cision attaquĂ©e, ledit critĂšre Ă©tant substantiellement diffĂ©rent des conditions Ă©noncĂ©es au paragraphe 76 des lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale (voir point 76 ci-dessus). Il convient Ă©galement de souligner que, ainsi qu'il rĂ©sulte des considĂ©rants 198 Ă 202 de la dĂ©cision attaquĂ©e, les principes issus des lignes directrices de 2014 ont Ă©tĂ© appliquĂ©s aux fins de distinguer les financements relevant des aides Ă l'investissement de ceux relevant des aides au fonctionnement.
85 Par ailleurs, il convient de relever que la dĂ©cision attaquĂ©e contient Ă tout le moins une imprĂ©cision, relayĂ©e d'ailleurs par la Commission dans sa rĂ©ponse aux mesures d'organisation de la procĂ©dure, concernant le cadre juridique dans le cadre duquel cette derniĂšre a considĂ©rĂ© que l'aide au fonctionnement Ă©tait incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur dans la mesure oĂč l'aide Ă l'investissement Ă©tait elle-mĂȘme incompatible avec ledit marchĂ©. En effet, la Commission a indiquĂ© au considĂ©rant 245 de la dĂ©cision attaquĂ©e que cette considĂ©ration (qui figure Ă©galement au considĂ©rant 227 de la dĂ©cision 2014/883), " tirĂ©e conformĂ©ment aux lignes directrices de 2005 ", Ă©tait tout aussi pertinente dans le contexte des lignes directrices de 2014. Or, ainsi qu'il rĂ©sulte des considĂ©rants 227 et 228 de la dĂ©cision 2014/883, l'apprĂ©ciation de la Commission a Ă©tĂ© faite dans le cadre des lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale et sur la base de l'article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE. Plus prĂ©cisĂ©ment, la considĂ©ration de la Commission, qui intervenait d'ailleurs Ă titre surabondant comme le dĂ©montre l'emploi des termes " [e]n tout Ă©tat de cause ", Ă©tait placĂ©e avant la conclusion reprise au considĂ©rant 228 de la dĂ©cision 2014/883 selon laquelle, " [e]n consĂ©quence, la Commission conclut que l'aide au fonctionnement [...] ne respecte pas les critĂšres prĂ©vus dans les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale ".
86 En outre, la considĂ©ration selon laquelle l'aide au fonctionnement serait incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur dans la mesure oĂč l'aide Ă l'investissement Ă©tait elle-mĂȘme incompatible avec ledit marchĂ© ne rĂ©sulte pas d'une condition expressĂ©ment prĂ©vue par les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale ou par les lignes directrices de 2014. Il ne saurait donc ĂȘtre infĂ©rĂ© de ces lignes directrices que les parties intĂ©ressĂ©es auraient Ă©tĂ© en mesure de faire valoir leurs observations Ă cet Ă©gard, comme le soutient pourtant la Commission, en substance, dans sa rĂ©ponse aux mesures d'organisation de la procĂ©dure. Il y a lieu d'ajouter que la dĂ©cision 2014/883 a Ă©tĂ© retirĂ©e et que la question n'est pas tant de savoir si les parties intĂ©ressĂ©es ont Ă©tĂ© en mesure de prĂ©senter des observations par rapport Ă cette dĂ©cision, mais si elles ont Ă©tĂ© en mesure de le faire dans le cadre de la procĂ©dure formelle d'examen. Or, dans la dĂ©cision d'ouverture, la Commission se limitait Ă indiquer que, en principe, une aide au fonctionnement est incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur, sauf lorsqu'elle respecte les critĂšres Ă©noncĂ©s dans les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale, ce qui ne semblait pas ĂȘtre le cas, a priori, compte tenu du fait que la PomĂ©ranie Ă©tait dĂ©jĂ desservie par l'aĂ©roport de Gdansk (partie introductive, intitulĂ©e " ApprĂ©ciation de la mesure ", et considĂ©rants 63 Ă 67 de la dĂ©cision d'ouverture).
