Livv
Décisions

CA Angers, ch. com. A, 21 novembre 2017, n° 15-01889

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dirickx Industries (SAS)

Défendeur :

Maser Engineering (SARL), INDUSTRIE PRODUITS SERVICES (SAS), MJ SYNERGIE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Van Gampelaere

Conseillers :

Mmes Monge, Portmann

T. com. Laval, du 6 mai et 17 juin 2015

17 juin 2015

FAITS ET PROCEDURE

Courant décembre 2003, la société Thermolaquage grandes longueurs (la société TGL) a commandé à la société Sunkiss devenue la société Sunkiss Matherm Systems puis la société SKM Industrie (la société SKM) deux grands fours industriels destinés à cuire la peinture en poudre projetée sur des portails de grandes dimensions pour un coût total de 400 000 euros HT. Deux brûleurs fabriqués par la société Industrie produits services (la société Ipros) ont été installés dans chaque four, lesquels ont été mis en service en juin 2004.

Se plaignant de la dégradation des brûleurs et de déperditions importantes de chaleur, la société TGL a obtenu le 24 septembre 2007 en référé l'instauration d'une expertise judiciaire qui, par ordonnance du 6 mai 2008, a été étendue à la société Maser Engineering (la société Maser) chargée du montage des fours. L'expert judiciaire a déposé son rapport le 29 avril 2011.

Le 22 mars 2013, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société SKM, la SELARL MJ Synergie étant désignée en qualité de liquidateur.

Le 13 mai 2013, la société Dirickx industries (la société Dirickx), venant aux droits de la société TGL, a assigné la société SKM représentée par son liquidateur, la société Ipros et la société Maser devant le tribunal de commerce de Laval en réparation du préjudice causé par les dysfonctionnements affectant les brûleurs et le calorifugeage des fours.

Par jugement du 6 mai 2015, le tribunal a "condamné la liquidation judiciaire" de la société SKM à payer à la société Dirickx la somme de 22 975 euros HT pour le remplacement des brûleurs, la somme de 92 250 euros HT pour la réfection de l'isolation dont 9 225 euros in solidum avec la société Maser, la somme de 3 347 euros HT pour les pressostats, la somme de 8 820 euros HT au titre des préjudices complémentaires, débouté la société Dirickx de toutes ses demandes contre la société Ipros, condamné la société Maser à payer à la société Dirickx la somme de 9 225 euros in solidum avec la liquidation judiciaire de la société SKM, condamné la liquidation judiciaire de la société SKM au paiement d'une somme de 15 000 euros HT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la société Dirickx à verser à la société Ipros la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la liquidation judiciaire de la société SKM à 95 % des frais d'expertise, constats d'huissier de justice et dépens et condamné la société Maser aux 5 % restants de ces frais et dépens.

Par jugement du 17 juin 2015, le tribunal, à la requête de la société Ipros, a rectifié diverses erreurs matérielles affectant la désignation du siège social de la société Ipros et le nom des conseils de la société Ipros et de la société Maser.

Selon déclaration adressée le 25 juin 2015, la société Dirickx a interjeté appel de la décision ainsi rectifiée. La société Maser a relevé appel incident.

Les parties ont toutes conclu à l'exception de la société SKM représentée par la SELARL MJ Synergie, liquidateur à sa liquidation judiciaire, qui, assignée en l'étude de l'huissier de justice, n'a pas constitué avocat mais s'est vu signifier les conclusions des différentes parties.

Une ordonnance rendue le 4 septembre 2017 a clôturé la procédure.

