CA Aix-en-Provence, 11e ch. B, 16 novembre 2017, n° 16-07777
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Konstantinovitch
Conseillers :
Mmes Fillioux, Peltier
Faits et procédure
Le 6 avril 2011, Mme Emilie Z. cédait à M Frédéric C. un véhicule Renault Clio immatriculé AM-946-PP pour un montant de 5500 euros, le kilométrage mentionné sur le certificat de cession était de 89.000 kms
Le 21 octobre 2011 M. C. le cédait à son tour au prix de 5 300 à Monsieur Nicolas P. en mentionnant un kilométrage de 93 204 kms qui était attesté par le procès-verbal de contrôle technique du 20 octobre 2011.
Le 3 février 2012 M. P. était victime d'un accident par suite de la rupture de la courroie de distribution du véhicule et apprenait par le garage Renault que le kilométrage indiqué lors de la vente et le kilométrage réel du véhicule différaient grandement (environ 200 000 km).
Par acte extra judiciaire en date du 21 septembre 2012 M. P. assignait M. C. en annulation de la vente pour vices cachés mais aussi en Mme Z. (intervention forcée)
Par premier jugement en date du 4 décembre 2014 dont la cour n'est pas saisi le Tribunal d'instance de Cannes, après avoir joint les deux procédures:
déboutait M. Nicolas P. de ses demandes -sur le fondement des vices cachés
avant-dire droit ordonnait la réouverture des débats et invitait les parties à formuler toutes observations utiles sur le fondement relatif à l'obligation conforme édicté aux articles 1603 et suivants du Code civil
Le jugement déféré rendu par la même juridiction le 2 décembre 2015 le Tribunal d'instance
ordonnait la résolution pour non-conformité de la vente du véhicule Clio immatriculé AL-946-PP acquis par M. Nicolas P. le 21 octobre 2011
condamnait M. Frédéric C. à payer à M. Nicols P. la somme de 5 300 en remboursement du prix de vente du dit-véhicule
condamnait M. Frédéric C. à la prise en charge des frais de récupération du véhicule
condamnait Mme Emilie Z. à relever et garantir M. Frédéric C. de toutes sommes payées par lui à M. Nicolas P., en exécution du présent jugement, en principal, intérêts, frais et dépens
rejetait la demande de dommages et intérêts de M. Frédéric P.
rejetait la demande de dommages et intérêts de M. Frédéric C.
rejetait toute autre demande plus ample ou contraire
condamnait M. Frédéric C. à payer à M. Nicolas P. la somme la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
condamnait M. Frédéric C. aux dépens de l'instance
Le premier juge rappelait l'obligation de délivrance et de garantie du vendeur, et l'action dont dispose le vendeur intermédiaire contre le vendeur originel lorsque le premier est assigné en résolution de la vente pour non-conformité.
La responsabilité contractuelle de M. C. était engagée en dépit de la mention "kilométrage non garanti "pour défaut de conformité, ainsi que celle de Mme Z..
M. Frédéric Paul André C. a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 26 avril 2016 et intimé M. Nicolas P. et Mme Emilie Z.
Les dernières écritures de l'appelant ont été déposées le 21 juillet 2017, celles de M. P. le 21 septembre 2016 et celles de Mme Emilie Z.
Mme Emilie Z. auquel la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant ont été régulièrement signifiées, a été assigné par le même acte d'huissier en date du 22 juillet 2016, après accomplissement des diligences prévues à l'article 659 du Code de procédure civile. Elle n'a pas constitué avocat , ni conclu
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 septembre 2017.
Prétentions des parties
M. Frédéric Paul André C., dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour,
* à titre principal
de réformer le jugement déféré en ce qu'il a retenu sa responsabilité
débouter M. P. de l'ensemble de ses demandes fondées sur les articles 1603 et 1109 et suivants du Code civil
le condamner à lui verser la somme de 1 500 e sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens
* à titre subsidiaire : confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a
reçu l'action en intervention forcée de Mme Z.
l'a condamnée à le relever et garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre dans le cadre l'instance
la condamner à lui verser la somme de 5000 de dommages et intérêts
la condamner conjointement M. P. et Mme Z. à lui verser la somme de 2 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance
Il fait valoir que la fraude est manifeste mais ne lui est pas imputable, il ne peut être tenu responsable de la faute d'un tiers, il a fait preuve de bonne foi dans ses relations contractuelles avec M. P. et exécuté ses obligations, d'autant qu'il avait précisé que le kilométrage n'était pas garanti, cette clause limitative de garantie et de responsabilité est parfaitement valable. Il a satisfait à l'obligation de délivrance.