87 S'agissant de l'argument, avancĂ© pour la premiĂšre fois par la Commission lors de l'audience, tirĂ© de ce que la considĂ©ration selon laquelle l'aide au fonctionnement serait incompatible avec le marchĂ© intĂ©rieur dans la mesure oĂč l'aide Ă l'investissement Ă©tait elle-mĂȘme incompatible avec ledit marchĂ© rĂ©sulterait d'une base juridique " autonome " dĂ©coulant du traitĂ©, il ne trouve pas appui dans les termes de la dĂ©cision 2014/883 ou de la dĂ©cision attaquĂ©e. En effet, outre l'absence de motivation en ce sens et de prĂ©cision dans la dĂ©cision attaquĂ©e, la considĂ©ration de la Commission a Ă©tĂ© faite, comme cela a Ă©tĂ© indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, dans le contexte de l'article 107, paragraphe 3, sous a), TFUE et des lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale, s'agissant de la dĂ©cision 2014/883, et dans le contexte de l'article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et des lignes directrices de 2014, s'agissant de la dĂ©cision attaquĂ©e.
88 Enfin, pour ce qui est du renvoi opĂ©rĂ© par la Commission Ă l'affaire ayant donnĂ© lieu Ă l'arrĂȘt du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission (T 176/01, EU:T:2004:336), il y a lieu de relever que le Tribunal a retenu, dans cette affaire, que " [l]es principes posĂ©s par les deux encadrements [concernĂ©s] [Ă©taient], au regard [des] motifs [de la dĂ©cision attaquĂ©e dans cette affaire], en substance identiques ". En particulier, les deux encadrements en cause dans cette affaire prĂ©voyaient l'Ă©ligibilitĂ© des investissements dont l'objectif Ă©tait la protection de l'environnement et comportaient le mĂȘme mode de calcul des coĂ»ts Ă©ligibles Ă une mesure d'aide (arrĂȘt du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T 176/01, EU:T:2004:336, point 77). Par ailleurs, les motifs retenus dans la dĂ©cision contestĂ©e dans cette affaire avaient trait aux conditions substantiellement identiques posĂ©es par les deux encadrements. En l'espĂšce, comme cela a Ă©tĂ© indiquĂ© prĂ©cĂ©demment, les lignes directrices concernant les aides d'Ătat Ă finalitĂ© rĂ©gionale et les lignes directrices de 2014 sont substantiellement diffĂ©rentes, notamment s'agissant de la premiĂšre condition dĂ©finie par les lignes directrices de 2014 analysĂ©e par la Commission dans la dĂ©cision attaquĂ©e, et mettent en Ćuvre, en outre, une disposition diffĂ©rente du traitĂ© FUE.
89 Compte tenu de l'ensemble de ces Ă©lĂ©ments, il y a lieu de considĂ©rer que la Commission a manquĂ© Ă l'obligation qui pĂšse sur elle de mettre les intĂ©ressĂ©s en mesure de prĂ©senter leurs observations, sans qu'il soit nĂ©cessaire de dĂ©terminer si ce manquement constitue Ă©galement une violation des rĂšgles de procĂ©dure, du droit Ă une bonne administration, de la confiance lĂ©gitime et des droits de la dĂ©fense, invoquĂ©s par les requĂ©rantes devant le Tribunal. En particulier, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la possibilitĂ© pour les requĂ©rantes d'invoquer, devant le Tribunal, la violation des droits de la dĂ©fense de la RĂ©publique de Pologne, laquelle a Ă©tĂ© mise en avant, au demeurant, dans le mĂ©moire en intervention de cet Ătat membre. De mĂȘme, dans ce contexte, il n'est pas nĂ©cessaire de dĂ©terminer si la Commission a Ă©galement manquĂ© Ă l'obligation qui pĂšse sur elle en ne mettant pas les intĂ©ressĂ©s en demeure de prĂ©senter leurs observations Ă l'Ă©gard des modifications factuelles opĂ©rĂ©es dans la dĂ©cision attaquĂ©e.
