CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 12 décembre 2017, n° 16-10085
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Juratoys (SAS)
Défendeur :
Editions Auzou (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Peyron
Conseillers :
Mme Isabelle Douillet, M. Thomas
Avocats :
Mes Cholay, Muller, Varet
Exposé des faits
La société Juratoys exerce une activité de conception, développement et distribution de jouets en bois. Ses produits sont distribués sous la marque communautaire " Janod " enregistrée à l'INPI sous le numéro 1063451.
Elle commercialise notamment un puzzle dénommé " Le monde magnétique " (référence 05500).
La société Editions Auzou a pour activité, depuis 1955, l'édition et la commercialisation d'ouvrages pour la jeunesse à la fois ludiques et pédagogiques.
La société Juratoys reproche à la société Editions Auzou d'avoir contrefait son puzzle " Le monde magnétique " en commercialisant un coffret, composé d'un livre et d'un puzzle magnétique, dénommé " Mon premier atlas à jouer " (référence code barre 9782733818435).
La société Juratoys a obtenu l'autorisation, par ordonnance présidentielle du Tribunal de grande instance de Paris du 5 juillet 2012, de faire pratiquer une saisie contrefaçon opérée par huissier de justice en date du 4 septembre 2012 dans les locaux de la société Editions Auzou
Elle a ensuite adressé à la société Editions Auzou un courrier recommandé avec accusé de réception du 8 octobre 2012 de mise en demeure de cesser toute commercialisation des produits allégués de contrefaçon et de lui payer une somme forfaitaire d'un million d'euros à titre transactionnel compte tenu du préjudice subi par elle et des frais de procédure exposés. La société Auzou n'a pas répondu à ce courrier de mise en demeure.
Par exploit du 14 mars 2013, la société Juratoys a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris lequel, par ordonnance du 17 juillet 2013, a dit, d'une part, que la société Juratoys pouvait revendiquer des droits d'auteur sur le produit " Le monde magnétique ", mais qu'en l'absence de reprise des éléments caractéristiques du puzzle, aucun trouble manifestement illicite n'était constitué et, d'autre part, qu'il n' y avait lieu à référé sur les demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.
La société Juratoys ayant interjeté appel de cette décision, cette cour, par arrêt du 28 octobre 2014, a infirmé l'ordonnance et dit qu'il y avait trouble manifestement illicite causé par la contrefaçon du puzzle " Le monde magnétique " par le produit " Mon premier atlas à jouer " commercialisé par la société Editions Auzou La cour a, en conséquence, ordonné à la société Editions Auzou de cesser toute commercialisation du produit " Mon premier atlas à jouer ", sous astreinte, et l'a condamnée à verser à la société Juratoys une provision de 15 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice subi du fait de cette contrefaçon, outre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Cet arrêt a fait l'objet d'un arrêt rectificatif, en date du 10 février 2015, dans lequel il a été précisé que les mesures d'interdiction visaient le puzzle " Mon premier atlas à jouer " référencé 9782733814048.
La Cour de cassation, par un arrêt du 6 avril 2016, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel au motif que la cour d'appel avait tranché une contestation sérieuse.
C'est dans ces conditions que la société Juratoys a fait assigner la société Editions Auzou par exploit du 17 février 2015, devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale.
Par jugement du 7 avril 2016, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que la société Juratoys est titulaire des droits patrimoniaux d'auteur sur le puzzle " Le monde magnétique ",
- dit que le puzzle " Le monde magnétique " est original et donc accessible à la protection du droit d'auteur,
- débouté la société Juratoys de ses demandes au titre de la contrefaçon de son puzzle " Le monde magnétique ",
- débouté la société Juratoys de ses demandes [subsidiaires] fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,
- condamné la société Juratoys à rembourser à la société Editions Auzou la provision de 15 000 euros versée dans le cadre de la procédure de référés,
- condamné la société Juratoys à payer à la société Editions Auzou la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Juratoys aux dépens.
