Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 21 novembre 2017, n° 16-09255

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

La Maison du Vigneron (SAS) , Arthur Metz (SAS) , Dulong-Calvet (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

TGI Paris, du 8 avr. 2016

8 avril 2016

Faits et procédure

La société MHCS est une maison de champagne, elle indique avoir lancé en 2010 une cuvée de champagne Moët & Chandon - Ice Impérial présentant un habillage inédit, destiné à être servi sur glace, et avoir déposé le 27 janvier 2010 la marque tridimensionnelle n° 8827585 :

en classe 33, pour désigner les " vins mousseux, vins de champagne ".

La société Les Grands Chais de France indique être à la tête d'un groupe de plusieurs sociétés formant le premier vinificateur privé de France, disposer d'une gamme de produits très large, et être à la fois productrice et distributrice de vins.

La société La Maison du Vigneron produit des vins et spécialités du Jura, la société Arthur Metz fabrique des vins tranquilles d'Alsace et des vins effervescents et revendique être le premier producteur de vins d'Alsace, la société Calvet se présente comme une grande maison de négoce de la région bordelaise.

La société MHCS déclare avoir observé en 2014 que la société Les Grands Chais de France et ses filiales avaient lancé six vins mousseux ayant une présentation reprenant celle de son produit, et les caractéristiques de sa marque.

La société MHCS a fait réaliser un constat d'huissier sur internet le 19 août 2014, sur le site www.gcfplanet.com/fr/Accueil-2.html, puis a fait dresser un procès-verbal de saisie-contrefaçon les 16, 17 et 18 septembre 2014.

Par acte des 13 et 14 octobre 2014, la société MHCS a assigné les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz, Calvet devant le Tribunal de grande instance de Paris, en leur reprochant des faits de contrefaçon de marque, concurrence déloyale, commercialisation trompeuse.

Par jugement du 8 avril 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :

- prononcé la déchéance partielle de la marque communautaire tridimensionnelle enregistrée sous le numéro 8837585 pour désigner en classe 33 les " vins mousseux, vins de Champagne " en ce qu'elle vise les " vins mousseux " à compter du 22 mars 2015,

- dit que le présent jugement, une fois devenu définitif, sera transmis à la diligence des parties à l'OHMI aux fins d'inscription sur le registre des marques communautaires,

- débouté la société MHCS de ses demandes au titre de la contrefaçon et au titre des agissements de concurrence déloyale et parasitaire,

- condamné la société MHCS à payer aux sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet la somme globale de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société MHCS aux dépens qui seront recouvrés selon l'article 699 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

La société MHCS a fait appel de cette décision.

Par conclusions du 26 septembre 2017, la société MHCS demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau :

A titre principal,

- juger que les produits " JP Chenet Ice Edition ", " Brut Dargent Ice ", " Francois Montand Ice ", " Arthur Metz Ice ", " depreville Drink On Ice " et " Calvet Ice " des sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet constituent des contrefaçons de la marque de l'Union européenne tridimensionnelle n° 8837585 de la société MHCS ;

- juger que le produit " Blanc Foussy Ice " de la société Les Grands Chais de France est constitutif de concurrence déloyale et parasitaire ;

- juger que la commercialisation par la société Les Grands Chais de France d'un vin " demi-sec " sous le nom " Brut Dargent " est trompeuse ;

A titre subsidiaire,

- juger que les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet ont commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment de la société MHCS ;

EN CONSÉQUENCE :

MESURES D'INTERDICTION :

- interdire aux sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée dans les 15 jours suivants le prononcé de l'arrêt à intervenir, la fabrication et la commercialisation dans l'Union Européenne des produits : " JP Chenet Ice Edition ", " depreville Drink On Ice ", " Calvet Ice ", " Francois Montand Ice ", " Arthur Metz Ice ", " Brut Dargent Ice " et " Blanc Foussy Ice " ;

- interdire aux sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet, sous astreinte de 10 000 euros par infraction dans les 15 jours suivants le prononcé de l'arrêt à intervenir, la fabrication et la commercialisation dans l'Union Européenne de bouteilles identiques ou similaires à la marque de l'Union Européenne n° 8837585 de MHCS ;

- ordonner la destruction, sous contrôle d'huissier de justice et aux frais des sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet et dans le mois suivant la décision à intervenir, du stock de bouteilles " JP Chenet Ice Edition ", depreville Drink On Ice ", " Calvet Ice ", " Francois Montand Ice ", " Arthur Metz Ice ", " Brut Dargent Ice et " Blanc Foussy Ice " actuellement en stock chez GCF, La Maison du Vigneron, Arthur Metz, Calvet ou leurs dépositaires, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

- interdire à la société Grands Chais de France, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée dans les 15 jours suivants le prononcé de l'arrêt à intervenir, la commercialisation d'un produit dénommé " Brut Dargent " pour un vin demi-sec ;

MESURES de RÉPARATION :

A titre principal. Au titre de la contrefaçon de la marque de MHCS :

- condamner la société Les Grands Chais de France à verser à la société MHCS la somme provisionnelle de 1 732 374 euros, sauf à parfaire, au titre du manque à gagner résultant des faits de contrefaçon ;

- condamner les sociétés La Maison du Vigneron et Grands Chais de France solidairement à verser à la société MHCS la somme provisionnelle de 76.994 euros, sauf à parfaire, au titre du manque à gagner résultant des faits de contrefaçon ;

