CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 13 décembre 2017, n° 13-19504
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Autobella (SARL)
Défendeur :
Fleureau (SARL), Fleureau (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Luc
Conseillers :
Mmes Mouthon Vidilles, Comte
Avocats :
Mes Bouzidi-Fabre, Chenard, Etevenard, Castagnon, Sobieraj
Faits et procédure
La SARL Autobella est un professionnel de l'exploitation de centres de lavage automobile manuel dans les parkings publics et les centres commerciaux.
La SARL Fleureau est spécialisée dans le secteur d'activité de l'entretien et de la réparation de véhicules automobiles légers.
Au mois de mars 2010, M. Antonin Fleureau s'est rapproché d'Autobella pour l'exploitation d'un espace de lavage en franchise.
Le 20 avril 2010, M. Antonin Fleureau a versé un chèque de 35 880 euros à la société Autobella.
Le 4 juin 2010, un contrat de franchise a été signé entre la société Fleureau, nouvellement constituée pour l'exploitation du centre de lavage de Senart, et le franchiseur Autobella.
M. Antonin Fleureau n'a jamais ouvert le centre de lavage envisagé dans le cadre du contrat de franchise.
Par actes du 2 mai 2012, la SARL Fleureau, en liquidation amiable prise en la personne de M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la SARL Fleureau, a assigné devant le Tribunal de commerce de Paris la SARL Autobella, en résolution du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Autobella pour inexécution par le franchiseur de ses obligations.
Par jugement du 25 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a :
- prononcé la nullité du contrat de franchise,
- débouté la société Autobella de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société Autobella à restituer à M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, la somme de 35 880 euros,
- débouté M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice,
- condamné la société Autobella à payer à M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement, en toutes ses dispositions, sans constitution de garantie,
- condamné la société Autobella aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,17 euros dont 13,25 euros de TVA.
La société Autobella a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 10 octobre 2013.
La procédure devant la cour a été clôturée le 17 octobre 2017.
LA COUR
Vu les conclusions du 9 janvier 2014 par lesquelles la société Autobella, appelante, invite la cour, au visa des articles 1134, 1142, 1147 et 1149 du Code civil, 9, 515, 517 et 519 du Code de procédure civile, de :
- réformer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 25 septembre 2013, en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise et condamné la société Autobella à restituer à M. Antonin Fleureau, ès qualités, la somme de 35 880 euros, et, statuant à nouveau
à titre principal :
- dire qu'elle a satisfait à ses obligations légales de communication des informations précontractuelles,
- dire que, en tout état de cause, M. Antonin Fleureau, ès qualités, a donné son consentement au contrat de franchise, de manière libre et éclairée, ce consentement étant exempt d'erreur ou de dol,
en conséquence,
- dire le contrat de franchise valable,
- ordonner à M. Antonin Fleureau, ès qualités, de restituer à la société Autobella la somme de 35 880 euros correspondant aux droits d'entrée,
à titre reconventionnel :
- dire que M. Antonin Fleureau, ès qualités, a gravement manqué à ses obligations contractuelles,
- dire le contrat de franchise résilié aux torts exclusifs de M. Antonin Fleureau, ès qualités, et ce à compter du 10 juillet 2012,
en conséquence,
- condamner M. Antonin Fleureau, ès qualités à payer à la société Autobella la somme de 9 600 euros au titre du préjudice économique et 1 000 euros au titre du préjudice moral subis par elle, ces sommes portant intérêts aux taux légal à compter de la décision à intervenir,
en tout état de cause :
- condamner M. Antonin Fleureau, ès qualités, à payer à la société Autobella la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et le condamner en tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi selon les modalités de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Elle fait valoir que :
