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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 18 janvier 2018, n° 16-16139

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Espace Dirigeants (SAS)

Défendeur :

Avenirdirigeant (SAS), Al Avenir (SARL), Versorecto Consulting (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mmes Schaller, du Besset

Avocats :

Mes Le Morhedec, Guizard, Gauvain, Poindessault, Etevenard, Bernard

CA Paris n° 16-16139

18 janvier 2018

Faits et procédure :

Les sociétés " L'Espace Dirigeants " (ci-après " LED "), " AvenirDirigeant ", " AL Avenir " et " VersoRecto Consulting " (ci-après " VersoRecto ") sont des sociétés spécialisées dans la gestion de carrière, le coaching et l'outplacement de cadres dirigeants.

La société L'Espace Dirigeants a été créée en 2006 par Messieurs P. et d.. Elle travaille en partenariat avec des consultants non-salariés. Ainsi, le 1er février 2007, la société LED et la société VersoRecto, cabinet de conseil en outplacement dirigé par Monsieur Denis B., ont signé un contrat de partenariat qui a fait l'objet de deux avenants les 8 janvier et 23 décembre 2013.

Le 13 décembre 2010, la société LED et la société AL Avenir, cabinet de conseil en outplacement dirigé par Madame Anne L., ont signé un contrat de partenariat, renouvelé le 14 février 2014.

Aux termes desdits contrats, il était prévu une coopération pour la prospection de la clientèle de cadres supérieurs et de dirigeants en vue de leur proposer des prestations de coaching et d'outplacement facturés par la société LED, générant le paiement de commissions pour les sociétés partenaires et un bonus annuel sur les contributions supérieures à 250 000 euros.

Parallèlement à leurs contrats de partenariat, les sociétés VersoRecto et AL Avenir, ainsi que Monsieur B. et Madame L. sont devenus actionnaires de LED.

En juillet 2014, M. Denis B. a mis fin au partenariat liant sa société VersoRecto et la société LED et a créé la société AvenirDirigeant.

En novembre 2014, Mme L. a mis fin au partenariat entre sa société AL Avenir et la société LED, et a rejoint la société AvenirDirigeant.

C'est dans ce contexte que, le 30 avril 2015 et le 13 mai 2015, la société LED a assigné respectivement les sociétés AvenirDirigeant et la société VersoRecto Consulting puis la société AL Avenir en paiement d'indemnités au titre de la violation de leurs obligations contractuelles, de concurrence déloyale, de détournements de clientèle et de désorganisation provoquée.

Par jugement du 4 juillet 2016, le Tribunal de commerce de Paris a :

- condamné la société L'Espace Dirigeants à payer à la société AL Avenir la somme de 37 150 euros à titre d'indemnités pour le préjudice subi du fait de la rupture brutale du contrat de partenariat ;

- condamné la société AL Avenir à verser à la société L'Espace Dirigeants la somme de 6 900 euros au titre des prestations de coaching et de training réalisées en lieu et place ;

- condamné la société VersoRecto Consulting à verser à la société L'Espace Dirigeants la somme de 6 250 euros au titre des prestations de coaching et de training réalisées en lieu et place ;

- condamné la société L'Espace Dirigeants à payer à la société AL Avenir la somme de 23 220 euros au titre du paiement des factures impayées ;

- condamné la société L'Espace Dirigeants à payer à la société VersoRecto Consulting la somme de 3 600 euros au titre du paiement de factures impayées ;

- ordonné la compensation judiciaire entre les sommes dues par le demandeur et les défenderesses ;

- condamné la société L'Espace Dirigeants à verser la somme de 10 000 euros à chacune des sociétés AvenirDirigeant, AL Avenir et VersoRecto Consulting à titre de dommages intérêts ;

- condamné la société L'Espace Dirigeants à verser la somme de 5 000 euros à chacune des sociétés AvenirDirigeant, AL Avenir et VersoRecto Consulting au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les sociétés AvenirDirigeant, AL Avenir et VersoRecto Consulting de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société L'Espace Dirigeants aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,24 euros dont 21,32 euros de TVA.

