CA Grenoble, 1re ch. civ., 21 novembre 2017, n° 15-02264
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Profil direct (SARL)
Défendeur :
Les œuvres des Papillons blancs de Salon-de-Provence (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Combes
Conseillers :
Mmes Jacob, Blatry
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Autorisée par ordonnance du 6 août 2012 à assigner à jour fixe, la société Profil Direct a fait citer l'association Les œuvres des Papillons Blancs de Salon-de-Provence (l'Association) devant le Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu à l'effet de voir prononcer la résolution judiciaire des relations d'agent commercial existant entre les parties aux torts de l'Association et à l'effet d'obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes.
Par jugement du 10 janvier 2013, cette juridiction a ordonné la réouverture des débats à l'effet d'inviter l'Association à mettre en cause l'ADAPEI de l'Ain.
Selon jugement du 5 septembre 2013, le tribunal s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.
Par arrêt du 14 janvier 2014 sur contredit, la présente cour d'appel a déclaré le Tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu compétent.
Par jugement du 7 mai 2015, cette dernière juridiction a :
- débouté la société Profil Direct de ses demandes liées à l'existence d'un contrat d'agent commercial entre les parties,
- condamné l'Association à payer à la société Profil Direct la somme de 14 637,64 en deniers ou quittances s'agissant de la facture n° 004/06/2013,
- rejeté le surplus des demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné l'Association aux dépens de la procédure.
Suivant déclaration du 2 juin 2015, la société Profil Direct a relevé appel de cette décision.
Par dernières écritures en date du 31 juillet 2015, la société Profil Direct demande de :
- prononcer la résolution judiciaire des relations d'agent commercial existant entre les parties aux torts de l'Association,
- condamner l'Association à lui payer les sommes de :
155 465,025 à titre d'indemnité de cessation des relations d'agent commercial,
14 637,64 correspondant au montant des créances échues impayées sauf à parfaire,
3 000 d'indemnité de procédure.
Elle fait valoir que :
- l'Association l'a mandatée pour qu'elle réalise, pour son compte, des prestations commerciales, en l'occurrence, la commercialisation de différents articles qu'elle distribuait,
- la production de bons de commande à l'entête de l'Association a donné lieu à des livraisons effectives d'articles de l'Association,
- elle a émis des factures de commissions qui ont été systématiquement réglées jusqu'en 2012 par l'Association,
- les éventuels accords entre l'Association et l'ADAPEI de l'Ain sont insusceptibles de remettre en cause la réalité des relations existant entre les parties,
- la réalité du mandat directement donné par l'Association à son profit pour qu'elle procède, en son nom et pour son compte, à la vente des produits a été explicitement reconnu,
- l'existence d'un contrat de franchise entre l'Association et l'ADAPEI de l'Ain ne suffit pas à exclure le contrat d'agent commercial entre l'Association et elle-même,
- l'ADAPEI de l'Ain a abandonné sa prestation de commercialisation,
- la cour dans son arrêt du 14 janvier 2014 a, au regard des dispositions de l'article L. 134-1 du Code du commerce, retenu l'existence du contrat d'agent commercial,
- l'Association est défaillante dans son obligation de paiement et dans son obligation de loyauté, en refusant de donner suite à des commandes sous des prétextes fallacieux,
- l'Association a, également sollicité, son ancien directeur commercial pour procéder à la commercialisation des produits ainsi que des concurrents.
Par conclusions récapitulatives du 21 septembre 2015, l'association Les œuvres des Papillons Blancs de Salon-de-Provence sollicite de :
1) à titre principal, confirmer le jugement déféré, sauf sur sa condamnation à paiement du fait du décommissionnement de la créance invoquée dont elle demande le rejet
2) subsidiairement, dire qu'elle ne peut être engagée dans un contrat d'agent commercial et débouter son adversaire,
3) très subsidiairement, dire qu'elle n'a commis aucun manquement grave, contrairement à l'appelante, et débouter celle-ci,
4) encore plus subsidiairement, réduire de façon substantielle le montant de son éventuelle condamnation,
5) en tout état de cause
- condamner la société Profil Direct à lui payer des dommages-intérêts de 35 000 , outre une indemnité de procédure de 5 000 ,
- voir l'ADAPEI de l'Ain concourir au débouté de la société Profil Direct et dire qu'elle devra produire aux débats l'assignation qui lui a été délivrée à la requête de la société Profil Direct.