Dans un rapport écrit remis aux parties avant l'audience, la cour a demandé à la société Dirickx ses observations écrites sur le fait que la société SKM étant en liquidation judiciaire, la demande de condamnation à paiement de cette société violait l'interdiction prévue à l'article L. 622-21 1° du Code de commerce et les conséquences juridiques à en tirer dans la présente instance. La cour a également demandé à la société Dirickx de justifier de sa déclaration de créance à la procédure collective.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les dernières conclusions, respectivement déposées les 10 juillet 2017 pour la société Dirickx, 14 juillet 2017 pour la société Ipros et 11 juillet 2017 pour la société Maser, auxquelles il conviendra de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

La société Dirickx demande à la cour de réformer le jugement déféré, à titre principal, au visa de l'article 1147 du Code civil, de dire responsables in solidum les sociétés SKM et Ipros des préjudices résultant des dysfonctionnements des brûleurs implantés dans les fours, en conséquence de les condamner in solidum à lui payer une somme de 72 109 euros en indemnisation du préjudice en résultant, de dire responsables les sociétés SKM et Maser du défaut de calorifugeage des fours, en conséquence, de débouter la société Maser de son appel incident, de condamner in solidum les sociétés SKM et Maser au paiement d'une somme de 144 529,69 euros en indemnisation du préjudice en résultant, de dire, au titre de cette dernière indemnisation, que la somme de 110 700 euros TTC relative à la reprise du calorifugeage sera indexée, au jour du jugement, sur l'indice BT01 du coût de la construction, l'indice de référence étant celui publié le 16 septembre 2010, de condamner la société SKM en paiement d'une somme de 4 003 euros au titre de la reprise des pressostats d'air et de condamner in solidum les sociétés SKM et Maser au paiement d'une somme de 50 000 euros en indemnisation des préjudices complémentaires. A titre subsidiaire, elle forme les mêmes demandes -à l'exception de la somme de 144 529,69 euros ramenée à 144 160,69 euros- au visa de l'article 1382 du Code civil et, en tout état de cause, elle demande le rejet des prétentions contraires aux siennes et la condamnation in solidum des sociétés SKM, Ipros et Maser au paiement d'une indemnité de procédure de 30 000 euros, outre les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et de constats.

Elle expose que l'expert judiciaire a retenu trois types de désordres affectant le four polyester et le four époxy commandés à la société Sunkiss, que le premier désordre se caractérise par la dégradation importante et rapide de la tôlerie des brûleurs située à l'intérieur des fours, que le deuxième tient à la présence de points chauds sur l'enveloppe des fours traduisant des défauts de calorifuge et que le troisième consiste en un défaut de conformité aux normes dû à l'absence de pressostats de manque d'air sur les brûleurs.

Elle explique que le premier désordre est dû, selon l'expert, au mauvais choix de positionnement des brûleurs dans la veine d'air et soutient que sur ce point la société Sunkiss et la société Ipros sont toutes deux responsables, la seconde ayant techniquement validé la position des brûleurs et leur configuration. Elle soutient pouvoir rechercher la responsabilité contractuelle de la société Ipros, vendeur des brûleurs à la société Sunkiss qui les a revendus à la société TGL, et recherche, à titre subsidiaire, sa responsabilité délictuelle pour avoir manqué, en sa qualité de spécialiste des brûleurs, à ses obligations contractuelles d'information et de conseil à l'égard de la société Sunkiss. Elle insiste sur la responsabilité in solidum des deux sociétés qui ont chacune participé à la réalisation du sinistre. Elle conteste le raisonnement suivi par la société Ipros selon lequel son degré de responsabilité serait fonction du coût des brûleurs représentant 2,09 % du prix total du marché et rappelle qu'une part de responsabilité est déterminée en considération de l'importance de la faute commise.

Elle précise, concernant le calorifugeage, que l'expert judiciaire a mis en évidence un défaut de surveillance de la société Sunkiss et de réalisation de la société Maser et a proposé une responsabilité partagée à raison de 80 % à la charge de la société Maser et 20 % à celle de la société Sunkiss. Elle invoque ici aussi un fondement contractuel à la responsabilité recherchée des deux sociétés et, subsidiairement, un fondement délictuel à la responsabilité de la société Maser. Elle estime que la société Maser ayant réalisé le calorifugeage du four, en qualité de sous-traitant, est directement responsable de ce que celui-ci est défectueux. Elle conteste que la société Maser justifie avoir été confrontée à une insuffisance de fourniture de matériel par la société Sunkiss et soutient qu'au demeurant, en sa qualité de spécialiste, elle ne peut faire valoir qu'elle s'est bornée à obéir à la société Sunkiss.

