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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 22 décembre 2017, n° 14-09462

RENNES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mme Dotte Charvy, Pothier

Avocats :

Mes Gosselin, Bonte, Objilere Guilbert, Pelois, Di Palma

CA Rennes n° 14-09462

22 décembre 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 11 juin 2008, M. H. a, moyennant le prix de 11 000 euros, vendu un camping-car d'occasion à M. T., lequel l'a vendu le 4 septembre 2009 moyennant le prix de 10 500 euros à M. B., qui l'a à son tour vendu le 23 novembre 2010 à M. G. moyennant le prix de 9 500 euros.

Prétendant avoir constaté en mars 2011 des infiltrations d'eau au travers du plafond du véhicule, M. G. a, par acte du 4 avril 2012, fait assigner M. B. devant le Tribunal de grande instance de Rennes en résolution de la vente pour vice caché, restitution du prix et paiement de dommages intérêts.

Par acte du 5 juillet 2012, M. B. a appelé en garantie M. T., lequel a, par acte 21 novembre 2012, à son tour appelé M. H. en garantie.

Par jugement 18 novembre 2014, le premier juge a :

- prononcé la résolution de la vente intervenue le 23 novembre 2010 entre M. B. et M. G.,

- condamné in solidum MM. B., T. et H. à restituer le prix de vente de 9 500 euros à M. G., avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2012 et capitalisation de ceux-ci conformément à l'article 1154 du Code civil, à charge pour M. G. de restituer le véhicule,

- condamné in solidum MM. T. et H. à verser à M. G. une somme de 1 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation de ceux-ci conformément à l'article 1154 du Code civil,

- condamné in solidum MM. B., T. et H. à payer à M. G. les frais afférents au certificat d'immatriculation du véhicule,

- condamné M. T. à garantir M. B. de ces condamnations à hauteur de 9 500 euros outre les intérêts et les frais afférents au certificat d'immatriculation du véhicule,

- condamné M. H. à garantir M. T. de ces condamnations à hauteur de 9 500 euros outre les intérêts,

- condamné in solidum MM. B., T. et H. à verser à M. G., une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que chacun des défendeurs conservera à sa charge les frais engagés à l'occasion du litige, condamné in solidum MM. B., T. et H. aux dépens, rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires, ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. H. a relevé appel de cette décision le 4 décembre 2014, en demandant à la cour de :

- à titre principal, débouter MM. G., T. et B. de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre lui,

- condamner en conséquence le demandeur principal à restituer, avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la date du 1er mai 2015 les sommes de 13 267,64 euros en principal et 423,05 euros en frais réglées au titre de l'exécution provisoire du jugement,

- subsidiairement, condamner solidairement MM. T. et B. à régler directement à M. H., d'une part leurs propres parts au titre de la condamnation, et d'autre part la garantie intégrale de la condamnation qui serait prononcée à l'encontre de M. H.,

- débouter M. G. ou toutes autres parties de leurs demandes indemnitaires à l'encontre de M. H., vendeur de bonne foi,

- débouter M. T. de sa demande de garantie de ses condamnations ou, à tous le moins, les réduire à de plus justes proportions,

- très subsidiairement, ordonner la restitution du véhicule à M. H., en tout état de cause, condamner M. T. ou toute partie succombante au paiement d'une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Ayant formé appel incident, M. T. demande à la cour de :

- débouter M. G. de ses demandes, déclarer M. B. irrecevable en sa demande de résolution de la vente conclue avec M. T.,

- le débouter de ses demandes, à titre subsidiaire, limiter la condamnation de M. T. à la restitution du prix de la vente intervenue entre M. B. et M. G., et aux frais de carte grise occasionnés par cette vente,

- débouter M. G. de toutes autres demandes, condamner M. H. à garantir M. T. de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

- déclarer M. H. irrecevable et mal fondé en sa demande de garantie formée à son encontre,

- en tout état de cause, condamner MM. B., G. et H., in solidum ou l'un à défaut de l'autre, à payer à M. T. une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. B. a également formé appel incident en demandant à la cour de :

- à titre principal, débouter M. G. de ses demandes, condamner M. G. au paiement d'une indemnité de 3000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et à hauteur de cour, ainsi qu'aux entiers dépens,

