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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 16 novembre 2017, n° 16-08475

LYON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Graines de Sol (Scop)

Défendeur :

Valcena (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rachou

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

T. com. Lyon, 3 nov. 2016

3 novembre 2016

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

La société coopérative à responsabilité et à capital variable Graines de sol (Graines) a pour activité d'accompagner les jeunes créateurs d'entreprises en leur faisant signer un contrat d'appui au projet d'entreprise qui consiste à négocier un contrat de travail avec le jeune créateur, qui lorsque son activité atteint un niveau satisfaisant a la possibilité de créer sa propre structure.

La société Graines a signé, le 11 mars 2013, un tel contrat d'appui à durée indéterminée avec Mme X qui souhaitait devenir agent commercial, prévoyant qu'elle assure la représentation des produits cosmétiques de la SARL Valcena, avec des territoires exclusifs qui ont été modifiés à deux reprises.

Le 27 février 2015, la société Valcena a notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à la société Graines la résiliation du contrat du 11 mars 2013 tout en indiquant qu'elle respecterait un préavis de deux mois.

Le 4 mars 2015, la société Graines a contesté la cause de la rupture et réclamé le paiement d'une indemnité de fin de contrat correspondant à deux ans de commissions, ainsi que le paiement des commissions des mois de mars et avril 2015.

Elle a adressé une facture de 6 754,67 € HT au titre de l'indemnité de fin de contrat et mis en demeure la société Valcena, le 23 juillet 2015, de lui payer les sommes de 8 105,60 € TTC et 1 088 € TTC au titre de rappel de commissions sur les mois d'avril et mars 2015.

Par acte en date du 29 octobre 2015, la société Graines a fait assigner en paiement la société Valcena des indemnités de rupture et des commissions au titre de la période de préavis.

Par jugement en date du 3 novembre 2016, auquel il est expressément fait référence pour plus de précisions sur les faits, les prétentions et moyens des parties, le Tribunal de commerce de Lyon a statué ainsi :

" Acte que l'article 7 du contrat signé le 11 mars 2013, prévoit le recours à une tentative de règlement amiable du différend entre les parties.

Dit que cet article n'impose nullement le recours à la procédure de conciliation prévue par les articles 127 à 131 du Code de procédure civile avant de saisir le tribunal de commerce.

Dit que les parties ont tenté de se rapprocher pour résoudre le litige qui les oppose.

Juge en conséquence, recevables les demandes de la société Graines de sol.

Déboute la société Graines de sol de sa demande en paiement d'une somme de 6 216 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Juge que la société Valcena n'est pas redevable de l'indemnité de rupture prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Déboute la société Graines de sol de sa demande en paiement d'une somme de 907,00 € à titre de commissions sur ventes durant les deux mois de préavis de mars et avril 2015.

Condamne la société Valcena à payer à la société Graines de sol la somme de 125,00 euros au titre de rappel de commissions sur la commande du 9 mars 2015.

Déboute la société Graines de sol pour le solde restant, de sa demande en paiement à titre de commissions sur ventes durant les deux mois de préavis de mars et avril 2015.

Déboute la société Graines de sol de sa demande tendant à obtenir l'exécution provisoire de la présente décision.

Dit que chacune des parties supportera les frais de procédures qui lui incombent.

Condamne la société Valcena et la société Graines de sol solidairement aux entiers dépens de l'instance."

Par déclaration reçue le 1er décembre 2016, la société Graines a relevé appel de ce jugement.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 23 février 2017, la société Graines demande à la cour de :

- dire et juger que l'article 7 du contrat n'impose nullement le recours à la procédure de conciliation prévue par les articles 127 à 131 du Code de procédure civile avant de saisir le tribunal de commerce.

- dire et juger que la société Graines de sol a vainement tenté de résoudre amiablement le litige, comme en témoigne les courriers échangés entre les parties avant d'engager la présente instance.

- déclarer recevable les demandes de la société Graines de sol contre la société Valcena.

sur l'indemnité de cessation de contrat :

- dire et juger que la société Valcena est redevable de l'indemnité de rupture prévue par l'article L 134-12 du Code de commerce,

- condamner la société Valcena à payer à la société Graines de sol une somme de 6 216 € représentant 24 mois de commissions, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2015, date de la mise en demeure.

sur le rappel de commission au titre du préavis de rupture

- condamner la société Valcena à payer à la société Graines de sol une somme de 1 032 € à titre de rappel de commissions durant les mois de mars et d'avril 2015, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2015, date de la mise en demeure.

en tout état de cause :

- condamner la société Valcena à payer à la société Graines de sol une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

La société Graines fait valoir qu'aucune faute grave n'a été invoquée par la société Valcena pour mettre fin au contrat, alors que le respect du préavis qui y est prévu ne lui permettait pas de le faire.

Elle fait état des commandes passées durant le préavis qui doivent motiver le paiement à son profit des commissions afférentes de 20 %.

Dans le dernier état de ses écritures déposées le 20 avril 2017, la société Valcena demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable en son action la société Graines de sol faute d'avoir mis en œuvre la procédure de conciliation prévue au contrat conclu entre les parties, et en l'absence de Mme X à la cause,

subsidiairement sur le fond,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Graines de sol à l'exception d'une somme de 125 € à titre de rappel de commissions,

très subsidiairement et en l'absence de démonstration d'un quelconque préjudice compte tenu des circonstances de l'affaire,

- débouter la société Graines de sol de sa demande en paiement d`une somme de 6 216 € à titre d'indemnité au sens de l'article L. 134-12 du Code de commerce,

- limiter ladite indemnité en toute hypothèse à la somme de 2 000 €,

- débouter la société Graines de sol de sa demande en paiement d'une somme de 1 032 € à titre de commissions sur ventes durant les deux mois de préavis de mars et avril 2015,

- limiter en tout état de cause toute somme due sur ce fondement à deux mois de commissions moyennes telles que calculées par la société Graines de sol, soit 2 x 269 € = 538 €,

- débouter la société Graines de sol de l'ensemble de ses autres demandes,

- condamner la société Graines de sol à payer à la société Valcena une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

La société Valcena fait valoir sur le fondement de l'article 122 du Code de procédure civile que l'action de la société appelante était irrecevable.