Le 2 mai 2016, la société Juratoys a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 17 novembre 2016, la société Juratoys demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- jugé qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur le produit 'Le monde magnétique' référence J05500 et que ce produit est une œuvre originale et bénéficie à ce titre de la protection du droit d'auteur,
- débouté la société Editions Auzou de sa demande reconventionnelle,
- de réformer le jugement et de juger que le produit " Mon premier atlas à jouer " référence 9782733814048 contrefait le produit " Le monde magnétique " référence J05500 ou, subsidiairement, de juger que la société Editions Auzou a commis des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires en commercialisant le produit " Mon premier atlas à jouer ", référence 9782733814048,
- d'ordonner à la société Editions Auzou sous astreinte de 1000 euros par jour et par infraction constatée, de cesser de commercialiser tout produit contrefaisant le produit Juratoys " Le monde magnétique ", référence J05500, et notamment le produit " Mon premier atlas à jouer ", référence " 9782733818435 ",
- de condamner la société Editions Auzou à lui verser, à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 598 900 euros ou, subsidiairement (en retenant les chiffres communiqués par l'intimée), celle de 807 646,48 euros,
- de débouter la société Edition Auzou de son appel incident,
- de la condamner à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises le 20 septembre 2017, la société Editions Auzou demande à la cour :
- à titre incident, d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré que la société Juratoys rapportait la preuve de la titularité des droits d'auteur sur le puzzle " Le monde magnétique " référence J05500 et, par suite, de dire la société Juratoys irrecevable en ses demandes formées au titre du droit d'auteur,
- déclaré que la société Juratoys rapportait la preuve de l'originalité du produit " Le monde magnétique ", référence J05500 dont elle revendique la protection et, par suite, de dire la société Juratoys irrecevable en ses demandes formées au titre du droit d'auteur,
- en tout état de cause, de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le produit " Mon premier atlas à jouer " référence 9782733814048, ne contrefait pas le produit puzzle " Le monde magnétique " référence J05500 et par suite, de débouter la société Juratoys de son action en contrefaçon de droit d'auteur et des demandes afférentes,
- à titre subsidiaire : de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Juratoys échoue à établir une faute de nature à caractériser des faits de concurrence déloyale ou parasitaire, et en conséquence, de la débouter de ses demandes en concurrence déloyale et en parasitisme,
- à titre très subsidiaire :
- de juger que les mesures d'interdiction sollicitées par la société Juratoys ne sont pas justifiées et, par suite, de l'en débouter, - en tant que de besoin, de limiter les mesures d'interdiction au puzzle " Mon premier atlas à jouer " référencé 9782733814048,
- de juger que les demandes de dommages et intérêts sollicités par la société Juratoys ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur quantum et par suite, de l'en débouter,
- en tout état de cause, de débouter la société Juratoys de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2017.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées ;
Sur le chef du jugement non critiqué
Considérant que le jugement déféré n'est pas contesté en ce qu'il a condamné la société Juratoys à rembourser à la société Editions Auzou la provision de 15 000 euros versée dans le cadre de la procédure de référé ;
Que le jugement déféré sera par conséquent confirmé de ce chef ; Sur la contrefaçon du produit " Le monde magnétique "
Sur la recevabilité des demandes de la société Juratoys au titre du droit d'auteur : la titularité des droits d'auteur de la société Juratoys
Considérant que la société Editions Auzou pour contester la titularité des droits d'auteur de la société Juratoys fait valoir que celle-ci ne rapporte la preuve ni de la date de création de l'œuvre revendiquée, ni de la date de sa première commercialisation, ni de l'identité entre le puzzle divulgué et celui dont la protection est revendiquée ; que l'intimée soutient que les pièces produites par l'appelante sont insuffisantes à établir l'exploitation paisible et non équivoque, par elle, dudit puzzle ;
Que la société Juratoys répond qu'elle a divulgué et commercialisé le produit " Puzzle Le monde magnétique " sous la marque " Janod ", depuis l'année 2008 sous la référence 05500, comme le démontrent les extraits de ses catalogues 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 versés aux débats ;
Considérant que la société Editions Auzou fait pertinemment valoir que la société Juratoys invoque en vain l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre a été divulguée, dès lors que ce texte n'a pas vocation à s'appliquer aux personnes morales, seules les personnes physiques pouvant revendiquer la qualité d'auteur d'une œuvre ;
Qu'en ce qui concerne les personnes morales, le principe, dégagé par la jurisprudence, est qu'en l'absence de revendication du ou des auteurs, fussent-ils identifiés, l'exploitation paisible et non équivoque d'une ouvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne morale est titulaire sur l'œuvre des droits patrimoniaux d'auteur ;
Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'œuvre qu'elle revendique et, à défaut de démontrer les conditions ou la date certaine de la création, d'établir qu'elle exploite sous son nom l'œuvre en cause de manière paisible et non équivoque et que les caractéristiques de l'œuvre revendiquée sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom;
Considérant, en l'espèce, que la société Juratoys produit aux débats les catalogues Janod destinés au public pour les années 2008, 2009 et 2012 qui proposent à la vente le produit " Puzzle Le monde magnétique " sous la référence 05500 ; qu'une facture du 22 janvier 2008 établit que le catalogue 2008 a été imprimé en 6000 exemplaires ; que l'appelante verse également une facture du 10 avril 2008 à la société Joupi Lodeve concernant notamment 3 exemplaires du puzzle " Monde magnétique " référencé 05500 ;
Que la preuve est ainsi suffisamment rapportée que le puzzle " Le monde magnétique " revendiqué a été effectivement divulgué et commercialisé par la société Juratoys à compter de l'année 2008, soit antérieurement au puzzle " Mon premier atlas à jouer " de la société Editions Auzou les protocoles d'accord entre cette dernière et les auteurs de son puzzle pour la création de ce produit ayant été signés en 2010 et 2011 ;
Que la référence 05500 se retrouvant sur les catalogues 2008, 2009 et 2012, les différences mineures relevées par la société Editions Auzou dans les illustrations des puzzles entre ceux représentés dans les trois catalogues précités et ceux des pièces 16 et 21 de la société Juratoys seront considérées sans emport au stade de l'examen de la titularité des droits de la société appelante ;
Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Juratoys était titulaire des droits patrimoniaux d'auteur sur le puzzle " Le monde magnétique " ;
Sur la protection du produit " Le monde magnétique " par le droit d'auteur : l'originalité du puzzle
Considérant que la société Editions Auzou conteste l'originalité du puzzle revendiqué, faisant valoir que la société Juratoys n'explique pas en quoi consisterait l'activité créatrice qui a présidé à la création du puzzle ni en quoi les choix qu'elle allègue ont été des choix libres et créatifs portant l'empreinte de la personnalité de celui qui a réalisé le produit; qu'elle fait valoir que les caractéristiques revendiquées relèvent d'idées et de concepts appartenant au fond commun (choix des couleurs, des objets et des scènes pour représenter les différentes régions du monde, choix des fonds couleur ou paysagers, choix des polices...) et relèvent de la liberté du commerce et de l'industrie ;
Que la société Juratoys oppose que son puzzle est un ensemble complexe d'illustrations et de couleurs, fruit d'une multiplicité de choix qui se combinent entre eux, et que son originalité procède de la combinaison originale d'un ensemble de caractéristiques originales ;
Considérant que l'article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle protège par le droit d'auteur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales ; qu'il se déduit de ces dispositions, le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale ; que selon l'article L. 112-2, 10° et 11° du même code, sont considérées comme œuvres de l'esprit les œuvres des arts appliqués, les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, la topographie, l'architecture ou aux sciences;
Qu'il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale ; que cependant, lorsque cette protection est contestée, l'originalité d'une œuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seule ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité ;
Considérant que la société Juratoys revendique la combinaison des caractéristiques suivantes :
la création d'illustrations originales figurant d'une part sur les magnets et d'autre part sur la carte magnétique servant de support aux magnets. Ces illustrations sont caractérisées par un style naïf et le fait qu'elles n'aient pas de contour ou un contour très peu marqué. Elles sont également caractérisées par le choix des poses et attitudes des animaux et personnages. Certaines de ces illustrations sont des symboles des régions du monde considérées mais certaines sont également des saynètes choisies mettant en scène des personnages,
l'utilisation, pour de nombreuses illustrations d'un fond de couleur ou d'un paysage spécifique qui détache ces illustrations du fond de couleur de la carte. Ces fonds de couleurs spécifiques sont utilisés soit pour mettre en avant une illustration spécifique soit pour mettre en avant une combinaison d'illustration. L'utilisation de ces fonds paysagers permet de regrouper dans des sous-ensembles des groupes d'illustration. Le choix produit un effet esthétique certain en constituant des masses qui attirent l''il et rythment ainsi la lecture visuelle de la carte.
la disposition autour des illustrations originales de nombreuses illustrations secondaires confère une continuité et une homogénéité au dessin. Ces illustrations secondaires sont des végétaux (de petits arbres sont répartis sur l'ensemble de la carte), des flocons de neige (en Sibérie, Europe du Nord, Canada, Arctique et Antarctique). L'utilisation de ces illustrations secondaires crée un lien et une continuité entre les différentes illustrations principales et participe ainsi de l'impression d'ensemble spécifique et original du produit,
la combinaison et le choix des illustrations pour représenter chaque région du monde.