Vu la déclaration d'appel du 22 juillet 2016 de la société L'Espace Dirigeants,

Vu les dernières conclusions signifiées le 10 octobre 2017 par la société L'Espace Dirigeants par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 1134 du Code civil,

Vu l'article 1382 du Code de procédure civile,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;

Et, statuant de nouveau,

- condamner solidairement AL Avenir et AvenirDirigeant à verser la somme de 49 201,35 euros à l'Espace Dirigeants au titre de la violation de ses obligations contractuelles ;

- condamner solidairement les défenderesses à verser à l'Espace Dirigeants la somme de 33 300 euros au titre de l'utilisation de ses travaux ;

- condamner solidairement les défenderesses à verser la somme de 125 000 euros à l'Espace Dirigeants au titre de l'indemnisation de la perte de marge provoquée par les détournements de clientèle ;

- condamner solidairement les défenderesses à verser la somme de 35 000 euros à l'Espace Dirigeants au titre de la désorganisation provoquée ;

- condamner AL Avenir à verser la somme de 6 900 euros HT à l'Espace Dirigeants et Verso Recto Consulting à verser la somme de 6 250 euros HT au titre des prestations de coaching et de training réalisées en leur lieu et place ;

- prononcer la compensation judiciaire entre les sommes dues par les défenderesses et les sommes qu'elles réclament dans l'hypothèse où la cour estimerait qu'elles seraient dues ;

- condamner les défenderesses à verser chacune la somme de 10 000 euros à l'Espace Dirigeants au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 septembre 2017 par la société AvenirDirigeant par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu les éléments ci-dessus exposés,

A titre préliminaire,

- écarter des débats les pièces produites par la société L'Espace Dirigeants sous les numéros 12 et 35 ;

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 4 juillet 2016 par le Tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu'il n 'a pas intégralement fait droit aux demandes de réparation formulées par la société AvenirDirigeant ;

- débouter la société l'Espace Dirigeants de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement rendu le 4 juillet 2016 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il n'a pas intégralement fait droit aux demandes de réparation formulées par la société AvenirDirigeant ;

- dire et juger que l'Espace Dirigeants a agi abusivement en engageant la présente instance et la condamner en conséquence à verser à AvenirDirigeant la somme de 139 030,23 euros à titre de dommages et intérêts selon le détail suivant :

- frais de déménagement : 75 030,23 euros ;

- préjudice matériel : 14 000 euros ;

- concurrence déloyale par recours abusif à une procédure judiciaire et appel abusif : 50 000 euros ;

En tout état de cause,

- condamner l'Espace Dirigeants à payer à AvenirDirigeant la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions signifiées le 19 décembre 2016 par les sociétés AL Avenir et VersoRecto Consulting par lesquelles il est demandé à la cour de :

Vu les articles 9, 1382 (ancien), 1134 (ancien), 1137, 1290 et 1291 du Code civil,

Vu les article 32-1, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1 de la loi 91-646 du 10 juillet 1991,

Vu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

Vu l'article 226-15 du Code pénal,

Vu les pièces,

- recevoir AL Avenir et VersoRecto Consulting en leurs conclusions, les en dire bien fondées ;

- dire et juger que l'appel et les demandes de L'Espace Dirigeants sont mal fondés ;

En conséquence,

- débouter la société L'Espace Dirigeants de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement rendu le 4 juillet 2016 par le Tribunal de commerce de Paris sauf :

- en ce qu'il n'a pas intégralement fait droit aux demandes de réparation formulées par les sociétés AL Avenir au titre de la violation des correspondances privées et de son préjudice moral ;

- en ce qu'il a condamné AL Avenir à payer à la société L'Espace Dirigeants la somme de 6 900 euros au titre de prestations de coaching et training ;

- en ce qu'il a condamné VersoRecto Consulting à verser à L'Espace Dirigeants la somme de 6 250 euros au titre de prestations de coaching et training ;

- ordonner la compensation judiciaire ;

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- rejeter les demandes de L'Espace Dirigeants de paiement de ses factures de 6 900 euros à AL Avenir et de 6 250 euros à VersoRecto Consulting ;