Concernant les prétentions formées par la société Graines, elle met en avant l'insuffisance de son activité dans sa zone de prospection dans les derniers mois.

Elle souligne que le juge n'est pas tenu par le calcul fait sur la base de deux années de commissions, la société intimée devant faire la preuve de son préjudice, alors qu'elle avait proposé à titre transactionnel la somme de 2 000 € au titre de la rupture. Elle s'oppose à ce que la société Graines perçoive des commissions pour les commandes passées durant la période de préavis ni même une indemnité de préavis.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées et ci-dessus visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non recevoir opposée par la société Valcena

Attendu que l'article 122 du Code de procédure civile prévoit que "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée" ;

Attendu que l'article 7 du contrat conclu le 11 mars 2013 stipule que "Les deux parties s'accordent pour essayer de résoudre tout litige de manière amicale et, dans le cas contraire, faire appel à la juridiction du Tribunal de commerce de Lyon et à toute procédure de conciliation" ;

Attendu qu'une telle clause prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non recevoir s'imposant à celui-ci ;

Attendu que l'absence dans la cause de Mme X, salariée de la société Graines qui a également signé le contrat d'agence commerciale, n'est pas plus susceptible de constituer une telle fin de non-recevoir que l'intimée ne caractérise pas ;

Qu'elle n'invoque en effet qu'un risque d'une réclamation autonome de Mme X ;

Attendu que les premiers juges ont à bon droit rejeté ce moyen et retenu la recevabilité à agir de la société Graines ;

Sur l'indemnité de cessation des relations

Attendu que les parties ne s'opposent pas sur l'application en l'espèce de l'article L. 134-12 du Code de commerce qui prévoit une indemnisation de plein droit de l'agent commercial en réparation du préjudice subi consécutivement à la cessation du contrat ;

Que pour s'en exonérer, la société Valcena doit en application de l'article suivant de ce code rapporter la preuve d'une faute grave de l'agent définie comme portant une atteinte intolérable à la finalité commune du mandat et rendant impossible le maintien de la relation contractuelle ;

Attendu que la société Valcena dans son courrier de résiliation du mandat du 27 février 2015 motive sa décision sur les chiffres d'affaires réalisés par l'agent en baisse de 5 % pour l'année 2014, par contraste avec l'ensemble des régions françaises ayant connu une progression de 30 % ;

Attendu qu'elle ne prétend pas que ces résultats commerciaux constituaient une telle atteinte aux relations contractuelles, le préavis de deux mois accordé le confirmant ;

Attendu que cette indemnité doit être fixée en fonction du préjudice subi par l'agent, sans qu'une faute autre que celle ci-dessus rappelée puisse lui être opposée pour la réduire ;

Que le respect des stipulations contractuelles prévues pour la résiliation du contrat est totalement inopérant pour priver l'agent commercial de cette indemnisation consécutive à l'application d'un texte d'ordre public ;

Attendu que compte tenu de la durée de moins de deux années du mandat, et en l'absence de démonstration d'un investissement particulier réalisé par l'agent, son préjudice ne peut correspondre aux commissions perçues sur la totalité du contrat, une année de commissions moyennes étant suffisante à lui permettre de trouver une autre activité ;

Attendu que les parties ne s'opposant pas sur la moyenne mensuelle des commissions versées par la société Valcena, il convient, par réformation du jugement entrepris, de la condamner à verser à la société Graine une indemnité de cessation de mandat de 3 108 €, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2015, date de la mise en demeure ;

Sur les commissions réclamées au titre du préavis

Attendu qu'après s'être reconnue redevable de ces commissions dans son courrier du 11 mars 2015, la société Valcena s'est refusée à les payer ;

Que le mandat exclusif confié à la société Graines conduisait de plein droit, en application de l'article L. 134-7 du Code de commerce, à ce que les ventes réalisées sur le secteur qui lui était concédé lui fassent bénéficier des commissions afférentes ;

Attendu que le calcul opéré par la société appelante n'est contesté qu'en ce qui concerne une commande de 624,50 €, pour laquelle la société intimée souligne qu'elle correspondait à un dépôt-vente, au regard de la mention " Commentaires : Commande dépôt/vente " présente sur cette facture du 9 mars 2015 ;

Attendu que le paiement de la commission n'étant contractuellement conditionné que par le " paiement effectif de la commande par le client de la marchandise livrée " (article 5 du contrat), la société Valcena défaille à démontrer les conditions dans lesquelles cette commande a été exécutée ;

Attendu qu'elle doit être condamnée à verser à la société Graines la somme de 1 032 €, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2015, date de la mise en demeure ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Attendu que l'équité commande de décharger la société Graines des frais irrépétibles engagés et de condamner la société Valcena une indemnité de 3 500 € ;

Attendu que la société Valcena succombe totalement et doit supporter les dépens de première instance et d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a jugé recevables les demandes de la société Graines de sol et statuant à nouveau sur le surplus : Condamne la SARL Valcena à verser à la société Graines de sol, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2015 :- la somme de 3 108 € au titre de l'indemnité de cessation de contrat,- la somme de 1 032 € au titre du rappel de commissions durant la période de préavis, Condamne la SARL Valcena à verser à la société Graines de sol une indemnité de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.