Ces combinaisons spécifiques d'illustrations originales et leurs positionnements confèrent à l'œuvre un aspect visuel spécifique et un équilibre esthétique.
cette combinaison d'illustrations se combine elle-même avec le choix fait par l'auteur d'attribuer à chaque région du monde une couleur déterminée afin de permettre leur identification. Ces illustrations et couleurs se combinent elles-mêmes avec un ensemble de polices de caractère choisies pour désigner les pays, mers, océans, villes ;
Considérant que la cour fait sienne l'appréciation des premiers juges qui ont estimé que, si le puzzle de la société Juratoys emprunte au fonds commun pour ce qui est des dessins naïfs qui sont le propre des livres et jeux pour enfants, la reprise de symboles connus pour représenter les pays ou régions du monde (neige et glace en Sibérie et au Groenland, cow-boy, indien et bison en Amérique du nord, chameau au Sahara, Taj ... en Inde, danseurs de flamenco en Espagne, kangourou en Australie...), le choix banal de couleurs chaudes (jaune, rose) pour illustrer les régions au climat chaud ou au contraire de couleurs froides (blanc, bleu) pour celles au climat froid et de la couleur bleu pour colorer les mers et océans, le produit traduit néanmoins un certain effort créatif qui tient à la multiplicité des illustrations, principales et secondaires, aux fonds très travaillés quant aux dessins et couleurs et aux saynètes richement illustrées, composées de personnages, d'animaux, de végétaux, d'objets et d'éléments géographiques ou culturels ;
Qu'aucun des produits antérieurs présentés par la société Editions Auzou comme démontrant la banalité du puzzle de la société Juratoys ne reprend l'ensemble des caractéristiques invoquées dans la même combinaison, étant rappelé que la notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur ;
Que comme l'a retenu le tribunal, le choix et la combinaison de ces éléments, du fait de leur agencement particulier, fruit de choix arbitraires, confère au puzzle de la société Juratoys une physionomie propre qui traduit un effort créatif et un parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a reconnu l'originalité du puzzle de la société Juratoys et, partant, sa protection par le droit d'auteur ;
Sur les actes de contrefaçon
Considérant que la société Juratoys prétend que le puzzle " Mon premier atlas à jouer " de la société Editions Auzou reprend les caractéristiques de son puzzle " Le monde magnétique " ; qu'elle fait valoir que le puzzle de la société Editions Auzou produit la même impression d'ensemble que son produit et qu'il en reprend les caractéristiques essentielles, à savoir i)
l'identification des régions du monde par des couleurs similaires, bien que réparties différemment, ainsi que l'usage de magnets dont la forme épouse harmonieusement les contours des terres, comme le montre l'examen global des deux puzzles, ii) la similitude de style entre les illustrations des deux puzzles, qu'il s'agisse, des illustrations principales, des illustrations accessoires servant à lier entre elles les illustrations principales et de la représentation de fonds spécifiques à certaines illustrations ayant pour effet de les détacher du fond de la carte, iii) l'usage ponctuel de fonds spécifiques, distincts du fond général de la carte, liant plusieurs illustrations entre elles, iv) la similitude d'un grand nombre de choix, de combinaison et de disposition des illustrations; qu'elle souligne que ces caractéristiques et leur combinaison sont communes aux deux puzzles en cause et les distinguent de toutes les antériorités alléguées par la société Editions Auzou ;
Que la société Editions Auzou répond que son puzzle ne reproduit pas l'ensemble des caractéristiques du puzzle de la société JUATOYS les quelques ressemblances entre les deux puzzles relevant du domaine des idées et du fonds commun du genre des " cartes géographiques - puzzles ", non appropriables par le droit d'auteur ; qu'elle ajoute que seul le graphisme des illustrations serait protégeable par le droit d'auteur mais qu'il ne se retrouve pas dans son puzzle ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, " Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque " ;
Considérant que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a, dans ses motifs, reconnu la validité des opérations de saisie-contrefaçon ;
Considérant que si une impression d'ensemble commune ressort de la comparaison des deux jeux, elle tient au fait que les deux puzzles sont pareillement des cartes du monde illustrées au moyen de couleurs vives et selon le style naïf propre aux livres et jeux pour enfants, ce qui n'est pas original et ne peut donc être protégé par le droit d'auteur ; qu'en outre, la contrefaçon n'est susceptible d'être constituée que par la reprise des caractéristiques originales essentielles de l'œuvre revendiquée ;
