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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 16 novembre 2017, n° 16-06245

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sanac (Société Anonyme Nouvelle des Automobiles du Cambrésis) (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zavaro

Conseillers :

M. Poupet, Mme Boutié

TGI Cambrai, du 13 juill. 2016

13 juillet 2016

Le 31 janvier 2011, M. Gérald T. a fait l'acquisition d'un véhicule d'occasion Renault Laguna immatriculé 179 CKT 59 et présentant 127.000 kms pour un prix de 7 900 euros auprès de la SA Sanac.

Invoquant des désordres affectant le véhicule, par acte d'huissier en date du 14 octobre 2015, M. T. a fait assigner la SA Sanac aux fins de :

- prononcer la nullité de la vente du véhicule ;

- condamner la SA Sanac, en réparation du préjudice subi, au paiement de la somme de 8 266,50 euros en remboursement du prix et l'établissement de la carte grise outre celle de 149 euros et celle de 82 euros au titre des vidanges réalisées et celle de 1 548,24 euros au titre du remplacement du compresseur de climatisation ainsi qu'au coût de l'assurance ;

- sa condamnation au paiement de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts outre de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'expertise et de remorquage.

Par jugement en date du 13 juillet 2016, le Tribunal de grande instance de Cambrai a :

- prononcé l'annulation de la vente du véhicule ;

- condamné la SA Sanac à payer à M. T. la somme de 10 045,74 euros au titre de la restitution du prix des causes sus-énoncées ;

- condamné la SA Sanac à payer à M. T. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre celle de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens comprenant les dépens du référé expertise et le montant des honoraires d'expert judiciaire et de remorquage du véhicule lié à l'expertise judiciaire.

Par déclaration en date du 17 octobre 2016, la SA Sanac a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 janvier 2017, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et conclut au débouté de M. T. en toutes ses prétentions.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour d'enjoindre à M. T. de restituer le véhicule objet de la vente dans les quinze jours du prononcé de l'arrêt, de statuer ce que de droit sur le prix de vente et de débouter M. T. de ses demandes indemnitaires.

A titre reconventionnel, elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts liés à l'utilisation du véhicule.

En tout état de cause, elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise et de remorquage.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- les désordres constatés sur le véhicule sont liés à l'utilisation normale et à son âge et ne constituent pas des vices cachés ;

- ils ont été intégralement pris en charge par le garage ;

- le certificat de contrôle technique a été fourni lors de la remise de la carte grise définitive en mars 2011 ;

- M. T. n'a subi aucun préjudice dans la mesure où il a pu rouler près de 17.000 kms avec le véhicule ;

- la demande en résolution de la vente fondée sur les dispositions combinées des articles 1335 et 1615 du Code civil n'est pas fondée;

- M. T. ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un dol.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 10 mars 2017, M. T. sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions outre la condamnation de la SA Sanac à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient que :

- la remise à l'acheteur des documents administratifs relatifs au véhicule vendu constitue une obligation contractuelle essentielle du vendeur ;

- le tribunal a estimé à juste titre que la SA Sanac avait manqué à son obligation de délivrance comme à son obligation d'exécution de bonne foi de la convention ;

- la SA Sanac lui a caché que le véhicule avait été accidenté alors que cette information aurait dû être portée à sa connaissance.

MOTIVATION

Sur la demande principale

Aux termes des dispositions de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

L'article 5 du décret du 4 octobre 1978 dispose que 'tout vendeur professionnel ou non professionnel d'un véhicule automobile soumis à la visite technique prévue par les dispositions des articles R. 119-1 et R. 120 du Code de la route remet à l'acheteur non professionnel avant la conclusion du contrat de vente, le procès-verbal de contrôle technique établi depuis moins de six mois, ainsi que les procès-verbaux des éventuelles contre-visites'.

En cause d'appel, M. T. invoque en premier lieu l'existence d'un dol commis par la SA Sanac.

Il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que le véhicule acquis par M. T. a été accidenté en février 2010 ce qui a conduit au remplacement de la porte avant gauche.