- condamner les sociétés Arthur Metz et Grands Chais de France solidairement à verser à la société MHCS la somme provisionnelle de 115 492 euros, sauf à parfaire, au titre du manque à gagner résultant de la contrefaçon ;

- condamner les sociétés Calvet et Grands Chais de France solidairement à verser à la société MHCS la somme provisionnelle de 100 000 euros, sauf à parfaire, au titre du manque à gagner résultant de la contrefaçon ;

- condamner solidairement les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet à verser la somme provisionnelle de 1 000 000 euros, sauf à parfaire, à la société MHCS au titre des bénéfices indus résultant de la contrefaçon ;

- condamner solidairement les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet à verser la somme provisionnelle de 1 000 000 euros, sauf à parfaire, à la société MHCS au titre du préjudice moral résultant de la contrefaçon ;

A titre principal. Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire :

- condamner la société Les Grands Chais de France à verser à la société MHCS la somme de 100 000 euros en raison de la fabrication et commercialisation du produit " Blanc Foussy Ice " ;

- condamner la société Les Grands Chais de France à verser à la société MHCS la somme de 50 000 euros en raison de la commercialisation d'un produit dénommé " Brut Dargent Ice " pour un vin demi-sec ;

A titre subsidiaire. Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire :

- condamner solidairement les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet à verser à la société MHCS la somme provisionnelle de 2 000 000 d'euros, sauf à parfaire, au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire résultant de la commercialisation des produits " JP Chenet Ice Edition ", Depreville Drink on Ice ", " Calvet Ice ", " Francois Montand Ice ", " Arthur Metz Ice " et " Brut Dargent Ice " ;

MESURE D'EXPERTISE :

- désigner tel expert qu'il plaira à la Cour aux fins d'établir la réalité de la masse contrefaisante ou parasitaire pour les produits " JP Chenet Ice Edition ", " Depreville Drink On Ice ", " Calvet Ice ", " Francois Montand Ice ", " Arthur Metz Ice ", " Brut Dargent Ice " et " Blanc Foussy Ice " ;

MESURES de PUBLICATION :

- ordonner la publication de la teneur de l'arrêt à intervenir dans trois journaux au choix de la société MHCS, dans la limite de 15 000 euros HT par publication, aux frais avancés des sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet selon la forme suivante :

" Par décision du ['], la Cour d'appel de Paris a jugé que la société Grands Chais de France et trois de ses filiales avaient commis des faits de contrefaçon de la marque de MHCS n° 8837585 ici représentée (ou des faits de concurrence déloyale et parasitaire), et l'a condamnée à verser à MHCS ['] euros de dommages-intérêts au total "

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir par extraits ou résumé, en police de caractère Time New Roman de taille 11 minimum, sur une surface totale correspondant à un tiers de la page d'accueil, en haut de la page d'accueil des sites internet accessibles à l'adresse http://www.gcfplanet.com, pendant une période de 3 trois à compter de la signification de l'arrêt ;

En tout état de cause :

- condamner chacune des sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet à verser à la société MHCS une somme de cinquante mille (50 000) euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet aux entiers dépens en ce compris les frais relatifs aux saisies-contrefaçon réalisées les 16, 17 et 18 septembre 2014, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 25 septembre 2017, les sociétés intimées demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En conséquence :

- juger que les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet sont recevables et bien fondées en leurs demandes ;

- prononcer la déchéance des droits de la société MHCS sur la marque communautaire n° 8837585 pour les produits " vins mousseux " en classe 33, et ce depuis le 22 mars 2015,

- juger que les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet n'ont pas commis d'actes de contrefaçon de la marque communautaire n° 8837585 ;

- juger que les sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet n'ont pas commis d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société MHCS ;

-juger que la société MHCS est, si ce n'est irrecevable, en tout état de cause mal fondée en sa demande de condamnation pour pratique commerciale trompeuse dirigée à l'encontre de la société Les Grands Chais de France ;

- juger la société MHCS, si ce n'est irrecevable, à tout le moins mal fondée en l'ensemble de ses demandes ;

À titre subsidiaire,

- juger que la société MHCS ne justifie pas son préjudice et la débouter en conséquence ;

En tout état de cause,

- condamner la société MHCS à payer aux sociétés Les Grands Chais de France, La Maison du Vigneron, Arthur Metz et Calvet la somme de 60 000 euros complémentaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société MHCS aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la Selarlu Belgin P.-J. Avocat, représentée par Maître Belgin P.-J., avocat au barreau de Paris, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 septembre 2017.

MOTIVATION

Sur la déchéance partielle de la marque

Selon MHCS, les " vins mousseux " désignent une catégorie générique qui inclut les vins de Champagne, par opposition aux vins tranquilles.

Le vin de Champagne étant un vin mousseux, en exploitant la marque pour des vins de Champagne, MHCS l'exploite aussi pour des " vins mousseux ".

Selon les intimées, la déchéance doit être confirmée car MHCS ne peut, alors qu'elle a déposé les deux produits " vins mousseux " et " vins de champagne ", soutenir qu'il ne s'agit que d'un même produit. Elles indiquent que MHCS pouvait déposer " vin mousseux bénéficiant de l'appellation Champagne ", et en visant de manière distincte les deux produits lors de son dépôt, ne peut soutenir qu'il s'agit du même.

Sur ce

La marque communautaire tridimensionnelle Moët & Chandon Ice Impérial déposée le 27 janvier 2011 et enregistrée sous le numéro 008837585 vise les produits de la classe 33 " Vins mousseux, vins de " Champagne " " .

