Cass. 1re civ., 17 janvier 2018, n° 16-25.817
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Chietera (Epoux)
Défendeur :
Laboratoire Glaxosmithkline (SAS) , Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Hérault
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
Mme Kamara
Avocat général :
M. Ingall-Montagnier
Avocats :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Vu l'article 2270-1 du Code civil, alors applicable, tel qu'interprété à la lumière des articles 10 et 11 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ; - Attendu qu'il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler, C-212/04 et du 15 avril 2008, Impact, C-268/06), que l'obligation pour le juge national de se référer au contenu d'une directive lorsqu'il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment les principes de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et que cette obligation ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Chietera a reçu, le 23 mai 1996, une injection du vaccin contre l'hépatite B, dénommé Engerix B, produit par la société Laboratoire Glaxosmithkline (la société) ; que, le diagnostic de la sclérose en plaques ayant été établi le 1er juillet 1996, M. Chietera et son épouse ont assigné la société, courant 2010, en référé aux fins d'expertise, puis, le 7 février 2013, en responsabilité et indemnisation ;
Attendu que, pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'abord, que la transposition de la directive précitée, qui devait être effectuée au plus tard le 30 juillet 1988, n'est intervenue que le 19 mai 1998, de sorte que les conditions de l'action en responsabilité introduite à l'encontre du fabricant d'un produit défectueux doivent être interprétées à la lumière de cette directive, même non encore transposée, et que cette dernière prévoit deux délais de prescription de l'action en réparation, le premier de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur, le second de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit ; qu'il relève, ensuite, que le diagnostic de la sclérose en plaques constituant le dommage incriminé, posé le 1er juillet 1996, constitue nécessairement le point de départ de la prescription de trois ans visée par la directive européenne, et que le point de départ du délai de dix ans est nécessairement antérieur à la date du 23 mai 1996 ; qu'il en déduit que, lors de l'assignation en référé aux fins d'expertise, en 2010, l'un comme l'autre délai étaient expirés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité extracontractuelle dirigée contre le producteur d'un produit dont le caractère défectueux est invoqué, qui a été mis en circulation après l'expiration du délai de transposition de la directive, mais avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant cette directive, se prescrit, selon les dispositions du droit interne, qui ne sont pas susceptibles de faire l'objet sur ce point d'une interprétation conforme au droit de l'Union, par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé, permettant seule au demandeur de mesurer l'étendue de son dommage et d'avoir ainsi connaissance de celui-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 11 de la directive, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
Par ces motifs : casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la Cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Toulouse.