S'agissant des pressostats d'air, elle se prévaut de ce que l'expert judiciaire a relevé une non-conformité aux normes.

Elle récapitule dans un tableau les différents postes de son préjudice et fait valoir que les frais engagés durant les opérations d'expertise sous le contrôle de l'expert et avec l'assentiment de toutes les parties. Elle fait état de préjudices divers liés au mauvais fonctionnement des fours et à leur dangerosité en termes de main d'œuvre et de perte de productivité.

Répondant aux interrogations de la cour, elle indique que le 22 avril 2013, elle a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SKM pour un montant total de 347 384,27 euros et produit copie de ladite déclaration. Elle précise que le passif chirographaire n'a pas fait l'objet d'une vérification, la procédure s'avérant impécunieuse. Elle ajoute que sa demande en condamnation à paiement formée à l'encontre de la société SKM est sans effet sur ses demandes de condamnation à paiement dirigées contre les sociétés Ipros et Maser.

La société Ipros demande à la cour de débouter la société Dirickx de toutes ses demandes, de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, de dire qu'elle n'a fait que fournir les brûleurs pour équiper les fours commandés et que sa responsabilité n'est pas démontrée quant à la conception des fours litigieux, en conséquence, de débouter la société Dirickx de toutes ses demandes dirigées contre elle et de confirmer le jugement, pour le cas où sa responsabilité serait retenue, de dire que les sommes réclamées ne sont pas justifiées et ne correspondent pas aux chiffrages de l'expert judiciaire, à titre subsidiaire, de dire que la base maximum qui lui est opposable est la somme de 22 975 euros HT évaluée par l'expert, de dire que le pourcentage de 30 % est excessif et le réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient être supérieures à 2,09 %, de dire que la condamnation in solidum n'est pas justifiée en raison du partage de responsabilités, de dire que la somme réclamée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile n'est pas justifiée, de débouter la société Dirickx de ses prétentions contre elle et de la condamner à lui verser une indemnité de procédure de 4 500 euros.

Elle fait valoir qu'elle n'est intervenue qu'en qualité de fournisseur de brûleurs et de ventilateurs d'air de combustion nécessaires aux fours commandés mais pas à titre de sous-traitant de la société Sunkiss. Elle conteste l'analyse de l'expert judiciaire qui a mis à sa charge une responsabilité de 30 % des dommages. Elle rappelle qu'elle a remis une documentation technique détaillant les différents montages possibles et laissant à l'utilisateur final le soin de placer les brûleurs en fonction du processus concerné. Elle indique qu'en l'espèce, elle n'avait aucune raison de questionner le choix de la position des brûleurs opéré par la société Sunkiss, concepteur des fours. Elle observe que la situation s'est révélée encore pire avec d'autres brûleurs que les siens. Elle conclut que le problème est un problème de conception et approuve le tribunal de n'avoir pas retenu sa responsabilité. Elle rappelle que les brûleurs fournis ont bien fonctionné pendant deux ans. Elle critique le fondement contractuel de l'action en responsabilité de la société Dirickx. Subsidiairement, elle s'oppose à la part de responsabilité de 30 % qui, selon elle, n'est pas justifiée et suggère de la ramener à 2,09 % compte tenu du montant de sa facture au regard du coût du marché total. Elle conteste encore le quantum des sommes réclamées, non étayées de justificatifs et dépourvues de lien avec ses prestations. Enfin, elle conteste la condamnation solidaire ou in solidum sollicitée et relève que l'expert judiciaire n'ayant pas conclu à l'impossibilité absolue d'utiliser les fours mais à la nécessité de procéder à des travaux de réfection, le dommage n'est ni unique ni global.

