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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 janvier 2018, n° 17-19430

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ghielmetti AG (Sté)

Défendeur :

Auvidis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Luc

Conseillers :

Mmes Mouthon Vidilles, Comte

Avocats :

Mes Vignes, Spiguelaire, Meynard, Septier

T. com. Paris, du 2 oct. 2017

2 octobre 2017

FAITS ET PROCÉDURE

La société Ghielmetti AG est un constructeur suisse de matériel audiovisuel professionnel.

La société Auvidis est un distributeur officiel sur le marché français des produits audio/vidéo pour professionnels du groupe Ghielmetti AG depuis 2008.

Le 1er mars 2015, la société Ghielmetti a annoncé publiquement un nouveau partenariat exclusif avec la société Audiopole pour la distribution de ses produits, changeant ainsi son circuit de distribution.

La société Auvidis a constaté que ses conditions d'achat dans ce nouveau circuit, où la société Audiopole s'interpose entre Ghielmetti et Auvidis, ne lui permettaient plus de dégager une marge suffisante pour poursuivre son développement commercial.

Le 23 novembre 2015, la société Ghielmetti a pris acte du refus de la société Auvidis de poursuivre toute collaboration dans ce nouveau schéma.

Le 5 janvier 2016, la société Auvidis a reproché à la société Ghielmetti une rupture brutale des relations commerciales établies et une captation de son fonds de commerce au profit d'Audiopole.

Par assignation du 22 juillet 2016, la société Auvidis a assigné la société Ghielmetti en responsabilité devant le Tribunal de commerce de Paris pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 2 octobre 2017, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit qu'il n'existe pas d'accord contractuel entre les parties sur le tribunal compétent,

- débouté la société Ghielmetti AG de sa demande d'incompétence du Tribunal de commerce de Paris et se dit compétent pour connaître de l'instance,

- renvoyé l'affaire à l'audience publique de la 13e chambre du vendredi 27 octobre 2017 à 12h00, pour conclure au fond,

- réservé les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Ghielmetti AG aux dépens de l'incident.

Le 23 octobre 2017, la société Ghielmetti a interjeté appel de la décision du Tribunal de commerce de Paris du 2 octobre 2017 statuant sur la compétence.

Le 28 novembre 2017, la société Ghielmetti a assigné la société Auvidis à jour fixe.

LA COUR

Vu les conclusions du 24 octobre 2017 et du 19 décembre 2017 par lesquelles la société Ghielmetti appelante, invite la cour, à :

- infirmer en tout son dispositif le jugement du Tribunal de commerce de Paris rendu le 2 octobre 2017 (RG n° 2016051690),

in limine litis,

vu la convention de Lugano du 30 octobre 2007 notamment ses articles 23, 2 et 5 ainsi que la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980,

- dire ces conventions applicables au litige,

à titre principal,

vu notamment l'article 23 de la convention de Lugano du 30 octobre 2007,

- dire valablement conclue entre les sociétés Ghielmetti et Auvidis la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales de vente et de garantie de Ghielmetti, selon l'article 23 de la convention de Lugano du 30 octobre 2007, et dire cette clause opposable à Auvidis,

- dire en conséquence que le tribunal de commerce était territorialement incompétent pour juger le présent litige et renvoyer la société Auvidis à mieux se pourvoir notamment devant la juridiction compétente du canton de Soleure (Confédération Suisse), et plus spécialement le Richteramt Bucheggberg-Wasseramt à Soleure,

à titre subsidiaire, et si la cour estimait que la clause attributive de juridiction n'était pas valable dans les relations entre Ghielmetti et Auvidis,

- dire que les relations entre les parties, s'agissant de déterminer la compétence territoriale, ne relèvent pas de la matière délictuelle dans la mesure où existait, entre elles une relation contractuelle, y compris tacite en vertu de l'arrêt de la CJUE du 14 juillet 2016, arrêt dit " Arrêt Granarolo ",

en conséquence,

vu notamment les articles 2 et 5 1b° de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007,

- dire que seules les juridictions compétentes du canton de Soleure (Confédération Suisse), étaient compétentes comme lieu du domicile de la société Ghielmetti et lieu de livraison des marchandises vendues successivement par la société Ghielmetti à la société Auvidis

- dire en conséquence que le tribunal de commerce était territorialement incompétent pour juger le présent litige et renvoyer la société Auvidis à mieux se pourvoir notamment devant la juridiction compétente du canton de Soleure (Confédération Suisse), et plus spécialement le Richteramt Bucheggberg-Wasseramt à Soleure,

à titre très subsidiaire, et si la cour estimait que la clause attributive de juridiction était inopposable et invalide dans les relations entre Ghielmetti et Auvidis et estimait que les relations entre les parties étaient de nature délictuelle pour déterminer la compétence territoriale,