Le règlement n°207/2009 du Conseil sur la marque communautaire prévoit, en son article 51 sur les causes de déchéance,

" Le titulaire de la marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :

a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits, si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée ".

Les intimées se voyant reprocher des faits de contrefaçon, elles sont recevables à solliciter la déchéance de la société MHCS sur sa marque, pour les produits " vins mousseux ".

La société MHCS ne conteste pas n'exploiter sa marque que pour les vins de Champagne, et soutient que ceux-ci entrent dans la catégorie générique des vins mousseux.

Les vins de Champagne, comme les vins mousseux, entrent dans la catégorie des boissons alcooliques, et plus particulièrement des vins effervescents ; ils font appel aux mêmes méthodes de fabrication.

Le décret n° 2010-1441 du 22 novembre 2010 relatif à l'appellation d'origine contrôlée " Champagne" précise dans ses annexes, chapitre 1er, §3 " couleur et types de produit ", " l'appellation d'origine contrôlée " Champagne " est réservée aux vins mousseux blancs ou rosés ", et le vin de Champagne est considéré comme du vin mousseux de qualité.

Ainsi, le vin de Champagne entre dans catégorie des vins mousseux, et l'usage sérieux de la marque pour les vins de Champagne constitue une exploitation pour des " vins mousseux ".

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance partielle de la marque de l'appelante pour les " vins mousseux ".

Sur la contrefaçon

Le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 anciennement Règlement CE n° 40/94 sur la marque communautaire prévoit, en son article 9

1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires:

b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

L'article L. 717-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du Règlement (CE) 40/94 du conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire.

Sur la comparaison des produits

La société MHCS soutient que les produits en cause sont identiques, ou à tout le moins fortement similaires, aux produits visés par sa marque.

Les intimées soutiennent que leurs produits sont faiblement similaires avec les vins de Champagne, leurs prix étant très différents et le Champagne étant associé à des occasions particulières.

Sur ce

Les bouteilles en cause contiennent du vin mousseux, soit un produit expressément visé par la marque.

Le vin de Champagne est un vin mousseux répondant à des exigences particulières liées tant à la région de production qu'aux cépages autorisés et aux règles spécifiques à l'appellation d'origine contrôlée " Champagne ", son usage est le même que celui des vins mousseux, étant notamment consommé à l'occasion de fêtes ou de célébrations.

Si les intimées font état de la différence de prix entre les vins de champagne et les vins mousseux qu'elles commercialisent, qui amène le consommateur à faire montre d'une attention particulière lors de l'acquisition d'un tel produit, il convient cependant de ne pas comparer les prix des produits incriminés à celui du produit spécifique Moët & Chandon Ice Impérial mais à ceux des produits 'vins de Champagne' revendiqués dans le dépôt de la marque. Ainsi, les différences de prix entre certains vins mousseux et certains vins de Champagne ne sont pas très marquées, et certains vins mousseux font appel aux mêmes réseaux de distribution que les vins de Champagne.

Au vu de ce qui précède, les produits commercialisés par les intimées sont identiques aux vins mousseux, ou présentent une similarité marquée avec les vins de Champagne visés par le dépôt de marque n° 8837585.

Sur la comparaison des signes

La société MHCS présente sa marque tridimentionnelle et ses éléments distinctifs, soit une bouteille de couleur blanc opaque, une coiffe blanche, une étiquette blanche, une collerette noire avec un écusson doré, un cartouche doré sur la largeur de la partie inférieure de l'étiquette, qui lui confèrent un caractère distinctif en ce qu'elle s'écarte des usages du marché des vins mousseux et de Champagne.

Elle ajoute que la comparaison de sa marque dans son ensemble avec les six produits incriminés révèle l'imitation flagrante, et qu'il convient de procéder à une analyse globale du signe.

Elle soutient que deux bouteilles reprennent à l'identique les cinq caractéristiques de sa marque, soit les vins Arthur Metz Ice et Depreville " Drink on Ice ", l'apparence de ce dernier ayant été modifiée depuis, et que les quatre autres bouteilles reprennent quatre des cinq caractéristiques de sa marque.

Elle conteste toute perte de distinctivité de sa marque, en relevant que les seuls deux produits invoqués antérieurs à son dépôt sont différents, et les autres produits opposés étant postérieurs.

Elle déduit de la forte similarité des produits et des signes l'existence d'un risque de confusion avéré, et reproche au jugement d'avoir isolé certains éléments de sa marque alors que sa distinctivité résulte de leur combinaison.

Selon elle, les différences verbales sont secondaires et insusceptibles de remettre en cause l'impression d'ensemble similaire créée par la reprise de la combinaison des éléments figuratifs.

Les intimées avancent que la marque invoquée est complexe et que, s'agissant de boissons alcooliques, ce sont les signes verbaux qui lui confèrent l'essentiel de sa distinctivité : en l'espèce, les dénominations Moët sur la coiffe des bouteilles, Moët & Chandon au centre de l'étiquette, Impérial, ainsi que la cravate, sont les éléments distinctifs de la marque.

Elles soutiennent que les autres éléments, tels la forme de la bouteille, son caractère opaque, la couleur blanche comme l'usage des couleurs dorée et noire, le terme Ice, sont peu distinctifs. Elles ajoutent que le tribunal, après avoir apprécié les différents éléments composant le produit, a justement considéré la marque dans son ensemble afin d'estimer l'existence ou non d'un risque de confusion.

