CA Versailles, 12e ch., 21 novembre 2017, n° 16-08539
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Graines de Sol (Sté)
Défendeur :
Conseil Organisation Distribution Ergonomie (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
MM. Leplat, Ardisson
Faits :
La société Graines de sol, coopérative d'activités et d'emploi dans l'accompagnement de créateurs d'entreprises, a successivement conclu le 13 juin, puis le 30 novembre 2013 avec effet au 1er décembre suivant, un contrat avec la société Conseil organisation distribution ergonomie (société Code) en vue d'appuyer, dans les conditions de l'article L. 127-1 du Code de commerce, l'activité d'agent commercial de Madame X pour une durée indéterminée suivant une période d'essai de six mois et pour un territoire de sept départements avec une exclusivité pour des marques du catalogue " DP Nature " de la société Code.
Après que le 5 juin 2014, la société Code lui ait notifié la rupture du contrat pour faute grave de Madame X assortie d'un préavis d'un mois, la société Graines de sol l'a mise en demeure le 17 juin 2014 de régler une indemnité de rupture de 1 922,60 euros HT, puis le 4 mars 2015 de régler le solde des commissions pour 762,98 euros TTC, avant de l'assigner le 23 décembre 2015 devant le Tribunal de commerce de Pontoise pour le paiement de 5 944,90 euros au titre de l'indemnité de cessation de contrat, et de 913,03 euros au titre de l'arriéré des commissions.
Procédure et prétentions des parties :
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Pontoise du 14 octobre 2016 qui a :
- débouté la société Graines de sol de ses demandes,
- condamné la société Graines de sol à payer à la société Code la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Graines de sol aux dépens
Vu l'appel interjeté le 2 décembre 2016 par la société Graines de sol ;
Vu les conclusions transmises le 24 février 2017 par le RPVA pour la société Graines de sol aux fins de voir, au visa des articles L. 134-1 et suivants du Code de commerce :
- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
sur l'indemnité de cessation de contrat,
- constater que la société Code a résilié le contrat d'agent du 30 novembre 2013 par courrier recommandé du 5 juin 2014, en accordant un préavis de 1 mois expirant le 31 juillet 2014,
- dire que le fait pour la société Code d'avoir expressément fait application d'un préavis de rupture, est juridiquement incompatible avec l'existence d'une faute grave, qui suppose la cessation immédiate de la relation contractuelle comme le rappelle l'article L. 134-11 dernier alinéa du Code de commerce,
- dire que la société Code est irrecevable à invoquer une faute grave commise par la société Graines de sol pour échapper au paiement de l'indemnité légale prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- dire que la société Code n'est pas fondée à invoquer l'insuffisance des résultats réalisé par un agent commercial auquel elle avait confié un secteur exclusif composé de sept départements seulement 5 mois après la conclusion du contrat du 30 novembre 30 novembre 2013,
- dire que la non-atteinte des objectifs et l'insuffisance des résultats ne sont jamais à eux seuls constitutifs d'une faute grave commise par l'agent commercial,
- dire et juger que la société Code ne rapporte aucune preuve de ses allégations relatives à l'absence de prospection réelle des clients du territoire,
- dire et juger que la société Code ne rapporte pas la preuve du fait que la société Graines de sol et Madame X auraient privilégiés le développement d'une autre carte, d'autant que l'existence de cette autre carte était expressément mentionnée dans le contrat signé avec la société Code,
- dire et juger que la société Code est redevable de l'indemnité de rupture prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce,
- condamner la société Code à payer la somme de 5 501,04 euros, au titre de l'indemnité de cessation de contrat prévue par l'article L. 134- 12 du Code de commerce, outre intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2014,
sur les commissions des arriérés de commissions,
- constater que la société Code est redevable d'une somme 913,03 euros TTC (760,84 euros HT) correspondant aux trois factures qui lui ont été adressées pour le règlement des commissions des mois de mai, juin et juillet 2014,
- dire que la société Code est redevable de ces commissions, puisque le préavis de rupture contractuelle a expiré le 31 juillet 2014, la date d'émission des factures n'ayant pas la moindre incidence,
- dire que la société Graines de sol rapporte la preuve de sa créance, puisque ses trois factures pour les commissions des mois de mai juin et juillet 2014 comportent des montants exactement identiques aux relevés mensuels de commissions établis et communiqués par la société Code,