- dire que seules les juridictions compétentes du canton de Soleure (Confédération Suisse), étaient compétentes comme lieu du domicile de la société Ghielmetti et lieu du fait dommageable invoqué par Auvidis,

- dire en conséquence que le tribunal de commerce était territorialement incompétent pour juger le présent litige et renvoyer la société Auvidis à mieux se pourvoir notamment devant la juridiction compétente du canton de Soleure (Confédération Suisse), et plus spécialement le Richteramt Bucheggberg-Wasseramt à Soleure,

à titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que le Tribunal de commerce de Paris était compétent et décidait d'évoquer,

- inviter et en tant que de besoin mettre en demeure la société Ghielmetti de conclure sur le fond, en tout état de cause,

- condamner la société Auvidis à payer à Ghielmetti la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens ;

Elle fait notamment valoir que :

- les règles de compétence applicables au litige sont celles prévues par la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale conclue à Lugano le 3 octobre 2007 (la " Convention de Lugano ") qui autorise les clauses attributives de compétence,

- les règles de fond applicables au litige sont celles de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises,

- l'article 9 de ses conditions générales de vente qui prévoit que " Soleure est le lieu d'exécution de toutes les responsabilités et le for judiciaire pour le jugement de différends éventuels " constitue une clause attributive de compétence connue et acceptée par la société Auvidis

- le fait que le litige soit fondé sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ne fait pas échec au jeu de la clause attributive de compétence dès lors que dans un litige international, le fait qu'une loi de police française soit invoquée au fond ne fait pas obstacle à l'efficacité d'une clause attributive de compétence au profit d'un tribunal étranger dès lors que cette clause est suffisamment large pour s'appliquer aux faits allégués, ce qui est le cas en l'espèce,

- la validité de la clause est soumise aux conditions posées par la convention de Lugano et en conséquence, les exigences de l'article 48 du Code de procédure civile quant aux conditions de rédaction de la clause ne sont pas applicables en l'espèce,

- la clause litigieuse a nécessairement été acceptée par la société Auvidis dès lors qu'elle a exécuté les ventes, reçu les marchandises et payé le prix sans réserve sans jamais émettre la moindre contestation en connaissance des conditions générales de vente,

- si la cour écartait la clause attributive de juridiction, la convention de Lugano, en tant que règle supra nationale, s'applique naturellement à tout litige de nature civile ou commerciale notamment entre des personnes domiciliées respectivement en France et en Suisse, que le litige soit de nature délictuelle ou contractuelle, qu'il y ait ou non une clause attributive de compétence,

- alors qu'en application de l'arrêt Granarolo de la CJUE du 14 juillet 2016, l'action indemnitaire de la société Auvidis est de nature contractuelle et que la Convention de Lugano prévoit la compétence de la juridiction du domicile du défendeur à titre de principe avec une option, en matière contractuelle, pour le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, soit, pour la vente de marchandise, le lieu d'un Etat lié par la présente convention où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, en l'espèce à Biberist, dans le canton de Soleure, à l'usine de Ghielmetti,

- même à retenir le caractère délictuel de l'action de la société Auvidis la convention de Lugano prévoit, en matière délictuelle, la compétence du tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit et il s'agit, en l'espèce, du lieu de la prise des décisions reprochées à la société Ghielmetti soit à son siège social, dans le canton de Soleure ;

Vu les conclusions du 15 décembre 2017 par lesquelles la société Auvidis intimée ayant formé appel incident, demande à la cour de :

- débouter Ghielmetti AG dans toutes ses prétentions, fins et conclusions in limine litis,

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- condamner la société Ghielmetti AG à payer à la société Auvidis la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens ;

Elle explique notamment que :

- la clause attributive de compétence figurant dans les CGV de la société Ghielmetti AG ne lui est pas opposable et n'est pas applicable au présent litige dès lors que la société Auvidis n'y a jamais consenti dans la mesure où la société Ghielmetti ne les a jamais transmises,

- faute d'accord contractuel sur la clause attributive de compétence entre Auvidis et Ghielmetti AG et d'acceptation des CGV de Ghielmetti AG par Auvidis, l'article 23 de la convention de Lugano n'est pas applicable au cas d'espèce,

- la nature délictuelle de l'action fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° doit conduire le juge à appliquer l'article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile qui prévoit que le demandeur à l'instance dispose d'une option de saisine de juridiction, à savoir : soit la juridiction du lieu du fait dommageable, et en l'espèce, elle soutient que le fait dommageable a été constitué en France, soit la juridiction dans le ressort duquel le dommage a été subi, soit en l'espèce sur le territoire français,

- la jurisprudence Granarolo ne saurait être transposée en l'espèce dès lors qu'elle ne vise que l'interprétation d'un règlement de l'Union européenne, la convention de Lugano n'ayant pas été visée dans cet arrêt,