- à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande de M. G. en résolution de la vente conclue avec M. B., prononcer la résolution de la vente intervenue le 4 septembre 2009 entre M. B. et M. T.,

- condamner M. T. à restituer directement le prix de vente à M. G. et ce dernier à lui restituer directement le véhicule,

- débouter MM. G., T. et H. de leurs demandes dirigées contre M. B.,

- condamner M. T. au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. G. conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de dommages intérêts pour résistance abusive, sollicitant à cet égard la condamnation de M. B. au paiement d'une somme de 2 000 euros ainsi que la condamnation de MM. B., T. et H., ou l'un à défaut de l'autre, au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. H. le 11 septembre 2017, pour M. Toussaint le 13 septembre 2017, pour M. B. le 12 septembre 2017, et pour M. G. le 22 juin 2015.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Aucune des parties n'a pris l'initiative de solliciter l'organisation d'une expertise judiciaire, mais MM. G., B. et T. ont, chacun, produit leurs propres rapports d'expertise extrajudiciaire établis par MM. L., C. et B..

Toutefois, le juge ne peut s'appuyer sur de tels rapports que pour autant qu'ils se corroborent entre eux ou soient corroborés par d'autres éléments de preuve, peu important que les trois experts aient procédé à leurs constatations à l'occasion d'une réunion d'expertise commune et qu'ils n'aient pas mené leurs opérations au contradictoire de M. H..

À cet égard, il ressort du rapport de M. L. que le camping-car présente un défaut d'étanchéité des parois extérieurs ayant provoqué un pourrissement de la structure en bois de la cellule actuellement gorgée d'eau, ce phénomène ayant progressé depuis plusieurs années et ayant été camouflé par l'utilisation de matériaux décoratifs en PVC sur les parois intérieures.

Il ressort par ailleurs du rapport de M. C. que le pavillon du camping présente un défaut d'étanchéité auquel l'un des propriétaires successifs a tenté de remédier de façon inadéquate par l'application d'une pâte caoutchouteuse, qu'il est résulté de ces infiltrations un phénomène de pourrissement des panneaux de parois ayant progressé au fil des années et étant arrivé à présent à un stade très avancé, et que ce défaut, qui a rendu le véhicule impropre à son usage normal, était présent au moment des ventes des 4 septembre 2009 et 23 novembre 2010 puisque M. T. a reconnu que le faux plafond masquant le phénomène était bien présent à l'époque où il était propriétaire du véhicule et qu'il avait déjà décelé des traces d'humidité de la cellule.

Enfin, il ressort du rapport de M. B. que le mauvais état de la tôle du pavillon du camping-car a entraîné des infiltrations d'eau dans le plafond et les parois de la cellule occasionnant des dommages irréversibles sur ces éléments, que les dégradations montrent que le pavillon se trouve dans cet état depuis des années et que la pose d'un faux plafond en PVC et de revêtement dans les placards a été réalisée dans le but de masquer les traces d'infiltration, M. T. ayant précisé qu'il avait acheté le véhicule dans cet état sans réaliser la moindre intervention.

Il s'évince de ces trois rapports se corroborant entre eux que le camping-car est bien affecté d'un vice le rendant impropre à sa destination et préexistant aux ventes intervenues entre MM. T. et B. puis entre ce dernier et M. G., le constat d'un phénomène de pourrissement progressif de la structure de la cellule caractérisant l'ancienneté des infiltrations et rien ne démontrant que celui-ci puisse trouver sa cause dans un défaut de soin de l'acquéreur final lors de l'hivernage du véhicule.

Il s'en évince aussi que la pose d'un faux plafond en lames de PVC était destiné à masquer les dommages déjà causés par les infiltrations et le colmatage inadéquat des passages d'eau, ce dont il se déduit que le vice était antérieur à la réalisation de ce faux plafond.

Or, il ressort de l'attestation de M. Stéphane A., délivrée dans les formes de l'article 202 du Code de procédure civile avec rappel manuscrit de la peine d'emprisonnement encourue en cas de faux témoignage, que celui-ci, lui-même camping cariste, a accompagné M. T. lors de l'achat du véhicule à M. H. et qu'il a constaté que le faux plafond était déjà en place.

