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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 30 novembre 2017, n° 16-03955

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Martel CHR (EIRL)

Défendeur :

Sonolys (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mmes Vercruysse, Aldigé

Avocats :

Mes Laforce, Bourdelois, Eeckeman, Arnaud

T. com. Arras, du 10 juin 2016

10 juin 2016

Faits et procédure

L'EIRL Martel CHR a signé avec la SARL Sonolys (spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de nappages, linge de table, voilages et autres types d'ameublement pour les professionnels de la restauration) le 27 octobre 2010 un contrat d'agence commerciale avec exclusivité sur tout le territoire français, pour une durée indéterminée, pour développer la marque Sonolys s'agissant du marché des collectivités, hôtellerie et restauration (CHR), à l'exclusion du réseau " détail " (boutiques).

Par courrier recommandé du 22 octobre 2012, la SARL Sonolys a indiqué à sa cocontractante son intention de mettre fin au contrat d'agence commerciale à effet le 31 janvier 2013.

Par courrier recommandé du 18 mars 2013, l'EIRL Martel CHR a demandé des explications sur le chiffre d'affaires réalisé par la SARL Sonolys et n'ayant fait l'objet, à son égard, d'aucun paiement de commissions.

Indiquant n'avoir jamais obtenu les explications sollicitées, en particulier, n'avoir jamais reçu les grands livres clients 2010, 2011 et 2012, et n'avoir pas, malgré ses demandes, obtenu communication des factures correspondant à des avoirs et des remises de fin d'année (RFA) déduits du montant de son commissionnement en décembre 2012 et janvier 2013, L'EIRL Martel CHR a, par acte d'huissier du 11 février 2014, fait assigner en référé la SARL Sonolys devant le président du Tribunal de commerce d'Arras aux fins de faire injonction à cette dernière, sous astreinte, d'avoir à produire les grands livres clients pour les exercices 2010, 2011 et 2012, les factures des avoirs et remises de fins d'années (RFA) établies et venant en déduction du commissionnement de l'EIRL Martel CHR pour les mois de décembre 2012 et janvier 2013 ainsi que les factures postérieures au 31 janvier 2013 correspondant à des commandes antérieures à cette date, outre une provision de 120 000 euros hors taxes à valoir sur l'indemnisation devant lui revenir suite à la rupture du contrat, en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Par ordonnance rendue le 9 septembre 2014, le juge des référés du Tribunal de commerce d'Arras a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir,

- déclaré l'EIRL Martel CHR irrecevable en ses demandes et l'a invitée à mieux se pourvoir,

- dit que les parties garderaient à leur charge les frais exposés ainsi que les dépens de l'instance.

Mme X a interjeté appel de cette décision le 1er octobre 2014.

Par arrêt contradictoire en date du 9 avril 2015, la Cour d'appel de Douai a :

- infirmé l'ordonnance,

Statuant à nouveau,

- déclaré l'appel et les demandes présentées par Mme X exerçant sous la forme d'une EIRL, recevables,

- condamné la SARL Sonolys à communiquer, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, à Mme X :

- ses grands livres clients pour les exercices 2010-2011 et 2012,

- les factures des avoirs et RFA établis par la SARL Sonolys et venant en déduction du commissionnement de l'EIRL Martel pour les mois de décembre 2012 et janvier 2013,

- les factures postérieures au 31 janvier 2013 correspondant à des commandes antérieures au 31 janvier 2013,

- dit n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte,

- débouté Mme X de sa demande de provision,

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Par acte d'huissier en date du 10 août 2015, Mme X exerçant sous la forme d'une EIRL utilisant le nom commercial Martel CHR a fait assigner la SARL Sonolys devant le Tribunal de commerce d'Arras sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil, de l'article L. 134-12 du Code de commerce, du contrat d'agent commercial signé entre les parties le 15 octobre 2010, et de la lettre de résiliation dudit contrat en date du 22 octobre 2012 à effet au 31 janvier 2013.