- son action étant de nature délictuelle, elle ne pourra relever que de l'article 5.3 de la Convention de Lugano qui prévoit que le tribunal compétent est le lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire, en l'espèce, au siège de l'entreprise victime de la rupture abusive qui ne doit pas être confondu avec le fait générateur du dommage,

- si la cour venait à retenir l'application de l'article 5 1 b) de la Convention de Lugano, il ressort des documents liant les parties que le lieu de livraison convenu était le siège de la société Auvidis comme mentionné sur les confirmations de commande, les factures ou bulletins de livraison de la société Ghielmetti AG ;

Sur ce

LA COUR se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur l'exception d'incompétence territoriale des tribunaux français

La société Ghielmetti AG soutient que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour trancher le litige qui l'oppose à la société Auvidis au motif que la clause attributive de compétence incluse dans ses conditions générales de vente donne compétence aux juridictions suisses pour trancher les litiges opposant les parties. Elle explique que la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 et la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandise du 11 avril 1980 s'appliquent en l'espèce pour déterminer quelle juridiction sera compétente pour trancher le présent litige. Elle relève que la clause a été acceptée par la société Auvidis les devis comme les factures faisant référence aux conditions générales de vente. Subsidiairement, elle allègue que les tribunaux du canton suisse de Soleure sont compétents en vertu des articles 2 et 5.1 de la Convention de Lugano, s'agissant d'un litige de nature civile ou commerciale et la présente action étant de nature contractuelle. Elle en déduit que la juridiction compétente en la matière est le lieu du domicile du défendeur mais aussi le lieu d'exécution de la prestation, à savoir en l'espèce le lieu de son usine, la vente étant " ex usine ". A titre surabondant, elle invoque les dispositions de la Convention de Vienne.

La société Auvidis conteste l'opposabilité de la clause attributive de compétence en ce qu'elle ne l'a pas expressément acceptée, les conditions générales de vente dans lesquelles elle est insérée ne figurant pas expressément dans les devis ni dans les factures et qu'elles n'ont signé aucun accord. Elle relève que les ventes étaient conclues sans que les conditions générales de vente lui aient été transmises ni mentionnées. Elle ajoute que la simple mention " conditions générales de vente de garantie CVG " ne vaut pas accord contractuel aux conditions générales de vente dont il n'est pas démontré qu'elle en ait eu connaissance. Elle conteste ensuite l'applicabilité de l'article 23 de la Convention de Lugano, faute d'accord contractuel entre les parties. En outre, elle soutient que l'action fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce étant de nature délictuelle, les clauses attributives de compétence et les conditions générales de vente sont inefficaces. Enfin, subsidiairement, elle indique que les articles 2 et 5 1.b) de la Convention de Lugano ne s'appliquent pas, l'action qui les oppose étant de nature délictuelle et non contractuelle. Elle allègue que la livraison intervenait à son siège et qu'elle a subi son préjudice à son siège social, à Créteil (94).

Sur l'exception d'incompétence du fait d'une clause attributive de juridiction

Il est constant que depuis 2008, les relations commerciales entre la société Ghielmetti AG et la société Auvidis ont été constituées, sans qu'un contrat-cadre ne soit formalisé, d'une succession de commandes par la société Auvidis des produits de la société Ghielmetti AG sur le territoire français jusqu'au 1er mars 2015, date à laquelle la société Ghielmetti AG a souhaité réorganiser la distribution de ses produits en France et a confié la distribution de ses produits à une autre société. La société Auvidis entend rechercher la responsabilité de la société Ghielmetti AG de droit suisse, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce pour rupture brutale des relations commerciales établies.

Il y a lieu de se référer aux dispositions de l'article 23.1 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 applicable en l'espèce, qui dispose que " Si les parties, dont l'une au moins à son domicile sur le territoire d'un Etat lié par la présente convention, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat lié par la présente convention pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue : a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ou b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ou c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ".

Il est de principe qu'en application de cet article, la clause invoquée doit avoir été acceptée par les cocontractants.

Contrairement aux affirmations de la société Ghielmetti AG elle ne démontre pas que la société Auvidis avait connaissance de ses conditions générales de vente et plus précisément de la clause attributive de compétence, les pièces produites n'établissant pas que les fiches de prix, ainsi que les conditions générales de vente, étaient communiquées à la société Auvidis et que donc cette dernière avait connaissance des conditions générales de vente. La pièce n° 5-1 de la société Ghielmetti AG ne justifie pas que ces informations aient été réellement portées à la connaissance de la société Auvidis. Il convient également de souligner que les pièces communiquées en langue étrangère non traduites ne peuvent être admises. Enfin, le courriel du 30 mars 2008 envoyé par la société Ghielmetti AG à la société Auvidis concernant les conditions relatives à leur partenariat, ne fait pas état du renvoi à ses conditions générales de vente.

