Cass. 2e civ., 11 janvier 2018, n° 16-26.092
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cdiscount (SA)
Défendeur :
Champagne Billecart-Salmon (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brouard-Gallet
Rapporteur :
Mme Pic
Avocat général :
Mme Vassallo
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié, SCP Ortscheidt
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 juin 2016), que se plaignant d'actes de concurrence déloyale par la société Cdiscount, la société Champagne Billecart-Salmon a saisi le président d'un tribunal de commerce à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile ; que la requête de la société Champagne Billecart-Salmon ayant été accueillie, la société Cdiscount a demandé la rétractation de l'ordonnance ;
Attendu que la société Cdiscount fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance, que l'huissier de justice aura la faculté de la faire exécuter dans les trois mois de la signification de l'arrêt et que la société Cdiscount devra s'exécuter sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et par document incomplet ou manquant alors, selon le moyen : 1°) que les mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige ne peuvent être ordonnées sur requête que si les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en justifiant la mesure ordonnée par " un risque réel de dépérissement des preuves, s'agissant de preuves comptables qui peuvent être supprimées ou dissimulées par des manipulations informatiques ", sans caractériser aucun élément permettant de considérer que la société Cdiscount était susceptible de se livrer à de telles manipulations, constitutives d'un délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du Code de procédure civile ; 2°) que pour dire que la société Champagne Billecart-Salmon avait un intérêt légitime à la mesure ordonnée, la cour d'appel a encore énoncé que l'état du stock, par hypothèse fluctuant, devait être établi au " moment précis " de la mesure ; qu'en ne recherchant pas si l'état du stock ne pouvait pas être reconstitué au travers d'une analyse comptable, qui suffisait à établir une éventuelle augmentation artificielle des stocks pour dissimuler la pratique de produits d'appel alléguée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 145 et 493 du Code de procédure civile ; 3°) que la cour d'appel a considéré que la pratique de produit d'appel, qui justifiait les mesures litigieuses, est " constituée lorsqu'un distributeur annonce à la vente des produits d'une marque alors qu'il en détient un nombre d'exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle " ; que cette pratique anticoncurrentielle dépend du niveau du stock, et non de l'identité des fournisseurs ; qu'en ne précisant pas en quoi la société Champagne Billecart-Salmon, qui n'avait aucun réseau organisé de distribution, avait un intérêt légitime à connaître le nom des fournisseurs de la société Cdiscount au regard de la pratique anticoncurrentielle qu'elle prétendait dénoncer, la cour d'appel a privé sa décision de motifs au regard des articles 145 et 493 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société Champagne Billecart-Salmon établissait par la production de trois constats d'huissiers de justice que la société Cdiscount promouvait et commercialisait les produits de sa société à des prix plus bas que la moyenne de ceux pratiqués par des cavistes indépendants et que ces produits étaient vendus dans des foires sans lien avec le domaine des vins et spiritueux, mis en avant de manière dévalorisante, sans leur emballage d'origine et reconditionnés dans un emballage inapproprié, qu'il existait un risque réel de dépérissement des preuves s'agissant d'éléments comptables qui peuvent être supprimées ou dissimulées par des manipulations informatiques, que l'état du stock, par nature fluctuant, devait être établi à un moment précis et que le nom des fournisseurs était nécessaire pour pouvoir éventuellement reconstituer la composition du stock ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié l'existence d'un motif légitime d'instituer une mesure d'instruction en précisant en quoi la société requérante avait un intérêt légitime à connaître le nom des fournisseurs de la société Cdiscount, et exactement caractérisé les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction, sans être tenue de procéder à des recherches que ces constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.