Cass. com., 6 décembre 2017, n° 16-21.402
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Item travail temporaire (SARL)
Défendeur :
MC intérim (SARL), Lorraine intérim (SARL), ICS travail temporaire (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocats :
SCP Thouin-Palat, Boucard, SCP Didier, Pinet
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 31 mai 2016), que s'estimant victimes d'une concurrence déloyale par débauchage de leur personnel intérimaire et détournement fautif de leur clientèle, les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS travail temporaire (la société ICS) ont assigné la société Item travail temporaire (la société Item) en réparation de leurs préjudices ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Item fait grief à l'arrêt de déclarer partiellement fondée la demande des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS et de la condamner au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen : 1°) que pour juger que la société Item travail temporaire avait commis des actes de concurrence déloyale en débauchant les salariés intérimaires des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, les juges du fond ont retenu que fin décembre 2006 l'embauche a porté sur 21 salariés, que 20 d'entre eux ont été engagés cependant qu'ils effectuaient encore des missions pour les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, que pour la plupart ils ont été missionnés dans les mêmes entreprises que celles où ils étaient affectés lors de leur dernière mission par les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, que l'embauche de ces salariés a permis à la société Item de bénéficier de leur emploi au sein de chantiers en cours qui se sont poursuivis après le 2 janvier 2007, que le recrutement en nombre par la société Item de salariés intérimaires de ses concurrents avec lesquels les clients voulaient continuer à travailler après les fêtes de fin d'année a nécessairement désorganisé les dits concurrents compte tenu de la brièveté du délai de débauchage et du nombre de salariés intérimaires débauchés ; qu'en se prononçant de la sorte, tout en relevant que les 21 salariés n'ont pas commencé à travailler effectivement pour la société Item avant le 2 janvier 2007, que les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS ne prouvaient ni la réduction des deux tiers de leurs effectifs par le départ des 21 salariés ni la part qu'ils représentaient dans leurs effectifs, que les données comptables et l'état des effectifs des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS n'étaient pas déterminants pour caractériser l'impact du débauchage sur leur organisation, que la baisse de chiffre d'affaires de la société MC intérim en 2005 et 2006 concernait aussi des clients auprès desquels les salariés n'étaient pas missionnés avant leur débauchage, que les éléments produits par les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS ne démontraient pas que la baisse de leur chiffre d'affaires avec les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor et Brodevani en 2007 eût été uniquement lié au détournement de clientèle dont elles ont fait l'objet début 2007, que les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS ne prouvaient pas que les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor et Brodevani n'étaient pas déjà clientes de la société Item avant le détournement opéré début 2007, pas plus qu'elles ne prouvaient que les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor, Brodevani, CMR, Mathis, S2EA et Les peintures réunies auraient été détournées par la société Item, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que la société Item aurait commis des manœuvres de débauchage des 21 salariés intérimaires ni qu'elles eussent désorganisé les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, donc impropres à établir que la société Item aurait commis une concurrence déloyale par débauchage, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du Code civil ; 2°) que pour considérer que la société Item avait commis des actes de concurrence déloyale en débauchant les 21 salariés intérimaires des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS avec la complicité de M. Legendre pendant que ce dernier était encore employé par la société MC intérim, l'arrêt attaqué s'est fondé sur l'attestation d'un soi-disant témoin, M. Witaszak, qui n'était présent dans les lieux que plus d'un mois après les faits dont il prétendait témoigner, sur la présence de M. Legendre dans des locaux de la société Item lors de la sommation interpellative du 8 octobre 2007, sur trois contacts téléphoniques entre la société Item et M. Legendre, et sur le fait que ce dernier, lorsqu'il travaillait pour la société MC intérim, intervenait non seulement pour cette société mais également pour les sociétés Lorraine intérim et ICS ; qu'en statuant ainsi, sans constater le moindre fait commis par M. Legendre au profit de la société Item consistant à débaucher les 21 salariés intérimaires pour les missionner auprès des clients des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS au point de les désorganiser, tout en constatant que celles-ci ne