Elles font état de l'importance des éléments verbaux présents sur la marque, en ce qu'ils permettent l'identification du produit et son origine, et contestent l'usage par la société MHCS des courriels saisis lors des saisies contrefaçon pour établir l'existence d'un risque de confusion.

Selon elles, la société MHCS essaie de s'attribuer un monopole sur la bouteille opaque et blanche, en excluant la prise en considération des autres éléments, et en n'évoquant pas la cravate et les éléments verbaux de sa marque qui en sont les éléments dominants.

Sur ce

La distinctivité de la marque tridimensionnelle se fonde sur l'appréciation globale de la marque par le public pertinent, le caractère distinctif d'une marque signifiant " que cette marque permet d'indiquer le produit pour lequel l'enregistrement est demandé comme provenant d'une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises " (affaire T-178-11, arrêt du 28 mai 2013).

Un signe tridimensionnel doit être considéré dans son ensemble, ce qui n'est pas incompatible avec l'examen successif des différents éléments qui le composent, étant relevé qu'en l'espèce la distinctivité de la marque n'est pas contestée par les intimées.

La marque n° 8837585 représente une bouteille de forme champenoise, opaque, de couleur blanche comme sa coiffe et son étiquette ; sous la coiffe marquée du signe Moët en lettres majuscules dorées disposées en verticale et d'une étoile au niveau du goulot, se trouve une cravate noire en guise de collerette, dont les deux pans à bordures dorées se croisent sous un médaillon doré.

Sur l'étiquette blanche se trouve en position centrale l'inscription Moët & Chandon en noir et dessous Ice Impérial en caractères plus petits, et un cartouche doré sur la largeur de la partie inférieure de l'étiquette.

Une couronne se trouve au-dessus de l'inscription sur l'étiquette, et une étoile en dessous.

Les six bouteilles arguées de contrefaçon par la société MHCS sont des bouteilles blanches, opaques, avec une coiffe et une étiquette de couleur blanche.

Elles présentent toutes une collerette de couleur noire ou à dominante noire et, à l'exception de la bouteille JP Chenet, ont toutes la forme classique de la bouteille des vins mousseux et de Champagne.

La comparaison de la bouteille de crémant d'Alsace Arthur Metz Ice avec la marque montre que les deux bouteilles sont de couleur blanche opaque, comme leur coiffe et leur étiquette, dont la partie inférieure est occupée par une bande dorée.

Si elle présente aussi un écusson doré, la collerette noire de la bouteille d'Arthur Metz Ice est d'une forme différente de celle de la bouteille représentée sur la marque, elle comprend pas deux pans qui se croisent, et ne présente pas une écusson mais plutôt une médaille avec l'inscription 'demi-sec' en dessous en lettres rouge.

Une médaille dorée AM à ruban rouge est stylisée en partie supérieure gauche de l'étiquette de la bouteille incriminée.

L'inscription Ice apparaît sur le sleeve recouvrant la bouteille de manière dégradée.

Les inscriptions, dont les principales sont " Arthur Metz " sur la coiffe et " Crémant d'Alsace " suivi de " Arthur Metz " et " Ice " sur l'étiquette, sont différentes de celles figurant sur l'étiquette de la marque n° 8837585.

La bouteille depréville est opaque, blanche comme sa coiffe et son étiquette.

La collerette noire est d'une forme différente de celle de la marque n° 8837585, elle ne porte pas d'écusson mais y figurent deux têtes de chevaux dorées se faisant face sous lesquelles figurent les inscriptions Depreville, puis Demi-Sec, et Ice.

Sur l'étiquette sont également reproduites ces deux têtes de chevaux se faisant face, au-dessus de l'inscription Depreville et demi-sec.

Sur une bande dorée horizontale figurant en bas de l'étiquette est écrit Drink on Ice.

Sur l'intégralité du sleeve de la bouteille non couverte par les étiquettes et coiffe, figurent des petites représentations graphiques de têtes de chevaux.

Comme les précédentes et celle figurant sur la marque n° 8827585, la bouteille Brut Dargent est blanche comme sa coiffe et son étiquette, et opaque.

Sa collerette est d'une forme différente de celle de la marque, son écusson n'est pas doré mais argenté noir et rouge.

Une petite étiquette blanche de forme ovoïde " Drink Chardonnay on Ice " figure au milieu de la bouteille.

Sur l'étiquette principale est indiqué notamment Brut Dargent, qui apparaît également sur la coiffe de la bouteille en lettres argentées disposées verticalement.

La bande en bas de cette étiquette est argentée, et son sleeve est rayé par des traits argentés.

La bouteille JP Chenet Ice Edition est également blanche, opaque, avec une coiffe et une étiquette de couleur blanche, mais elle présente une forme creusée sur le côté gauche, différente de la bouteille figurant sur la marque n° 8837585.

Sa collerette est de proportion et de formes différentes de celle de la marque, collerette sous laquelle figure un médaillon apparaissant en relief sur la bouteille.

Son étiquette blanche est de forme rectangulaire, il y est inscrit J.P. Chenet comme sur le sleeve. Figurent également sur l'étiquette l'inscription Ice Edition, au-dessus de deux bandes dorées et noires marquant la partie inférieure de cette étiquette.

Comme les autres bouteilles incriminées, la bouteille François Montand Ice est blanche, opaque, avec une coiffe et une étiquette de couleur blanche.