Il est dès lors suffisamment établi que le vice existait déjà lorsque M. T. a acheté le camping-car à M. H. et que ce vice, dont les effets étaient masqués par le faux plafond et le revêtement des parois de la cellule, était caché lors de chacune des ventes successives.

Il en résulte que M. G., acquéreur final du véhicule, est en droit, sur le fondement des articles 1641 et 1644 du Code civil, d'exercer une action rédhibitoire à l'effet d'obtenir la restitution du prix à la fois contre son vendeur, M. B., contre le vendeur intermédiaire, M. T., et contre le vendeur originaire, M. H..

Toutefois, il est de principe que, dans ce cas, seul le vendeur originaire, bénéficiaire final de l'obligation de restitution du véhicule, est tenu à la restitution du prix dans la limite de ce que le sous acquéreur a payé.

C'est donc à tort que le premier juge a condamné in solidum MM. B., T. et H. à la restitution du prix de 9 500 euros à M. G., seul M. H. pouvant être le débiteur de cette condamnation à charge pour M. G. de lui restituer le véhicule aux frais de M. H..

Il est d'autre part de principe qu'une créance de restitution consécutive à la résolution d'un contrat produit intérêts à compter de la demande en justice, soit, en l'occurrence, à compter des conclusions de M. G. du 24 janvier 2014 par lesquels le premier exerce l'action directe contre le second, étant en outre observé que la demande de capitalisation des intérêts n'est pas reprise en cause d'appel.

Par ailleurs, étant rappelé que seul le vendeur originaire bénéficiaire de la restitution du véhicule est tenu à la restitution du prix, la demande de garantie totale ou partielle formée par M. H. n'est pas fondée.

Il est aussi de principe que, lorsque l'acquéreur final exerce une action directe en garantie des vices cachés contre le vendeur originaire, le vendeur intermédiaire n'est plus recevable à exercer lui-même l'action résolutoire.

Il convient donc de rejeter la demande de M. B. en résolution de la vente intervenue entre celui-ci et M. T..

Il résulte d'autre part de l'article 1646 du Code civil que les vendeurs, même de bonne foi, sont tenus de rembourser à l'acquéreur les frais de la vente, de sorte que c'est à juste titre que le premier juge a condamné in solidum MM. B., T. et H. au paiement des frais d'immatriculation du camping-car.

Vendeur originaire d'un véhicule affecté d'un vice, M. H. sera en outre condamné à garantir M. T. de cette condamnation, étant observé que M. B. n'a pas formé une telle demande.

En revanche, c'est à tort que le premier juge a condamné MM. H. et T. au paiement de dommages intérêts, alors qu'aux termes de l'article 1645 du Code civil seuls les vendeurs de mauvaise foi peuvent être tenus au paiement de dommages intérêts et qu'il n'est pas suffisamment démontré que MM. H. et T. avait connaissance du vice affectant le camping au moment des ventes des 11 juin 2008 et 4 septembre 2009.

En effet, s'il est établi que le faux plafond masquant les infiltrations a été mis en place avant la vente du véhicule par M. H., rien ne démontre que celui-ci, qui, selon les procès-verbaux de contrôle technique produits, l'a fait immatriculer à son nom en novembre 2007 pour le revendre sept mois plus tard en juin 2008, ait lui-même procédé aux travaux et qu'il connaissait l'existence du défaut d'étanchéité de la cellule du véhicule.

De même, si l'expert C. a relevé que M. T. avait décelé des traces d'humidité, l'existence de cette déclaration, contestée par l'intéressé, n'a été corroborée par aucun des autres experts et ne se retrouve pas non plus dans le procès-verbal de la réunion d'expertise du 8 décembre 2011 signée pas ses participants.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de M. G. l'intégralité des frais exposés par lui à l'occasion de la procédure et non compris dans les dépens, en sorte qu'en application de l'article 700 du Code de procédure civile, M. H. sera condamné à lui payer une indemnité de 1 200 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, la condamnation au paiement d'une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance étant confirmée.

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution du trop payé au titre de l'exécution provisoire du jugement attaqué, le présent arrêt partiellement infirmatif valant titre de restitution.