Par jugement contradictoire en date du 10 juin 2016, le Tribunal de commerce d'Arras a :

- déclaré les demandes formées par l'EIRL Martel CHR irrecevables en tout cas mal fondées, et l'a déboutée de ses fins, prétentions et moyens,

- débouté la SARL Sonolys de sa demande reconventionnelle pour réparation de préjudice,

- condamné l'EIRL Martel CHR à payer à la SARL Sonolys une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné l'EIRL Martel CHR aux frais et dépens de l'instance.

Mme X a interjeté appel de ce jugement le 22 juin 2016.

Moyens et prétentions des parties

Aux termes de ses dernières conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 13 décembre 2016, Mme X demande à la cour d'appel, au visa des articles 1134 du Code civil, L. 134-12 du Code de commerce, de :

- infirmer le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- condamner la SARL Sonolys à lui payer la somme de 270 880 euros HT au titre de l'indemnisation de la rupture définitive à l'initiative de la SARL Sonolys avec intérêts de droit au taux légal à compter de l'assignation en référé en date du 11 février 2014,

- condamner la SARL Sonolys à lui payer la somme de 178 633 euros HT au titre des rappels de commissions dues en exécution des relations contractuelles et ce, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la présente assignation,

- condamner la SARL Sonolys à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice commercial par elle subi,

- condamner la SARL Sonolys à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SARL Sonolys aux entiers dépens,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans l'ordonnance à intervenir, l'exécution forcée pourra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier et que le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, n° 96-1080 sur le tarif des huissiers, sera supporté par la partie requise en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

À l'appui de ses demandes, elle soutient essentiellement :

- sur l'indemnité de rupture

- que les dispositions de l'article L. 134-12 du Code du commerce sont d'ordre public et qu'elle a donc droit à une indemnisation du fait de la résiliation du contrat à partir du moment où la lettre de résiliation ne comporte aucune référence à une quelconque faute de sa part,

- que les attestations de M. Y, de M. Z et de M. A produites par la SARL Sonolys ne sont pas probantes,

- qu'il ressort des éléments qu'elle produit qu'elle a toujours été transparente et loyale avec la SARL Sonolys et qu'elle ne lui a jamais caché qu'elle travaillait avec la société Vidal Rius, auprès de laquelle la SARL Sonolys s'approvisionnait, et avec la société Egogast également en relation directe avec la SARL Sonolys,

- qu'il n'est versé aux débats aucun courrier de mécontentement, de remontrances ou même d'interrogation de la SARL Sonolys quant à sa pratique, que le courrier de résiliation ne fait référence à aucune faute de sa part, les allégations concernant un défaut de prospection, le caractère médiocre de ses résultats ou la violation de ses obligations de loyauté et de non-concurrence ne sont fondées sur aucun élément probant,

- que la non-atteinte d'objectifs fixés ne constitue pas une faute grave au sens de la jurisprudence justifiant que l'indemnité compensatrice ne soit pas versée,

- sur le rappel des commissions,

- qu'elle est en droit, en application du contrat d'agent commercial , de solliciter le paiement des commissions et rappels de commissions, correspondant à la différence entre ce qu'elle a réellement perçu et ce qu'elle aurait dû percevoir en lecture des chiffres d'affaires réellement effectués par la SARL Sonolys,

- que suite à la communication des éléments comptables par la SARL Sonolys, elle s'est aperçue que le chiffre d'affaires qui lui a été déclaré par la SARL Sonolys était inférieur à la réalité de sorte que le tribunal a fait une appréciation erronée du contrat liant les parties,

- qu'elle est bien fondée à prendre en considération le chiffre d'affaires global, comme le prévoit le contrat, pour évaluer les commissions qui lui sont dues,

- que des éléments comptables sont manquants de sorte qu'il est impossible de calculer le montant des commissions, qu'il lui est impossible de vérifier si les RFA et avoirs étaient justifiés, que la SARL Sonolys est défaillante dans la preuve de cette justification de sorte que ses commissions et indemnisations seront calculées sur les chiffres officiels,

- sur la demande de dommages et intérêts

- que la SARL Sonolys a adressé, postérieurement à la fin du préavis, aux autres partenaires de l'EIRL Martel CHR, un courrier électronique malfaisant de nature à semer le doute dans leur esprit, et qui peut être à l'origine de la rupture par deux d'entre eux de leurs relations contractuelles avec elle dans les mois suivants,