Sa collerette est d'une forme différente de celle de la marque n° 8837585, ne porte pas les deux pans qui descendent, mais un macaron à dominante non dorée utilisant la couleur bleue.

Un écusson reprenant la couleur bleue se trouve également en partie supérieure de l'étiquette, dont la partie inférieure ne présente pas de bande dorée.

Parmi les inscriptions figurant sur l'étiquette, François Montand apparaît nettement en position centrale, ce nom apparaissant aussi sur la coiffe en lettre noires verticales.

Ice est également écrit sur l'étiquette, comme sur la marque.

Le sleeve de cette bouteille est parsemé de petits confettis de couleurs.

Comme les précédentes, la bouteille Calvet Ice est blanche, opaque, avec une coiffe et une étiquette blanche. Sa collerette, de couleur noire et dorée, est de forme différente de celle de la marque n° 8837585, elle porte l'inscription Calvet et Demi-Sec, ainsi que la représentation d'un bâtiment qui serait la place de la bourse de Bordeaux.

L'étiquette est marquée dans ses parties supérieure et inférieure de deux rayures dorées et argentées, au centre et sous la même représentation y sont écrits Calvet, puis Ice, Chardonnay et Demi-Sec. Le terme Ice est répété de manière continue sur la partie inférieure du sleeve.

Comme déjà indiqué, la forme de la bouteille visée par la marque tridimensionnelle est la forme classique de la bouteille dans laquelle sont vendus les vins mousseux et de Champagne.

S'agissant de l'utilisation d'un sleeve recouvrant la bouteille afin de lui donner un aspect opaque, il est établi qu'antérieurement au dépôt de la marque communautaire n° 8837585 par la société MHCS, un de ses concurrents directs -le champagne Lanson- avait enregistré, en classe 33 pour les vins d'appellation contrôlée champagne, une marque représentant une bouteille de champagne dont le corps et l'étiquette étaient blanches, sa coiffe étant dorée.

Une autre marque, Schlumberger White Secco, visant la classe 33 et les vins mousseux, avait également été déposée avant celle de la société MHCS, représentant une bouteille entièrement recouverte d'un sleeve blanc. Aussi l'idée d'utiliser la couleur blanche pour recouvrir des bouteilles de vins mousseux ou de Champagne était apparue et avait été protégée avant le dépôt de la marque de la société MHCS; cette utilisation ne peut en elle-même garantir au consommateur la provenance des produits, même si la société MHCS a été la première à commercialiser son produit.

Les intimées, pour justifier que l'usage d'un sleeve blanc était répandu, font état de présence sur le marché de bouteilles blanches opaques, et produisent de nombreuses pièces en ce sens pour justifier qu'il s'agit d'une tendance de la mode, mais ne justifient pas de leur date de commercialisation.

L'utilisation de cette couleur blanche pour une étiquette apparaît classique, comme celle des couleurs noir et doré pour des collerettes, ces couleurs étant évocatrices de luxe et de moments de célébration lors desquels sont consommées ces bouteilles.

L'usage même d'une collerette et d'un médaillon est répandu sur les bouteilles de mousseux et de champagne ; certains éléments comme les écussons figurant sur les bouteilles incriminées, relevés par la société MHCS comme communs avec sa marque, se trouvent sur l'ensemble des autres bouteilles des gammes auxquelles elles appartiennent, et ne sauraient de la sorte révéler une reprise frauduleuse des éléments de la marque n° 8837585.

Enfin, et comme l'a relevé le tribunal, le terme Ice est évocateur d'une façon de consommer le produit à très basse température, mais pas de la marque n° 8837585, s'agissant de plus d'une tendance de la mode qui consiste à boire des vins effervescents à basse température, ou sur glaçons.

Il importe, après l'examen des différents éléments qui composent la marque n° 8837585, de rechercher si l'impression d'ensemble produite sur le consommateur est de nature à créer un risque de confusion auprès du consommateur.

Il sera relevé que la collerette figurant sur la marque n° 8837585 est une cravate noire, dont les deux pans se croisent sous l'écusson doré et descendent vers le bas de la bouteille ; elle occupe une place principale de par son positionnement et ses dimensions.

Or, une telle cravate ne se retrouve pas sur les bouteilles en cause, ce qui les distingue nettement.

Surtout, l'élément distinctif dominant est le signe dénominatif qui, pour le consommateur des produits en cause soit des boissons alcoolisées, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, constitue l'élément déterminant lors de l'acte d'achat d'une bouteille, en ce qu'il lui permet de connaître l'origine du produit et de l'identifier, de sorte que ce consommateur consacrera une attention particulière aux inscriptions figurant sur l'étiquette.

En l'espèce, la marque n° 8837585 présente sur sa collerette, en lettres dorées placées verticalement en gros caractères, l'inscription Moët, laquelle identifie le produit par sa dénomination, et n'est pas reprise par les autres produits.

Le signe verbal Moët & Chandon se trouve également au milieu de l'étiquette et permet aussi au consommateur désireux de faire l'acquisition d'une bouteille de vin effervescent, d'identifier le produit et de garantir sa provenance.

Ce signe ne figure pas non plus sur les bouteilles querellées alors qu'il constitue l'élément dominant de la marque, la combinaison des autres éléments précédemment analysés n'étant pas suffisamment distinctive de la marque pour que leur présence sur d'autres produits de même type soit de nature à tromper le consommateur sur l'origine du produit.

