Cass. com., 17 janvier 2018, n° 16-21.433
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Perret , Vaise Minceur (SARL)
Défendeur :
Société Générale (SA) , Selarl Alliance MJ (ès qual.), Physiomins expansion (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, SCP Célice, Soltner, Texidor, Périer, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 mai 2016), que la société Vaise minceur (la société Vaise), dont le gérant était M. Perret, a conclu avec la société Physiomins expansion (la société Physiomins) un contrat de franchise pour l'exploitation d'un centre esthétique d'amincissement ; que la Société générale (la banque) a consenti à la société Vaise deux prêts destinés au financement du droit au bail et des travaux dans les locaux du fonds de commerce créé à cette fin, garantis par le cautionnement solidaire de M. Perret ; que prétendant que la société Physiomins avait manqué à ses obligations, la société Vaise a mis fin au contrat de franchise, puis l'a assignée en annulation du contrat pour vice du consentement et défaut de cause, subsidiairement en responsabilité pour manquement à son obligation d'assistance, et la banque en responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde ; que la société Physiomins ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaires, la société MDP, devenue Alliance MJ, nommée liquidateur, a repris l'instance et a demandé reconventionnellement le paiement de redevances et le prononcé de la rupture du contrat de franchise aux torts de la société Vaise ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Vaise et M. Perret font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires fondées sur la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Physiomins, dirigées contre son liquidateur judiciaire, alors, selon le moyen : 1°) que la gravité du comportement d'une partie à un contrat pouvant justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, l'exercice de cette faculté, dès lors qu'il est légitime, ne prive pas son auteur du droit d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la rupture intervenue aux torts de son partenaire ; qu'en retenant, pour la débouter de ses demandes indemnitaires, que la société Vaise avait sollicité, dans sa lettre du 21 juillet 2011, non " pas une assistance ", mais la " réparation de son préjudice en invoquant son impossibilité de poursuivre le contrat de franchise (...) ", après avoir pourtant constaté que la société Physiomins n'établissait pas " la consistance de l'aide personnalisée " apportée à la société Vaise, qui lui reprochait " justement de ne pas l'avoir assistée alors qu'elle n'obtenait pas les résultats escomptés ", la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs inopérants, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) que la gravité du comportement d'une partie à un contrat pouvant justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, l'exercice de cette faculté, dès lors qu'il est légitime, ne prive pas son auteur du droit d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la rupture intervenue aux torts de son partenaire ; qu'en déboutant la société Vaise et M. Perret de leur demande indemnitaire, aux motifs que le contrat avait pris fin en septembre 2011 " en raison des manquements réciproques imputables aux deux parties à leurs obligations contractuelles ", sans préciser en quoi aurait pu consister le manquement imputable à la société Vaise, dont elle avait relevé qu'elle reprochait " justement à la société Physiomins de ne pas l'avoir assistée alors qu'elle n'obtenait pas les résultats escomptés ", la cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Vaise, qui avait cessé toute activité dès le mois de juin 2011, avait imputé à la société Physiomins, le 21 juillet 2011, puis lorsqu'elle avait résilié le contrat de façon anticipée, le 21 mai 2012, des manquements à son obligation précontractuelle d'information, sans lui reprocher son défaut d'assistance, mais en annonçant la mise en vente de son fonds de commerce, la cour d'appel, qui a, ainsi, fait ressortir que la société Vaise avait pris l'initiative de mettre fin unilatéralement au contrat de franchise pour des manquements non liés à l'obligation d'assistance du franchiseur, qu'elle n'avait invoqués qu'après que la rupture était intervenue, de sorte que l'inexécution de cette obligation ne pouvait la justifier, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Vaise et M. Perret font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes contre la banque alors, selon le moyen : 1°) que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l'égard de l'emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde ; que les diplômes de l'emprunteur et la profession qu'il a pu exercer ne sauraient lui conférer, par eux-mêmes, la qualité d'emprunteur averti, dès lors qu'ils n'attestent pas de son expérience dans le secteur d'activité faisant l'objet du crédit et de son aptitude à analyser lui-même la viabilité et les risques de l'opération financée ; qu'en estimant que M. Perret devait être considéré comme un emprunteur averti, aux seuls motifs que, titulaire d'un diplôme de gestion des entreprises, il avait " suivi une préparation au DECS pendant deux années " et " exercé la profession de comptable entre 1987 et 2006 ", peu important son inexpérience " en matière de franchise dans le domaine de l'amincissement ", la cour d'appel s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser la qualité d'emprunteur averti de M. Perret et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°) que le banquier dispensateur de crédit est tenu à l'égard de l'emprunteur averti d'un devoir de mise en garde dès lors qu'il détient ou qu'il est en mesure de détenir sur les risques encourus et la viabilité de l'opération financée des informations que son client ignorait ; qu'en se bornant à relever qu'il n'était pas établi " que le réseau Physiomins venait au nombre des réseaux qu'elle avait préalablement référencés ni qu'elle était la banque des établissements composant ce réseau " et qu'elle ait pu disposer " d'informations privilégiées que M. Perret ignorait quant à son état et, partant, quant à la pertinence des prévisions de résultat ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si en sa qualité de banquier de la société Physiomins, la banque, qui aux 6 et 9 décembre 2009 était la seule à avoir connaissance des comptes figurant dans le document d'information remis à M. Perret le 14 décembre 2009, comptes qui n'étaient pas connus de lui au moment où il contractait les emprunts et se portait caution, avait rempli le devoir de mise en garde que lui imposait cette situation de dissymétrie des informations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°) que les juges du fond ne peuvent débouter une partie de ses prétentions sans analyser, au moins sommairement, les éléments et offres de preuve invoqués à leur soutien ; qu'en retenant qu'il n'était " pas davantage démontré " que la banque ait pu contracter un " engagement spécifique de soumettre le dossier qui lui était présenté à son pôle franchise et à une analyse de la cohérence des informations contenues dans le DIP avec les prévisionnels présentés à l'appui de la demande de financement et ses propres informations quant à l'état du réseau ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la preuve de cet engagement ne résultait pas du propre aveu de la banque qui, dans ses écritures, reconnaissait expressément que " le service dédié à l'analyse du financement des franchises " avait " bien été saisi " et qu'il avait " procédé à une étude du financement sollicitée par M. Perret ", la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que M. Perret s'était lui-même présenté à la banque comme titulaire d'un diplôme de gestion des entreprises, ayant suivi la préparation au diplôme d'expertise-comptable supérieur pendant deux années et exercé la profession de comptable dix-neuf ans, et qu'il avait été en mesure de constituer un dossier sérieux en apparence, ce dont il résultait qu'il était un emprunteur averti, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que la société Vaise, qui ne démontrait pas que le réseau Physiomins constituait un des réseaux que la banque avait préalablement référencés ni que celle-ci était la banque des établissements composant ce réseau, ne rapportait pas la preuve que la banque disposait d'informations privilégiées que M. Perret ignorait quant à son état et quant à la pertinence des prévisions de résultat d'un centre d'amincissement et qu'ainsi, elle aurait fait preuve de déloyauté en le laissant contracter en connaissance de l'absence de rentabilité du réseau, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.