En sa qualité de professionnelle de l'automobile, la SA Sanac est tenue d'une obligation précontractuelle d'information à l'égard de son client quant à l'état réel du véhicule et notamment quant à un éventuel accident subi par ce dernier et il lui appartient de prouver qu'elle a exécuté cette obligation ; il convient de relever que la SA Sanac ne conteste pas ne pas avoir respecté son obligation de renseignement à l'égard de M. T. quant à l'accident subi par le véhicule.

En outre, l'expert indique que le contrôle technique du véhicule n'a pas été réalisé avant la vente, en contravention avec les dispositions de l'article 5 du décret du 4 octobre 1978 susvisé, et que la carte grise du véhicule n'a pu être remise à l'acquéreur lors de la livraison du véhicule; l'expert précise aussi que la SA Sanac a profité du remplacement du filtre à pollen sous garantie pour réaliser le contrôle technique du véhicule le 30 mars 2011, sans en avertir le propriétaire, et demander la carte grise au nom de M. T..

Tant le manquement de la SA Sanac à son obligation d'information que la livraison d'un véhicule à l'acquéreur sans communication du procès-verbal de contrôle technique ni de la carte grise ainsi que la réalisation du contrôle technique après la vente et à l'insu de l'acquéreur, constituent des manœuvres dolosives au sens de l'article 1116 du Code civil.

En outre, le fait que le véhicule soit âgé de cinq ans et présente 127.000 kms au compteur ne saurait exonérer la SA Sanac de sa responsabilité dès lors que l'état du véhicule antérieur à la vente et notamment le fait qu'il ait été accidenté constitue un élément déterminant du consentement de M. T. dès lors que ce dernier, s'il en avait été informé, aurait renoncé à cette acquisition.

Si l'expert précise ne pas retenir l'existence de vices cachés antérieurs à la vente dans la mesure où l'accident subi par le véhicule en 2011 ne constitue pas un événement significatif et important' et n'a entraîné qu'un mauvais réglage de la porte avant gauche nécessitant un repositionnement dans ses charnières pour avoir un réglage harmonieux avec les éléments adjacents, l'accident subi par le véhicule implique la réalisation de travaux de réparations de sorte que l'information tenant à l'existence de cet accident aurait dû être donnée à M. T. pour lui permettre de contracter en toute connaissance de cause; dès lors, le vendeur professionnel avait intérêt à cacher l'existence de l'accident à M. T. afin d'inciter ce dernier à acquérir le véhicule litigieux.

En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résolution du contrat de vente et condamné la SA Sanac à rembourser à M. T. la somme de 8 266,50 euros au titre du remboursement du prix et des frais de délivrance du certificat d'immatriculation outre celles de 149 euros au titre de la vidange effectuée le 7 juillet 2011, celle de 82 euros au titre de la vidange du 25 avril 2012 et celle de 1 548,24 euros au titre du remplacement du compresseur de climatisation.

La décision entreprise sera toutefois complétée en ce qu'il y a lieu de condamner M. T. à restituer le véhicule à la SA Sanac dans le délai de quinze jours à compter de la restitution du prix de vente.

Toutefois, M. T. ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé ; dès lors, les agissements du vendeur et les tracas engendrés par la présente procédure seront justement indemnisés par l'allocation de la somme de 1 000 euros que la SA Sanac sera condamnée à payer à M. T. en réparation de son préjudice moral, la présente décision étant infirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

La SA Sanac qui succombe, sera condamnée à supporter les entiers dépens en application de l'article 699 du Code de procédure civile, comprenant les honoraires de l'expert judiciaire et le coût du remorquage du véhicule.

La SA Sanac supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à M. T. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, - Confirme le jugement rendu le 13 juillet 2016 par le Tribunal de grande instance de Cambrai en toutes ses dispositions à l'exception de celles relatives à l'indemnisation du préjudice moral subi par M. T. ; Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant : - Ordonne à M. Gérald T. de restituer le véhicule Renault Laguna immatriculé BK 248 BP à la SA Sanac dans le délai de quinze jours à compter de la restitution du prix de vente par cette dernière ; - Condamne la SA Sanac à payer à M. Gérald T. la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; - Condamne la SA Sanac à payer à M. Gérald T. la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile; - Condamne la SA Sanac aux entiers dépens comprenant les honoraires de l'expert judiciaire et le coût du remorquage du véhicule.