Les éléments communs à la marque et aux bouteilles en cause, même dans leur combinaison, n'ont pas la même fonction distinctive que les noms Moët et Moët & Chandon inscrits sur la bouteille, que le consommateur gardera en mémoire comme identifiant la marque.

Or, outre la couronne et les étoiles, les signes verbaux Moët et Moët & Chandon, qui apparaissent à trois reprises sur la bouteille protégée par la marque, dont deux fois en forts caractères sur la coiffe et au milieu de l'étiquette, ne sont pas repris par les bouteilles querellées, alors qu'ils sont dominants en ce qu'ils permettent une identification immédiate de l'origine du produit par le consommateur, comme -à un degré moindre- la cravate à deux pans.

Ces éléments verbaux Moët et Moët & Chandon Ice Impérial sont différents aux plans visuel, phonétique et conceptuel, des indications figurant sur les bouteilles querellées.

Par conséquent, malgré l'identité ou la grande proximité des produits et les éléments communs aux bouteilles en cause et à la marque, le risque de confusion entre la marque n°8837585 et ces bouteilles n'est pas établi.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

La société MHCS reproche au jugement de n'avoir pas apprécié globalement les agissements en cause, ni pris en considération l'intention des assignées de créer un risque de confusion.

Elle soutient qu'il s'agit d'une copie évidente, avec la reprise systématique de son produit qui était innovant, qu'il s'agisse de l'assemblage demi-sec pour la consommation sur glace ou de la reprise du packaging de sa bouteille, qui était en rupture avec les codes " classiques " du Champagne et du vin mousseux.

Elle détaille les différents éléments repris par les 6 bouteilles précédemment examinées, ainsi que ceux figurant sur la bouteille Blanc Foussy.

Elle rappelle que l'imitation délibérée d'un conditionnement constitue une concurrence déloyale.

Elle affirme avoir mis en œuvre une communication marketing innovante et coûteuse qui a été copiée, s'agissant de ses visuels comme de ses produits dérivés accompagnant la consommation.

Elle dénonce une stratégie déloyale des intimées, qui ont présenté leurs produits en cause comme un substitut au Moët et Chandon Ice Imperial, et ont voulu se placer dans son sillage comme le révèlent les courriels internes saisis lors de la saisie-contrefaçon.

Les intimées soutiennent que le risque de confusion entre les produits est exclu, ne serait-ce que parce que les noms des produits sont très différents.

Elles indiquent que la consommation de boissons alcooliques avec des glaçons, en " piscine ", est une tendance de la mode, comme le fait d'utiliser un sleeve blanc pour recouvrir la bouteille.

Elles font état de l'importance de la différence de prix entre les produits, qui exclut l'existence d'une concurrence entre les produits, et soulignent la composition " banale " du produit Ice Impérial de MHCS en termes d'assemblage de cépage, composition qui n'est pas reprise par leurs produits.

Elles soutiennent que les éléments de la bouteille Moët & Chandon Ice Impérial ne sont pas imités, pas plus que les produits dérivés ou les visuels publicitaires entourant cette commercialisation, qui présente un caractère banal. Elles mettent en avant l'importance de leur propre investissement et contestent avoir cherché à copier la communication marketing de MHCS. Elles dénient toute concurrence déloyale par la bouteille Blanc Foussy, et soulignent qu'elles ne sauraient être tenues pour responsables des propos relevés sur des blogs.

Sur ce

Le fait de commercialiser une gamme de produits se rapprochant par leur composition de produits concurrents ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale.

Constitue un acte de concurrence déloyale la copie servile d'un produit commercialisé par une entreprise susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle.

Ainsi, il convient de rechercher s'il n'existe pas un tel risque de confusion entre la bouteille Moët & Chandon Ice Impérial commercialisée par la société MHCS, et celles vendues par les intimées.

Les pièces versées montrent que la consommation de boissons alcoolisées dans des grands verres remplis de glaçons correspond à une tendance de la mode, apparue plusieurs années avant le lancement en 2010 de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial, puisque notamment dès 2007 était servi le Champagne Piper Heidsiek Piscine, soit une cuvée brut destinée à être servie avec des glaçons.

Si la société MHCS soutient avoir été la première à concevoir un champagne destiné à être consommé sur glace et avoir fait le choix d'un dosage demi-sec repris par toutes les bouteilles incriminées, elle ne peut en déduire que cela révélerait des faits de concurrence déloyale sauf à bénéficier d'un monopole sur ce dosage, et alors qu'il existe d'autres vins mousseux ou de Champagne extra-sec, demi-sec ou sec se buvant très frais, et que la consommation en 'piscine' de tels vins n'est pas réservée aux vins ayant un dosage brut.

Par ailleurs, les vins des intimées sont des vins mousseux alors que celui de la société MHCS est un vin de Champagne, et le consommateur est averti des différences existant entre ces vins.

Surtout, il existe une très importante différence de prix entre les produits.

Ainsi, la société MHCS ne conteste pas les relevés de prix avancés par les intimées selon lesquelles leurs vins sont commercialisés entre 4 et 8 euros la bouteille, ce qui ressort aussi du procès-verbal de constat du 19 août 2014, alors que les publications de presse annonçaient lors du lancement de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial que son prix était de 35 euros, de sorte que ces bouteilles ne se trouvent pas sur la même tranche du marché.

S'agissant de la bouteille en elle-même, la comparaison des six bouteilles incriminées a déjà été réalisée avec la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial reproduite par la marque au titre de la contrefaçon, la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial ne se distinguant de la marque qu'en ce qu'y figurent en petits caractères des inscriptions absentes des bouteilles des intimées, ce qui constitue une différence supplémentaire.