La société Maser demande à la cour d'infirmer le jugement querellé en ce qu'il a jugé qu'elle devrait répondre de 10 % des préjudices causés par le défaut decalorifugeage des fours, de constater l'absence de preuve de sa responsabilité, en conséquence, de débouter la société Dirickx de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre, en tant que de besoin, de débouter toutes parties de toutes demandes formées à son encontre, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement en ce qu'il a limité sa responsabilité à 10 % des désordres liés au défaut de calorifugeage des fours, d'exclure toute condamnation in solidum avec la liquidation judiciaire de la société SKM, de constater l'absence de preuve de l'existence et du quantum des sommes qui lui sont réclamées, en conséquence, de débouter la société Dirickx de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle, en tant que de besoin, de débouter toutes parties de toutes demandes dirigées contre elle, en tout état de cause, de condamner la société Dirickx ou tout autre succombant à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros, outre les dépens.

Elle fait valoir qu'elle est intervenue en qualité de sous-traitant de la société Sunkiss et n'était pas liée à la société TGL par un contrat. Elle en déduit que la société Dirickx qui vient aux droits de cette dernière ne peut fonder ses demandes dirigées contre elle sur l'article 1147 du Code civil devenu l'article 1231-1 du même Code. Elle ajoute qu'en application de l'article 1382 du Code civil, il incombe à la société Dirickx de caractériser une faute à son encontre et un lien de causalité direct avec son préjudice et conteste que cette double preuve soit rapportée. Elle explique que la société Sunkiss assurait la conception et la maîtrise d'œuvre des travaux et lui avait confié la prestation technique de montage des tunnels des fours. Elle insiste sur le fait que les travaux ont été réalisés sous la responsabilité exclusive de la société Sunkiss et en déduit que tout défaut lié au calorifugeage est donc imputable à cette dernière. Elle estime que l'expert a clairement mis en évidence un défaut de conception de l'isolation et une insuffisance des matériaux et affirme que le calorifugeage en 'patchwork' ne peut lui être reproché. Elle rappelle qu'elle a été payée de son travail par la société Sunkiss et y voit le signe de sa satisfaction. Elle soutient que la société Sunkiss, spécialisée dans le séchage et la cuisson industriels disposait de l'ensemble des compétences techniques utiles et nie avoir été tenue d'un devoir de conseil à son endroit.

A titre subsidiaire, elle considère que le taux de 10 % retenu par le tribunal doit être repris et s'oppose à une condamnation in solidum, aucune faute commune ne pouvant, selon elle, être retenue à l'encontre de la société SKM et d'elle-même.

Enfin elle conteste les sommes réclamées non justifiées, selon elle, en leur principe ou leur montant et sans lien avec les désordres invoqués. Elle explique que la réfection du calorifugeage ne saurait excéder la somme de 92 250 euros arrêtée par l'expert judiciaire.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les désordres affectant les fours

Attendu que l'expert judiciaire a identifié deux types de désordres affectant les fours industriels commandés par la société TGL, aux droits de laquelle vient la société Dirickx, à la société Sunkiss devenue la société SKM, et mis en service en 2004, le premier tenant à la dégradation importante et rapide de la tôlerie des brûleurs implantés à l'intérieur des fours (pages 80 et 87 du rapport d'expertise) et le second à la présence de points chauds sur l'enveloppe des fours traduisant des défauts de calorifuge (pages 81 et 88 du rapport) ;

Que la matérialité de ces désordres n'est contestée par aucune des parties ;

Attendu que l'expert judiciaire a imputé les premiers désordres à une mauvaise conception de la position des brûleurs par rapport au flux d'air à chauffer et les seconds principalement à des malfaçons généralisées dans la mise en œuvre de l'isolation ;

Sur la responsabilité in solidum recherchée de la société SKM et de la société Ipros

Attendu que la société Dirickx, s'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire en ce sens, soutient que la société SKM et la société Ipros sont responsables in solidum des désordres affectant les brûleurs ;

Attendu que la responsabilité contractuelle de la société SKM anciennement Sunkiss est indéniablement engagée en sa qualité d'unique cocontractante de la société TGL chargée de la conception et de l'installation des deux fours ;

Qu'elle ne peut que répondre des défauts affectant l'un de leurs composants, en l'espèce de la dégradation anormalement rapide de la tôlerie des brûleurs, qui caractérise un manquement à son obligation de délivrance conforme ;