- condamner l'Espace Dirigeants à payer à AL Avenir la somme de 30 000 euros à titre d'indemnités pour le préjudice subi du fait de la violation et le détournement des correspondances privées ;

- condamner l'Espace Dirigeants à payer à AL Avenir la somme de 10 000 euros à titre d'indemnités pour préjudice moral ;

En tout état de cause,

- condamner l'Espace Dirigeants à payer à AL Avenir et à VersoRecto Consulting la somme de 12 000 euros chacune à titre d'indemnités au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner l'Espace Dirigeants aux entiers dépens, au titre des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Frédérique Etevenard.

La société LED soutient que la rupture des relations de partenariat est intervenue en violation des obligations contractuelles d'AL Avenir, que cette dernière n'a pas respecté le délai de préavis contractuel de 3 mois, que Mme L. a annoncé sa décision de mettre fin au contrat, à effet immédiat, par courrier recommandé du 14 novembre 2014, et par entretien oral du même jour, qu'elle a organisé son déménagement le jour même et le lendemain samedi, et a commencé à travailler dans la société AvenirDirigeant dès le lundi 17 novembre, comme en atteste la communication faite par AvenirDirigeant sur son site, qu'elle n'a jamais eu l'intention de respecter son préavis. La société LED conteste l'existence d'une tolérance au profit d'AL Avenir pour réduire son préavis. Elle indique enfin que si elle a coupé l'accès informatique à Anne L., c'est précisément parce que cette dernière avait emporté les dossiers de LED et qu'elle n'avait pas l'intention de respecter son préavis.

La société LED soutient également que les sociétés AvenirDirigeant, AL Avenir et VersoRecto Consulting ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, que la société AvenirDirigeant a été créée au détriment de LED, que Mme L. n'est restée au sein de LED que le temps nécessaire pour assister aux réflexions stratégiques de la société LED avant de rejoindre la société AvenirDirigeant, que cette dernière s'est inspirée des concepts et notions développés par LED, qu'AvenirDirigeant a utilisé un logo développé exclusivement pour LED, qu'elle a fait usage du fichier clients de LED, que des clients ont été détournés, que la société AvenirDirigeant a utilisé la renommée de LED pour sa propre promotion, qu'elle s'est installée dans la même rue à seulement 20 numéros, et qu'elle a repris de nombreux éléments de sa plaquette publicitaire quasiment à l'identique, qu'un tel comportement est constitutif de concurrence déloyale et parasitaire.

Elle ajoute que ce comportement a largement désorganisé la société LED, dont le dirigeant a dû réaffecter les tâches en interne, recevoir de nombreux candidats en urgence, assurer une représentation externe imprévue, accélérer le recrutement et la formation interne et modifier leur documentation commerciale, qu'elle a été privée d'une marge estimée à 49 201,35 euros sur le seul chiffre d'affaires de la société AL Avenir, somme au paiement de laquelle doivent être condamnées solidairement les sociétés AL Avenir et AvenirDirigeant. A cela, elle ajoute qu'elle doit être indemnisée à hauteur de 33 300 euros pour les sommes investies dans les travaux de stratégie dont AvenirDirigeant s'est inspirée et pour la copie servile de son logo, à hauteur de 125 000 euros pour les pertes de marges dues au détournement de clientèle, outre 35 000 euros au titre de la désorganisation du cabinet. Elle fait également valoir qu'elle a dû effectuer des prestations de coaching pour lesquelles les sociétés AL Avenir et VersoRecto Consulting avaient déjà été payées et conteste les factures réclamées par ces dernières. Elle conteste toute procédure abusive.

En réponse, la société AvenirDirigeant demande tout d'abord d'écarter les pièces n°12 et 35 produites par L'Espace Dirigeants, obtenues en violation de la correspondance privée et des ordinateurs privés de M. B. et de Mme L..