- en matière de franchise, la communication des informations précontractuelles et du projet de contrat de franchise se déduit des circonstances de la cause et la preuve de la communication effective de ces documents est valablement rapportée par une clause du contrat de franchise indiquant que le franchisé avait eu connaissance de tous les documents et informations précontractuelles exigés par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce,
- M. Antonin Fleureau n'ignore pas que le préambule du contrat de franchise du 4 juin 2010 stipule que " le franchisé reconnaît avoir reçu 20 jours avant la signature du présent contrat un document d'information précontractuelle conformément à l'article L. 330-3 du Code de commerce et de son décret d'application du 4 avril 1991, ainsi que le projet de contrat et s'engager aux termes du présent contrat en toute connaissance de cause ",
- qu'aux termes de l'article 1322 du Code civil, l'acte sous-seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, a entre ceux qui l'ont souscrit, la même foi que l'acte authentique,
- la signature du contrat par M. Antonin Fleureau, qui mentionne la transmission du DIP, à elle seule, vient confirmer la transmission effective,
- le comptable de M. Antonin Fleureau a établi un dossier prévisionnel daté du 14 avril 2010, lequel repose sur les éléments et informations contenus dans le DIP, et dont M. Antonin Fleureau avait donc connaissance avant la date du 14 avril 2010,
- l'expert-comptable de l'intimé n'aurait pas été en mesure de dresser cet état de compte prévisionnel,
à la date du 14 septembre 2010, si le DIP et le projet de contrat de franchise n'avaient pas été transmis au début du mois d'avril,
- les éléments chiffrés contenus au DIP et le dossier prévisionnel établi le 14 avril 2010 sont identiques,
- ce défaut d'information, à le supposer réel, doit avoir vicié le consentement du franchisé pour se prévaloir des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce,
- dans son jugement du 25 septembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la nullité du contrat de franchise, sans analyser en quoi l'absence de transmission des comptes, pourtant disponibles sur internet, aurait vicié le consentement de M. Antonin Fleureau,
- rapporter une erreur ou un dol en l'espèce est impossible, dans la mesure où la parfaite concordance des termes du compte prévisionnel avec le Document d'Information Précontractuelle (ci-après le DIP) suffit à démontrer l'absence de vice du consentement,
- pour rapporter la preuve d'un vice du consentement, encore eut-il fallu que M. Antonin Fleureau eût effectivement exploité la franchise du site " Carré Sénart ", ce qu'il ne conteste pas n'avoir jamais fait,
- M. Antonin Fleureau n'a jamais validé les devis établis à sa demande et n'a pas versé aux débats une demande de prêt dument formalisée auprès de sa banque, et ce, malgré la sommation de communiquer qui lui a été adressée par le conseil de la société Autobella le 14 décembre 2012,
- une simple prise de contact avec un banquier pour évoquer un projet professionnel ne saurait être confondue avec une demande de prêt dument formalisée,
- la société Fleureau n'a jamais débuté l'exploitation sur le site franchisé de Carré Sénart, en violation de son obligation essentielle,
- la société Fleureau s'est abstenue de payer la redevance mensuelle de 400 euros au titre de l'article 11.2 du contrat de franchise, ainsi que le loyer dû au titre des emplacements, d'un montant de 20 000 euros par an,
- la société Autobella a subi un préjudice sur le manque à gagner au titre des redevances forfaitaires mensuelles de 400 euros HT qui s'élèvent alors à un montant de 9 600 euros pour 24 mois et un préjudice moral ;
Vu les conclusions du 28 février 2014 et du 31 décembre 2015 par lesquelles M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, intimé ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, 1116 & 1184 du Code civil, de :
- le déclarer ès qualités de liquidateur de la société Fleureau recevable et bien fondé en ses demandes,
à titre principal :
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise et ordonné le remboursement du droit d'entrée,
- condamner la société Autobella à lui verser la somme de 15 930 de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre 2 000 euros au titre du préjudice moral,
à titre subsidiaire, si le jugement devait être infirmé en ce qui concerne la nullité :
- prononcer la résolution du contrat,