Attendu que s'agissant de la société Ipros, fabricant-fournisseur des brûleurs, la société Dirickx, qui n'a aucun lien contractuel direct avec elle, n'est fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle que si des défauts de non-conformité affectent les brûleurs eux-mêmes ;

Or attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'expert judiciaire n'invoquant qu'un problème de positionnement des brûleurs sans remettre en cause leur qualité intrinsèque ;

Que dès lors, la société Dirickx, qui le fait d'ailleurs à titre subsidiaire, ne peut rechercher la responsabilité de la société Ipros que sur un fondement délictuel ;

Attendu qu'il incombe à la société Dirickx de rapporter la preuve d'une faute qu'aurait commise la société Ipros ;

Qu'en l'occurrence, la société Dirickx reproche à la société Ipros d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information à l'égard de la société Sunkiss ;

Que la société Ipros s'en défend en insistant sur le rôle de concepteur des fours de la société Sunkiss et sur le caractère sommaire et parcellaire du schéma que lui a soumis cette dernière ;

Mais attendu que sa qualité de professionnel spécialisé en matière d'étude, fabrication, ingénierie, commercialisations de brûleurs et équipements thermiques' selon l'extrait Kbis produit (pièce n° 1 de la société Ipros) lui conférait une compétence particulière pour prodiguer ses conseils quant à l'implantation des brûleurs, fût-ce à l'endroit d'un acheteur professionnel comme l'était la société Sunkiss qui ne pouvait avoir qu'une compétence inférieure à la sienne pour apprécier ce point très précis de l'installation ;

Qu'au reste, il n'est pas contesté par la société Ipros qu'elle ne s'est pas bornée à fournir les brûleurs commandés par la société Sunkiss mais a été consultée par celle-ci selon un courriel du 12 décembre 2003 (pièce n° 30 de l'appelante) aux termes duquel il lui était demandé de "valider, sur le plan d'implantation ci-joint, la taille du brûleur et (...) indiquer la puissance du ventilateur en fonction des indications jointes sur le plan" ;

Que la société Ipros ne conteste pas avoir répondu à ce courriel sans déconseiller l'emplacement figurant sur le plan d'implantation remis dont elle critique tardivement aujourd'hui le caractère sommaire, son conseil, dans un dire adressé à l'expert judiciaire le 16 février 2011 (pièce n° 45 de l'appelante) relatant qu'en effet un ingénieur de la société Sunkiss avait interrogé sa cliente sur "la faisabilité de l'installation des brûleurs sur les parois" et avait fourni à l'appui un schéma comportant le principe de la circulation de "l'air process" fortement déviée au passage de la tête de brûleur, et que la société Ipros avait "donc répondu favorablement tout en précisant verbalement que ce n'était quand même pas la disposition idéale", ajoutant que cette réponse s'expliquait par le fait que la société Ipros avait déjà vécu l'expérience et fourni des brûleurs identiques à d'autres installateurs qui avaient su les installer avec succès "dans la configuration choisie par Sunkiss" ;

Qu'ainsi, loin de remettre en cause le choix de la société Sunkiss d'une position qui s'est avérée inadéquate alors qu'il lui en était donné l'occasion ni même de refuser de donner son avis sur ce choix faute d'être suffisamment éclairée, la société Ipros y a implicitement adhéré et a directement contribué à son adoption ;

Que c'est l'analyse qu'au vu des pièces qui lui ont été communiquées et des explications recueillies a faite l'expert judiciaire qui a retenu que "le choix de la position des brûleurs en applique a été effectué par Sunkiss après discussion avec Ipros qui n'a pas vraiment remis ce choix en question" et en a déduit "les imputabilités iront donc principalement à Sunkiss, secondairement à Ipros" (page 89 du rapport) ;

Que la société Ipros, qui a ainsi concouru à l'entier préjudice découlant directement de ce choix de position des brûleurs, ne peut dès lors qu'en répondre in solidum avec la société SKM ;