Elle s'oppose à la demande de condamnation solidaire au titre du prétendu non-respect du préavis par la société AL Avenir, soutenant tout d'abord que c'est le dirigeant de la société LED qui a empêché cette société de respecter son préavis en coupant à Mme L. son accès à l'informatique et en lui demandant de remettre ses clés, qu'en tout état de cause la société LED n'apporte pas la preuve qu'AvenirDirigeant aurait organisé le départ de Mme L., qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une faute à son encontre. Elle conteste toute désorganisation de LED dont elle serait responsable, le départ de Madame L. étant indépendant de tout agissement de sa part.

Elle conteste les allégations de concurrence déloyale, qu'elle estime non établies. Elle ajoute que dans le cadre des contrats de partenariat, les clients de la société LED étaient apportés par AL Avenir et par les autres consultants, par leur propre réseau professionnel, que c'est la société LED qui a détourné la clientèle et n'a pas restitué certains honoraires dus à Mme L..

Elle indique que les termes employés par la société AvenirDirigeant sur sa plaquette sont certes semblables à ceux de L'Espace Dirigeants, mais sont surtout très classiques et inhérents à la profession, que la société L'Espace Dirigeants a attendu près d'un an avant de faire valoir ses reproches selon lesquels le logo aurait été copié, qu'en tout état de cause le logo ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, qu'enfin il n'y avait pas de risque de confusion puisque LED n'a pas retenu le symbole de l'escalier, symbole par ailleurs très courant dans leur profession.

Elle indique que le choix d'emplacement géographique avait pour unique but de s'installer à un endroit déjà largement investi par les cabinets d'outplacement, l'arrondissement en question en comptant déjà plus de quinze, et dans un centre d'affaires " Regus " proposant les meilleurs services et perspectives de développement.

A titre reconventionnel, la société AvenirDirigeant fait valoir que l'attitude agressive de la société L'Espace Dirigeants l'a affaiblie en tant que concurrent en phase de développement, que face à l'insistance de la société L'Espace Dirigeants, elle a fini par déménager, ce qui a engendré des coûts estimés à 75 030,23 euros TTC et a empêché les associés de travailler sereinement et de recevoir des clients engendrant une perte estimée à 14 000 euros, qu'enfin la procédure est abusive.

La société AL Avenir et Madame L. font valoir que le courrier envoyé le 14 novembre 2014 mettant fin au contrat " ce jour " ne visait que la date de la résiliation, mais pas sa prise d'effet qui aurait dû intervenir trois mois plus tard, si la société LED n'avait pas retiré à Mme L. ses accès informatiques, ses clés et les rendez-vous clients. Elles ajoutent que durant le préavis, il était normal pour Mme L. de commencer à s'intéresser à son activité future, de faire des actes préparatoires, tels que des tests d'adresse email, et qu'elle pouvait raisonnablement penser qu'elle pourrait aussi bénéficier d'un préavis réduit d'une quinzaine de jours, comme cela avait été accordé à Monsieur B. et Madame P.. La société Al Avenir et Madame L. soutiennent que la mise en ligne publique de son profil sur le site d'AvenirDirigeant le 17 novembre 2014 était une erreur informatique du prestataire, immédiatement rectifiée. La société AL Avenir estime qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de son contrat, qu'aucune indemnisation ne saurait lui être demandée, qu'en outre les calculs effectués par la société L'Espace Dirigeants sont faux et basés sur des documents non certifiés, sans valeur probante.

Les sociétés AL Avenir et VersoRecto contestent tout acte de concurrence déloyale ou de parasitisme. Elles rappellent que les clients sont rattachés au consultant et non pas à la société, chaque client étant libre de choisir son consultant, que le fait que Mme L. ait participé à des réunions stratégiques avant son départ est inopérant, qu'il est classique pour un consultant de faire état de son expérience au sein des anciens cabinets dans lesquels il a exercé, qu'aucun détournement de clientèle n'est établi.

Sur les préjudices allégués, elles avancent que les outils de communication n'ont pas été copiés, que la clientèle n'a pas été détournée et que la désorganisation du cabinet n'est pas prouvée et n'est imputable qu'à L'Espace Dirigeants de telle sorte qu'aucune indemnisation ne saurait être versée à ce titre.