Sur la nullité "de la valeur de la vente pour erreur" M. P. ne rapporte nullement la preuve que son consentement "était déterminé par l'achat d'un véhicule présentant un kilométrage inférieur à 100 000 kms et qui plus est garanti par le vendeur ", son consentement n'a pas été vicié par une erreur sur la substance de la chose vendue, le kilométrage n'étant pas une condition substantielle de la chose vendue
M. Nicolas P., dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour,
de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente et le remboursement du prix à hauteur de 5 300 , outre l'attribution de la charge et des frais de récupération du véhicule à Monsieur C..
l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de sa demande dommages-intérêts.
* à titre principal:
constater le manquement du vendeur, Monsieur Frédéric C., à son obligation de délivrance conforme de la chose vendue
ordonner la résolution de la vente intervenue entre Monsieur C. et Monsieur P. concernant le véhicule Clio immatriculé AL-946-PP
ordonner la restitution du prix à hauteur de 5 300 à Monsieur P..
dire que Monsieur Frédéric C. fera son affaire de la récupération du véhicule Clio immatriculé AL-946-PP, à ses frais, et dans l'état dans lequel il se trouve
condamner Monsieur Frédéric C. à payer à Monsieur P. la somme de 3000 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
* à titre subsidiaire :
ordonner la nullité de la vente du véhicule Clio immatriculé AL-946-PP en considération de l'erreur sur la substance commise par Monsieur C.
ordonner la restitution du prix à hauteur de 5 300 à Monsieur P..
condamner Monsieur Frédéric C. à payer à Monsieur P. la somme de 3000 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
dire que Monsieur Frédéric C. fera son affaire de la récupération du véhicule, à ses frais, dans l'état dans lequel il se trouve.
* en tout état de cause : condamner Monsieur C. à lui payer la somme de 3 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître S.-B..
Il fait valoir que:
* défaut de délivrance conforme: le kilométrage a été déterminant de son consentement , que la mention "kilométrage non garanti" ne dispense par M. C. de l'obligation de délivrance conforme , la rupture de la courroie de distribution a endommagé le véhicule le rendant impropre à sa destination, il est en droit par application de l'article 1610 du Code civil de poursuivre la résolution de la vente et d'obtenir des dommages et intérêts ( art 1611) ayant subi un préjudice certain dans lors de l'accident sur l'autoroute que par l'interruption de la chose.
* nullité de la vente pour erreur: il fait valoir qu'il a cru acquérir un véhicule de 93 000 km comme attesté par le contrôle technique, l'erreur sur la substance de la chose est manifeste
* sur le préjudice: jeune étudiant il n'a pu faire procéder aux réparations et n'a eu l'usage du véhicule que quelques mois et a été victime d'un accident
Mme Emilie Z., défaillante en première instance, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu, la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été signifiées le à étude après vérification par l'huissier de l'adresse et dépôt d'un avis de passage conformément à l'article 656 du Code de procédure civile.
Sur quoi la cour
En application de l'article 472 du Code de procédure civile en l'absence de comparution du défendeur, le juge ne peut accueillir les prétentions du demandeur que si celles-ci sont régulières, recevables et bien fondées.
Sur la recevabilité des actions
L'action résolutoire résultant d'un même défaut de conformité se transmet avec la chose livrée, de sorte que lorsque, comme en l'espèce, elle est exercée, d'une part, par le sous-acquéreur (M. P.) à la fois contre le vendeur intermédiaire (M. C.) et contre le vendeur originaire ( Mme Z.), à l'égard duquel le sous-acquéreur dispose d'une action directe contractuelle, d'autre part, par le vendeur intermédiaire (M. C.) contre le vendeur originaire (Mme Z.), seule peut être accueillie l'action formée par le sous-acquéreur (M. P.) contre le vendeur intermédiaire (M. C.) et contre le vendeur originaire (Mme Z.) , le vendeur intermédiaire ( M. C.) pouvant seulement agir en ce cas contre le vendeur originaire (Mme Z.) aux fins de garantie des condamnations prononcées contre lui en faveur du sous-acquéreur ; qu'en outre, le vendeur originaire (Mme Z.) ne peut être tenu de restituer davantage qu'il n'a reçu, sauf à devoir des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé tant au sous-acquéreur (M. P.) qu'au vendeur intermédiaire (M. C.).
L'action formée par M. P. contre M. C. et Mme Z. est donc recevable, M. C. n'étant recevable à former des demandes qu'à l'égard de Mme Z.