Que le jugement qui a écarté sa responsabilité sera infirmé de ce chef ;

Sur la responsabilité in solidum recherchée de la société SKM et de la société Maser

Attendu que la société Dirickx, s'appuyant toujours sur le rapport d'expertise judiciaire, soutient que la société SKM et la société Maser sont responsables in solidum des défauts de calorifuge ;

Attendu que pour des motifs similaires à ceux ci-dessus développés, la société SKM est incontestablement contractuellement responsable de ces défauts constatés par l'expert judiciaire ;

Qu'ayant une mission globale de conception de l'ensemble de l'installation et, spécialement, dans ses rapports avec la société Maser unie à elle par un contrat de sous-traitance, une mission de surveillance des travaux, elle ne peut que répondre des défauts de réalisation relevés dans le montage des deux tunnels ;

Attendu, en revanche, que c'est à tort que la société Dirickx recherche la responsabilité contractuelle de la société Maser, en sa qualité de sous-traitante de la société Dirickx ;

Que la responsabilité susceptible d'être engagée par un sous-traitant vis-à-vis du maître de l'ouvrage ne peut qu'être de nature délictuelle ;

Qu'à titre subsidiaire, la société Dirickx recherche d'ailleurs cette responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

Attendu que la société Dirickx reprenant en cela ce qu'a relevé l'expert judiciaire à l'occasion d'une vérification systématique des fours par caméra infrarouge, reproche à la société Maser une mauvaise exécution des travaux d'isolation qui lui étaient confiés, son devis précisant expressément qu'elle se chargeait du montage des ossatures parties inférieure et supérieure des tunnels, du montage de la laine de verre et de la laine de roche, du montage des éléments latéraux et de la toiture des tunnels, du montage de l'enveloppe extérieure d'isolation (pièce n° 1 de la société Maser) ;

Que l'expert a, en effet, constaté de nombreux défauts et malfaçons sur les extrémités des fours, à certains angles, sur des parois, à l'entrée de l'un des fours et la sortie de l'autre ou encore sur leur toit, les panneaux de laine de roche de la couche extérieure d'isolant étant mal positionnés ou posés en "patchwork", laissant apparaître des manques et des espaces à l'origine de points chauds (pages 58 à 77 du rapport) ;

Que répondant avec pertinence aux objections que la société Maser élève encore devant la cour, l'expert a considéré que la société Maser ne pouvait s'exonérer de toute responsabilité en invoquant la mission de surveillance que devait assurer la société Sunkiss ni un manquement de cette dernière à son obligation de fourniture d'une laine de roche en quantité suffisante, dès lors qu'en sa qualité de professionnelle elle n'était pas dispensée d'accomplir ses travaux avec un soin normal et qu'il lui appartenait de signaler à la société Sunkiss l'insuffisance prétendue de la fourniture de matériau pour le parfait accomplissement de sa tâche, ce dont elle ne justifie pas (page 85 du rapport) ;

Que la société Maser oppose encore vainement le fait que la société Sunkiss ait assumé seule la conception des tunnels dès lors que les défauts mis en évidence par l'expert judiciaire ne procèdent pas principalement d'un vice de conception mais de réalisation, étant ici observé que son devis ou la commande de la société Sunkiss n'avaient pas à stipuler à sa charge une obligation de résultat pour exister dans leurs rapports réciproques, contrairement à ce que la société Maser soutient dans ses écritures ;

Attendu qu'ayant commis des fautes multiples dans l'exécution matérielle de ses travaux qui ont concouru à l'entier préjudice subi de ce chef par la société Dirickx, la société Maser ne peut qu'être tenue de répondre in solidum avec la société SKM, qui n'a pas su les prévenir ni les faire corriger, des conséquences dommageables qui en ont directement résulté ;

Sur la part de responsabilité de chacune des intervenantes

Attendu qu'aucune des deux sociétés Ipros et Maser ne formant de demande en garantie à l'encontre de la société SKM, fût-ce sous la forme d'une fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière, l'appréciation de leur responsabilité respective dans les deux types de dommages dénoncés apparaît sans portée ;