A titre reconventionnel, elles font valoir que la rupture du contrat de partenariat a été unilatérale et brutale à l'initiative de la société L'Espace Dirigeants, que cette dernière a violé le secret des correspondances destinées à Mme L., qui n'était pas salariée de L'Espace Dirigeants, et a désorganisé son activité en lui supprimant brutalement l'accès à sa messagerie, des clients s'en étant inquiétés.

Elles sollicitent le paiement des factures demeurées impayées malgré les mises en demeure envoyées, et contestent les factures de la société L'Espace Dirigeants qui ne sont pas justifiées et non susceptibles de compensation.

Elles font également valoir que la procédure est abusive, faisant état de la mauvaise foi de la société L'Espace Dirigeants qui n'a pas accepté de mesure de conciliation, et ne cherche qu'à retarder ou éviter le paiement des sommes dues et déstabiliser et nuire à ses concurrents. Mme L. invoque en outre que le comportement du dirigeant de la société L'Espace Dirigeants est plus que vexatoire et lui a de ce fait causé un préjudice moral à indemniser.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

Sur ce LA COUR,

Sur la loyauté des preuves et la violation des correspondances :

Considérant tout d'abord que la pièce n°35 annoncée sur le bordereau de communication de pièces de LED intitulée " liste actions " de M. Denis B. et Anne L. " ne figure dans le dossier de plaidoirie que sous l'onglet " pièces adverses " et ne contient aucun élément susceptible d'en déterminer l'origine, frauduleuse ou non ;

Qu'il s'agit d'un tableau dont l'auteur et le destinataire sont inconnus, qui ne porte aucune date, qui est dénué de toute valeur probante ;

Que l'absence de tout caractère probant ne justifie toutefois pas qu'il soit écarté des débats, les parties étant libres d'en tirer les éléments qu'elles estiment utiles, le caractère frauduleux ou déloyal de cette communication de pièce n'étant pas établi ;

Qu'en ce qui concerne la pièce n°12, intitulée " échange de courriels entre M. Denis B. et M. Franck B. en date du 14 novembre 2014 ", la société LED indique l'avoir trouvée sur le copieur du cabinet le 14 novembre, ce qui n'est pas établi ;

Que cette affirmation ne constitue pas pour autant la preuve de l'origine frauduleuse de cette pièce, au regard de l'article 226-15 du Code pénal ou de l'article 8 de la CESDH, ce d'autant que ledit courriel n'était pas une correspondance privée mais adressé à plusieurs destinataires professionnels, qui peuvent ainsi l'avoir re transmis ou divulgué ;

Qu'il y a lieu par conséquent rejeter les demandes de voir écarter ces pièces des débats au titre de la loyauté de la preuve ;

Qu'aucune violation de correspondance n'est établie ;

Qu'il y a lieu de rejeter les demandes d'indemnisation formées à ce titre ;

Sur le non-respect du préavis contractuel par AL Avenir et Mme L. :

Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme L. a annoncé oralement le 14 novembre 2014 à 12h à M. D., dirigeant de LED, qu'elle mettait fin au contrat de partenariat entre AL Avenir et LED, faisant suivre une LRAR datée du même jour mais reçue par LED le 17 novembre 2014, indiquant sa décision de " faire fin ce jour au contrat d'association qui lie la société AL Avenir dont je suis la gérante et et moi-même au cabinet l'Espace Dirigeants " ;

Que contrairement à ce que soutiennent AL Avenir et Mme L., les termes de ce courrier sont particulièrement clairs sur le caractère immédiat de la rupture, les mots " ce jour " ne pouvant être interprétés autrement que marquant la date de " fin du contrat ", et ce à l'initiative de Mme L. et non de LED ;

Que les termes un peu inhabituels utilisés par Mme L., " faire fin ce jour ", sans mention d'aucun préavis, sont en outre exactement les mêmes que ceux utilisés par M. B. et la société VersoRecto lors de sa démission du 9 juillet 2014, la lettre étant rédigée à l'identique, mot pour mot, et ce dernier ayant obtenu l'autorisation de rompre le contrat sans préavis, moyennant l'aménagement de certains dossiers et la rémunération de LED sur certains clients ;