Sur le défaut de délivrance conforme
En application des articles 1602 et suivant du Code civil dans la version applicable à l'espèce le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige, tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur qui est tenu a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
Constitue un manquement à l'obligation de délivrance la vente d'un véhicule dont le kilométrage réel diffère grandement du kilométrage affiché au compteur
Tel est le cas en l'espèce étant établi et non contesté que le véhicule avait bien plus de 80 000 kilomètres lors des deux ventes successives.
M. C. argue de sa bonne foi pour s'exonérer de sa responsabilité, faisant valoir la mention " kilométrage non garanti" figurant au certificat de cession
Pour que l'acquéreur qui a reçu sans réserve la chose soit privé de la faculté d'agir en résolution et/ou en indemnisation encore faut-il que le défaut de conformité ait été apparent, or M. C. ne démontre pas que le kilométrage réel était apparent , au contraire c'est celui qui était erroné qui figurait au compteur du véhicule, sur le contrôle technique et le certificat de cession, en conséquence de quoi la mention "kilométrage non garanti" est insuffisante à l'exonérer de sa responsabilité contractuelle , ce moyen n'est donc pas opérant.
En conséquence de quoi le jugement déféré sera confirmé sur la résolution de la vente et ses conséquences
Sur le préjudice de M. P.
Comme justement relevé par le premier juge l'article 1611 du Code civil, prévoit que "dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu. "
En l'espèce M. P. allègue de l'accident dont il a été victime suite à la rupture de la courroie de distribution et de l'interruption de l'usage de la chose n'ayant pu faire réparer le véhicule.
Il démontre la réalité de l'accident et sa cause, l'usure de la voiture et l'absence de changement de la courroie depuis l'origine sont en lien direct avec le défaut de délivrance
En conséquence de quoi le jugement déféré sera infirmé et M. C. sera condamné à lui payer la somme de 1 000
Sur les demandes formées par M. C. contre M. P.
L'action résolutoire résultant d'un même défaut de conformité se transmet avec la chose livrée, M. P. ayant assigné tant le vendeur intermédiaire M. C. que le vendeur originaire (Mme Z.) M. C. est seulement recevable à agir contre le vendeur originaire (Mme Z.) aux fins de garantie des condamnations prononcées contre lui.
En conséquence de quoi les demandes formées contre M. P. sont irrecevables.
Au jour de la vente par Mme Z. à M. C. le kilométrage figurant à l'acte était de 89 000, il ne pouvait être que falsifié au regard du kilométrage réel du véhicule, en conséquence de quoi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme Z. à relever et garantir M. C. des condamnations prononcées
sur la demande de dommages et intérêts de M. C. à l'encontre de Mme Z.
M. C. qui a acquis auprès de Mme Z. un véhicule au kilométrage falsifié et a été attrait en justice après s'en être défait, il est donc fondé à demander des dommages et intérêts, il lui sera accordé à ce titre la somme de 500 que Mme Z. sera condamnée à lui payer
sur les frais et dépens
M. C. et Mme Z. qui succombent seront condamnés aux entiers dépens d'appel, outre que l'équité commande de condamner Mme Z. à payer à M. C. la somme de 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et ce dernier à payer à M. P. qu'il a attrait en cause d'appel la somme de 800
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt de défaut, mis à la disposition des parties conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile, confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la résolution pour non-conformité de la vente du véhicule Clio immatriculé AL-946-PP acquis par M. Nicolas P. le 21 octobre 2011, condamné M. Frédéric C. à payer à M. Nicolas P. la somme de 5 300 en remboursement du prix de vente du dit-véhicule, condamné M. Frédéric C. à la prise en charge des frais de récupération du véhicule, condamné Mme Emilie Z. à relever et garantir M. Frédéric C. de toutes sommes payées par lui à M. Nicolas P., en principal, intérêts, frais et dépens, condamné M. Frédéric C. à payer à M. Nicolas P. la somme la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné M. Frédéric C. aux dépens de l'instance, l'infirme le jugement pour le surplus, condamne M. C. à payer à M. Frédéric P. la somme de 1 000 à titre de dommages et intérêts, condamne Mme Emilie Z. à payer à M. Frédéric C. la somme de 500 de dommages et intérêts, y ajoutant, déclare les demandes formées par M. C. contre M. P. irrecevables, condamne Mme Z. à payer à M. C. la somme de 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne M. C. à payer à M. P. la somme de 800 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel et non compris dans les dépens, condamne M. C. et Mme Z. aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Me S.-B.