prouvaient pas que M. Legendre ait été employé par la société Item et que la seule circonstance qu'il était présent dans les locaux la société Item était à cet égard insuffisant, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser un débauchage de salariés constitutif de concurrence déloyale commis par la société Item avec la complicité de M. Legendre, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du Code civil ; 3°) que pour juger que la société Item avait commis des actes de concurrence déloyale par captation de la clientèle des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, les juges du fond ont retenu que fin décembre 2006 l'embauche a porté sur 21 salariés, que 20 d'entre eux ont été engagés cependant qu'ils effectuaient encore des missions pour les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, que pour la plupart ils ont été missionnés dans les mêmes entreprises que celles où ils étaient affectés lors de leur dernière mission par les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, que l'embauche de ces salariés a permis à la société Item de bénéficier de leur emploi au sein de chantiers en cours qui se sont poursuivis après le 2 janvier 2007, que le recrutement en nombre par la société Item de salariés intérimaires de ses concurrents avec lesquels les clients voulaient continuer à travailler après les fêtes de fin d'année a nécessairement désorganisé les dits concurrents compte tenu de la brièveté du délai de débauchage et du nombre de salariés intérimaires débauchés ; qu'en se prononçant ainsi, tout en relevant que les 21 salariés n'ont pas commencé à travailler effectivement pour la société Item avant le 2 janvier 2007, que les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS ne prouvaient ni la réduction des deux tiers de leurs effectifs par le départ des 21 salariés ni la part qu'ils représentaient dans leurs effectifs, que les données comptables et l'état des effectifs des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS n'étaient pas déterminants pour caractériser l'impact du débauchage sur leur organisation, que la baisse de chiffre d'affaires de la société MC intérim en 2005 et 2006 concernait aussi des clients auprès desquels les salariés n'étaient pas missionnés avant leur débauchage, que les éléments produits par les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS ne démontraient pas que la baisse de leur chiffre d'affaires avec les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor et Brodevani en 2007 eût été uniquement lié au détournement de clientèle dont elles ont fait l'objet début 2007, que les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS ne prouvaient pas que les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor et Brodevani n'étaient pas déjà clientes de la société Item avant le détournement opéré début 2007, pas plus qu'elles ne prouvaient que les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor, Brodevani, CMR, Mathis, S2EA et Les peintures réunies auraient été détournées par la société Item, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir une captation de clientèle commise par la société Item et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du Code civil ; 4°) que pour considérer que la société Item avait commis des actes de concurrence déloyale par captation de la clientèle des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS, l'arrêt attaqué s'est fondé sur l'attestation d'un soi-disant témoin, M. Witaszak, qui n'était présent dans les lieux que plus d'un mois après les faits dont il prétendait témoigner, sur la présence de M. Legendre dans des locaux de la société Item travail temporaire lors de la sommation interpellative du 8 octobre 2007, sur trois contacts téléphoniques entre la société Item et M. Legendre, et sur le fait que ce dernier, lorsqu'il travaillait pour la société MC intérim, intervenait non seulement pour cette société mais également pour les sociétés Lorraine intérim et ICS ; qu'en statuant ainsi, sans constater le moindre fait commis par M. Legendre au profit de la société Item consistant à débaucher les 21 salariés intérimaires pour ensuite les missionner auprès des clients des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS au point de les désorganiser, tout en constatant que celles-ci ne prouvaient pas que M. Legendre ait été employé par la société Item et que la seule circonstance qu'il était présent dans les locaux la société Item était à cet égard insuffisant, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser une captation de clientèle commise par la société Item avec la complicité de M. Legendre, et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du Code civil ; 5°) qu'après avoir estimé que les sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS ne prouvaient pas que les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor et Brodevani n'étaient pas déjà clientes de la société Item avant le détournement opéré début 2007, pas plus qu'elles ne prouvaient que les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor, Brodevani, CMR, Mathis, S2EA et Les peintures réunies auraient été détournées par la société Item, en reprochant à cette dernière, par