Que le caractère immédiat de la rupture par AL Avenir est corroboré par les autres pièces versées aux débats et par la chronologie ;

Qu'en effet, avant même l'envoi de la lettre RAR par Mme L. à LED datée du 14 novembre mais reçue le 17 novembre, M. Franck B., WebMaster exerçant sous l'enseigne " Agence Blink Référencement ", répondait à un mail de M. Boutte daté du même jour (9h33) qui lui annonçait " l'arrivée prochaine " d'Anne L., indiquant " Elle donne sa démission aujourdh'ui et nous dira quand elle sera effectivement présente parmi nous " et lui faisait part de la création et la mise en fonction d'une adresse mail au nom d'Anne L. au sein d'AvenirDirigeant, lui communiquant sa nouvelle adresse " [email protected] ", immédiatement fonctionnelle, et le mot de passe pour la configuration d'Outlook ;

Que la copie écran du site de la société AvenirDirigeant affichait déjà la photo d'Anne L. à la date du lundi 17 novembre 2014 comme faisant partie à cette date de l'équipe du cabinet, alors que sa démission datait du vendredi ;

Que le samedi 15 novembre 2014, Mme L. est venue au bureau de LED pour y prendre les dossiers des clients en cours, ainsi qu'elle le confirme dans son courrier RAR du 28 novembre 2014, et qu'elle y a rencontré M. D., ce dernier lui ayant alors demandé la remise des clés et lui indiquant qu'il allait lui couper ses accès informatiques, ce qu'il a confirmé par LRAR datée du même jour ;

Qu'il résulte de cette chronologie que la démission de Mme L. à effet imminent était bien connue - avant même d'être officiellement annoncée à 12h à M. D., de M. Denis B. qui avait quitté LED quelques mois auparavant pour créer la société AvenirDirigeant, que l'arrivée d'Anne L. au cabinet AvenirDirigeant était acquise, seule la date exacte restant à fixer, les adresses e-mail étant déjà fonctionnelles ;

Que compte tenu de l'annonce faite de l'arrivée d'Anne L., tant au Webmaster le jour de la démission, que sur le site public de la société AvenirDirigeant le lundi suivant la démission, et compte tenu du fait que Mme L. est venue récupérer des dossiers le samedi matin, il ne peut raisonnablement être soutenu que Mme L. entendait effectuer son préavis contractuel de trois mois au sein de LED ;

Que les courriels de Mme L. postérieurs au 17 novembre 2014 faisant état d'un souhait d'exécuter un préavis sont par conséquent dénués de valeur au regard de la rupture annoncée clairement comme immédiate dès le 14 novembre par Mme L., qui ne conteste pas au demeurant avoir souhaité bénéficier de la même tolérance de dispense de préavis que M. B.;

Que contrairement aux motifs retenus par les premiers juges, la rupture du contrat avec la société AL Avenir ne peut être imputée à la société LED, le fait que M. D. ait pris des mesures de suppression de l'accès de Madame L. au système informatique dès le samedi 15 novembre 2014, jour non ouvré où Mme L. est venue récupérer des dossiers, étant parfaitement justifié compte tenu de l'attitude étrange de Mme L. et du risque de détournement d'une partie des dossiers de la société LED ;

Que c'est dès lors à tort qu'ils ont qualifié la rupture de brutale aux torts de la société LED et fait droit à la demande d'indemnisation du préjudice subi par AL Avenir du fait de la rupture ;

Que la décision sera infirmée sur ce point et la société AL Avenir déboutée de ses demandes d'indemnisation à ce titre ;

Considérant qu'à la suite de la rupture, la société LED sollicite l'indemnisation de son préjudice du fait du non-respect du préavis par la société AL Avenir, qu'elle évalue à trois mois de marge brute, sur la base de 55% du chiffre d'affaires réalisé sur la période ;

Qu'elle ne fournit toutefois aucun élément comptable probant permettant de justifier du montant de la perte subie sur trois mois, ni du pourcentage de marge brute relatif à l'activité de la société AL Avenir et Mme L. ;