Que pour satisfaire, cependant, à leur demande clairement exprimée sur ce point dans le dispositif de leurs conclusions respectives, la cour entérinera l'avis technique de l'expert judiciaire et dira que leur part de responsabilité, qui ne peut s'apprécier au regard du montant de leur facture de travaux, ainsi que le soutient la société Ipros, mais à l'aune de l'importance de leur faute, s'élève à 30 % en ce qui concerne celle de la société Ipros dans les dommages affectant les brûleurs et que celle de la société Maser dans les dommages résultant des défauts affectant le calorifugeage s'élève à 80 % ;

Sur la recevabilité de la demande de condamnation à paiement de la société SKM

Attendu qu'en vertu de l'article L. 622-21 1° du Code de commerce, le jugement d'ouverture interdit, sauf exceptions non vérifiées en l'espèce, toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation au paiement d'une somme d'argent ;

Qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances ;

Qu'il en résulte qu'une demande en paiement introduite postérieurement au jugement d'ouverture par le créancier devant le juge du fond, en l'absence d'une décision du juge-commissaire constatant qu'elle excède ses pouvoirs juridictionnels et l'invitant à cette saisine, est irrecevable ;

Attendu qu'en l'espèce, la procédure de liquidation judiciaire de la société SKM ayant été ouverte le 22 mars 2013, la société Dirickx n'était pas recevable à agir en paiement postérieurement à cette ouverture devant le tribunal de commerce, fût-ce après déclaration de créance et avec mise en cause du liquidateur, sans décision en ce sens du juge-commissaire ;

Que le jugement qui a "condamné la liquidation judiciaire de la société SKM" à payer certaines sommes à la société Dirickx sera infirmé sur ce point ;

Sur la réparation des préjudices de la société Dirickx

Attendu que chacune des sociétés Ipros et Maser ayant, ainsi qu'il a été jugé ci-avant, directement concouru par sa faute à la réalisation de dommages matériels clairement identifiés par l'expert judiciaire, la société Dirickx qui les a subis est fondée à leur demander séparément à chacune entière réparation de ces dommages matériels distincts, peu important que la responsabilité dans ces différents dommages fût partagée par la société SKM ;

Attendu que la société Dirickx distingue ses postes de préjudice en fonction des deux types de dommages subis ;

Attendu, s'agissant des dommages liés aux brûleurs, qu'elle sollicite paiement d'une somme globale de 72 109,90 euros TTC dont elle donne le détail ;

Mais attendu que l'expert judiciaire, chargé de préconiser les travaux de nature à remédier aux désordres constatés et d'en chiffrer le coût, a évalué les travaux nécessaires (dépose des 4 brûleurs et remplacement par 4 brûleurs en veine d'air sans glissière d'accès plus assistance pendant les travaux et mise à disposition d'une nacelle) à la somme totale de 22 975 euros HT (pages 79 et 88 du rapport) ;

Que cette somme, non utilement remise en cause par la société Dirickx, sera reprise ;

Attendu que la société Dirickx demande également remboursement des travaux effectués à la demande de l'expert judiciaire en cours d'expertise ;

Mais attendu qu'ainsi que le relève à juste titre la société Ipros, elle ne produit aucun justificatif des paiements allégués ;

Qu'elle sera déboutée de ses prétentions de ce chef ;

Que la société Ipros sera ainsi condamnée à verser à la société Dirickx la somme globale de 22 975 euros HT ;

Attendu, concernant des dommages liés au calorifugeage défectueux, qu'elle réclame paiement d'une somme totale de 144 529,69 euros TTC ;

Attendu que l'expert judiciaire a évalué le coût des travaux de réfection de la coque à la somme de 92 250 euros HT ;

Que c'est cette somme majorée d'une TVA à 20 % que reprend la société Dirickx en demandant qu'elle soit actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 du coût de la construction ;

Que sa demande d'actualisation sera accueillie, la valeur de référence étant fixée à la date du dépôt du rapport d'expertise, mais non celle relative à la TVA qu'en sa qualité de société commerciale elle récupère ;