- qu'en tout état de cause ce courrier est à l'origine d'un certain ternissement de son image commerciale,

- sur les demandes incidentes de la SARL Sonolys,

- que le tableau inclus dans les conclusions de la SARL Sonolys ne correspond pas aux chiffres publiés par cette dernière, que dès lors la somme de 221 000 euros qu'elle entend réclamer n'est pas justifiée.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 25 avril 2017, la SARL Sonolys demande à la cour d'appel de :

- déclarer l'appel interjeté par l'EIRL Martel CHR irrecevables et en tout cas mal fondé,

- l'en débouter,

- la déclarer recevable et fondée en son appel incident,

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'EIRL Martel CHR de toutes ses demandes à son encontre et condamné cette dernière à lui verser 7 000 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile,

À titre d'appel incident,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires en raison du préjudice subi du fait des agissements de l'EIRL Martel CHR,

- condamner l'EIRL Martel CHR à lui payer la somme de 221 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des agissements de l'intimée sur son chiffre d'affaires, avec intérêts au taux légal au jour de l'arrêt à intervenir,

- condamner l'EIRL Martel CHR à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner l'EIRL Martel CHR aux entiers frais et dépens des deux instances.

Au soutien de ses demandes, elle fait principalement valoir :

- sur le défaut de prospection,

- que l'EIRL Martel CHR n'a jamais prospecté, ni présenté sérieusement ses produits,

- que suite à des départs de commerciaux, non remplacés, l'EIRL Martel CHR ne disposait que de 4 commerciaux pour la représenter sur l'ensemble de la zone concédée, que les documents produits démontrent que des zones étaient vacantes et qu'il était fait un choix entre les clients de sorte que les revendeurs mono marque n'étaient plus visés,

- que M. B travaillait, en parallèle, pour d'autres marques que celles représentées par l'EIRL Martel CHR qui était alors dédiée officiellement à 5 marques,

- que l'EIRL Martel CHR a manqué à ses obligations contractuelles consistant notamment à tout mettre en œuvre afin d'obtenir un marché et à régulièrement visiter les clients potentiels de la société dans son territoire,

- sur les résultats médiocres,

- qu'elle a subi sur la période de collaboration de deux années avec l'EIRL Martel CHR une baisse de 221 000 euros HT de son chiffre d'affaires,

- sur la violation par l'EIRL Martel CHR de ses obligations de loyauté et de non-concurrence,

- que l'EIRL Martel CHR a commis une faute grave justifiant la rupture du contrat sans aucune indemnité dès lors que le contrat d'agence commerciale avait été conclu avec représentation exclusive et clause de non-concurrence tout en représentant également des produits concurrents, que des attestations d'anciens commerciaux confirment que M. B a représenté des concurrents directs, pendant toute la durée du contrat d'agent commercial,

- que postérieurement à la fin du contrat d'agent commercial, l'EIRL Martel CHR a écrit, le 7 février 2013, à l'ensemble de ses clients pour leur indiquer qu'elle continuerait à répondre à leurs besoins avec les collections de son partenaire Candola et ce au mépris de la clause de non-concurrence sus citée jusqu'au 1er février 2014, que les attestations qu'elle produit en ce sens sont probantes,

- sur les prétentions adverses,

- que la rupture du contrat est imputable à l'EIRL Martel CHR qui ne peut donc prétendre à aucune indemnité de rupture,

- que les griefs de rupture n'avaient pas nécessairement à être mentionnés dans le courrier de résiliation,

- que l'EIRL Martel CHR ne saurait contester le montant des commissions qu'elle a perçues en ce qu'elle avait accepté les conditions lors que la signature du contrat d'agence commercial, qu'en les remettant en cause elle est donc de mauvaise foi,

- qu'elle n'a pas terni l'image de l'EIRL Martel CHR et que cette dernière ne saurait évoquer l'existence d'un quelconque préjudice sur le fondement de l'article 1134 du Code civil,

- sur les demandes reconventionnelles formant appel incident en réparation du préjudice qu'elle a subi,

- qu'elle a subi une baisse de son chiffre d'affaires d'un montant de 221 000 euros de sorte qu'il convient de condamner l'EIRL Martel CHR à lui réparer ledit préjudice.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Motifs de la décision

À titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du Code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de rupture

L'article L. 134-12 du Code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants-droits de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

L'article L. 134-13 du même code précise que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;

2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;

3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Ces dispositions sont d'ordre public.