Qu'au surplus, en ayant supprimé dès le 15 novembre 2014 tout accès à Mme L. à ses courriels et à ses dossiers, elle n'a pas mis la cour en mesure d'évaluer la perte imputable à Mme L. alléguée du fait du non-respect du préavis ;

Qu'elle ne produit aucun élément comptable permettant d'évaluer la perte de chiffre d'affaires qu'elle aurait subi ;

Qu'elle sera dès lors déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre, la décision étant, sur ce point, par motifs propres, confirmée ;

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme :

Considérant qu'aux termes de l'article 1382 (ancien) du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;

Considérant que le non-respect par AL Avenir et Mme L. du préavis contractuel ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ;

Qu'il appartient à la société LED de rapporter la preuve des actes de concurrence déloyale qu'elle allègue ;

Qu'à l'égard d'AL Avenir et en l'absence de toute autre faute que le non-respect du préavis, la société LED sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 1382 susvisé et la décision des premiers juges sera dès lors confirmée sur ce point ;

Qu'en ce qui concerne les autres actes de concurrence déloyale allégués, ceux-ci ne concernent que la société AvenirDirigeant ;

Qu'au regard du détournement de clientèle allégué, c'est par des motifs précis que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que la société LED n'apportait aucune pièce probante sur un éventuel détournement de clients de la part d'AvenirDirigeant ;

Que le principe de la liberté du commerce implique que le démarchage de la clientèle est libre dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'un acte déloyal ;

Que dans le domaine de l'outplacement, la relation entre le consultant et le client est très personnelle, indépendamment de la structure dans laquelle il opère ;

Qu'au demeurant, les consultants exercent à titre individuel, sous forme de sociétés, mais ne sont pas salariés de la structure et conservent leurs clients tout au long du programme d'out placement, indépendamment de la structure dans laquelle ils opèrent ;

Qu'ainsi, au départ de Monsieur B., les clients dont il s'occupait l'ont suivi, et les parties se sont mises d'accord sur les rétrocessions à opérer ;

Qu'à aucun moment la société LED n'a considéré que Monsieur B. et la société AvenirDirigeant avaient commis à son égard des actes de concurrence déloyale, alors même que Monsieur B. avait constitué ladite société et conservé ses clients en toute transparence ;

Qu'au départ de Madame L., les parties n'ont certes pu se mettre d'accord sur les modalités de rupture compte tenu de son immédiateté, mais que l'accord de partenariat prévoyait simplement un mode de rétrocession de commissions, chacun conservant ses clients ;

Qu'il appartient par conséquent à la société LED de démontrer que les clients qui ont suivi Madame L. l'ont été en fraude de ses droits, ce qui n'est pas établi en l'espèce ;

Considérant que la société LED ne démontre pas plus que l'installation de la société AvenirDirigeant dans la même rue constitue un acte de concurrence déloyale et confirmera la décision des premiers juges sur ce point, par motifs adoptés ;

Considérant enfin qu'en ce qui concerne la copie servile des logos alléguée, ainsi que la reprise des arguments publicitaires ou les présentations des plaquettes commerciales, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé l'absence de tout risque de confusion dans l'esprit de la clientèle ;

Qu'en outre, il n'est pas établi que les présentations ou arguments publicitaires utilisent des mots identiques ou constituent des contrefaçons des présentations de la société LED ;

Qu'en effet, outre le fait que les expressions utilisées sont particulièrement banales et usuelles pour les professionnels de gestion de carrière, il n'est pas établi que la société AvenirDirigeant ait contrefait lesdites expressions ;

Qu'il y a lieu de débouter la société LED de toutes ses demandes à ce titre et de confirmer la décision des premiers juges par motifs adoptés ;

Sur la concurrence parasitaire :

Considérant que le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire; qu'un tel comportement est fautif sans qu'il soit nécessaire de démontrer un risque de confusion ou la recherche d'un avantage concurrentiel au détriment de la victime ; qu'il suffit de caractériser, à la charge du parasite, l'intention de promouvoir sa propre activité commerciale en profitant gratuitement et sans risque du fruit des efforts de toute nature, de la notoriété et des investissements d'autrui ;

