CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 décembre 2017, n° 15-23109
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Biomega (Selarl)
Défendeur :
SGS Aster (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Birolleau
Conseillers :
Mmes Schaller, du Besset
Avocats :
Mes Lesénéchal, Roquelle Meyer, Arroyo
Faits et procédure :
La société SGS Aster exerce principalement une activité de promotion d'études et de recherches biomédicales consistant à conduire des études en phase 1 sur des volontaires sains.
Selon convention du 1er décembre 2000, elle a confié des prestations de biologie médicale, consistant en la surveillance de l'état de santé de patients qui se prêtaient à des recherches biomédicales dont elle assurait le suivi, au Docteur Bertrand Thebault, directeur et exploitant en son nom propre le laboratoire d'analyses de biologie médicale Thebault.
Il y était précisé que la convention confirmait les conditions dans lesquelles la collaboration des parties, alors en cours depuis 25 ans, serait poursuivie.
Cette convention était conclue pour une période de 5 ans, renouvelable tacitement par périodes d'un an, sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception par l'une des parties trois mois avant le terme de chaque période d'un an.
Selon un premier avenant du 26 février 2004, l'intervention d'autres biologistes a été prévue.
Selon un second avenant du 7 novembre 2006, la société Excelbio, constituée par le Docteur Bertrand Thebault avec d'autres biologistes membres de son laboratoire, a pris la suite de ce dernier.
Selon un troisième et dernier avenant du 4 octobre 2012, la société Biomega est venue aux droits de la société Excelbio (suite à une fusion du 28 juin 2012).
Par courrier recommandé AR du 25 février 2013, la société SGS Aster a notifié à la société Biomega qu'elle était contrainte de mettre fin au contrat qui les liait pour sa prochaine échéance, à savoir le 1er décembre 2013, eu égard aux changements des conditions économiques de réalisation des études cliniques de phase I en France, qui avaient conduit ses partenaires à diminuer drastiquement le nombre d'études à lui confier, et aux grandes difficultés économiques consécutives de son unité clinique.
Les relations des parties se sont poursuivies jusqu'au terme annoncé.
Estimant cette rupture abusive, par acte du 29 novembre 2013, la société Biomega a assigné la société SGS Aster en indemnisation.
Par jugement du 13 octobre 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a :
débouté la société Biomega de toutes ses demandes;
dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire ;
condamné la société Biomega à payer à la société SGS Aster la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Vu la déclaration d'appel du 17 novembre 2015 de la société Biomega ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 12 juillet 2017 par la société Biomega, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles L. 420-2 et L. 442-6, I du Code de commerce,
Vu l'article 1134 du Code civil,
Vu l'article D. 442-4 du Code de commerce ;
infirmer le jugement entrepris ;
condamner la société SGS Aster à payer à la société Biomega les sommes de :
710 274,36 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts ;
20 000 euros, à titre de d'indemnisation de son préjudice moral;
2 028 778,42 euros au titre des investissements réalisés;
débouter la société SGS Aster de ses demandes;
condamner la société SGS Aster à verser à la société Biomega la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2017 par la société SGS Aster (ci-après Aster), par lesquelles il est demandé à la cour de :
A titre principal,
confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce n'est pas applicable en l'espèce ;
confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la rupture des relations contractuelles n'est pas fautive au regard de l'article 1134 du Code civil ;
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Biomega de l'ensemble de ses demandes ;
Subsidiairement, si la cour estime que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce est applicable,
constater que la société Biomega ne démontre pas que SGS Aster a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
Très subsidiairement,
constater que la société Biomega ne démontre pas avoir subi un préjudice causé par la rupture du contrat, que ses demandes soient fondées sur l'article 1134 du Code civil ou sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause,
condamner la société Biomega à verser à SGS Aster une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 septembre 2017.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS :
Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;
En l'espèce, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a estimé que l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce était inapplicable à la relation des parties, du fait que cette relation n'était pas de nature commerciale, ce, par de pertinents motifs que la cour adopte, Biomega ne fournissant en cause d'appel aucun moyen de fait ou de droit nouveau susceptible de les remettre en cause.
En effet, étant rappelé qu'Aster a confié à Biomega des prestations de biologie médicale, consistant en la surveillance de l'état de santé de patients sur lesquels sont testés par Aster des nouveaux médicaments, il apparaît que la relation des parties n'est nullement commerciale, en ce que :
- la profession de biologiste médical qu'exerce une des parties, Biomega, est une profession réglementée par le Code de la santé publique (aux articles L. 6213-1 et suivants, étant notamment soumise à un agrément administratif, ne pouvant être pratiquée que par un médecin ou un pharmacien et, si elle l'est au sein d'un laboratoire, celui-ci devant être dirigé par un biologiste médical, devant concourir au service public de santé.etc),
- la prestation à fournir par cette partie consiste en des actes de biologie médicale, lesquels sont des actes médicaux (article L. 6211-1 du Code de la santé publique), réglementés,
- les actes de médecine ne sont en aucun cas des actes de commerce (article R. 4127-9 du Code de la santé publique),
- les actes de biologie médicale à fournir sont tarifés selon une nomenclature réglementaire, ce qui les exclut du champ d'application du libre jeu de la concurrence.
Il est sans incidence à cet égard que pour sa part, l'autre partie à la relation et au contrat, Aster, ne soit pas un professionnel de santé et que le contrat réglemente la mise en œuvre des prestations de biologie médicale exigées et prévoit en contrepartie une rémunération, ceci ne lui conférant pas de nature commerciale, étant rappelé que la nature civile d'un contrat n'exclut pas son caractère lucratif.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a justement débouté Biomega de ses demandes sur le fondement délictuel précité.
Il le sera également en ce que, par des motifs tout aussi exacts, il l'a déboutée de ses prétentions formées sur le fondement subsidiaire de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.
En effet, Biomega n'établit aucun manquement contractuel d'Aster susceptible d'avoir engagé sa responsabilité à son égard.
En effet, lors de la mise en œuvre de la résiliation le 25 février 2013, Biomega a respecté les stipulations du contrat (délai de préavis de 3 mois et terme), les relations des parties s'étant même prolongées au-delà du terme du préavis. De plus, elle était libre du motif de la rupture, lequel est en toutes hypothèses justifié et documenté par les chiffres et l'étude produits. Enfin, aucun élément du dossier ne vient établir le caractère déloyal, abusif ou vexatoire des conditions de la rupture, étant relevé la baisse régulière et progressive du chiffre d'affaires fourni par Aster à Biomega entre 2006 et 2012 et observé que le fait que Biomega ait pu effectuer certains investissements quelque temps avant sa mise en œuvre est insuffisant à cet égard, ces investissements relevant le cas échéant de l'exécution du contrat et leur caractère spécifique et non réutilisable après la rupture n'étant en toutes hypothèses en aucun cas démontré.
Biomega qui succombe supportera les dépens. L'équité commande d'allouer à Aster la somme supplémentaire de 8 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, condamne la société Biomega à payer à la société SGS Aster la somme de 8 000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; rejette toutes autres demandes ; condamne la société Biomega aux dépens.