Que les couleurs, si elles sont identiques pour les mers et océans représentés en bleu et pour les zones polaires à dominante blanche, ce qui est d'une grande banalité, elles diffèrent nettement pour le reste de la carte du monde, comme l'ont relevé les premiers juges, puisque l'Amérique du nord est essentiellement bleue chez Editions Auzou alors qu'elle est bleue, verte et jaune chez Juratoys, que l'Amérique du sud est verte chez Editions Auzou alors qu'elle est verte et jaune chez Juratoys, que l'Afrique est de façon dominante orange chez Editions Auzou alors qu'elle est principalement jaune chez Juratoys, que l'Europe est principalement rose chez Editions Auzou alors qu'elle est surtout verte chez Juratoys, que la Russie est violette chez Editions Auzou alors qu'elle est rose chez Juratoys, que l'Asie est rouge foncé ou orange chez Editions Auzou alors qu'elle est majoritairement rose clair chez Juratoys, que l'Océanie ressort en bleu chez Editions Auzou et en jaune/orange chez Juratoys; qu'ainsi, les différences l'emportent sur les ressemblances pour ce qui est des couleurs ;
Qu'en ce qui concerne le choix des illustrations et leur positionnement sur la carte, la cour constate la présence sur les deux jeux de nombreuses illustrations principales ressemblantes (oiseau au large de l'Amérique du sud, personnage pratiquant le taekwondo en Corée, personnage en pagne au milieu de la forêt amazonienne, aborigène brandissant un boomerang en Australie, un gorille en Afrique centrale, le Taj ... en Inde, transsibérien en Russie...) ; qu'il est constaté de même des similitudes dans des illustrations secondaires constituant le fond spécifique revendiqué par la société Juratoys ( de lion au Tchad, masque inca au Pérou, singe sautant de branche en branche dans la forêt indonésienne, cavalier en Mongolie, traîneau tiré par des chiens en Alaska, grande muraille de Chine...); que cependant toutes ces ressemblances se rapportent à des représentations symboliques usuelles des zones du monde concernées que la société Juratoys ne peut prétendre s'approprier ; que de même, l'utilisation de couleurs différentes pour faire ressortir des saynètes ou, selon la société Juratoys relier entre elles plusieurs illustrations, relève d'un procédé ou d'une idée qui n'est pas appropriable, l'importance du recours à ce procédé, comme les couleurs utilisées et les emplacements de ces zones colorées différenciées étant au demeurant différents d'un jeu à l'autre ;
Que comme le tribunal, la cour relève des différences entre les deux cartes tenant à la représentation sur le puzzle Juratoys de saynètes transversales sur plusieurs pays (comme en Asie ou en Afrique centrale) qui ne se limitent pas à la reprise d'un symbole par pays comme sur le puzzle Editions Auzou à l'utilisation, pour figurer les frontières, d'une ligne en pointillés sur la carte du'Le monde magnétique' et d'une ligne continue sur celle de 'Mon premier atlas à jouer' et aussi, chez Juratoys, à des magnets recouvrant en général un seul pays alors que sur le puzzle Editions Auzou les pièces englobent plusieurs pays ; que surtout, au premier examen, le puzzle de la société Juratoys se caractérise par une plus grande diversité et une plus grande richesse des illustrations ;
Qu'en définitive, il n'est pas constaté sur le puzzle de la société Editions Auzou une reprise de caractéristiques originales du puzzle de la société Juratoys appropriables par le droit d'auteur ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que la contrefaçon alléguée n'était pas établie ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire invoquée à titre subsidiaire
Considérant que la société Juratoys soutient, à titre subsidiaire, que la société Editions Auzou a commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; qu'elle fait valoir que la marque 'Janod' sous laquelle elle commercialise ses jouets jouit d'une forte renommée, qu'elle même déploie des efforts importants de conception et de promotion de ses produits et que la société Editions Auzou en commercialisant des imitations de son puzzle, a créée un risque de confusion du fait de la ressemblance entre les deux produits lorsqu'ils sont présentés avec les magnets disposés sur la carte et qu'elle s'est aussi immiscée dans son sillage en bénéficiant de ses efforts ;
Que la société Editions Auzou réplique que la société Juratoys ne démontre aucune faute distincte de la simple imitation de nature à caractériser des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme ; qu'elle fait valoir, d'une part, que le grief de parasitisme est inopérant dans la mesure où elle s'est largement inspirée du fond commun de l'univers des jeux pour enfants et que la société Juratoys dont la renommée n'est pas démontrée, n'établit pas les investissements qu'elle invoque et, d'autre part, qu'aucun risque de confusion n'est possible entre les produits qui ne se situent pas sur le même marché, son puzzle relevant du marché des livres-jouets alors que le puzzle de la société JUATOYS relève de celui du jeu/jouet ;