Seule la faute grave, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, est privatrice de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale.

Il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute.

Le mandant peut invoquer l'existence d'une faute commise antérieurement à la rupture, même si elle n'a été révélée qu'après. En revanche, le comportement de l'agent postérieur à la rupture ne saurait être retenu pour le priver de son indemnité.

Pour apprécier si les manquements de l'agent sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat, les juges ont à prendre en compte toutes les circonstances de la cause intervenues jusqu'au jour de la décision.

Toute clause restreignant le droit à indemnité est réputée non écrite.

Sur ce,

En l'espèce, Mme X a signalé à la SARL Sonolys qu'elle entendait prétendre à l'indemnité compensatrice par courrier en date du 26 septembre 2013, soit au sein du délai d'un an prescrit par les dispositions citées.

La SARL Sonolys reproche trois fautes à Mme X : une violation de son obligation de loyauté et de non-concurrence, un défaut de prospection et des résultats médiocres et inférieurs aux objectifs.

Sur ce dernier point, la cour d'appel relève que si ce manquement peut justifier la résiliation du contrat d'agent commercial, il ne constitue pas une faute grave de nature à priver l'agent de son indemnité compensatrice.

Il convient donc d'examiner tour à tour les deux autres fautes alléguées.

En premier lieu, sur l'obligation de loyauté, la SARL Sonolys reproche précisément à Mme X d'avoir, sans l'en informer et sans solliciter son accord, travaillé en qualité d'agent commercial pour la société Vidal Rius commercialisant le même type de produits qu'elle, en vertu d'un contrat d'agent commercial signé le 27 juillet 2010.

Il est constant que le contrat liant l'appelante et l'intimée comporte une clause selon laquelle " Pendant le contrat et pour une période d'un an après rupture du contrat, l'agent ne peut pas offrir des produits et services similaires à ceux proposés par la société au non d'une autre société et dans le même territoire. "

Mme X reconnaît néanmoins tout à fait avoir agi de la sorte.

Elle démontre en revanche que la SARL Sonolys a passé plusieurs commandes de produits Vidal Rius par son intermédiaire au cours de l'année 2011.

Cette dernière est donc mal fondée à soutenir qu'elle ignorait totalement que Mme X représentait également les produits Vidal Rius pendant la durée du contrat.

Elle ne démontre pas non plus avoir émis à ce sujet le moindre reproche ou la moindre remarque à sa cocontractante qui agissait en violation des dispositions contractuelles. Dans ces conditions, la faute de Mme X ne saurait être considérée comme rendant impossible le maintien du lien contractuel et justifiant que l'agent soit privé de son indemnité compensatrice.

Il en est de même du moyen selon lequel Mme X aurait adressé à ses clients (dont ceux de Sonolys) un courrier leur proposant d'autres produits, et ce après la résiliation du contrat mais alors qu'elle était encore tenue par la clause de non-concurrence.

Il convient de relever sur ce point que dans ce courrier, la société Martel leur propose des produits de marque Candola, marque dont il est absolument constant que la SARL Sonolys connaissait le partenariat avec son agent, dans la mesure où la dirigeante en fait mention expressément dans plusieurs courriers électroniques produits aux débats et où le logo Candola apparaissait en signature des courriers électroniques adressés par Mme X et ses employés à la SARL Sonolys. La société mandante n'en ayant jamais fait le reproche à son agent, ce moyen devra également être considéré comme inopérant.

En second lieu, sur le défaut de prospection.

La SARL Sonolys démontre tout d'abord, par la production d'une note interne à l'EIRL Martel en vue d'une réunion du 22 septembre 2012 que son agent a délibérément fait le choix et donné à ses employés pour instruction de se concentrer sur les clients " grands comptes " au détriment des petits revendeurs apportant un chiffre d'affaires inférieur à 10 000 euros, et notamment les petits revendeurs mono marques. Le listing joint à cette note fait figurer dans la catégorie des revendeurs les moins rentables plusieurs clients de la SARL Sonolys, qui figuraient dans le fichier client confié à Mme X lors de la conclusion du contrat d'agent commercial.