Qu'il appartient à celui qui se prévaut de parasitisme au regard de similitudes manifestes des produits litigieux, de démontrer les détournements des investissements ou de la notoriété ;

Mais considérant qu'en l'espèce l'usage du logo identique n'est nullement démontré, que la représentation d'un escalier n'est pas susceptible d'être protégé au titre de la propriété intellectuelle, que sa stylisation est très différente entre les deux sociétés, ainsi que cela résulte des représentations versées aux débats, que la captation parasitaire n'est pas établie ;

Qu'il y a lieu de débouter la société LED de sa demande à ce titre ;

Sur la désorganisation du cabinet :

Considérant que la société LED n'établit pas la désorganisation alléguée, ni surtout qu'elle soit imputable à la société AvenirDirigeant ;

Qu'à l'égard d'AL Avenir, la demande de la société LED n'est motivée par aucun autre élément que ceux relatifs au préavis, ayant fait l'objet des motifs ci-dessus rappelés ;

Qu'il y a lieu, par motifs propres, de confirmer la décision des premiers juges sur ce point ;

Sur les demandes en paiement de factures :

Considérant qu'au vu des pièces versées aux débats, les sommes réclamées par la société LED au titre de prestations de coaching et de training ne sont justifiées par aucune pièce comptable probante, aucune facture ni aucune demande en paiement, le tableau versé aux débats n'indiquant aucune somme due et ne permettant aucun rapprochement avec une quelconque demande ;

Que la décision des premiers juges, non motivée sur ces points, sera infirmée, ainsi que la compensation ordonnée, qui n'a pas lieu d'être ;

Considérant que les factures émises par AL Avenir et VersoRecto, non contestées avant les mises en demeure de payer, et correspondant, selon les échanges de mails intervenus, à des prestations effectuées par chaque consultant au titre du contrat de partenariat doivent être réglées pour les sommes correspondantes ;

Qu'en effet, la société LED qui soutient que ces prestations auraient déjà été réglées, a la charge de rapporter la preuve de ce paiement, ce qu'elle ne fait pas ;

Qu'il y a lieu par conséquent de confirmer la décision des premiers juges qui a fait droit à la demande en paiement des factures d'AL Avenir et VersoRecto ;

Sur les demandes reconventionnelles :

Considérant qu'il n'est pas établi que le déménagement de la société AvenirDirigeant au 6 rue de Téhéran soit dû à l'insistance de la société LED, dont il n'est au surplus pas établi qu'une telle demande ait été faite et soit fautive ;

Que la déstabilisation alléguée n'est pas démontrée ;

Qu'il s'agit d'un milieu très concurrentiel dont les dirigeants des sociétés LED, AvenirDirigeant, AL Avenir et VersoRecto connaissent les rouages ;

Qu'aucune faute n'est établie à l'encontre de l'un d'entre eux ;

Qu'il y a lieu de confirmer la décision sur ce point ;

Considérant que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, qu'aucune démonstration n'est faite à l'appui de cette demande ;

Qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise sur ce point ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles et qu'il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que la décision des premiers juges sera infirmée sur ce point;

Que la charge des dépens sera laissée à la société L'Espace Dirigeants qui succombe ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, rejette la demande d'écarter des débats les pièces n°12 et 35 et les demandes d'indemnisation pour violation du secret des correspondances formulée devant la cour, infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a : condamné la société L'Espace Dirigeants à payer à la société AL Avenir la somme de 23 220 euros au titre du paiement des factures impayées ; condamné la société L'Espace Dirigeants à payer à la société VersoRecto Consulting la somme de 3 600 euros au titre du paiement de facture impayée ; condamné la société L'Espace Dirigeants aux dépens ; Statuant à nouveau, déboute les sociétés Al Avenir et VersoRecto Consulting du surplus de leurs demandes, déboute la société AvenirDirigeant du surplus de ses demandes, dit n'y avoir lieu à indemnisation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société L'Espace Dirigeants aux dépens.