Il est en outre justifié que l'utilisation d'un necker -ou sur-étiquette de col- est répandue pour les vins mousseux ou de champagne.

de même, les étiquettes à l'arrière des sept bouteilles querellées montrent des verres à pieds remplis de vins blancs mousseux avec des glaçons, également représentés à côté des verres, de sorte qu'elles illustrent une modalité suggérée de dégustation ; elles se distinguent de celle figurant au dos de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial, qui ne montre que des glaçons flottant dans du champagne.

La bouteille de vin Blanc Foussy, visée par la société MHCS au titre de la concurrence déloyale et parasitaire à titre principal, est comme les autres bouteilles incriminées recouverte d'un sleeve blanc opaque, d'une étiquette et d'une coiffe blanches.

Elle présente une collerette composée d'une bande supérieure de couleur vert foncé et d'une bande inférieure de couleur doré, et d'un écusson doré et vert en son milieu. Cette collerette n'est pas noire et ne présente pas les deux pans de cravate comme celle de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial.

La forme de la bouteille est différente de celle de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial, et des paons de couleur vert sont représentés sur l'ensemble du sleeve.

deux paons figurent également sur l'étiquette de part et d'autre de l'indication Blanc Foussy surmontée de Ice et suivie en plus petits caractères de Chardonnay et Demi-Sec.

Le signe Blanc Foussy est aussi régulièrement reproduit sur la coiffe de la bouteille.

Ces différences, en particulier la reproduction caractéristique du paon sur la bouteille à plusieurs reprises et la présence du signe verbal Blanc Foussy au centre de l'étiquette, excluent le risque de confusion avec la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial.

La société MHCS présente sa demande à titre principal au titre de la concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société les grands chais de France pour le vin mousseux Brut argent Ice, lequel est produit par La maison du vigneron, de sorte que cette demande principale apparaît mal dirigée.

Au surplus, alors que l'appelante soutient que l'indication Brut Dargent sur une bouteille serait de nature à induire le consommateur en erreur en l'incitant à penser qu'il achète un produit présentant un dosage brut alors qu'il s'agit d'un demi-sec, une telle incitation serait de nature à écarter le risque de confusion avec la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial, qui est un champagne demi-sec.

La bouteille Brut Dargent ne saurait non plus révéler une tromperie pour le consommateur auquel serait vendu sous cette dénomination un vin demi-sec et non un vin brut, alors que l'indication demi-sec apparaît trois fois sur les étiquettes figurant sur la bouteille, de sorte que le consommateur sera renseigné sur la nature du produit et considérera Brut Dargent comme la dénomination du produit et non comme une indication relative à son dosage, ce d'autant que toutes les bouteilles de cette gamme de produits porte la même dénomination.

Ainsi, la commercialisation sous cette dénomination ne saurait constituer une faute de concurrence déloyale au préjudice de la société MHCS.

Au vu des différences relevées entre la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial et chacun des produits incriminés, dont les noms visibles immédiatement pour le consommateur sont nettement différents de celui de la bouteille Moët & Chandon Ice Impérial, et de l'important écart de prix entre les produits vins mousseux et la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial, le consommateur ne sera pas amené à confondre les produits en cause.

Ainsi, le grief de concurrence déloyale n'est pas constitué, et le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant du parasitisme, il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion.

En l'espèce, les bouteilles incriminées présentent un sleeve blanc opaque marqué de petits motifs, comme la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial.

Par ailleurs, à l'exception des bouteilles Blanc Foussy et depréville, ce sleeve présente un dégradé comme la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial, dont le motif argenté va du plus intense en bas vers le moins marqué vers le haut de la bouteille, même si les motifs figurant des bouteilles en cause sur les sleeve est différent.

En outre, à l'exception de la bouteille Blanc Foussy, elles ont une coiffe blanche sur une collerette essentiellement noire, comme la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial.

Si des similitudes de présentation des produits s'inscrivent dans un usage habituel du commerce ou dans des courants de la mode, en l'occurrence la reprise servile des éléments de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial et de ses produits dérivés, qu'aucune circonstance ne commandait, est de nature à révéler une volonté délibérée de profiter des efforts de conception engagés par la société MHCS.

Cette volonté est au demeurant clairement confirmée par les courriels échangés entre les employés des sociétés concernées, appréhendés lors des opérations de saisie-contrefaçon.

Ainsi monsieur G., " brand ambassador " chez LGCF, indiquait dans son message du 21 mars 2014 :

" Packaging : essayer de s'approcher de Moet Ice = coiffe avec le nom / sleeve blanc avec des point doré /bas de la coiffe comme un ruban noir ".

Dans un courriel du 25 octobre 2013, Monsieur Romain M., " brand manager des grands chais de France ", désignait comme la cible la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial et en déduisait " les codes couleurs doivent par conséquent être identique " (sic), ce qui révèle la volonté de profiter du travail développé par la société MHCS pour l'élaboration de sa bouteille et de sa décoration, et de se mettre dans son sillage en adoptant les mêmes codes couleurs sans avoir à financer des études et recherches pour ses propres produits.

Les courriels suivants établissent qu'il a alors été décidé de placer la marque Calvet sur la coiffe de la bouteille inscrite en caractères dorés, et la bouteille en cause présente effectivement l'inscription Calvet en lettres dorées placées verticalement sur sa coiffe, à l'avant et à l'arrière de la bouteille, comme la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial.