90 S'agissant de la portĂ©e de l'illĂ©galitĂ© ainsi constatĂ©e, il y a lieu de relever que, mĂȘme si l'aide en cause est constituĂ©e, en fait, de deux types de financement, Ă savoir une aide Ă l'investissement et une aide au fonctionnement, ces diffĂ©rents financements ont Ă©tĂ© analysĂ©s globalement par la Commission pour retenir, notamment, la qualification d'aide d'Ătat. En particulier, la Commission a conclu, au considĂ©rant 191 de la dĂ©cision attaquĂ©e, que " les apports en capital en faveur de la sociĂ©tĂ© [PLGK] constituent une aide d'Ătat ". Pour arriver Ă cette conclusion, la Commission a notamment appliquĂ© le critĂšre de l'investisseur privĂ© en Ă©conomie de marchĂ©, sans distinguer entre les diffĂ©rents modes de financement. Cette analyse globale se reflĂšte d'ailleurs dans le dispositif de la dĂ©cision attaquĂ©e puisque la Commission retient, Ă l'article 2, paragraphe 1, de cette dĂ©cision, que " [l]es apports en capital rĂ©alisĂ©s en faveur de [la sociĂ©tĂ© PLGK] entre le 28 aoĂ»t 2007 et le 17 juin 2013 constituent une aide d'Ătat illĂ©galement mise Ă exĂ©cution par la [RĂ©publique de] Pologne ". Ces apports en capital, rĂ©alisĂ©s entre le 28 aoĂ»t 2007 et le 17 juin 2013, sont prĂ©sentĂ©s dans le tableau du considĂ©rant 57 de la dĂ©cision attaquĂ©e, sans que la Commission fasse de distinction entre les montants allouĂ©s au titre de l'aide au fonctionnement ou au titre de l'aide Ă l'investissement. Par ailleurs, il est prĂ©vu Ă l'article 3, paragraphe 1, de la dĂ©cision attaquĂ©e que " [l]a [RĂ©publique de] Pologne rĂ©cupĂšre l'aide visĂ©e Ă l'article 2, paragraphe 1, auprĂšs du bĂ©nĂ©ficiaire ", sans qu'une distinction soit effectuĂ©e, lĂ -encore, entre le financement liĂ© Ă l'investissement et celui liĂ© au fonctionnement. Enfin, l'analyse de la compatibilitĂ© de l'aide Ă l'investissement et celle de la compatibilitĂ© de l'aide au fonctionnement Ă©taient Ă©troitement liĂ©es, ce que la Commission a confirmĂ© dans sa rĂ©ponse aux mesures d'organisation de la procĂ©dure. Dans ces conditions, il n'est pas possible d'interprĂ©ter le dispositif de la dĂ©cision attaquĂ©e comme visant, de façon dissociable, l'aide Ă l'investissement et l'aide au fonctionnement. Pour ce qui est de l'argument, avancĂ© par la Commission lors de l'audience, selon lequel une annulation intĂ©grale des articles 2 Ă 5 de la dĂ©cision attaquĂ©e irait au-delĂ de la portĂ©e du moyen soulevĂ© par les requĂ©rantes, qui ne mettrait en cause que l'aide au fonctionnement, il suffit de relever, en premier lieu, que les requĂ©rantes concluent Ă l'annulation desdits articles, en deuxiĂšme lieu, que le moyen concernĂ© est d'ordre public et, en troisiĂšme lieu, que l'argument de la Commission n'est pas susceptible de remettre en cause le fait que les articles 2 Ă 5 de la dĂ©cision attaquĂ©e visent, de façon indissociable, l'aide Ă l'investissement et l'aide au fonctionnement.
91 Au vu de ce qui précÚde, il convient d'accueillir le sixiÚme moyen et, en conséquence, d'annuler les articles 2 à 5 de la décision attaquée, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens invoqués au soutien du recours.
[omissis]
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septiĂšme chambre)
dĂ©clare et arrĂȘte :
1) Les articles 2 à 5 de la décision (UE) 2015/1586 de la Commission, du 26 février 2015, concernant la mesure SA.35388 (13/C) (ex 13/NN et ex 12/N) - Pologne - Reconversion de l'aéroport de Gdynia-Kosakowo, sont annulés.
2) La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Gmina Miasto Gdynia et par Port Lotniczy Gdynia Kosakowo sp. z o.o.
3) La République de Pologne supportera ses propres dépens.