- condamner la société Code à payer somme de 913,03 euros TTC (760,84 euros HT), outre intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2014,
- condamner la société Code à payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Code aux dépens ;
Vu les conclusions transmises le 10 mars 2017 par le RPVA pour la société Conseil organisation distribution ergonomie aux fins de voir, au visa des articles L. 134-1 du Code de commerce et 1134 du Code civil ;
- dire la société Graines de sol mal fondée dans son appel,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner la société Graines de sol à payer à de sol une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR,
1. Sur la régularité de la rupture pour faute grave en suite du préavis
Considérant que pour voir confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le bien-fondé de la rupture du contrat d'agent commercial pour faute grave, et rejeté le droit aux indemnité de ce chef, la société Code se prévaut des manquements qu'elle impute à Madame X de n'avoir pas développé de chiffre d'affaires, de n'avoir entrepris aucune action commerciale dynamique, d'avoir apporté sa faveur à une autre carte professionnelle, de n'avoir démarché aucune clientèle dans le secteur concédé, et de n'avoir enfin pas enregistré son activité au registre du commerce, rendant ainsi impossible le maintien du mandat d'intérêt commun ; qu'elle se prévaut en outre des nombreuses correspondances échangées avec Madame X sur chacune de ces fautes ainsi que de son aveu, dans un courriel du 13 mai 2014, dans lequel elle indiquait "son défaut d'assiduité" pour la marque à laquelle "elle ne pouvait consacrer beaucoup de temps" et suggérant à la société Code de "trouver quelqu'un qui consacre un temps plein et qui possède déjà une carte dans [son] domaine" ;
Mais considérant que la faute grave doit justifier l'impossibilité de la poursuite du contrat de l'agent commercial, ce qu'exclut par nature l'octroi par le mandant d'un préavis régi par les dispositions d'ordre public des articles L. 134-11 et L. 134-12 du Code de commerce, de sorte qu'ainsi que le conclut la société Graines de sol, les insuffisances ou les carences reprochées à Madame X, y compris celles qu'elle a reconnues, ne sont pas de nature à suppléer la preuve de cette impossibilité ;
Que le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté la société Graines de sol du principe de sa demande.
2. Sur le montant de l'indemnité de rupture et le droit à commission
Considérant, en premier lieu, que la société prétend à la condamnation de la société Code à lui payer une indemnité de cessation de contrat de 5 501,04 euros représentant deux années de commissions établies sur la base de celles de 206,42 euros que Madame a perçues chaque mois du 7 juillet 2013 au 31 juillet 2014 ;
Mais considérant qu'en disposant qu' " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ", l'article L. 134-12 du Code de commerce fait dépendre l'appréciation de l'indemnité de rupture de l'activité effective de l'agent commercial ;
Que d'après la durée du contrat, six mois, le gain limité à seulement deux nouveaux clients pour lesquels Madame X a facturé quelques centaines d'euros de commissions, et enfin, en considération des griefs sur la faiblesse de son activité et de son peu de disponibilité pour la prospection en faveur des produits de la société Code, il convient de fixer à 2 000 euros, le montant de l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015, date de l'assignation ;
Considérant, en second lieu, que la société Code ne conclut pas outre ou contre la facturation de la somme des trois factures mises en paiement pour les commissions des mois de mai, juin et juillet 2014 pour un montant de 913,03 euros TTC, de sorte qu'il convient de la condamner à les payer avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2015, date de la mise en demeure.
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Considérant que la société Code succombe à l'action, en sorte qu'il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ; qu'il est équitable en cause de première instance et d'appel de condamner la société Code à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par ces motifs, Contradictoirement, Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Condamne la société Conseil organisation distribution ergonomie à payer à la société Graines de sol les sommes de : - 2 000 euros au titre de l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2015, - 913,03 euros au titre de l'arriéré des commissions avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2015 ; Condamne la société Conseil organisation distribution ergonomie à payer à la société Graines de sol la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Conseil organisation distribution ergonomie aux dépens de première instance et d'appel.