Cass. 1re civ., 20 décembre 2017, n° 15-12.882
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Essonne
Défendeur :
Laboratoire Glaxosmithkline (SAS), Bouvier Fondation Casip Cojasor , Bon
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Truchot
Avocat général :
M. Sudre
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Delamarre, Jéhannin, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 octobre 2013, pourvoi n° 12-19.499), que Mme Bouvier qui avait reçu, au cours de l'année 1994, plusieurs injections du vaccin contre l'hépatite B, fabriqué par la société Smithkline Beecham, devenue la société Glaxosmithkline, puis un rappel, le 7 février 1997, a présenté, au cours du même mois, des troubles conduisant au diagnostic de la sclérose en plaques ; qu'imputant cette pathologie au vaccin, Mme Bouvier, alors mineure, et Mme Bon, sa mère, ont assigné la société Glaxosmithkline en réparation du préjudice subi ; que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la CPAM) a été mise en cause ;
Attendu que la CPAM fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen : 1°) que l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage ; qu'en exigeant que la demanderesse démontre, outre ces conditions, " l'imputabilité " du dommage à la vaccination, avant de prouver le défaut du produit et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, en violation de l'article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 ; 2°) qu'en toute hypothèse, l'exclusion d'autres causes possibles fait présumer la participation du produit défectueux à la survenance du dommage ; que la cour d'appel, après avoir relevé que la cause de la maladie restait inconnue, a noté qu'il n'était pas relevé de facteurs de risque particulier présentés par Mme Bouvier, ni facteur familial ni d'antécédents neurologiques connus ; qu'en retenant, cependant, que de tels éléments ne permettaient pas de caractériser l'imputabilité de la sclérose en plaque à la vaccination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, violant ainsi l'article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985, ensemble l'article 1353 du même Code ; 3°) que la cour d'appel, pour nier que la proximité temporelle entre les premiers symptômes décrits par Mme Bouvier et la vaccination puisse constituer une présomption s'est fondée sur une étude publiée en 2008 dont son auteur avait conclu que lors de l'apparition des premiers symptômes de la maladie, le processus physiopathologique avait " probablement " commencé plusieurs mois voire plusieurs années auparavant ; qu'en se fondant ainsi, sur des motifs hypothétiques, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel, la CPAM a demandé la confirmation, en toutes ses dispositions et sauf à actualiser sa créance, du jugement, lequel avait retenu que la mise en œuvre de la responsabilité du fait d'un produit de santé nécessitait que soit notamment rapportée la preuve de l'imputabilité du dommage à l'administration du produit ; qu'elle n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté le défaut de consensus scientifique en faveur d'un lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques et apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans se déterminer par des motifs hypothétiques, la cour d'appel a estimé souverainement que l'absence de facteur de risque personnel et familial et d'éventuelles autres causes de la maladie chez Mme Bouvier, la rareté de la survenance de la sclérose en plaques chez l'enfant et le critère de la proximité temporelle entre l'apparition des premiers symptômes et la vaccination de l'intéressée ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes, de sorte que l'imputabilité de la survenance de la sclérose en plaques dont celle-ci était atteinte à la vaccination n'était pas établie ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.