motifs adoptés, de ne pas verser aux débats les contrats de mission conclus avec les sociétés Brodevani, FGCE et CMR pour confirmer l'antériorité de ses relations avec ses sociétés affirmée par les attestations qu'elle produisait des dirigeants des dites sociétés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 ancien du Code civil et 9 du Code de procédure civile ; 6°) qu'en se fondant, par motifs adoptés des premiers juges, sur la simple concomitance du départ de M. Legendre et des salariés intérimaires, la cour d'appel a statué par un motif impropre à établir une captation de clientèle constitutive de concurrence déloyale, et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, d'abord, que vingt et un salariés intérimaires des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS étaient employés sur des chantiers jusqu'au 22 décembre 2006, trois d'entre eux jusqu'au 29 décembre 2006, avant de travailler dès le 2 janvier 2007 pour le compte de la société Item, à l'exception d'un seul d'entre eux à compter du 8 janvier 2007, soit juste à l'issue de la période des fêtes de fin d'année 2006 ; qu'il relève, ensuite, qu'ils ont fait l'objet d'une déclaration unique d'embauche du 20 au 22 décembre 2006 cependant qu'ils effectuaient encore leurs missions pour le compte des sociétés d'intérim ; qu'il relève, encore, que la plupart ayant été envoyés en mission dans les mêmes entreprises que celles au sein desquelles ils exerçaient avant leur démission fin 2006, ils ont pu ainsi poursuivre les chantiers qui leur avaient étéinitialement confiés ; qu'il constate, en outre, que M. Legendre, alors chef d'agence de la société MC intérim, a démissionné le 19 décembre 2006 en demandant à être délié de son obligation de non-concurrence et de celle de respecter un préavis et que, selon le témoignage de M. Witaszak, lorsque les dirigeants de la société Item ont appris que les obligations de M. Legendre étaient maintenues, ils l'ont transféré dans la société LMF, qui leur appartenait et se trouvait située dans les mêmes locaux ; qu'il constate que M. Legendre a ainsi travaillé, sans respecter son préavis, dès le 2 janvier 2007, pour le compte de la société Item en transférant chez elle tous les intérimaires et les clients début janvier ; qu'il constate, encore, que M. Legendre était entré en contact avec la société Item avec le téléphone portable de son employeur entre début décembre 2006 et mi-janvier 2007 ; qu'il retient qu'au regard de la concomitance des dates, des liens démontrés avec la société Item et du témoignage de l'ancien employé de celle-ci, M. Legendre a été le complice du débauchage des salariés intérimaires, cependant qu'il exerçait encore ses responsabilités au sein de la société MC intérim et qu'il bénéficiait d'une connaissance du fonctionnement des intérimaires et des clients des sociétés d'intérim ; qu'il retient, par ailleurs, que ce débauchage en nombre de salariés intérimaires, qui travaillaient pour des clients qui avaient la volonté de poursuivre leurs travaux après la période de suspension d'activité des fêtes de fin d'année 2006, a nécessairement eu pour effet de désorganiser les sociétés d'intérim concurrentes compte tenu de la brièveté des délais dans lesquels le débauchage a eu lieu et du nombre de salariés intérimaires concernés ; que par ces motifs, dont elle a déduit, par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits, que la société Item s'était montrée déloyale dans le débauchage des salariés intérimaires et que sa faute à raison d'un détournement de clientèle était également établie, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la cinquième et la sixième branches, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Item fait grief à l'arrêt de déclarer partiellement fondée la demande des sociétés MC intérim, Lorraine intérim et ICS et de la condamner au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que les juges du fond ont condamné la société Item travail temporaire à réparer seule, sans tenir compte d'aucune autre cause que les fautes qui lui étaient imputées, les dommages subis par les sociétés intimées, après avoir relevé que ces dernières ne prouvaient pas que la baisse de leur chiffre d'affaires avec les sociétés CMR, FCGE, De Narva, Terrafor et Brodevani en 2007 aurait été uniquement liée au détournement de clientèle dont elles ont fait l'objet début 2007, et que la baisse de chiffre d'affaires de la société MC intérim en 2005 et 2006 concernait aussi des clients auprès desquels les 21 salariés intérimaires n'étaient pas missionnés avant leur débauchage ; qu'en statuant par ces motifs n'établissant pas que les agissements reprochés à l'a société Item auraient été la cause exclusive des dommages, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que sous le couvert du grief infondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, du montant du préjudice, qu'ils ont évalué sur la base de la perte du chiffre d'affaires des sociétés d'intérim entre 2006 et 2007 avec les sociétés CMR, GEMC, FCGE, De Narda, Terrafor et Brodevani, corrigé du taux de marge réalisé en 2007 et sans application d'un prorata ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.