- dire qu'elle est imputable en totalité au concédant,
- condamner la société Autobella à lui rembourser la somme de 35 880 TTC,
- condamner la société Autobella à lui verser la somme de 15 930 de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi outre 2 000 euros au titre du préjudice moral,
à titre infiniment subsidiaire :
- dire que le paiement du droit d'entrée de 35 880 euros TTC est intervenu sans aucune contrepartie,
et n'a pas fait l'objet d'un écrit, contrairement aux exigences légales de l'article L. 330-3 du Code de commerce,
- condamner partant la société Autobella à la restitution de ce montant,
en toute hypothèse :
- débouter la société Autobella de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Autobella au paiement de la somme de 4 500 à en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Autobella aux entiers dépens dont le recouvrement pourra être poursuivi par Maître Frédérique Etevenard Avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Il explique que :
- le DIP ne lui a été communiqué qu'au mois de janvier 2011 alors que le contrat de franchise a été signé le 4 juin 2010,
- le DIP n'est pas signé et daté et la société Autobella ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, qu'elle a bien remis ce document en temps voulu,
- l'accusé de réception du DIP n'est pas renseigné (ni date, ni nom du candidat, ni signature), ce qui démontre que le DIP n'a pas été remis, non plus que ses annexes, dont le projet de contrat, qui ne sont pas listées,
- le fait que le contrat stipule que le DIP aurait été remis dans le délai ne suffit pas à lui seul à rapporter la preuve d'une remise dans le délai imparti ni de ce que l'information était complète,
- dans sa lettre du 30 novembre 2010, le conseil de la société Autobella ne mentionne nullement la remise du DIP avant la signature du contrat, mais seulement l'envoi d'un devis de travaux le 7 mai 2010 et sa demande relative à l'envoi de documents à sa banque,
- il n'a pas disposé d'une information préalable à son engagement qui lui aurait permis de préparer son projet au regard du développement du réseau, de l'état du marché national et local, d'autant plus qu'il est un novice dans le domaine concerné et dans le domaine de la distribution,
- le DIP ne remplit pas les exigences posées par la loi et ne contient que des informations lacunaires qui n'auraient pas permis d'évaluer la solidité financière de la société Autobella et de son savoir-faire,
- la présentation du réseau est incomplète, n'indiquant que " les principaux partenaires faisant partie du réseau France ", la sincérité de l'information fait donc défaut,
- il n'y a pas d'information sur le nombre de fermetures intervenues dans l'année précédente, ni sur les raisons de ces fermetures éventuelles,
- l'état général du marché et la présentation de la concurrence sont sommaires,
- les résultats du franchiseur ne sont pas communiqués et n'étaient pas publiés sur internet à l'époque,
- aucun avis paru au BODACC ne peut être trouvé pour les années 2008 et 2009 et les comptes 2010 n'ont été publiés qu'en septembre 2011,
- le 20 avril 2010, la société Autobella a émis un document par lequel son gérant reconnaît avoir reçu un chèque de 35 880 euros de sa part,
- la remise d'un chèque vaut paiement si la provision existe et l'encaissement peut être réalisé,
- le document mentionne expressément que cette somme correspond au " droit d'entrée " du site de Carré Sénart,
- le versement est intervenu en l'absence de contrepartie puisque la société Autobella n'a fourni aucune prestation en contrepartie du versement des droits d'entrée,
- le versement est intervenu avant communication des informations puisque la première information dont il a disposé, a été le contrat de franchise qu'il a signé le 4 juin 2010,
- des informations déterminantes n'ont pas été communiquées en temps voulu à la société Fleureau, ce qui a vicié son consentement,
- la société Fleureau était titulaire d'un contrat qui devait être exploité à compter du 1er septembre 2010, alors qu'elle ne pouvait en aucun cas le faire avant le mois suivant,
- la société Unibail Marketing et Multimédia peut mettre un terme à tout moment à la convention ou ne pas la renouveler, ce qui entraîne la disparition automatique du contrat de franchise,
- il n'a pris connaissance qu'à la lecture du contrat qu'une convention d'occupation devait être conclue,