Cette politique commerciale est confirmée par les attestations des anciens commerciaux de la structure, et par les courriers électroniques échangés entre M. Laurent B et eux dans les jours qui ont suivi cette réunion.

Elle prouve ensuite :

- qu'en janvier 2011, faute d'avoir désigné un commercial sur le secteur géographique en question, l'agence de Mme X n'a pas été en mesure de reprendre contact avec un client démarché lors d'un salon, et que ce client a directement interpellé la SARL Sonolys pour savoir ce qu'il en était de la proposition commerciale qu'il avait formulée,

- qu'en mai 2011, la dirigeante de la SARL Sonolys a dû intervenir à plusieurs reprises sur le terrain pour donner des formations à la place des commerciaux de l'agence Martel qui étaient en tournée pour d'autres marques représentées par l'agence,

- que plusieurs de ses clients n'ont pas été visités du tout ou visités une seule fois par un commercial de l'agence Martel entre 2010 et 2012.

L'ensemble de ces éléments caractérise de la part de Mme X un défaut de prospection manifeste et délibéré, constitutif d'une faute grave au sens des dispositions précitées et justifiant que l'indemnité compensatrice ne lui soit pas due.

La décision déférée sera donc, au vu de ces seuls motifs, confirmée en ce qu'elle a débouté Mme X de sa demande d'indemnité compensatrice.

Sur la demande au titre des commissions

En application de l'article 1134 Code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Il est constant que cette règle est générale et absolue et régit les contrats dont l'exécution s'étend à des périodes successives de même que ceux de toute autre nature. Dans aucun cas il n'appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants.

Par ailleurs selon les articles 6 et 9 du Code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès.

Sur ce,

Le montant des commissions dues par la SARL Sonolys à Mme X en règlement de ses prestations est défini en paragraphe 6a. du contrat :

" Sur toute affaire que l'agent ou la société aura conclue dans le territoire, l'agent recevra une commission de 7 % sur les ventes nettes, basées sur le montant net facturé, toutes déductions faites sur la facture ou déductions différées accordées par la société ou réclamées par le client. Les déductions sur les ventes de la société sous forme de facture client à la société seront prises en compte pour définir les ventes nettes.

Cette commission de 7 % est valable jusqu'à 820 000 euros HT/an (chiffre d'affaire réalisé en 2009).

Au-delà de 820 000 euros / an (chiffre d'affaire réalisé en 2009, l'agent recevra une commission de 12 % sur le dépassement du chiffre d'affaire réalisé. "

Force est de constater qu'aucune disposition du contrat d'agent commercial ne prévoit de n'inclure dans l'assiette de calcul des commissions de Mme X que le chiffre d'affaires réalisé auprès des clients confiés à Martel CHR, à l'exclusion :

- du chiffre d'affaires réalisé par le travail à façon, impression et transfert de Sonolys,

- du magasin de détail de Sailly sur la Lys de vente directe aux particuliers,

- du chiffre d'affaires réalisé auprès de l'ensemble des magasins de détail textile pour les particuliers sur l'ensemble du territoire français,

- du chiffre d'affaires réalisé auprès des distributeurs spéciaux hors contrat notifiés dans le contrat d'agence commerciale comme hygiénistes.

La SARL Sonolys soutient que cette exclusion ressort des précisions de la clause qui prévoit une base de 820 000 euros correspondant à son chiffre d'affaires 2009 limité aux clients figurant dans le fichier remis à Mme X lors de la conclusion du contrat, et donc excluant les postes précédemment cités.

Elle ne produit cependant aucun élément permettant de déterminer le montant de son chiffre d'affaires global pour l'exercice 2009, tous les éléments produits étant afférents aux années 2010 et suivantes, de sorte qu'elle échoue à démontrer que l'exclusion dont elle se prévaut ressorte des termes du contrat.

Il convient donc de calculer les commissions dues à Mme X conformément aux prévisions contractuelles qui font la loi entre les parties, soit sur la base du chiffre d'affaires net réalisé en France.