Elle expose que :
- il n'existe aucune relation contractuelle avec la société Profil Direct,
- elle est une association loi 1901,
- le 15 décembre 1997, elle a signé un contrat de franchise avec l'ADAPEI de l'Ain, franchiseur,
- c'est le franchiseur qui a choisi la société Profil Direct et qui a défini les conditions de la force de vente,
- la société Profil Direct est uniquement en relation avec l'ADAPEI, ce qu'elle a, d'ailleurs, reconnu,
- dans son arrêt sur contredit, la Cour d'appel de Grenoble n'a jamais tranché le fond du litige,
- n'ayant ni la qualité de commerçant ou encore d'agent commercial, elle ne peut être mandant à un contrat d'agent commercial,
- elle n'est pas une entité juridique ayant une activité économique et commerciale impliquant la circulation de biens,
- il appartient à celui qui se revendique agent commercial de démontrer son pouvoir de négociation des contrats de vente avec les clients, soit de discuter les prix, les quantités, d'accorder des remises de prix et plus généralement de les contrats à intervenir,
- la société Profil Direct fait essentiellement de la prospection téléphonique, soit une simple activité de démarchage,
- elle lui transmet essentiellement la dénomination des produits commandés ainsi que leur quantité,
- elle seule établit les bons de commandes à son nom à partir des simples relevés fournis par la société Profil Direct,
- la société Profil Direct ne dispose d'aucune indépendance et ne dispose pas du pouvoir de choisir les clients,
- la société Profil Direct n'a, d'ailleurs, jamais régularisé le moindre bon de commande puisqu'elle exerce un contrôle strict sur les commandes collectées et peut ainsi refuser de donner suite à certaines commandes,
- en tout état de cause, elle n'encourt aucun reproche compte tenu du faible montant des impayés sur une faible durée, ce qui ne saurait constituer un manquement grave,
- la société Profil Direct propose désormais des produits de la franchise Champ d'or à d'autres ESAT en se servant de ses propres fichiers,
- de surcroît, la somme réclamée est excessive,
- elle a réglé un certain nombre de factures le 27 juillet 2012 (8 437,07 ) et le 30 mai 2013 (15 779,46 ),
- le solde est réclamé à tort par la société Profil Direct s'agissant de commissions sur des commandes inexploitables.
L'ADAPEI de l'Ain, citée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
La décision sera réputée contradictoire.
La clôture de la procédure est intervenue le 19 septembre 2017.
SUR CE
A titre liminaire, il convient de relever que la demande de l'Association tendant à " voir l'ADAPEI de l'Ain concourir au débouté de la société Profil Direct " n'étant pas compréhensible, il ne peut y être répondu.
En outre, la communication de l'assignation délivrée par la société Profil Direct à l'ADAPEI de l'Ain n'étant pas utile pour trancher le présent litige, cette demande sera rejetée.
1) Sur les relations entre l'Association et la société Profil Direct
Selon l'article L. 134-1 du Code de commerce, l'agent commercial est un mandataire, qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage d'ouvrage, est chargé de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location, de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
Il convient de déterminer si la société Profil Direct a été ou non mandatée par l'Association de négocier et a conclu pour son compte, des contrats de vente, ce que la première prétend, alors que la seconde allègue le contrat de franchise la liant à l'ADAPEI de l'Ain.
Préalablement, il convient de rappeler que dans son arrêt du 14 janvier 2014 sur contredit de compétence, la cour n'a pas, dans son dispositif, tranché le fond du litige sur l'existence ou non d'un contrat d'agent commercial et qu'il ne peut être prétendu aucunement à l'autorité de la chose jugée sur ce point.