- s'il avait eu connaissance, au moment où il signait le contrat, de la situation précaire dans laquelle la société Autobella entendait lui faire exercer l'activité de lavage d'automobiles, la société Fleureau n'aurait pas contracté,
- il résulte de l'ensemble de ces éléments, que la société Fleureau n'a pas disposé des informations nécessaires au moment où elle a pris son engagement, de sorte que son consentement n'était pas éclairé et a été vicié par le dol de son cocontractant,
- le contrat de sous-mise à disposition n'était pas communiqué et il ressort des écritures adverses qu'il a fallu attendre la fin du mois de novembre 2010 pour que des devis de travaux soient adressés par le franchiseur,
- il était impossible de débuter l'activité et de faire réaliser les travaux,
- malgré sa sollicitation de communication des informations au mois de février 2011, il n'a obtenu de réponse qu'au mois de mai suivant,
- les préjudices allégués par l'appelante ne sont pas justifiés, la société Autobella ne démontrant pas avoir versé quelque somme que ce soit pour conserver le site de Carré Sénart,
- contrairement à ce qui est indiqué à l'article 8.5.2 du contrat de franchise, il n'a, ni pris connaissance, ni accepté les termes d'un contrat de mise à disposition qui n'existait pas au moment de la signature du contrat de franchise,
- l'article 2 de la convention de mise à disposition prévoyait que la convention s'appliquait à compter du 1er octobre 2010 quand le contrat de franchise prévoyait que la société Fleureau devait commencer l'exploitation du site le 1er septembre 2010,
- ce sont les négligences fautives du franchiseur qui sont à l'origine de l'échec du projet,
- le franchiseur n'a communiqué que des informations parcellaires, n'a pas fait diligence pour assister le candidat puis le franchisé, et ne l'a pas mis en mesure d'exploiter son emplacement,
- le franchiseur ne lui a pas adressé les documents demandés par sa banque pour qu'elle puisse étudier sa demande de prêt, celle-ci n'ayant donc pas donné suite au projet,
- la convention d'occupation qui lie le bailleur au franchiseur n'a été communiquée qu'au mois de décembre 2010 à son conseil et à cette date, aucune convention de sous-mise à disposition n'avait été signée entre le franchiseur et lui, de telle sorte que le franchisé n'avait aucun droit d'occuper les lieux, ni d'y faire des travaux,
- la négligence et la mauvaise volonté du franchiseur ont empêché l'exploitation du contrat,
- il a contracté avec le gérant et fondateur de la société Autobella, M. Forestier, alors que le 5 novembre 2010, M. Forestier a cédé ses parts dans la société Autobella au profit de M. Joao Pereira-Alves sans en informer la société Fleureau et donc sans lui demander son accord quant à la poursuite des relations contractuelles avec le nouveau gérant ;
SUR CE
LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Sur la nullité pour vice du consentement du contrat de franchise du 4 juin 2010
M. Antonin Fleureau soutient que son consentement a été vicié, le DIP ne lui ayant pas été remis antérieurement à la signature du contrat de franchise, et qu'en tout état de cause les informations du DIP sont insuffisantes et trompeuses. Il relève que les informations lacunaires ne lui auraient pas permis d'évaluer la solidité financière du franchiseur, ses comptes n'étant d'ailleurs pas publiés, ni le savoir-faire, ni les raisons des fermetures des centres franchisés.
La société Autobella explique avoir remis le DIP à M. Antonin Fleureau au mois d'avril 2010, un dossier prévisionnel de création ayant d'ailleurs été élaboré par l'expert-comptable de l'intimé sur cette base.
Sur la remise du DIP
Aux termes de l'article L. 330-3 du Code de commerce :
" toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent ".
En l'espèce, le contrat de franchise du 4 juin 2010 signé entre la société Fleureau, représentée par M. Antonin Fleureau, et la société Autobella dispose en préambule que " le franchisé reconnaît avoir reçu vingt jours avant la signature du présent contrat, un document d'information précontractuelle conformément aux dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce et de son décret d'application du 4 avril 1991, ainsi que le projet de contrat, de s'engager aux termes du présent contrat en toute connaissance de cause ".
Or, la société Autobella ne démontre pas que ce DIP a été effectivement communiqué à la société Fleureau, représentée par M. Antonin Fleureau, au minimum dans les 20 jours précédant la signature du contrat de franchise. En effet, le DIP ne mentionne aucune date ni signature des parties. La clause contractuelle du contrat de franchise ne précise d'ailleurs pas la date de la remise de ce document.
Cette clause ne peut à elle seule, à défaut de ces précisions, suffire à établir que la société Autobella a rempli les obligations qui lui incombent.
La société Autobella ne démontre pas avoir remis le DIP à M. Antonin Fleureau préalablement à la signature du contrat de franchise, en violation des dispositions légales précitées.
Sur le vice du consentement de la société Fleureau, représentée par M. Antonin Fleureau
L'article 1116 ancien du Code civil, applicable aux faits de l'espèce, dispose que " le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé ".
Il est de principe que le seul manquement du franchiseur à son obligation d'information pré-contractuelle ne suffit pas à caractériser le vice du consentement du franchisé. Il appartient à ce dernier d'établir quelle erreur a vicié son consentement et qu'il n'aurait pas conclu ledit contrat de franchise s'il avait eu connaissance des informations qu'il considère comme insuffisantes, par suite de manœuvres dolosives.
M. Antonin Fleureau reproche à la société Autobella de l'avoir conduit à s'engager sans connaître les stipulations essentielles, alors qu'il avait déjà versé le droit d'entrée de 30 000 euros au mois d'avril 2010.
En l'espèce, le paiement du droit d'entrée a été acquitté par l'intimé le 20 avril 2010, soit préalablement à la signature du contrat de franchise lui-même. Il convient de relever que ce paiement anticipé est autorisé par le texte précité et n'impose une contrepartie que dans l'hypothèse d'un débit immédiat de cette somme. Or, la société Autobella démontre, sans être d'ailleurs contredite, avoir encaissé ce chèque d'un montant total de 35 880 euros le 8 juin 2010, soit postérieurement à la signature du contrat de franchise. Le texte prévoit également que le DIP et le projet de contrat devaient être communiqués au minimum dans les 20 jours avant ledit paiement, ce qui n'est pas établi en l'espèce.
Toutefois, M. Antonin Fleureau ne précise pas quelles informations manquantes l'auraient empêché de donner un consentement éclairé et aurait eu pour conséquence son refus de s'engager. En effet s'agissant des informations financières, il n'est pas contesté qu'il a fait réaliser par un cabinet d'expertise comptable au mois d'avril 2010 un prévisionnel de création d'activité (pièce n° 6 appelant), étude dont les éléments financiers se rapprochent de ceux du DIP. Par ailleurs, s'agissant de la situation comptable du réseau Autobella et de la viabilité des centres franchisés, M. Antonin Fleureau ne soutient pas que s'il avait connu la réalité de la situation économique, il n'aurait pas souscrit le contrat de franchise. La seule méconnaissance de la situation comptable de la société Autobella au moment de la signature du contrat de franchise ne peut suffire en soi à caractériser le vice du consentement de M. Antonin Fleureau. Ce dernier allègue aussi que la banque lui a refusé le crédit sollicité, sans justifier cependant cette allégation ni le motif de ce refus, le cas échéant.
S'agissant des dépenses d'investissements, il ressort des différents éléments communiqués, à savoir les devis de travaux à réaliser et le prévisionnel, que les montants dont il est question n'étaient pas sous-estimés.
M. Antonin Fleureau soutient, en outre, que s'il avait eu connaissance des conditions de la convention de mise à disposition d'emplacement souscrite entre la société Autobella et la société Unibail Marketing et Multimédia, il n'aurait pas signé le contrat de franchise.
La convention dont il est question a été signée le 11 août 2010 pour une durée de 3 années, entrant en vigueur à compter du 1er octobre 2010, alors que le contrat de franchise porte sur 3 années à compter du 1er septembre 2010.
Le contrat de franchise signé le 4 juin 2010 indique à l'article 8.4 que " le franchiseur a d'ores et déjà conclu avec la société Unibail Rodamco une convention de mise à disposition d'emplacements de stationnement sis au centre commercial de Carré Sénart (77) ", et à l'article 8.5 intitulé " convention de sous-mise à disposition ", que " le franchisé a souhaité bénéficier de l'accord déjà conclu par le franchiseur avec le concessionnaire concernant la mise à disposition principale pour lui éviter d'avoir à effectuer les démarches nécessaires pour trouver un emplacement et ainsi commencer l'exploitation de l'activité le plus rapidement possible. Le franchisé reconnaît que les droits et obligations du contrat de sous-mise à disposition conclu avec le franchiseur sont intégralement soumis et subordonnés aux droits et obligations du contrat de mise à disposition principale dont le franchisé reconnaît avoir pris connaissance et les accepter ". Il est également précisé la nature précaire du contrat de mise à disposition principale dans le contrat de franchise.
Or, s'il ressort des éléments du dossier que M. Antonin Fleureau n'a pu, contrairement à ce que relève le contrat de franchise, prendre connaissance du contrat de mise à disposition principale des emplacements de stationnement, celui-ci ayant été conclu postérieurement, il n'en demeure pas moins que la précarité du contrat est explicitée dans le contrat de franchise. Le contrat de mise à disposition postérieur ne rajoute pas aux clauses du contrat de franchise. Aucun grief ne peut donc être tiré de ce chef.
En tout état de cause, il convient de relever que le contrat de mise à disposition principale est signé pour une durée incompressible de 3 années, reconductible tacitement. Il ne peut donc être soutenu que le contrat peut être remis en question à tout moment par la société Unibail Marketing et Multimédia. De même, la durée du contrat correspond à celle du contrat de franchise, M. Antonin Fleureau ne peut donc utilement soutenir que sa situation est précaire et que son consentement a été trompé sur ce point. En outre, les dispositions du contrat de franchise sur la sous-mise à disposition sont fonction des termes du contrat de mise à disposition principale.
Dès lors, M. Antonin Fleureau ne démontre pas qu'il n'aurait pas conclu le contrat de franchise s'il avait eu connaissance de ces informations, le contrat de mise à disposition principale lui garantissant l'emplacement au minimum pendant la durée initiale du contrat de franchise. Aussi, M. Antonin Fleureau ne justifie pas que s'il avait eu connaissance du décalage d'un mois pour la mise à disposition des emplacements de stationnement, il n'aurait pas signé le contrat de franchise.
Ainsi, l'inexpérience de M. Antonin Fleureau dans le domaine du nettoyage des véhicules automobiles et de la distribution ne peut suffire à caractériser le vice du consentement.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que M. Antonin Fleureau ne démontre pas le dol, et donc le vice du consentement, dont il aurait été victime de la part de la société Autobella. Il y a lieu de débouter M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, de sa demande en nullité du contrat de franchise du 4 juin 2010 et de ses demandes en remboursement du droit d'entrée, en paiement des sommes de 15 930 de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et de 2 000 euros au titre du préjudice moral.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat de franchise,
- condamné la société Autobella à restituer à M. Antonin Fleureau ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, la somme de 35 880 euros.
Sur la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Autobella
La société Fleureau soutient que la société Autobella a violé son obligation de conclure un contrat de mise à disposition d'un emplacement pour l'exercice de son activité, et a commis des négligences fautives, en ne lui communiquant que des informations parcellaires, en ne lui envoyant qu'un seul devis au mois de mai 2010 relatif à l'exécution des travaux d'installation, en ne lui donnant aucune indication sur les aménagements, le mobilier, l'informatique, et les logiciels nécessaires à l'exploitation, en ne lui communiquant que très tardivement le contrat de mise à disposition principale et en ne lui communiquant pas les documents demandés par sa banque. Elle reproche également à la société Autobella de ne pas l'avoir informée de la cession des parts sociales en son sein.
La société Autobella explique que la société Fleureau ne démontre pas avoir sollicité une banque pour obtenir un crédit, n'a pas engagé les travaux dont il est spécifiquement prévu qu'ils sont à sa charge, et qu'au contraire elle a toujours été disponible auprès de son franchisé et qu'elle l'a régulièrement relancée.
En application de l'article 1184 ancien du Code civil, applicable aux faits de l'espèce, il ne peut être valablement mis fin de manière anticipée au contrat de franchise liant les parties qu'à la condition que la preuve soit rapportée de manquements suffisamment graves de l'une d'entre elles à ses obligations contractuelles.
Il a déjà été jugé ci-dessus que le contrat de mise à disposition principale a été finalement signé le 11 août 2010 et que l'intimée ne démontre pas que le seul décalage d'un mois dans le commencement de l'activité lui était particulièrement préjudiciable. Dès lors, l'absence de conclusion du contrat de mise à disposition principale au moment de la signature du contrat de franchise ne peut constituer à elle seule une faute suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de franchise. Il y a également lieu de rejeter le grief tenant au caractère parcellaire des informations communiquées, l'importance de ces éléments à la bonne exécution du contrat n'étant pas établie.
S'agissant des griefs relatifs à l'absence de communication sur les aménagements, le mobilier, l'informatique, et les logiciels nécessaires à l'exploitation, il convient de relever que la société Fleureau ne conteste pas que la première semaine de formation sur les 2 prévues contractuellement a été dispensée du 26 au 31 juillet 2010, et que le manuel a été communiqué. Par ailleurs, les travaux n'étant pas lancés, le projet n'en étant pas encore au stade de finalisation et de l'ouverture, et M. Antonin Fleureau, ne démontrant pas s'investir auprès de la société Autobella concernant le projet dont il est question, ne peut faire le reproche à celle-ci de ne pas lui avoir mis à disposition les éléments de son savoir-faire concernant l'aide à l'ouverture du centre. Les pièces ne démontrent pas que la société Autobella n'a pas répondu aux courriels de M. Antonin Fleureau quant à sa demande de communication de documents bancaires, alors que les échanges illustrent au contraire une réactivité de la société Autobella. Aussi, il n'est pas établi que son crédit n'a pas été alloué par l'établissement bancaire en raison de cette absence, l'intimée ne justifiant pas d'une demande de financement de son projet et encore moins d'un refus.
En outre, la société Fleureau ne démontre pas que l'envoi d'un seul devis concernant les travaux d'aménagement constitue une faute justifiant la résolution du contrat, alors qu'il n'a jamais sollicité d'autres devis auprès de son franchiseur et que le contrat n'impose pas au franchiseur cette obligation.
Enfin, le franchiseur n'a pas à informer ses franchisés de la cession de ses parts sociales, le contrat ne prévoyant pas cette obligation. Ce grief n'est donc pas fondé.
Dans ces conditions, à défaut de justifier de la gravité suffisante des griefs invoqués pour entraîner la résolution du contrat de franchise, il y a lieu de débouter M. Antonin Fleureau ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, de sa demande de ce chef.
Sur la résiliation aux torts exclusifs de M. Antonin Fleureau ès qualités
La société Autobella reproche à M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, d'avoir violé gravement ses obligations contractuelles à savoir investir en vue du début de l'activité, exploiter l'activité, payer les redevances, et sollicite la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Fleureau, au 10 juillet 2012, date de la signature du nouveau contrat de franchise sur la même zone territoriale.
La société Fleureau conteste avoir commis des fautes alors que son franchiseur n'a pas respecté les obligations qui sont à sa charge.
Le contrat de franchise dispose aux articles :
- 14.1 : " sans préjudice des autres cas spécifiquement visés dans les autres articles du présent contrat concernant le droit pour le franchiseur de résilier le présent contrat, le contrat pourra être résilié immédiatement et de plein droit par le franchiseur (...) en cas de manquement aux obligations suivantes : (...) en cas de violation par le franchisé des stipulations contractuelles, (...) en cas de violation renouvelée d'une même obligation du présent contrat, (...) en cas d'interruption ou de cessation de l'activité du franchisé sur l'emplacement pendant plus de 8 jours. ",
- 9.7.2 : " le franchisé s'engage à faire exécuter les travaux nécessaires à l'aménagement de l'Emplacement conformément aux prescriptions du franchiseur. ",
- 9.11 : " le franchisé financera l'aménagement du centre de lavage, la signalétique, les frais d'installation électrique et autres, le stock de produits lui permettant de commencer son exploitation, et plus généralement le matériel nécessaire à l'exploitation de l'activité. ",
- 4.1 : " le présent contrat est conclu pour une durée de trois ans, à compter du 1er septembre 2010 (la durée initiale). ",
- 11.2.1 : " le franchisé s'engage à verser au franchiseur une redevance mensuelle forfaitaire HT de 400 euros ".
Il ressort des éléments du dossier que la société Fleureau n'a pas commencé à exercer l'activité de franchise ayant fait l'objet du contrat, qu'il lui incombait de faire exécuter les travaux préalables à l'exécution de la prestation et pour cela obtenir le crédit nécessaire au commencement de son activité. Or, elle ne démontre pas avoir sollicité sa banque ni d'autres banques d'ailleurs. Enfin, il n'est pas contesté que la société Fleureau n'a acquitté aucune redevance mensuelle depuis l'entrée en vigueur du contrat de franchise, à savoir le 1er septembre 2010.
Dès lors, il est établi que la société Fleureau a violé ses obligations contractuelles et que la résiliation du contrat de franchise doit être prononcée au 10 juillet 2012 conformément à la demande de l'appelante, qui n'est pas utilement contestée par l'intimée.
La société Autobella sollicite le paiement de la somme de 9 600 euros correspondant au montant de 24 mois de redevances qu'elle n'a pas perçues. La société Fleureau ne conteste pas utilement le principe de cette demande. Il convient de relever que l'entrée en vigueur du contrat était le 1er septembre 2010, l'appelante ne peut donc solliciter un manque à gagner que pour 22 mois, soit la somme totale de 8 800 euros.
Il y a donc lieu de fixer au passif de la société Fleureau, représentée par M. Antonin Fleureau ès qualités de liquidateur, la créance de la société Autobella à hauteur de la somme de 8 800 euros (400 x 22) à titre de dommages et intérêts.
La société Autobella ne démontre pas avoir subi de préjudice moral et sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à réformer le jugement déféré sur le sort des dépens et les frais irrépétibles M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, partie perdante, doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Autobella les sommes de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel.
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du Code de procédure civile formulée par M. Antonin Fleureau ès qualités de liquidateur de la société Fleureau.
Par ces motifs, LA COUR, infirme le jugement, Statuant à nouveau, déboute M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, de sa demande en nullité du contrat de franchise du 4 juin 2010 et de ses demandes en remboursement du droit d'entrée, en paiement des sommes de 15 930 de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et de 2 000 euros au titre du préjudice moral, déboute M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, de sa demande en résolution du contrat de franchise, prononce la résiliation du contrat de franchise au 10 juillet 2012, fixe au passif de la société Fleureau, représentée par M. Antonin Fleureau ès qualités de liquidateur, la créance de la société Autobella à hauteur de la somme de 8 800 euros (400 x 22) à titre de dommages et intérêts, condamne M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, aux dépens de première instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Autobella la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance, Y ajoutant, condamne M. Antonin Fleureau, ès qualités de liquidateur de la société Fleureau, aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Autobella la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel, rejette toute autre demande.