CA Rennes, 3e ch. com., 28 novembre 2017, n° 16-09209
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Autotransfair (SARL)
Défendeur :
De Khan Trading (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseillers :
Mmes André, Jeorger le Gac
Avocats :
Mes Cressard, Le Goff, Roulleaux
Faits et procédure
La société De Khan Trading, dont le siège social est situé à Nantes, exerce depuis 1989 une activité d'importation et de revente de véhicules d'occasion essentiellement de marque allemande.
En 2015, Monsieur X a créé la société Autotransfair, dont le siège social est situé à Bain S. Ouest, dont l'activité est similaire à celle de la société De Khan Trading et dont le capital social est partagé entre Monsieur X et la société de droit allemand Autotransfair GmbH.
Le 13 mai 2016, la société De Khan Trading a fait dresser un procès-verbal d'huissier afin d'établir que la société Autotransfair avait fait publier sur le site d'annonce Ouest France des offres de ventes de véhicules de type Mercedes V, et que ces véhicules n'étaient pas en réalité visibles sur le site de la société contrairement à ce qu'indiqué dans les annonces.
Soutenant que la société Autotransfair recopiait ainsi des annonces pour des véhicules ne lui appartenant pas, la société De Khan Trading l'a fait assigner ainsi que Monsieur X devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Rennes sur le fondement des articles L. 121-2, L. 121-3 et L. 121-4 du Code de la consommation et 1382 ancien du Code civil afin d'obtenir leur condamnation sous astreinte à cesser toute publication d'annonces de véhicules dont ils ne seraient pas propriétaires sous astreinte de 3 000 par infraction constatée.
Suivant ordonnance en date du 10 novembre 2016, le juge des référés a fait droit à la demande d'interdiction sous astreinte provisoire de 3 000 par infraction constatée et a condamné Monsieur X et la société Autotransfair au paiement d'une somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Autotransfair et Monsieur X ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 2 décembre 2016.
A l'appui de leur appel, par conclusions déposées le 20 juillet 2017, Monsieur X et la société Autotransfair font observer en premier lieu que la société De Khan Trading ne justifie nullement du trouble manifestement illicite qu'elle aurait subi, rappel étant fait que le litige ne concerne en réalité que trois annonces, en outre passées par Monsieur X en qualité de gérant de la société AJ35 et non de la société Autotransfair. En second lieu, ils contestent que la preuve soit rapportée d'une confusion pour les consommateurs, d'une désorganisation de la société demanderesse ou même du marché. Ils font observer que les autorités administratives n'ont pas relevé d'infractions sur ce point et qu'en outre la société De Khan Trading ne justifie pas de son préjudice. Ils contestent toute volonté de tromper le consommateur, celui-ci étant parfaitement informé du fait que les annonces concernaient des véhicules importés, et donc non visibles sur site, et relèvent que la société De Khan Trading n'établit pas être propriétaire des véhicules proposés. Ils mettent en doute les attestations versées aux débats, ainsi que des échanges de courriels invoqués par la société demanderesse et affirment que la volonté de la société De Khan Trading de nuire à un nouveau concurrent est établie. Ils concluent en conséquence à l'infirmation de l'ordonnance de référé, la société De Khan Trading étant déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée à verser une somme de 6 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société De Khan Trading, par conclusions déposées le 15 septembre 2017, réplique que le fait pour les appelantes de publier des annonces correspondant à des véhicules dont ils ne sont ni propriétaires, ni réservataires et pour lesquels ils n'ont pas été mandatés par le propriétaire réel constituent des pratiques commerciales trompeuses au sens des articles L. 121-2 et suivant du Code de la consommation. Elle se réfère notamment aux deux constats d'huissiers versés aux débats pour affirmer que cette pratique est parfaitement établie et met en évidence la collusion existant entre Monsieur X et la société Autotransfair. En publiant ainsi des annonces pour des véhicules dont ils ne sont pas propriétaires et pour lesquels ils n'ont aucun mandat, et ce à des prix inférieurs à ceux de la concurrence, Monsieur X et la société Autotransfair créeraient ainsi une confusion entre les concurrents, une désorganisation interne des entreprises rivales et une désorganisation générale du marché et se rendraient coupables de parasitisme. Du fait du trouble manifestement illicite