De même, il ressort de l'examen des devis et factures adressés à la société Auvidis par la société Ghielmetti AG que seule la mention " conditions générales de vente de garantie CVG " figure sur ces documents. Ainsi, les conditions générales de vente, et donc, notamment, la clause attributive de compétence, ne sont pas reproduites sur les devis et factures émis par la société Ghielmetti AG. Or, la seule référence à la garantie prévue par les conditions générales de vente, non reproduites, ne peut établir que le destinataire du devis, en l'acceptant, a également consenti à la clause attributive de compétence de ces conditions générales de vente.

De même, les factures reprennent la même référence, tout aussi insuffisante à démontrer que les parties se sont accordées sur une clause attributive de compétence, par la succession des commandes correspondant à leur usage commercial.

Il n'est donc pas démontré un accord entre les parties sur ce point.

La clause attributive de compétence ne peut donc être opposable à la société Auvidis pour ne pas l'avoir acceptée. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.

Sur l'application des articles 2 et 5.1 de la Convention de Lugano

L'article 2.1 de la Convention de Lugano dispose que " 1. Sous réserve des dispositions de la présente Convention, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat lié par la présente Convention sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat ".

L'article 5 prévoit notamment que

" Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat lié par la présente Convention peut être attraite, dans un autre Etat lié par la présente convention.

1. a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée,

b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :

- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat lié par la présente Convention où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat lié par la présente Convention où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis,

c) la let. a) s'applique si la let. b) ne s'applique pas ; (...)

3. en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ".

L'action en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale alléguée des liens commerciaux, initiée par la société Auvidis sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, se rattache à la matière contractuelle, les relations étant établies de longue date entre les parties sur une base contractuelle tacite.

Il y a donc lieu de se référer pour ce qui la concerne à l'article 5 1) du règlement précité.

Il convient dès lors de déterminer si les relations entre les parties caractérisent une vente de marchandises ou une fourniture de services.

En l'espèce, la société Ghielmetti expose, sans être sérieusement démentie, que l'obligation caractéristique des relations entre les parties consiste dans la vente de ses produits à Auvidis, la nature d'éventuelles obligations de distribution n'étant pas dans les débats et ne ressortant d'aucune pièce.

Il convient donc de déterminer " le lieu d'un Etat lié par la présente Convention où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées ".

Il ressort des factures et des bons de livraison régissant les rapports entre les parties que les prix de la société Ghielmetti AG sont " ex usine Biberist ", et que les commandes ont été exécutées selon ces termes par les parties. Il apparaît également que les commandes envoyées par la société Auvidis à la société Ghielmetti AG désignent la société de transport choisie par elle. Ainsi, au regard de l'usage entre les parties et des mentions très claires figurant que les factures et bons de livraison caractérisant l'acceptation des deux parties de ces conditions par la succession des commandes, que les conditions de vente sont " EXW ", à savoir " Ex Works ". Il n'est pas contesté que la mention " sortie d'usine " signifie que les prix sont " EXW " et que cette mention implique que les marchandises sont mises à disposition de l'acheteur à la sortie de l'usine et que ce dernier doit prendre en charge le transport, ses formalités, son coût ainsi que les éventuelles formalités douanières.

En conséquence, les conditions commerciales entre les parties donnent à la société Auvidis la responsabilité et la charge des produits livrés à la sortie de l'usine située à Biberist dans le canton de Soleure, de sorte que les marchandises vendues devaient être livrées par la société Ghielmetti à la sortie de l'usine. Les obligations de la société Ghielmetti AG à l'égard de la société Auvidis ne se situent donc qu'en Suisse.

En l'espèce, les commandes n'ont été adressées qu'en Suisse et les produits livrés à l'usine située dans le canton de Soleure en Suisse.

Dès lors, les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour trancher le litige qui oppose la société Ghielmetti AG à la société Auvidis sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Il y a donc lieu de faire droit à l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Ghielmetti AG et de dire que le Tribunal de commerce de Paris n'est pas compétent pour statuer sur le litige et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce point.

Il y a lieu de condamner la société Auvidis aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société Ghielmetti AG la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Il y a lieu de débouter la société Auvidis de sa demande de ce chef.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit qu'il n'existe pas d'accord contractuel entre les parties sur le tribunal compétent, Statuant à nouveau, Fait droit à l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Ghielmetti AG ; Dit que le Tribunal de commerce de Paris n'est pas compétent pour statuer sur le litige, Renvoie les parties à mieux se pourvoir devant une juridiction suisse, Condamne la société Auvidis aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société Ghielmetti AG la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.