Les pièces produites aux débats démontrent les montants du chiffre d'affaires net réalisé en France par la SARL Sonolys sur les exercices litigieux, à savoir :

- pour l'exercice du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 : 1 457 268 euros, soit une moyenne de 121 439 euros par mois,

- pour l'exercice du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 : 1 396 685 euros,

- pour l'exercice du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 : 1 446 279 euros, soit une moyenne de 120 523,25 euros par mois.

La SARL Sonolys qui revendique pour des raisons de confidentialité n'avoir transmis des grands livres clients que concernant les clients compris dans le fichier confié à Mme X ne démontre pas précisément le chiffre d'affaires réalisé mois par mois sur les années incomplètes de collaboration avec Mme X, de sorte que la cour d'appel retiendra dans ses calculs une moyenne mensuelle établie à partir du chiffre annuel.

Il conviendra par ailleurs de ne calculer les commissions dues à Mme X que sur les mois effectifs de collaboration avec la SARL Sonolys soit du 1er novembre 2010 au 31 janvier 2013.

Il en ressort ainsi que les commissions dues à Mme X par la SARL Sonolys sont les suivantes :

pour la période du 1er novembre 2010 au 30 juin 2011

Cette période de 8 mois correspond à un chiffre d'affaires de 971 512 euros.

Le montant des commissions dues à Mme X est donc de :

(820 000 x 7 %) + (151 512 x 12 %) soit 57 400 + 18 181,44 soit 75 581,44 euros.

pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012

Cette période de 12 mois correspond à un chiffre d'affaires de 1 396 685 euros.

Le montant des commissions dues à Mme X est donc de :

(820 000 x 7 %) + (575 685 x 12 %) soit 57 400 + 69 082,20 soit 126 482,20 euros.

pour la période du 1er juillet 2012 au 31 janvier 2013

Cette période de 7 mois correspond à un chiffre d'affaires de 843 662,75 euros.

Le montant des commissions dues à Mme X est donc de :

(820 000 x 7 %) + (23 662,75 x 12 %) soit 57 400 + 2 839,53 soit 60 239,53 euros.

Sur la durée du contrat d'agent commercial, Mme X est donc fondée à prétendre à des commissions d'un montant total de 262 303,17 euros.

Il n'est pas contesté qu'elle a perçu au total une somme de 131 751,52 euros, de sorte que la SARL Sonolys lui doit la somme de 130 551,65 euros, qu'elle sera condamnée à lui verser, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au fond, soit le 10 août 2015.

La décision déférée sera infirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts à titre contractuel de Mme X

La cour d'appel relève que Mme X fonde sa demande sur de simples conjectures, alléguant sans le démontrer un lien de causalité entre un courrier électronique adressé par la SARL Sonolys à ses partenaires commerciaux et le fait que deux d'entre eux aient mis fin à leurs relations commerciales dans les mois qui ont suivi.

La SARL Sonolys démontre d'ailleurs par des attestations des deux sociétés en cause, que leur décision a été prise pour d'autres motifs.

Mme X sera donc déboutée de sa demande et la décision déférée confirmée sur ce point, pour ces motifs.

Sur la demande reconventionnelle de la SARL Sonolys en dommages et intérêts

C'est par des motifs pertinents et que la cour d'appel adopte, que le premier juge a débouté la SARL Sonolys de cette demande.

La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il y a lieu de réformer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles.

Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions, elles seront toutes deux déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ailleurs elles supporteront par moitié chacune les dépens de première instance et d'appel.

Par ces motifs : - Confirme la décision déférée en ce qu'elle a : - débouté Mme X de sa demande d'indemnité compensatrice, - débouté Mme X de sa demande de dommages et intérêts, - débouté la SARL Sonolys de sa demande de dommages et intérêts, - L'infirme pour le surplus, Statuant à nouveau : - Condamne la SARL Sonolys à verser à Mme X au titre de ses commissions la somme de 130 551,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au fond, soit le 10 août 2015, - Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et déboute chacune des parties de ses demandes sur ce fondement, - Condamne Mme X et la SARL Sonolys à supporter chacune la moitié des dépens de première instance et d'appel.