La coiffe de cette bouteille Calvet présente aussi un relief en losange ou pointe de diamant identique à celui de la coiffe de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial qui s'explique par la volonté de se placer dans le sillage de la société MHCS.

Cette volonté ressort encore d'un courriel du 30 janvier 2014 suspendant le lancement au Liban d'une autre bouteille afin de " laisser l'avantage à Calvet Ice qui est mieux adapté pour prendre des PDM à Moët & Chandon ".

Il résulte aussi des courriels saisis que le sleeve blanc comme le verre de plastique blanc diffusé pour le vin mousseux JP Chenet ont été choisis explicitement en s'inspirant directement de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial.

Ainsi s'agissant du sleeve, une directrice commerciale pour les Pays-Bas écrivait le 31 juillet 2013 qu'un client " souhaiterait avoir le Chenet Sparkling avec un sleever blanc (comme le Ice Imperial de Moët!) " et ajoutait " je lui envoie le Chenet avec le Sleever noir. Mais il voulait carrément le blanc... Donc si nous pouvions encore créer quelque chose qui serait une copie de Moët Ice, ce serait super! " ; quelques jours plus tôt, le 5 juillet 2013, la responsable achat matière Sèches pour le groupe grands chais de France transmettait à la direction marketing de la société " suite à votre demande, le prix estimatif d'un sleeve sur bouteille champenoise basée sur un décor similaire à Moët ".

S'agissant des verres en plastique blanc, monsieur Romain M. écrivait le 14 mai 2014 " Moët inonde les événements qu'il organise de verres PET blanc. Si on veut se positionner en alternative crédible, on se doit de jouer aussi cette carte. Cela va avec le concept ", et il ressort des courriels saisis qu'un verre à pieds en PET blanc comme celui de la société MHCS a été développé pour le vin JP Chenet.

Il ressort de ce qui précède qu'au moins pour les bouteilles Calvet et JP Chenet, les intimées se sont placées dans le sillage de la société MHCS tant pour la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial que pour les produits dérivés, ce qui leur a permis de limiter leurs investissements et efforts de création dans l'élaboration de leurs propres produits.

Le directeur des ressources humaines de la société MHCS atteste qu'un cadre du service marketing de Moët & Chandon était dédié à la création et au développement du produit Moët & Chandon ice Imperial au cours des années 2009 et 2010, pour un coût salarial (charges sociales comprises) de 105 000 euros par an.

La société MHCS fait état de l'importance de son budget promotionnel et publicitaire pour ce produit, et verse une attestation de son directeur administratif et financier selon lequel ce budget était supérieur à 1 266 000 euros pour la France pour les années 2010 à 2014, et à 2,5 millions d'euros pour l'Union Européenne.

La société MHCS a également fait appel à une agence de création de packaging pour la mise au point de la bouteille Moët & Chandon Ice Imperial, de sorte qu'elle justifie des frais engagés pour le développement de ce produit.

L'engagement par les intimées de frais de marketing et de conception ne saurait écarter tout parasitisme, l'appropriation du résultat des frais engagés par la société MHCS leur ayant permis de réaliser des économies sur le budget consacré au développement de ses produits.

Ces seuls éléments caractérisent la démarche suivie par les intimées consistant à se placer dans le sillage de la société MHCS, afin de réaliser des économies de conception en reprenant à leur compte les efforts réalisés par cette société, de sorte que le grief de parasitisme pour les bouteilles Calvet et JP Chenet est établi.

Le jugement sera dès lors infirmé de ce chef.

Sur les mesures de réparation

Le seul grief de parasitisme étant retenu, il ne saurait être fait droit aux demandes d'interdiction et de destruction sollicitées par la société MHCS.

Il n'apparaît de même pas justifié de faire droit à la demande de désignation d'un expert afin de chiffrer le préjudice résultant du parasitisme.

Le préjudice dont a souffert la société MHCS du fait de la captation de ses investissements par les intimées pour le développement des deux bouteilles retenues sera justement réparé, au vu des pièces précitées produites par la société appelante, par la condamnation des sociétés Les grands Chais de France et Calvet au paiement de la somme de 100 000 euros.

Il ne sera pas fait droit à la demande de publication.

Sur les autres demandes

Les sociétés Les grands Chais de France et Calvet, succombant au principal, seront condamnées au paiement des dépens.

Elles seront également condamnées au paiement de la somme totale de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à la société MHCS, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon.

par ces motifs : LA COUR, confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société MHCS de ses demandes au titre de la contrefaçon et au titre des agissements de concurrence déloyale ; l'infirme en ce qu'il a prononcé la déchéance partielle de la marque communautaire tridimensionnelle enregistrée sous le numéro 8837585, débouté la société MHCS de sa demande au titre du parasitisme, condamné cette société sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ; Statuant à nouveau de ces chefs, déboute les sociétés intimées de leurs demandes de déchéance de la marque communautaire numéro 8837585 ; dit que les sociétés Les grands Chais de France et Calvet ont commis des actes de parasitisme et les condamne in solidum au versement de la somme de 100 000 euros à la société MHCS à titre de dommages et intérêts ; condamne in solidum les sociétés Les grands Chais de France et Calvet au paiement de la somme de 25 000 euros à la société MHCS au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; condamne in solidum les sociétés Les grands Chais de France et Calvet aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.