Considérant que la concurrence déloyale et le parasitisme, pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil, sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;
Que ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce ;
Que l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte, notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété du produit copié ;
Considérant que la société Juratoys qui échoue dans son action en contrefaçon, ne peut invoquer à titre subsidiaire des faits identiques à ceux invoqués au titre de la contrefaçon, à savoir l'imitation des caractéristiques originales du produit sur lequel elle détient des droits d'auteur ; qu'elle est toutefois recevable à invoquer des faits distincts, tels ceux qu'elle invoque en l'espèce, à savoir la recherche par la société Auzou d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle entre les deux puzzles et l'appropriation indue par cette même société de ses efforts de création et d'investissement, faits qui, s'ils étaient établis, seraient contraires aux usages loyaux du commerce ;
Considérant qu'en l'espèce, comme l'a retenu le tribunal, le puzzle " Le monde magnétique " de la société Juratoys se situe sur le même marché des jeux éducatifs et livres ludiques que le coffret " Mon premier atlas à jouer ", composé d'un livre et d'un puzzle magnétique, commercialisé par la société Editions Auzou ;
Que cependant, le risque de confusion allégué n'est pas démontré ;
Qu'en effet, alors que la notoriété du puzzle " Le monde magnétique " de la société Juratoys ne résulte pas des pièces invoquées à ce titre par la société appelante, qui concernent d'autres produits de la marque " Janod " (puzzle " ... France magnétique ", puzzle " Planète bleue " livré dans une valisette ronde, jouets en bois, xylophone...), les deux produits ne sont pas présentés au consommateur de la même façon lors de l'acte d'achat en magasin, le puzzle de la société Juratoys étant en effet présenté sans sa boîte, avec les magnets disposés sur la carte aimantée, alors que le produit de la société Editions Auzou se présente dans une boîte en carton mentionnant " Mon premier atlas à jouer " et contenant un livre et un puzzle du monde à déplier ; que si, sur internet, le produit de la société Editions Auzou est présenté hors de sa boîte et avec les pièces magnétiques disposées sur la carte comme le montrent les pièces 36 et 37 de l'appelante, le texte précise que le produit comprend, en plus d'une carte du monde aimantée et d'un puzzle de 86 pièces, un atlas de 108 pages, alors que le produit de la société Juratoys n'est constitué que d'une carte du monde aimantée et d'un puzzle ; qu'en outre, présentés tous deux, sur internet, la carte ouverte et les pièces magnétiques posées dessus, les produits des parties n'apparaissent ressemblants qu'en ce qu'ils proposent l'un et l'autre un puzzle d'une carte du monde illustrée de façon naïve, les couleurs étant différentes et les illustrations se rapportant à des représentations symboliques usuelles comme il a été dit plus haut, de sorte que la recherche d'un risque de confusion par la société Editions Auzou n'est pas démontrée et que la commercialisation de son puzzle concurrent relève de la liberté du commerce et ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ;
Que par ailleurs, alors que la notoriété de son puzzle " Le monde magnétique " et de sa marque " Janod " n'est pas établie, la société Juratoys ne justifie pas des investissements particuliers qu'elle aurait effectués pour développer et commercialiser son puzzle ; qu'au demeurant, la société Editions Auzou démontre que plusieurs puzzles représentant une carte du monde et illustrés de dessins naïfs ont été commercialisés antérieurement à celui de la société Juratoys ( des sociétés Vilac (2000), Piccolia (2005), Editions Usborne (1995/2005), Orchad Toys (2007), Les Continents Du Monde (2006) - ses pièces 28 à 32) ; qu'un comportement parasitaire de la société Auzou n'est donc pas démontré ;
Considérant qu'aucune attitude fautive de la société Editions Auzou n'étant démontrée dans la commercialisation de son produit, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Juratoys de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire ;
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Que la société Juratoys qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées ;
Que la somme qui doit être mise à la charge de la société Juratoys au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société Editions Auzou peut être équitablement fixée à 10 000 euros, cette somme complétant celle allouée en première instance ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Juratoys aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à la société Editions Auzou de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.