Aux termes du contrat de franchise conclu entre, d'une part, l'ADAPEI de l'Ain en qualité de franchiseur et, d'autre part, l'Association en qualité de franchisée :
- selon l'article 3.2.2 : " le franchiseur assumera la représentation des produits visés à l'article auprès de la clientèle sur le secteur concédé au franchisé, au nom et pour le compte de celui-ci.
Cette représentation sera exécutée par l'entremise des VRP, chefs d'équipes, responsables régionaux, équipe d'animation composant la force de vente du franchiseur qui resteront naturellement les préposés du franchiseur et agiront dans le cadre des règles d'organisation fixées par lui... de convention expresse et par application de l'article 15 de la loi du 25 juin 1991, les parties conviennent que cette activité d'agence commerciale conférée au franchiseur n'est que l'accessoire du contrat de franchise et qu'en conséquence, ladite loi ne sera pas applicable ",
- selon l'article 6 : " en ce qui concerne l'assistance commerciale visée au 3.2.2 qui précède, le mandataire gérant la force de vente du franchiseur, facturera directement au franchisé, chaque dernier jour du mois, une commission égale à 37 % du chiffre d'affaires hors taxe des ventes réalisées sur le secteur concédé au franchisé ".
Il ressort de ces dispositions contractuelles que la société Profil Direct fait partie de la force de vente du franchiseur, l'ADAPEI de l'Ain, celle-ci qui exerce seule l'activité d'agence commerciale, l'ayant mandatée pour négocier et vendre pour son compte.
Alors que l'Association n'a eu ni le choix de la force de vente du franchiseur, en l'espèce la société Profil Direct, ni celui du montant de la rémunération de celle-ci, les relations qui existent entre les parties ne ressortent que de l'application du contrat de franchise et ne caractérisent pas un contrat d'agent commercial puisqu'il n'existe ni mandat direct entre les parties ni facturation directe entre elles.
La société Profil Direct, qui est le mandataire de l'ADAPEI de l'Ain, a mal dirigé ses demandes et a été, à juste titre, déboutée de ses prétentions relatives à l'existence d'un contrat d'agent commercial conclu avec l'Association.
2) Sur le paiement des commissions
Selon les dispositions précédentes, le règlement des commissions dues à l'agent commercial du franchiseur est effectué directement et chaque mois par le franchisé.
Pour contester sa condamnation de payer à la société Profil Direct la somme de 14 637,64 au titre des commissions restant dues, l'Association, après avoir indiqué que seul un retard de paiement a été à déplorer à l'époque de l'assignation et qu'elle s'était acquittée de plusieurs règlements depuis, prétend au décommissionnement du fait de factures non exploitables.
Au soutien de sa position, l'Association produit divers échanges de mails et des factures dont il ressort qu'il existe des relations conflictuelles, lesquelles par application du contrat de franchise auraient dues être traitées de façon tripartite avec le franchiseur.
Dès lors, l'Association ne démontrant pas que les sommes restant dues, selon décompte établi par le comptable de la société Profil Direct, devaient faire l'objet de décommissionnement, il convient de confirmer sa condamnation à paiement du solde de la facture n° 004/06/2013.
Par voie de conséquence, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
3) Sur la demande en dommages-intérêts de l'Association
L'Association, qui prétend à la condamnation de son adversaire à lui payer des dommages-intérêts de 35 000 , ne caractérise pas même une faute de la part de la société Profil Direct ni le préjudice qu'elle allègue, ne concluant pas sur ce point dans ces écritures.
En conséquence, il convient de rejeter cette prétention.
4) Sur les mesures accessoires
L'équité justifie de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Enfin, la société Profil Direct sera condamnée aux dépens d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Rejette les demandes de l'association Les œuvres des Papillons Blancs de Salon-de-Provence en communication de pièce et en dommages-intérêts, Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Profil Direct aux dépens de la procédure d'appel avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.