Qu'y sera ajoutée la facture de la recherche de thermographie à l'infrarouge, sollicitée par l'expert judiciaire, d'un montant de 1 018,50 euros HT et dont elle justifie (pièce n° 15 de l'appelante) ;

Que le surplus de la demande indemnitaire de la société Dirickx non étayée de justificatifs sera rejeté ;

Que la société Maser sera ainsi condamnée à payer à la société Dirickx la somme de 92 250 + 1 018,50 = 93 268,50 euros HT ;

Attendu que la société Dirickx sollicite encore une somme de 50 000 euros au titre de préjudices divers liés aux nombreuses perturbations subies dans sa production et au personnel mobilisé pour y répondre ;

Attendu que si la perte de productivité invoquée n'est pas démontrée, l'expert judiciaire retenant, au contraire, qu' "il n'y a pas de réel problème d'utilisation des fours en rapport avec les désordres" (page n° 88 du rapport), il n'est pas sérieusement contesté, ainsi que l'a relevé l'expert lui-même, que les désordres constatés ont entraîné "une situation de risque", notamment pour les utilisateurs ;

Que ces désordres ont nécessairement été, durant et après les opérations d'expertise, source de pertes de temps et d'énergie, de mesures particulières de précaution à prendre et donc de désorganisation pour l'entreprise ;

Que le préjudice en résultant sera réparé par l'allocation d'une somme de 8 000 euros que les sociétés Ipros et Maser seront in solidum condamnées à payer à la société Dirickx ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que les sociétés SKM représentée par le liquidateur à sa liquidation judiciaire, Ipros et Maser succombant en cause d'appel supporteront in solidum les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Que les sociétés Ipros et Maser seront condamnées in solidum à verser à la société Dirickx la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, en ce compris les frais de procès-verbaux de constat, et seront déboutées de leur propre demande de ce chef ;

Par Ces Motifs, LA COUR, statuant publiquement et par défaut, INFIRME le jugement rectifié déféré, Et statuant à nouveau, DIT que la société SKM Industrie, venant aux droits de la société Sunkiss Matherm Systems anciennement dénommée Sunkiss représentée par la SELARL MJ Synergies en sa qualité de liquidateur à sa liquidation judiciaire, et la société Industrie produits services sont responsables in solidum des désordres affectant les brûleurs installés dans les deux fours, DIT que la part de responsabilité de la société Industrie produits services dans ces désordres s'élève à 30 %, DIT que la société SKM Industrie représentée par le liquidateur à sa liquidation judiciaire et la société Maser Engineering sont responsables in solidum des désordres affectant le calorifugeage des deux fours, DIT que la part de responsabilité de la société Maser Engineering dans ces désordres s'élève à 80 %, DECLARE irrecevable la demande en paiement dirigée par la société Dirickx industries venant aux droits de la société Thermolaquage grandes longueurs contre la société SKM industrie représentée par le liquidateur à sa liquidation judiciaire, CONDAMNE la société Industrie produits services à payer à la société Dirickx industries la somme de vingt-deux mille neuf cent soixante-quinze euros (22 975 euros) HT en réparation du préjudice matériel lié aux brûleurs, CONDAMNE la société Maser Engineering à payer à la société Dirickx Industries en réparation du préjudice matériel lié au calorifugeage la somme de quatre-vingt-treize mille deux cent soixante-huit euros cinquante centimes (93 268,50 euros ) HT incluant la somme de 92 250 euros HT qui, valeur avril 2011, sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT 01 de la construction au jour du présent arrêt, CONDAMNE in solidum la société Industrie produits services et la société Maser Engineering à verser à la société Dirickx Industries la somme de huit mille euros (8 000 euros) à titre de dommages et intérêts complémentaires, Les CONDAMNE in solidum avec la société SKM Industrie représentée par le liquidateur à sa liquidation judiciaire aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Les CONDAMNE in solidum à payer à la société Dirickx la somme de sept mille euros (7 000 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, DEBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires.