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Décisions

Cass. com., 20 décembre 2017, n° 16-23.592

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Flood-Vedel (SARL), Joliot (ès qual.)

Défendeur :

Brasserie Milles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Richard de la Tour

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, Me Haas

Montpellier, 2e ch., du 3 mai 2016

3 mai 2016

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 3 mai 2016), que le 17 décembre 2007, la société Brasseries Kronenbourg a conclu avec la société Flood-Vedel, exploitant un fonds de commerce de restauration rapide, un contrat d'approvisionnement exclusif, désignant la société Elidis boissons services (la société Elidis) comme distributeur, portant sur une certaine quantité de bières en fûts, pour une durée de cinq ans ; que la société Brasserie Milles, ayant pour objet social le commerce de gros de boissons, a acquis le fonds de commerce de la société Elidis, le 4 août 2009, et conclu, le 27 janvier 2010, avec la société Flood-Vedel, un contrat d'achat exclusif de boissons d'une durée de cinq ans, en contrepartie du versement d'une subvention de 5 000 euros, pour un montant annuel de commandes de 28 000 euros hors taxes ; que l'exécution du contrat a été garantie par une inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la société Flood-Vedel et le cautionnement solidaire de son gérant ; que le 23 avril 2013, la société Flood-Vedel a été mise en redressement judiciaire, M. Joliot étant nommé mandataire judiciaire ; que la société Brasserie Milles a déclaré une créance correspondant notamment à des factures impayées ; que la société Flood-Vedel ayant élevé une contestation, en invoquant la nullité du contrat du 27 janvier 2010, le juge-commissaire a invité la société Brasserie Milles à saisir le tribunal de commerce et a sursis à statuer sur la demande d'admission ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société Flood-Vedel et M. Joliot, ès qualités, font grief à l'arrêt de dire non fondées les exceptions de nullité soulevées par la société Flood-Vedel, de dire, en conséquence, que le contrat du 27 janvier 2010 est valable et de fixer la créance de la société Brasserie Milles au passif de la société Flood-Vedel à une certaine somme à titre privilégié alors, selon le moyen, que sont interdits et nuls de plein droit les accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur ; que l'exemption prévue par l'article 2 du règlement CE n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 concernant les accords verticaux, ne s'applique pas lorsque l'accord porte sur une durée supérieure à cinq ans ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société Flood-Vedel exposait que le réseau C10, dont était membre la société Brasserie Milles, avait racheté au groupe Brasseries Kronenbourg l'intégralité de ses activités de distribution de boissons dont la société Elidis, que près d'un an avant la signature du contrat du 27 janvier 2010, la société Brasserie Milles avait indiqué à la société Flood-Vedel dans un courrier du 21 février 2009 qu'elle assurerait désormais la continuité de l'activité de la société Elidis, que dès le 28 juillet 2009, soit six mois avant la signature du contrat précité, la société Brasserie Milles avait établi un chèque de 5 000 euros à l'ordre de la société Flood-Vedel, et que le 4 août 2009, la société Brasserie Milles avait acquis le fonds de commerce de la société Elidis à Perpignan, auprès de laquelle la société Flood-Vedel devait précisément s'approvisionner en vertu du contrat initial du 17 décembre 2007 ; qu'elle déduisait de l'ensemble de ces éléments que le " nouveau " contrat signé le 27 janvier 2010 ne s'analysait en réalité, sous couvert de nouvelles parties à la convention et d'un nouvel objet, que comme une prolongation de la relation contractuelle née de la convention du 17 décembre 2007, et visait à détourner la réglementation européenne ; que dès lors, en jugeant que le contrat du 27 janvier 2010 était valable, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette convention n'avait pas été signée aux fins de détourner la réglementation européenne limitant à cinq ans la durée d'un contrat d'approvisionnement exclusif en boissons, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble l'article 5 a) du règlement CE n° 2790/1999 du 22 décembre 1999 ;

Mais attendu qu'ayant écarté, par des motifs non critiqués, les éléments avancés par la société Flood-Vedel pour soutenir que le contrat du 27 janvier 2010 était une reprise de celui du 14 décembre 2007 conclu avec la société Brasserie Kronenbourg à laquelle la société Brasserie Milles se serait substituée, l'arrêt retient que la durée du contrat de 2010 n'a pas à s'ajouter à celle du contrat signé en 2007 et en déduit que les moyens tirés du non-respect des règlements européens au titre d'une durée du contrat supérieure à cinq ans sont inopérants ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer davantage sur une simple allégation dépourvue d'offre de preuve, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Flood-Vedel et M. Joliot, ès qualités, font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'est nul pour absence de cause le contrat par lequel le brasseur prend un engagement dérisoire en contrepartie de l'engagement d'approvisionnement exclusif de l'exploitant ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'engagement de la société Brasserie Milles d'accorder une subvention de 5 000 euros à la société Flood-Vedel n'était pas dérisoire, dès lors qu'outre l'approvisionnement exclusif consenti par la société Flood-Vedel pour une durée de cinq ans et pour une somme annuelle d'achats évaluée à 28 000 euros HT, le contrat prévoyait d'une part, pour garantir l'exécution de la convention par l'exploitant, l'inscription d'un nantissement sur le fonds de commerce pour un montant correspondant à la subvention majorée d'une année d'achat, ce nantissement pour une somme de 30 000 euros ayant effectivement été inscrit le 8 février 2010, et d'autre part, que le gérant de la société Flood-Vedel se constituait en qualité de caution solidaire de la société à hauteur de 5 000 euros, ce dont il résultait que le brasseur n'avait pris aucun risque réel et que l'engagement de la société Brasserie Milles consistant dans une subvention de 5 000 euros était dérisoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du Code civil ;

Mais attendu que le moyen, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond du caractère dérisoire de la contrepartie de l'obligation d'exclusivité imposée à la société Flood-Vedel ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Flood-Vedel et M. Joliot, ès qualités, font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, la société Flood-Vedel relevait un ensemble d'éléments concordants dont il résultait que la société Brasserie Milles l'avait sciemment induite en erreur en lui faisant croire qu'elle reprenait le contrat initialement conclu le 17 décembre 2007, aux fins de l'amener à signer un nouveau contrat permettant au brasseur d'obtenir un nantissement de 30 000 euros et la caution solidaire du gérant à hauteur de 5 000 euros ; qu'au titre des manœuvres dolosives, la société Flood-Vedel invoquait le courrier du 21 février 2009 de la société Brasserie Milles lui indiquant qu'elle reprenait l'activité de la société Elidis, ainsi que l'établissement d'un chèque dès le 28 juillet 2009, soit avant le rachat du fonds de commerce d'Elidis à Perpignan et bien avant la signature d'un nouveau contrat ; qu'elle ajoutait que l'absence de remise d'un double lors de la signature du contrat corroborait l'intention dolosive du brasseur ; que dès lors, en écartant l'existence d'un dol, sans s'expliquer suffisamment sur les raisons pouvant justifier qu'un chèque de 5 000 euros ait été établi au profit de la société Flood-Vedel avant même l'acquisition de la société Elidis par le brasseur et six mois avant la signature du contrat du 27 janvier 2010, ni sur l'absence de remise d'un double du contrat lors de sa signature, cependant que ces démarches étaient suspectes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;

Mais attendu que sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par les juges du fond de la pertinence des faits allégués comme constitutif d'un dol ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.