ainsi généré, ils sollicitent la confirmation de l'ordonnance ayant prononcé l'interdiction sous astreinte, mais demandent que cette astreinte soit fixée à la somme de 3 000 par infraction constatée, les appelants étant en outre condamnés à verser une somme de 6 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article 873 du Code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, il résulte des nombreux constats d'huissiers versés aux débats, mais aussi de l'aveu même de Monsieur X, que ce dernier a proposé à la vente, par l'intermédiaire de sites internet, des véhicules dont il n'était pas propriétaire et pour lesquels il ne peut produire de mandat écrit de la part des propriétaires réels ; l'attestation émanant du gérant de la société Autotransfair GmbH est sur ce dernier point sans effet, l'intéressé se contentant de préciser que les véhicules " ont l'accord des propriétaires pour une commercialisation par nos soins ", sans faire état d'un mandat véritable des intéressés ; les reproductions d'annonces annexées aux constats d'huissiers permettent de constater que Monsieur X, en qualité de gérant de la société AJ 35 ou de la société Autotransfair, a créé l'illusion pour le consommateur, à plusieurs reprises, qu'il était propriétaire des véhicules par lui proposés, ou en tout cas qu'il en avait la jouissance par l'intermédiaire d'un mandat déjà établi, puisque les véhicules étaient indiqués comme étant visibles à Bain S.O., et ce alors qu'il reconnaît lui-même, ce fait ayant été constaté au demeurant par l'huissier, que pour un certain nombre d'entre eux il n'en était rien ; il est sur ce point inopérant d'affirmer que cette indication est imputable au diffuseur, l'annonceur restant en toute hypothèse responsable du texte diffusé ; de même, il ne peut être soutenu que les annonces ne sont pas déceptives dès lors qu'elles précisent par ailleurs que la livraison des dits véhicules se fera à Strasbourg, l'information sur la visibilité du véhicule à Bain S.O. étant clairement donnée au consommateur et par lui immédiatement repérable.
Le fait de faire croire au consommateur que les véhicules proposés par voie d'annonces sont visibles à un endroit déterminé, alors que cela est inexact, et que l'annonceur en est propriétaire ou est dûment mandaté par le propriétaire, constitue un acte anticoncurrentiel évident à l'encontre de tous les autres annonceurs opérant pour la même catégorie de produits, rappel étant fait que sur le marché de la vente de véhicule automobile d'occasion, la possibilité pour le candidat acquéreur d'examiner le produit avant l'achat et son caractère immédiatement disponible sont déterminants ; c'est donc à bon droit que le juge des référés a prononcé une mesure d'interdiction sous peine d'astreinte afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite, quelles que soient les contestations émises sur le fond par la société Autotransfair et Monsieur X, observation étant faite que cette interdiction n'est pas générale, mais concerne seulement les annonces relatives à des véhicules appartenant à des tiers et proposés sans mandat de vente du propriétaire ou sans mandat de recherche.
L'astreinte prononcée, soit 3 000 par infraction constatée, apparaît suffisante pour garantir l'exécution de l'interdiction prononcée, et le délai de trois mois permettant de statuer sur son montant et sa liquidation raisonnable, et la décision sera en conséquence confirmée dans l'intégralité de ses dispositions.
La société Autotransfair et Monsieur X succombant à la procédure, ils devront verser une somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, outre la condamnation déjà prononcée de ce chef par le premier juge.
Les constats établis par la société De Khan Trading étant nécessaires pour établir la matérialité des faits illicites, il convient de réformer la décision en ce qu'elle n'a inclus que les seuls constats de maître Le Floch dans les dépens à la charge des défendeurs.
Par ces motifs, LA COUR : - confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce en date du 10 novembre 2016 dans l'intégralité de ses dispositions, sauf en ce qui concerne les frais de constats à inclure dans les dépens. Statuant à nouveau sur ce point, - dit que les dépens comprendront l'intégralité du coût des constats d'huissiers versés à la procédure par la société De Khan Trading. Ajoutant à la décision déférée, - déboute les parties du surplus de leurs demandes. - condamne in solidum Monsieur X et la société Autotransfair à verser à la société De Khan Trading la somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile. - met l'intégralité des dépens à la charge de Monsieur X et la SARL Autotransfair.